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Déclinaison de la politique de sécurité d'un groupe anglo-saxon dans une filiale française

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par Christophe PACHOUD
Université Paris V René DESCARTES - Master professionnel Ingénierie des risque sécurité-sàğreté 2010
  

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II Politique sécurité CROWN... contrôle et évaluation

Le but de ce présent chapitre sera d'évaluer l'efficacité des moyens de contrôles du groupe CROWN pour évaluer l'application et les performances des dispositions décrites dans le chapitre précédent. Par « moyens de contrôles », il faut comprendre le processus de suivi et d'évaluation du management de la politique sécurité dans les filiales du groupe visant à prendre des mesures correctives ou d'amélioration pour aider chaque entité à atteindre l'objectif.

D'après l'OHSAS 18001, pour surveiller et mesurer la performance des dispositions mises en oeuvre en matière de Santé & Sécurité au travail, chaque organisme doit prévoir :

- des mesures qualitatives et quantitatives appropriées à ses besoins,

- des mesures proactives des performances pour surveiller la conformité au programme (ou plan d'action) de management de la santé et la sécurité de l'entreprise,

- des mesures de performances réactives pour surveiller tout événement indésirable en matière de santé et de sécurité,

- la surveillance du niveau de réalisation des objectifs santé et sécurité.

Ainsi, chaque entité doit identifier des indicateurs clés pour mesurer ses performances en matière de santé et sécurité. Ces indicateurs doivent permettre de mesurer si la politique sécurité et ses objectifs sont atteints, si les mesures de maîtrise des risques sont mises en oeuvre et efficaces et si des retours d'expérience suite à un évènement indésirable sont organisés.

a) Contrôles réactif, proactif et d'amélioration : quand les résultats conduisent l'action

Pour assurer la mise en oeuvre de sa politique sécurité dans ses filiales, CROWN a établi un système de contrôle de 3 types : réactif, proactif et d'amélioration.

Le contrôle réactif est utilisé pour le suivi et l'analyse des accidents et des incidents, le contrôle proactif sert à vérifier que les actions définies pour réduire ou éliminer les risques d'accident sont bien menées et le contrôle d'amélioration concerne l'audit du système de management de la politique sécurité.

A l'instar des autres usines du groupe, CROWN BEVCAN France est soumise à un « reporting18(*) » accru en terme d'indicateurs d'activité et de performance dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.

Ce reporting périodique (mensuel, trimestriel, ...) ou ponctuel (suite à un évènement) englobe près d'une vingtaine d'indicateurs19(*), dit « KPI » (indicateurs points clés) à suivre et à reporter obligatoirement au contrôleur sécurité de la division européenne, chargé de recueillir et d'analyser les données de chaque usine pour ensuite établir un tableau de comparaison et de classement des usines de la division20(*).

q Mesure des performances sécurité par contrôle réactif

L'indicateur principal du groupe CROWN, le taux de fréquence21(*), est un indicateur de résultat directement lié à l'objectif zéro accident avec arrêt de travail.

L'évènement est considéré comme un élément majeur pour CROWN ; ainsi, lorsqu'un accident du travail survient dans une de ses entités telle que CROWN BEVCAN France, un processus de communication et de reporting doit être mis en oeuvre.

Lorsqu'un accident du travail a pour conséquence un arrêt de travail, un aménagement de poste de travail ou un soin extérieur à l'entreprise, l'événement doit être communiqué dans les plus brefs délais au niveau de la Division Européenne vers la direction des opérations industrielles et bien entendu à la direction du département santé & sécurité.

De tels événements doivent faire l'objet de reporting dans les 24 heures via intranet avec rapport, analyse et actions correctives.

Pour les accidents bénins n'ayant pas eu recours à des soins extérieurs et les presqu'accidents, le reporting est réalisé dans le mois de la survenance de l'évènement.

