L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006( Télécharger le fichier original )par Corneille YAMBU -A- NGOYI Université de Kinshasa - DES 2005 |
§2. Impact de la constitution du 24 juin 1967 sur le sort de l'Etat.Dans un premier temps la réorganisation du pouvoir par la nouvelle constitution eut un effet bénéfique sur la reconstruction de débris du territoire congolais et la réunification de ses tribus ou populations disloquées. L'autorité de l'Etat se trouvait rapidement rétablie. A ce sujet, Ndaywel parle d'un nouvel ordre national et de l'invention de la société congolaise contemporaine399(*). Administration fut restructurée et réorganisée, les contradictions au sommet de l'Etat disparurent. Dans un deuxième temps la croissance concomitante des structures étatiques renaissantes et structures partisanes engendrèrent une dichotomie difficile à gérer qui aboutit à la loi n° 078-010 du 15 février 1978 portant révision de la constitution, laquelle fit du MPR l'unique « institution » en République démocratique du Congo400(*) comme si cela ne suffisait pas à assouvir la soif du pouvoir et la contemplation de la grandeur de son parti, le Président de la République procédera à des révisions constitutionnelles de 1980 et de 1982 qui aboutiront à la fusion Etat - Parti. Cette notion de Parti - Etat pose comme le professeur Djelo l'a démontré la problématique du rôle dirigeant du parti. Selon la décision d'Etat du comité central du MPR du 1re avril 1966 relative au rôle dirigeant du Parti, Le Parti - Etat signifie : 1°. « Le MPR commande et oriente l'Etat qui est devenu son instrument pour la réalisation de ses objectifs » ; 2°. « Rien de ce qui touche à la vie de la nation ne doit échapper à l'autorité du MPR. ; 3°. « Il ne peut y avoir dichotomie ni opposition entre l'Etat et le MPR »401(*). L'auteur note que ces affirmations sans détours dévoilent au grand jour le malaise qui, au Zaïre, émaille de bout en bout la cohabitation de l'Etat et du Parti à travers les tentatives jusque là apparemment infructueuses pour le MPR, d'assujettir l'Etat. le centre d'intérêt de nos analyses étant l'observation des effets de l'institutionnalisation du pouvoir sur l'éclosion de l'Etat, il nous revient de schématiser notre pensée quant à l'impact de la constitution du 24 juin 1967 sur la formation de l'Etat congolais dans deux axes : le mythe de la renaissance de l'Etat congolais, la sublimation du parti unique et l'effondrement de l'Etat. I. Mythe de la renaissance de l'Etat congolais.L'élaboration de la constitution du 24 juin 1967 ainsi que les multiples révisions issues de l'esprit fertile du Président Mobutu ont joui d'un contexte historique et social propice. En effet, au lieu des oppositions internes chroniques et des guerres fratricides sans issues, le peuple lassé reçu le coup d'Etat de novembre 1965 avec soulagement et espoir. Son auteur se présenta en homme potentiel qui réussit à reconquérir le territoire national et à réunifier le peuple. 1. Reconquête du territoire.Nous avons vu que de 1960 à 1965, le territoire du Congo morcelé entre plusieurs forces ne se posait guère en condition favorable à l'existence de l'Etat, avec Mobutu, il va en être autrement. Dès la prise du pouvoir en 1965, le Président Mobutu se préoccupa de réorganiser l'Armée. Celle-ci avait non seulement gonflé les effectifs mais aussi acquis un nouveau matériel. Elle procéda à la formation. La création du centre d'entraînement de Kitona (CEKI) et du centre d'instruction des Parachutistes (CIP) qui deviendra plus tard le centre d'entraînement des troupes Aéroportées (CETA) et le renforcement de l'unité commandement de l'Armée, aurait permis au Congo d'avoir à l'époque une force de frappe dissuasive et même défensive tant à l'égard des perturbateurs internes que ceux opérant à partir de pays voisins. La réorganisation militaire n'eut pas pour unique objectif de défendre le territoire national mais surtout et plus de protéger le guide et le MPR402(*). Avec le Président Mobutu lui-même comme commandant suprême des forces armées et Ministre de la défense, l'Armée structurée en quatre forces403(*) fut déployée sur l'ensemble du territoire national, repartie en « Région » et « circonscription militaire ». En vue de garantir l'ordre et la sécurité sur toute l'étendue de la République d'autres corps et services furent créés notamment : le CADER (Corps des Activistes pour la Défense de la Révolution) créé au sein de la JMPR (Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution), la garde civile, le service d'Action et de Renseignement Militaire (SARM), la Maison Militaire du Chef de l'Etat et une Division Spéciale Présidentielle (DSP). Sur le plan de la sûreté nationale, il y eut également une évolution remarquable. Le seul service existant en 1965 devint le Centre National de Documentation, puis fut scindé en trois parties : Agence Nationale de Documentation (AND) s'occupant du réseau intérieur, le Service National d'Intelligence (SNI) pour le réseau extérieur et le Conseil National de Sécurité (CNS) coordonnant les deux autres et coordonné par le Conseiller Spécial du Chef de l'Etat404(*). Les agents de service de sécurité et d'ordre déployés à tous les niveaux prévenaient toute velléité de contestations. On pouvait bien espérer que la paix était acquise pour longtemps et que le Congo renaissait de ses cendres. Du moins jusqu'à la veille de les deux guerres du Shaba405(*) ce fut chose faite sur le plan de l'organisation territoriale et administrative qui fut aussi un facteur important de l'unification du peuple congolais. * 399 Après la consécration du MPR comme seule institution par la loi constitutionnelle n° 078-010 du 15 février 1978, le Président fondateur, Président de la République devint encore de plus en plus puissant. * 400 Article 32 de la loi constitutionnelle 078-010 du 15 février 1978. * 401 Djelo (E.O.), op.cit, p. 85. * 402 Prendre connaissance du serment des troupes Kamanyola, élargi à l'ensemble de l'Armée « Makila na biso, mpo na Mobutisme, mpo na guide, vive le guide, vive le Président - Fondateur, vive le Zaïre » (Notre sang sera versé pour la patrie, pour le Mobutisme, pour le guide, vive le guide, vive le Président - Fondateur, vive le Zaïre). * 403 Force Terrestre, Force Nationale, Force Aérienne et Gendarmerie Nationale. * 404 Ndaywel, op.cit, p. 686. * 405 Shaba I. Shaba II. |
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