La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois( Télécharger le fichier original )par Ulrich DJIVOH Université d'Abomey-Calavi - DEA en droits de la personne humaine et démocratie 2009 |
Paragraphe 2 : Une irresponsabilité pénale de faitDans la pratique judiciaire qu'elle soit béninoise ou française, le constat est l'irresponsabilité de fait des juges. Ceci amène à s'interroger sur les causes d'une telle irresponsabilité de fait constatée(A) et à défendre l'idée d'une infraction de partialité à ériger en principe légal (B) A) Une irresponsabilité de fait constatée Les condamnations pénales prononcées sur le trafic d'influence, la corruption demeurent très rares en droit français. Ces condamnations pénales sont aussi rares en droit béninois surtout lorsque le chef de poursuite est la partialité du juge béninois. En effet, même, lorsque la preuve de la corruption ou du trafic d'influence est faite, seules les poursuites disciplinaires ont été engagées contre le juge auteur de faits répréhensibles271(*). Même dans les cas relevés au Bénin, les sanctions disciplinaires sont pour la plupart liées aux cas de corruption. Les infractions pénales, en la matière, bien qu'ayant été établies, ont vu leurs auteurs soustraits à l'application de sanctions pénales. Ainsi bien qu'il existe des cas où des poursuites ont été déclenchées, les prononcées de condamnations pénales des juges sont quasi-inexistantes272(*). Un premier obstacle que rencontre le justiciable dans la mise en oeuvre de la responsabilité du juge, et causant son irresponsabilité est la difficulté de prouver qu'il a eu partialité, ainsi que la crainte révérencielle qu'ont les justiciables envers l'autorité judiciaire, dans un tel exercice. En effet, le législateur a consacré le principe suivant lequel le juge doit être préservé contre des actions intempestives de plaideurs animés des sentiments d'hostilité de haine et de vengeance. De plus la peur du juge de voir sa responsabilité engagée, ne doit pas l'emmener à apaiser le justiciable, en rendant une décision qui lui est favorable. Par conséquent, il fallait éviter une partialité imposée. La multiplication des condamnations pénales porterait atteinte à la légitimité même du pouvoir judiciaire, et mettrait en péril l'ordre public273(*). En visant de tels buts, il semble bien que le régime de responsabilité instauré, a atteint son objectif en sacralisant une crainte révérencielle qui ne s'amenuise point dans l'esprit des justiciables. Mais dans le même temps, il entraîne une rareté de condamnations pénales, qui témoigne bien de l'échec des sanctions pénales et du rôle préventif assigné à toute peine274(*). Il est important de spécialiser la répression de la reddition de décisions partiales de justice, et d'insuffler à un tel régime de responsabilité, un air d'autonomie et d'efficacité, nécessaire pour réprimer une telle faute. En effet, le fait de l`inscrire dans le même moule que les crimes de grande envergure, nécessitant de vives tollés, amenuise dans l'esprit du justiciable le fait pour le juge d'avoir été partial. La preuve en est établie, s'il faut comparer « une quelconque affaire » de partialité directement étable, à une affaire telle les frais de justice criminelle au Bénin, l'affaire la plus vive et récente dans les esprits au Bénin, sans doute à cause de l'ampleur, des vives tollés suscités et du nombre impressionnant de magistrats impliqués275(*). « Plus d'une vingtaine de magistrats béninois, avaient été poursuivis et mis sous mandats de dépôt dans une procédure de faux et usage de faux en écritures publiques et de détournements de deniers publics issus des frais de justice criminelle en complicité avec des comptables publics, une vingtaine de receveurs des finances et de receveurs percepteurs »276(*). La plupart des magistrats ont été condamnés par la Cour d'Assises qui a prononcé à leur égard des sanctions pénales277(*).La poursuite et le prononcé de condamnations contre ses collègues peut paraître difficile et délicat. S'il faut à chaque fois des procédures de telles envergures et appliquer plus ou moins les mêmes peines pour une corruption à grande échelle et un parti pris en raison de liens d'amitiés, la dissuasion s'établirait très vite dans l'esprit du justiciable. Par conséquent, il est impérieux d'ériger un régime de responsabilité spécifique lié à l'infraction de partialité. B) Une infraction de partialité à ériger en principe légal Il doit être établi en droit pénal spécial béninois, une infraction de partialité des juges. Il s'agit ici d'établir un régime de responsabilité spécifique à la reddition par tout juge d'une décision de justice partiale. Il faut donc établir une incrimination et en prévoir des sanctions adéquates liées à la gravité de l'acte. Il ne s'agit plus de faire planer sur une telle infraction, des incertitudes quant à la sanction à appliquer, mais d'appliquer une sanction, mesure de l'infraction et non noyée dans un régime de droit commun de toute infraction commise par un fonctionnaire public. Il s'agira dans un premier temps, d'établir une existence, à l'infraction, aux travers d'éléments légal, matériel et intentionnel, comme toute infraction de droit commun. Ainsi, l'infraction de partialité doit obéir au principe de la légalité des délits et des peines. Ceci impose au législateur de prendre un texte spécifique posant l'incrimination. Ainsi tout juge qui dans sa mission de juger rend une décision par laquelle il donne une forme solennelle à un préjugé ou un parti pris doit être réprimé et peut se voir infliger des sanctions spécifiques légalement prévues. L'élément matériel de l'infraction doit être constitué par l'existence de la décision, dont la partialité est à établir. L'élément intentionnel doit consister, plus spécifiquement en un dol spécial, tenant dans le caractère délibéré du mal jugé, qu'est le mobile de l'acte. Il peut s'agir entre autres du sentiment d'amitié d'inimitié ou d'hostilité qu'un juge a envers une partie. En marge de la responsabilité pénale, celles civiles et disciplinaires ne sont pas moins exemptés de difficultés. * 271 AHOUANDJINOU (G.C.) op. cit., p 35 * 272 JOSSERAND (S), l'impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, LGDJ, 1998 p 555 * 273 JOSSERAND (S),op. cit., p 556 * 274 ibidem * 275AHOUANDJINOU (G.C.), op. cit., p 36 * 276 Ibidem * 277 Arrêt de condamnation n°15/02004 du 04 juin 2004, cour d'assises du Bénin séant à Cotonou, cité par AHOUANDJINOU, op. cit., p36 |
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