CROWN BEVCAN France attache tout autant d'importance au taux de fréquence des accidents. D'ailleurs, un critère d'intéressement des salariés est directement lié au résultat du nombre d'accidents avec arrêt de travail sur l'année concernée.

Toutefois, l'objectif de l'usine est différent de celui du groupe puisqu'il est basé sur une démarche d'amélioration par rapport aux résultats du site de l'année précédente.

Ainsi, l'objectif de la politique santé et sécurité interne à l'usine de Custines est de diminuer par 2 le nombre d'accidents avec arrêt de travail, soit 2 pour l'année 2010.

L'objectif est exprimé en nombre d'accidents plutôt qu'en taux de fréquence pour le rendre compréhensif de tous les salariés, un objectif différent pour le rendre plus proche de la réalité.

Cette différence, voir contradiction peut avoir des répercussions négatives dans le sens que l'objectif de l'entité est oublié au profit de celui du groupe et lorsqu'un évènement dommageable se produit (arrêt de travail), sa survenance inhibe tout effort d'amélioration réalisé.

« Le but de la gestion de la sécurité est un but, certes idéal, mais, dès le moment où le risque industriel nul n'existe pas, un but inaccessible. »22(*)

Gérer la sécurité, sous-entend qu'il faut réduire à un niveau acceptable (objectif) le risque lié à une situation de travail exposant à un danger potentiel.

Aussi, un objectif doit être cohérent avec un tel but et ne doit pas être irréaliste du type zéro accident.

Chez CROWN, l'indicateur de résultat de performance sécurité lié à l'objectif zéro accident peut être considéré plus comme un acte de management qu'un outil de suivi d'objectif.

Le risque d'un tel management est qu'il devienne un management de la crainte.

Le management par les résultats ou par les objectifs est un management sous tension qui peut être coupé de la réalité et par excès de pression empêcher le résultat escompté.

W-E Deming, auteur de théories sur le management, qui ont été reprises dans les systèmes ISO & OHSAS, s'adressait aux dirigeants d'entreprise :

« Faites disparaître la crainte pour que chacun puisse contribuer au succès de l'entreprise...Supprimez les exhortations, les slogans et les objectifs qui demandent aux employés d'atteindre le zéro défaut »23(*).

Toutefois, fixer des objectifs et vérifier leurs atteintes dans le temps est essentiel pour un système de management engagé dans une véritable démarche d'amélioration continue. Pour cela, il est nécessaire de se doter d'indicateurs pertinents pour que l`entreprise puisse maîtriser le suivi de sa politique sécurité et le déploiement efficace de ses objectifs.

Des indicateurs de résultat, taux de fréquence et nombre d'accident sont utiles pour un groupe tel que CROWN car il dispose de données statistiques suffisantes.

Par contre, étant des indicateurs « réactifs », ils peuvent entraîner des stratégies de prévention à court terme, voir des dérives telles que la sous déclaration des accidents et incidents.

D'autre part, les objectifs et leurs indicateurs de suivi doivent être adaptés à l'entité, partagés et connus de tous pour que chacun dans l'entreprise, quel que soit son niveau de responsabilité, puisse prendre des décisions et comprendre celles qui sont prises.

« Les indicateurs Santé & Sécurité au Travail n'ont de sens et d'intérêt que dans le cadre d'une recherche de consensus dans les domaines justifiant la mise en place d'outils de suivi et d'actions adaptées à chaque contexte particulier d'entreprise (taille, ressources, secteur d'activité, nature des risques) »24(*).

Et enfin, si les indicateurs de résultats sont nécessaires pour pointer nos actions vers l'objectif à atteindre et permettre de donner une indication pour mesurer une situation, évaluer un progrès, les indicateurs de moyens (contrôle proactif) sont utiles pour vérifier que le programme d'action santé et sécurité est mené dans de bonnes conditions.

q Mesure des performances sécurité par contrôle proactif

Ø Le premier reporting proactif est celui directement lié au contrôle réactif, c'est-à-dire

l'évènement non souhaité, l'accident.

