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L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006

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par Corneille YAMBU -A- NGOYI
Université de Kinshasa - DES 2005
  

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Section 2. Formation extra juridique de l'Etat.

Il y a bien une tendance à rejeter hors du droit la formation de l'Etat150(*). On parle alors du fondement extra-juridique de l'Etat151(*).

Il n'est pas étonnant qu'il en soit ainsi dès lors que presque toutes les branches des sciences sociales semblent intéressées par la question de la genèse de l'Etat. Historiens, sociologues, juristes, philosophes en revendiquent l'examen à titre égal. D'où la multiplicité des solutions proposées. Dans une approche théorique, nous jugeons utile de présenter les thèses contraires à celles qui venaient d'être exposées sur le fondement juridique en vue d'un débat plus élevé sur la question de l'existence ou non de l'Etat et de son application pratique en Afrique subsaharienne. Nous rappelons que cette question est fondamentale car préalable aux différentes pistes de solutions. Pour revenir aux auteurs qui envisageaient l'Etat comme un phénomène soustrait à toute qualification juridique, ils affirment que l'Etat est le naturel produit spontané des forces qui ont contribué à la cohésion du groupe et de sociabilité qui incitent les hommes à vivre en communauté152(*). Beaucoup d'auteurs se rallient à cette thèse153(*). Il convient de signaler la distinction que fait Bluntschli, entre les modes originaires de formation de l'Etat et les modes secondaires et dérivés ; les seconds ne concernent que les Etats composés, Etats fédéraux ou fédérations. Pour les premiers, il fait monter leur origine aux temps les plus anciens puisqu'il évoque la fondation de Rome et l' « Etat » juif de la Bible.

Quant à Maurice Hauriou dont nous avons déjà parlé, Burdeau estime que sa théorie doit être rattachée aux thèses du fondement extra - juridique de l'Etat car d'après Georges Burdeau, il rattache la formation de l'Etat à un phénomène naturel154(*) qui est le consentement coutumier. Dans l'appréciation de l'oeuvre de Hauriou, Georges Burdeau observe que comme ce consentement ne peut apparaître que dans un groupe déjà unifié, le phénomène historique capital dans la genèse de l'Etat est la formation ethnique d'une communauté nationale. A ce propos, Burdeau observe qu'il existe pourtant une imprécision dans l'attitude d'Hauriou à cet égard car il semble également admettre à l'origine de l'Etat, un acte juridique de la nature de fondation. Burdeau pense que ce flottement dans sa doctrine est dû à ce qu'Hauriou ne parvient pas à prendre définitivement parti entre le point de vue historique et le point de vue juridique de l'origine de l'Etat.

Pouvons-nous penser que c'est ce flottement qui déroute au point que certains auteurs comme le professeur Mpongo, E., classe la théorie de la fondation et l'institution dans la catégorie du fondement juridique155(*) tandis que d'autres comme le professeur Ntumba Luaba la place dans la rubrique du fondement extra - juridique de l'Etat ?156(*). Pour nous, comme on peut le constater, nous estimons que l'institution, la fondation ou l'entreprise n'est possible que par le droit. C'est pourquoi la théorie de Maurice Hauriou est reprise dans les thèses de la formation juridique de l'Etat.

On regroupe les thèses non conventionnelles de la fondation de l'Etat ou les théories extra - juridiques de l'Etat en trois : la théorie du fondement sociologique, la théorie de la création de l'Etat en dehors du droit, la théorie marxiste du fondement de l'Etat et le positivisme juridique.

§1. La théorie du fondement sociologique et du conflit.
I. Exposé de la théorie.

De Polybe à Duguit157(*) beaucoup d'auteurs ont cru trouver l'explication de la genèse du phénomène étatique dans un Etat de chose résultant d'un conflit qui, à un moment de l'histoire, aurait opposé les groupes primitifs158(*). L'école du conflit est défendue par les sociologues et les historiens qui considèrent que la formation des Etats est le résultat tantôt de la conquête, tantôt de l'hétérogénéité culturelle dans une aire géographique d'une certaine étendue, tantôt des tensions politiques entre tribus ou gens antiques et vivant primitivement, en bonne intelligence159(*). Dans son ouvrage intitulé « Anthropologie politique paru en 1967 », Georges Balandier160(*) soutient que la formation des Etats est le résultat d'un processus naturel souvent violent, quelque fois pacifique, mais en tout cas, l'idée de l'Etat n'est pas le moteur de l'action.

