L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006( Télécharger le fichier original )par Corneille YAMBU -A- NGOYI Université de Kinshasa - DES 2005 |
L'on peut considérer que le Président Mobutu avait très bien compris la difficulté de cohabitation entre « son pouvoir » et l'existence d'un régime parlementaire avec un pouvoir législatif aussi fort. De même il ne pouvait bien évoluer dans son désir d'un pouvoir fort avec un exécutif bicéphale. On peut considérer que l'Ordonnance présidentielle déchargeant le Colonel Mulamba de ses fonctions de Premier Ministre fut l'instauration d'un régime présidentiel qui virera au présidentialisme386(*). Il faut rappeler que malgré le fait par le haut commandement des Forces Armées congolaises d'accepter le maintien des institutions de l'ancien régime dans le message annonçant le coup d'Etat387(*), et le fait que tirant profit de l'article 59 de la constitution du 1er août 1964 pour communiquer avec le parlement par un message388(*), et faire légitimer son coup d'Etat par les chambres, Mobutu ne s'est pas moins démarqué de la volonté du Haut Commandement. Dans son message389(*) il suspendait complètement la même constitution pour une durée de cinq ans. Le 30 novembre 1965, cinq jours seulement après le coup d'Etat, le Président Mobutu prit l'ordonnance n° 7 en vertu de laquelle il s'accorda des pouvoirs spéciaux en laissant la possibilité d'une garantie de contrôle du Parlement qui gardait le pouvoir d'abroger « par un acte législatif les ordonnances-lois prises en vertu des pouvoirs spéciaux390(*). Après quelques expériences amères à la suite desquelles, les chambres du Parlement usant de cette prérogative bloquèrent les décrets présidentiels déposés devant elles, le Président décida de se passer du Parlement pour ses actes. Il prit l'ordonnance loi n° 66/92 bis du 7 mars par laquelle il s'attribua le pouvoir législatif qu'il exercera par ordonnance-loi transmise à la chambre des députés et au sénat simplement à titre d'information. En même temps l'ordonnance loi du 30 novembre 1965 lui accordait les pouvoirs spéciaux. Quelques mois plus tard, le 21 octobre 1966, le pouvoir législatif est remis au Parlement en vertu de l'ordonnance loi n° 66/621. Mais le Président s'autorisa à prendre par ordonnance loi toutes mesures qui, d'après la constitution sont du domaine de la loi, en cas d'urgence l'ordonnance loi n° 66/92 bis du 7 mars 1966 fut abrogée. Il importe de noter que le Président Mobutu, investit lui-même d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation des cas « d'urgence » lui donnant droit de « légiférer ». Aspirant de plus en plus à un pouvoir sans concurrent, le Président Mobutu travaillera à fond pour noter des mécanismes politiques, juridiques et de terreur pour asseoir un pouvoir despotique et tyrannique habillement maquillé par un sous bassement constitutionnel. Aussi dans son discours du 27 juin 1967 il annonça la dissolution du Parlement. Il faudra attendre les élections législatives de décembre 1970 pour la mise en place de la nouvelle Assemblée391(*). Il est utile de noter que durant toute la période de son règne, le Président Mobutu ne s'est pas accommodé à un pouvoir législatif contestataire. Usant de tous les moyens, pour affaiblir le Pouvoir législatif, il a renforcé le pouvoir exécutif à outrance. * 386 Ordonnance n° 66/612 du 26 octobre 1966 (ACP 26 octobre 1966, Congo 66, p. 22.) * 387 Le 4è point stipulait que les institutions démocratiques de la République telles qu'elles sont prévues par la constitution du 1er août 1964 continueront à fonctionner et à siéger en exerçant leurs prérogatives ; tel est notamment le cas de la chambre des députés du sénat et des institutions provinciales ». * 388 L'article 59, alinéa 1. * 389 Adressé au Parlement le 25 novembre 1965. * 390 Alinéa 2 et 3 de l'ordonnance loi n° 65-07 du 30 novembre 1965. Lire utilement Lumanu M.B.S., op.cit, p. 367 ; Djelo (E.O.), l'impact de la coutume en Afrique noire, le cas du Zaïre, Bruxelles, Bel Elan, Editeur, 1990, p. 59. * 391 Lumanu B.S, op.cit, p. 367. |
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