Comme dit précédemment, chaque accident doit être reporté et analysé pour devenir ensuite un indicateur de performance (ou de non performance) pour les usines du groupe.

Chez CROWN BEVCAN France, tous les accidents, incidents et presqu'accidents sont analysés dans le but de recueillir des actions correctives, voir préventives.

Pour ce faire, l'entreprise utilise un document spécifique25(*) sur lequel sont renseignés les circonstances détaillées de l'évènement, l'analyse des faits, leurs classements par la méthode Hishikawa et les actions correctives ou préventives techniques ou humaines pour éviter qu'un événement similaire ne se reproduise.

Ce document est renseigné suite à une réunion d'analyse où sont présents la victime (lorsque cela est possible), un témoin, le manager de proximité de la victime, le responsable de production, le responsable maintenance, le responsable du service EHS et le directeur d'usine pour tous les accidents avec ou sans arrêt de travail et les accidents bénins, dit « incidents » qui n'ont pas eu besoin de recours à des soins extérieurs. Ce document est ensuite utilisé pour le reporting final qui doit être fait au groupe dans les 24 heures (accidents avec arrêt ou les accidents ayant requis des soins externes) et donnera lieu à une alerte au niveau de toutes les usines de la division.

Sur papier, nous pourrions dire que le processus de retour d'expérience qui concerne les accidents du travail est mené dans de bonnes conditions...

Prenons exemple d'un accident du travail récent significatif qui a eu lieu en juin 2010 à Custines :

Une femme était occupée à la surveillance d'une ligne de production de boites boissons dans le secteur de palettisation. A un moment donné, le rack supportant les intercalaires servant à ranger les boites par couche dans les palettes s'arrêta. L'installation s'est arrêtée car un élément métallique (plaque de supports intercalaires) se coinça. Pour décoincer la pièce (lourde et encombrante) et relancer la machine, l'opératrice a saisi la plaque pour essayer de la bouger et permettre qu'elle se repositionne correctement dans son rack. L'intervention a réussi mais lorsque la plaque est descendue pour se repositionner dans son rack, l'opératrice n'a pas eu le temps de retirer sa main que la pièce métallique lui a sectionné un doigt en retombant.

Lors de l'enquête d'accident, plusieurs défaillances « officielles et officieuses » ont été relevées, c'est-à-dire que certaines causes potentielles ont été retenues, d'autres connues mais non communiquées.

- Cause technique : la plaque métallique qui se coince dans son rack

Action : modification du système à l'étude

- Cause humaine : l'action d'utiliser les mains pour intervenir sur ce genre d'équipement

Action : communication et affichage du danger et de la bonne pratique à adopter

- Causes organisationnelles : la personne venait de changer de poste récemment et était insuffisamment intégrée dans ce nouveau secteur. Le problème technique lié à la plaque métallique existait depuis des mois et malgré, à priori, une communication sur le sujet, mais aucune intervention n'avaient été sollicitée.

La cause technique sera traitée et communiquée en interne et au groupe.

La cause humaine, sera traitée mais communiquée partiellement en interne et au groupe (la mauvaise pratique de prendre un tel équipement à la main sera tue)

La cause organisationnelle sera traitée partiellement en interne (seulement pour la partie communication et traitement d'une défaillance technique) mais aucune communication ne sera faite en interne comme au groupe.

Un tel traitement de retour d'expérience ne peut en aucun cas nous assurer qu'un évènement similaire ne pourra pas se reproduire du fait que la partie humaine est peu prise en compte et que la partie organisationnelle semble « tabou ».

Si la défaillance d'analyse au niveau humain semble trouver une explication dans le management par la crainte, la défaillance de l'analyse organisationnelle trouve sa source dans la philosophie même du management de la sécurité de CROWN copié à Dupont de Nemours.