De manière accessoire, les partisans de la théorie du conflit voient, dans l'institution du droit de propriété le résultat de la conquête, car c'est lui qui, d'une part, affirmé au profit des vainqueurs, sanctionne leur suprématie et, d'autre part, donne au travail auquel est obligée la race asservie, sa signification économique comme facteur de l'interdépendance sociale161(*).

A travers diverses nuances, la doctrine du conflit conserve un fond commun dans l'affirmation que l'Etat est le résultat d'une stratification provoquée dans une collectivité par la différenciation entre une classe supérieure ou gouvernante et une classe inférieure ou gouvernée162(*).

Oppenheimer, un des théoriciens les plus autorisés de l'école du conflit montre en effet que le point essentiel de la doctrine c'est la négation de toute possibilité d'expliquer l'Etat par la stratification sociale qui se produirait à l'intérieur d'un groupe unique d'individus « libres et égaux ». Pour lui, il faut des vainqueurs et des vaincus, l'Etat étant alors la constitution sociale ayant pour but d'assurer la domination des gouvernants contre les révoltes de l'intérieur et les attaques du dehors163(*).

Donc, après toutes ces précisions, la conception du conflit peut reposer sur une trilogie. D'abord tout Etat est un Etat de classe, ensuite l'origine de l'Etat, résultant de la différenciation de fait entre deux groupes d'individus, ne saurait être expliqué juridiquement ; enfin c'est l'organisme étatique qui par l'établissement d'une hiérarchie, crée l'unité sociale du groupe vivant dans les limites territoriales de l'Etat, la communauté ne précède pas l'Etat.

* 150 Burdeau, G., po.cit., p. 8.

* 151 Mpongo, E., op.cit., p. 66.

* 152 Burdeau,G., op.cit., p. 8.

* 153 Idem. Burdeau, cité parmi les plus remarquables : Gierke, Die Grundbergriff des Staatsrechts, Zeitsehr, Fiir die Gesammte Reichtswissenchaft, T. XXX, p. 170; N.M. Korkounov, Cours de théorie générale du droit, trad. Larnaude, 1903, p. 356 ; Orlando, (V.E.), Précis de droit public et constitutionnel, Trad. Franç., 1902, p.p. 29-33 ; Jellinek, l'Etat moderne et son droit, Trad. Franç. T. I, 1911, p. 218; Michaud(L.), la personnalité morale, 2è éd., T. I, p.p. 289 et suiv. ; Esmein, Eléments de droit constitutionnel, 7è éd., 1921, T. I, p. 2, Erich, (R.), la naissance et la reconnaissance des Etats, Académie de droit international, recueil des cours, T.13, 1926, III, p. 442 ; Dabin, (J.), philosophie de l'ordre juridique positif, 1929, p. 187, note1, doctrine générale de l'Etat, trad. Franç., 1877, p.p. 229 et suiv. ; Bluntshili, théorie générale de l'Etat, 1877, p.p. 229 et suiv.

* 154 Ibidem,

* 155 Mpongo, E., op.cit., p. 65.

* 156 Ntumba Luaba, op.cit, p. 27.

* 157 cité par Burdeau, (G.), op.cit., p. 10.

* 158 Idem.

* 159 Mpongo, E., op.cit., p. 68.

* 160 Idem

* 161 Novicow, Les luttes entre sociétés humaines, 1893, p. 82, cité par Burdeau, G., p. 11.

* 162 Oppenheimer, (R.), l'Etat ses origines, son évolution et son avenir, trad. Franç., 1913, p.p. 11-58, 118, cité par Burdeau, (G.), Idem.

* 163 Oppenheimer, (R.), l'Etat ses origines, son évolution et son avenir, trad. Franç., 1913, p.p. 11-58, 118, cité par Burdeau, (G.), Idem.

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