La réalisation judiciaire du principe de l'impartialité du juge béninois( Télécharger le fichier original )par Ulrich DJIVOH Université d'Abomey-Calavi - DEA en droits de la personne humaine et démocratie 2009 |
B) Le pré-jugement né du cumul des fonctions du juge civilS'il parait plus simple d'appliquer le principe de séparation des fonctions judiciaires à la matière pénale, les choses sont plus diluées, moins palpables en matière civile70(*). La matière civile a ses spécificités, et ne connaît pas donc d'une manière tranchée et affirmée, le principe de séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement71(*), surtout qu'il n'existe pas de poursuites au sens du droit pénal en matière civile. En effet, les difficultés en matière civile proviennent d'un ensemble de constats. On assiste à l'abus de la transposition du vocabulaire répressif, à la matière civile ; parler d'instruction civile n'a pas la même portée que parler de la mise en état, et progressivement l'on glisse vers une confusion des notions, concepts, et principes propres à la matière civile72(*) . De plus, pour une partie de la doctrine inspirée par le professeur GUINCHARD, le cumul de fonction en matière civile n'est pas systématiquement synonyme de partialité. Il ne s'agit pas comme en matière pénale de s'assurer d'un double ou triple regard objectif sur un dossier, mais de permettre à l'un des juges d'avoir une connaissance approfondie du dossier73(*). Il parait donc opportun de se poser la question de savoir, si une garantie fondamentale comme l'impartialité emporte la nécessité de fragmenter le procès civil, par attribution successive des diverses tâches à des juges différents74(*). Il faudra donc apprécier chaque mesure prise par le juge civil, au cas par cas, même si d'avance, il n'existe pas de solution uniforme et dogmatique pour chaque espèce75(*). Étudier la question de l'impartialité en matière civile, revient à prendre en compte toutes les catégories de pouvoirs qui sont ou peuvent être attribuées au juge civil, au cours de l'instance, et d'établir si l'exercice de l'un de ces pouvoirs est à même d'altérer la situation d'impartialité dans laquelle le juge doit se trouver constamment, à tel point d'en imposer la substitution pour la continuation du procès, sous peine de nullité de tous les actes successifs du même juge76(*). En s'interrogeant donc sur les pré-jugements pouvant être nuisibles à l'impartialité du juge civil, il sera important de distinguer entre les situations où il existe différents degrés de juridiction, et l'hypothèse où le parcours procédural s'articule en plusieurs phases pour satisfaire à des exigences de nature conservatoire, anticipatoire ou d'instruction77(*). Il peut, par exemple se poser le problème de l'aptitude du juge du provisoire à siéger au fond. A titre de principe, le juge peut exercer dans la même affaire et sans que son impartialité objective puisse être mise en doute, les fonctions successives du juge du provisoire et de juge du fond78(*). Du moins ceci ne sera possible, que lorsqu'il se borne à prescrire une mesure préparatoire ou purement conservatoire, telle une autorisation de pratiquer une saisie conservatoire. Sa décision dans ce cas reste exempte de pré-jugement79(*). Il faudra en droit positif béninois distinguer selon que la mesure soit prise par le président du tribunal en vertu du référé de l'article 806 du CPC, ou du référé de l'article 49 de l'AU/PSR-VE80(*). Par ailleurs, parce qu'il « entre dans la mission du juge de concilier les parties »81(*), il peut se poser la question du cumul de la fonction de conciliation à celle de juridiction. Le problème ne se posera que lorsque le juge conciliateur, en cas d'insuccès de la conciliation devra conduire l'instance au fond82(*). Le doute de partialité ne sera justifié que lorsque la conciliation apparaît comme étant « imposée »83(*), à l'une des parties, dans l'exercice d'une prétendue fonction « tutélaire » du juge en faveur de la partie « faible »84(*). Mais au delà de tout ceci, il n'en demeure pas moins que tout cumul des fonctions de justice induit l'apparition d'un pré-jugement nuisible à la manifestation de l'impartialité du juge. Le pré-jugement jusque là stigmatisé est considéré comme nuisible car, il trouve en la seconde mission une occasion d'exprimer ce préconçu. Il en résulte que lorsque la seconde mission n'offre pas la possibilité d'instrumentaliser ce préconçu, celui-ci parait non dangereux pour la décision à intervenir. C'est peut être ce qui a poussé la jurisprudence à parler dans un pareil cas de pré-jugement inoffensif. * 70 GUINCHARD (S.), « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit fondamental », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p 31 * 71 GUINCHARD (S.), op. cit., p 32 * 72 GUINCHARD (S.), op. cit., p39 * 73 GUINCHARD (S.), op. cit., p 40 * 74 TARZIA (G.), « L'impartialité du juge et le procès équitable à la lumière de la constitution italienne », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p110 * 75 GUINCHARD (S.), op. cit., p39 * 76 TARZIA (G.), « L'impartialité du juge et le procès équitable à la lumière de la constitution italienne », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Étude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p110 * 77 SALETTI (A.), « La connaissance anticipée du litige et l'impartialité du juge du fond », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Étude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p127 * 78 NORMAND (J.), « L'impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Étude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p 76 * 79 ibidem * 80 Le président du tribunal est le juge des référés. Il statue en vertu de l'urgence et prescrit toute mesure conservatoire, car il ne peut en vertu de l'article 806 du CPC, préjudicier le fond de la cause qui lui est soumise. Ceci n'est pas le cas lorsqu'en tant que juge de l'exécution, il statue en vertu de l'article 49 de l'AU/PSR-VE sur toute difficulté d'exécution. Il peut donc préjudicier le fond de la cause qui lui est soumise. * 81 TARZIA (G.), op. cit., p 111 * 82 Ceci exclu en droit positif béninois, toute préoccupation pouvant être liée à la tentative de conciliation en droit du travail, opéré par l'inspecteur du travail, avant la saisine des juridictions, en cas d'insuccès. * 83 En matière de saisie des rémunérations, l'AU/PSR-VE, a prévu une tentative de conciliation obligatoire, à laquelle procède le président du tribunal (article 179 et 182). Le risque serait élevé, si encas d'insuccès, ce dernier était saisi en vertu de l'article 49 dudit acte uniforme, pour statuer sur les difficultés d'exécution. * 84 TARZIA (G.), op. cit., p 111 |
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