Rappelons 2 principes considérés comme des postulats chez CROWN :

- Toutes les blessures peuvent être évitées

- Plus de 90 % des accidents sont liés à des comportements dangereux

Cette approche est tellement forte dans le groupe CROWN qu'elle influence même l'analyse et le traitement des évènements dans sa filiale CROWN BEVCAN France.

Tous les accidents peuvent être évités... la plupart certainement a posteriori car il est toujours plus facile de voir lorsque l'évènement s'est produit, mais a priori, c'est un idéal inatteignable.

Une organisation et ses dirigeants doivent être conscients que le risque zéro n'existe pas et que l'accident est avant tout un évènement imprévu ! Ceci ne doit pas conduire à une vision fataliste de la gestion de la santé et de la sécurité mais à une vision consciente qui évite le management par la crainte avec son cortège de dangers.

Les accidents du travail sont liés soit à des conditions dangereuses (technique) ou à des actes dangereux (pour la majorité)...

W-E Deming, estimait que 99% des problèmes de qualité des produits étaient dus à des problèmes d'organisation et le reste à la négligence des employés.

Or, CROWN pense le contraire, y compris bien entendu dans le domaine de la sécurité. On retrouve souvent cette attribution causale interne par laquelle les accidents sont imputables à la principale cause des opérateurs.

« Le comportement est souvent un bouc émissaire des divers dysfonctionnements que connaissent les organisations. Pourtant, ce raccourci intellectuel nous fait oublier que, si la plupart des organisations ne fonctionnent pas trop mal, c'est aussi grâce aux comportements.26(*) »

Dans l'accident de juin, si la défaillance technique de la plaque de support des intercalaires est l'une des causes directes de l'évènement, la défaillance organisationnelle (décision de changement d'organisation interne à l'équipe de production, manque d'intégration au nouveau poste de travail, ...) est une cause profonde, voir la cause profonde qui a provoqué le comportement dangereux de manipuler un tel équipement avec les mains.

L'erreur humaine est un facteur souvent invoqué comme cause, ou parmi les causes d'un accident. Or souvent, les erreurs sont les conséquences de caractéristiques de la situation, qui n'ont pas permis aux opérateurs et aux collectifs de mobiliser leurs compétences de façon pertinente, alors que dans l'ensemble, la contribution humaine à la sécurité est d'abord positive.

Le processus de traitement des accidents du travail du groupe CROWN et de sa filiale ne permet pas d'avoir une approche globale (Technique - Organisationnel - Humain) dans l'analyse de l'évènement.

Ceci se trouve corroboré par le document d'analyse interne à CROWN BEVCAN France qui limite l'action de prévention ou de correction à des mesures techniques ou humaines et par le système d'alerte des accidents27(*) à une cause soit de condition ou de comportements dangereux.

Lorsque l'accident cité précédemment a dû être reporté au groupe pour faire l'objet d'une alerte à toutes les usines d'Europe, le contrôleur sécurité de la division m'a téléphoné pour finaliser le document :

« ...J'ai besoin de connaître la cause principale de cet accident (pour cocher la case correspondante)...Est-ce lié à une condition dangereuse ou à un comportement dangereux ? »

« - En fait, il m'est difficile de te répondre catégoriquement car au regard de l'enquête et de l'analyse, je dirai les 2, voir les 3 puisqu'il faudrait aussi prendre en compte l'aspect organisationnel... »

« - Je comprends, mais ce n'est pas possible car il n'y a pas de case prévue pour les aspects organisationnels et il faut choisir l'une ou l'autre des conditions... »

Un tel rétrécissement du raisonnement dans l'analyse des causes d'un évènement dommageable ne peut produire que des failles dans le processus de gestion des accidents du travail où pourront facilement se glisser des risques non identifiés.

Une démarche d'analyse pour être efficace doit tenir compte des aspects à la fois Techniques (équipements, technologies, ...), Humains (individus, compétences, ...) et Organisationnels (procédures, positions, liens, ...).

Faute de quoi, l'entreprise après plusieurs années d'amélioration, constatera qu'il est difficile de continuer à améliorer encore les résultats sécurité.

