L'institutionnalisation du pouvoir et l'émergence de l'état en République Démocratique du Congo : 1960-2006( Télécharger le fichier original )par Corneille YAMBU -A- NGOYI Université de Kinshasa - DES 2005 |
§2. La théorie du contrat politique de John Locke.I. Exposé de la théorie.John Locke (1632 - 1704) s'efforce d'expliquer le pouvoir politique, partant de l'Etat de nature à la société civile. Dans « essais sur le pouvoir civil », John Locke dit que pour bien comprendre ce qu'est le pouvoir politique et pour remonter à sa source, il faut considérer l'Etat dans lequel tous les hommes se trouvent naturellement : c'est un état de parfaite liberté, là ils règlent leurs actions et disposent de leurs biens et personnes ; ils l'entendent dans les limites de la loi naturelle, sans demander d'autorisation, ni dépendre d'aucune autre volonté humaine, c'est aussi un état d'égalité, dans lequel tout pouvoir et toute juridiction sont réciproques, personne n'en ayant plus qu'un autre...127(*). Il enchaîne qu'il n'y a de société politique que là et là seulement où chacun des membres a renoncé à ce pouvoir naturel, et l'a cédé à la communauté pour tous les cas où il ne lui est pas possible de recouvrir à la loi établie par elle.... c'est ainsi que l'Etat en vient à détenir le pouvoir de fixer le châtiment dont il juge convenable de sanctionner les différentes transgressions commises parmi les membres de cette société, ce qui constitue le pouvoir de faire des lois : il possède en même temps celui de venger le tort fait à l'un de ses membres par quelqu'un qui ne l'est pas, c'est le pouvoir de paix et de guerre.... En conséquence, chaque fois qu'un certain nombre d'hommes, s'unissant pour former une société, renoncent, chacun pour son compte, à leur pouvoir de faire exécuter la loi naturelle et le cèdent à la collectivité, alors et alors seulement naît une société politique ou civile.... Les hommes sortent donc, de l'Etat de nature et forment une société civile, lorsqu'ils instituent un juge qui ait autorité pour régler les litiges et réparer les torts susceptibles d'être faits aux membres de celle-ci.... Il est clair, dès lors que la monarchie absolue, considérée par certains comme le seul gouvernement au monde, est en fait incompatible avec la société civile, et qu'elle ne peut même pas, par suite, constituer une forme de pouvoir civil128(*). Poursuivant son analyse, Locke explique que dans une société civile personne ne peut se soustraire aux lois qui la régissent. Il montre que grâce au consentement de chaque individu, ils ont formé une communauté, en constituant du même coup, celle-ci en un corps, avec le pouvoir d'agir comme un seul corps, et que cela n'est possible que par la volonté et la décision de la majorité de ses membres129(*). Les membres de la communauté conviennent ainsi de former un corps politique soumis à un gouvernement, chacun s'engage, vis-à-vis de chaque membre de cette société, à se soumettre à la décision de la majorité et à se laisser diriger par elle. Il faut voir ici, une délégation de pouvoir résultant de la simple convention de former une société politique qui constitue l'unique contrat nécessaire des individus entrent dans un Etat ou en créent un nouveau. Plus que Hobbes et Rousseau, Locke procède, d'après nous, à une analyse mieux étoffée en ce qu'elle permet une compatibilité entre le processus de la formation de l'Etat société politique ou civile et le concept de liberté. Il émet des hypothèses théoriques qui nous semblent bénéfiques dans l'appréciation du processus de formation des « Etats africains » et surtout de l'«Etat » au Congo-Kinshasa. Il est important de saisir toute la partie de ce qu'il dit ailleurs : « ainsi ce qui donne naissance à une société politique, ce qui l'institue effectivement, n'est autre chose que le consentement par lequel un certain nombre d'hommes libres, prêts à accepter le principe majoritaire, acceptent de s'unir pour former un seul corps social. C'est cela et cela encore qui pourrait donner naissance à un gouvernement légitime »130(*). En résumant la théorie de Locke, il y a lieu d'établir un rapport entre le contrat social et le contrat politique. Ainsi, le contrat social serait une entente entre les futurs sujets de l'Etat se mettant d'accord, à un moment donné, pour abandonner leur liberté et établir, au dessus d'eux, le pouvoir politique, ce qui est malaisé à croire. Le contrat politique serait au contraire, seulement un accord entre personnages ou corps politiques constituant déjà des cadres sociaux de la nation ou des organisations sociales antérieures à l'Etat, qui s'entendent pour établir un pouvoir politique, central et créer un Etat131(*). * 127 Locke, (J.), Essais sur le pouvoir civil, 1960, trad. Fyot, Paris, PUF, 1953, p.p 63 et s. * 128 Locke, J., op.cit., p.p. 63 et s. * 129 Idem. * 130 Locke, J., op.cit., p.p. 63 et s. * 131 Mpongo. E., op.cit., p. 62. |
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