Ø Le second reporting proactif, dit « benchmark table »28(*) concerne les indicateurs liés à

la fois aux résultats sécurité et aux moyens mis en oeuvre pour les améliorer.

Tout comme la « League Table », la « benchmark table » a pour finalité d'établir un tableau de comparaison et de classement des performances sécurité des usines de la division.

Ce reporting trimestriel comprend des indicateurs pour les thèmes suivants :

- Blessures et presqu'accidents

Des points sont attribués en fonction du nombre de blessures reporté dans le trimestre (objectif = 0) et le nombre d'analyse de presqu'accidents effectué (nb déterminé en fonction de l'établissement).

- Evaluation des risques et « veille active »

Des points sont attribués en fonction du reporting de l'évaluation des risques sur le logiciel intranet du groupe et lorsque des bonnes pratiques ont été créées et enregistrées dans le système dit « best practice » de la Division Européenne.

- Management comportemental

Des points sont attribués en fonction du nombre d'observations STOP effectuées chaque mois par les managers de service et de proximité

- Engagement des employés

Des points sont attribués en fonction du nombre d' idées recueillies et enregistrées en interne dans le domaine de la sécurité, et si aucun acte dangereux considéré comme intolérable (non port d'un équipement de protection individuelle, armoire électrique ouverte, travail machine en marche non autorisé,...) n'a été observé.

- Ajustements

Des points sont ôtés si le reporting de tous ces éléments ne s'est pas fait en temps et en heure et si un accident significatif (fracture, sectionnement, ...) s'est produit.

Tous ces points additionnés donnent un score, qui donne une couleur, qui donne un classement des performances sécurité de chaque usine.

Autant dire que le nombre d'indicateurs de résultats et de moyens ne manque pas pour évaluer les performances sécurité d'une usine et notamment celle de Custines qui se trouve classée en juin 2010, 33em sur les 75 sites de la Division Européenne.

Si le système de mesurage des performances santé et sécurité au travail d'une entreprise doit intégrer à la fois des indicateurs proactifs et réactifs, ceux-ci doivent correspondre aux objectifs définis par l'entreprise. Un indicateur inadapté peut produire un risque de dérive par rapport à l'objectif visé initialement.

Les données produites par les indicateurs sécurité de la benchmark table peuvent avoir des conséquences sur les personnes (par exemple en matière de respect de consignes pour un opérateur ou d'exemplarité pour un cadre).

Une dérive possible sera alors d'agir sur l'indicateur plutôt que sur la réalité de la situation examinée, objet de la mesure. L'indicateur devient alors l'objectif.

Exemple :

Objectif : organiser des réunions « sécurité ».

Indicateurs : nombre de réunions « sécurité » organisées.

Dérive possible : organisation de réunions dépourvues de tout contenu.

Prenons maintenant un exemple concret :

Objectif : impliquer l'encadrement à observer les comportements au travail de leurs collaborateurs afin d'encourager les bonnes pratiques et d'apporter un action corrective sur les actes dangereux

Indicateur : nombre de fiches d'observations remplies par mois

Dérive possible : observation dépourvue de contenu ou d'échange avec la ou les personnes

Et nous pourrions prendre d'autres exemples comme la création des « best practices », analyse des presqu'accidents, ... les exemples de dérives marcheront aussi !

En fait, la pertinence d'un indicateur n'est pas tant le choix de celui-ci que la manière avec laquelle il a été choisi.

La politique sécurité définit les grands axes d'amélioration de l'entreprise. Elle est portée par la direction générale et peut se décliner en terme de priorités, elles-mêmes déclinables en objectifs. Ces objectifs stratégiques doivent être déclinés en objectifs opérationnels qui doivent être SMART29(*) (Simple, Mesurable, Atteignable, Réaliste, Temporel). Et cette déclinaison doit être menée de façon collective et participative.

En ce qui concerne CROWN BEVCAN France et les autres filiales du groupe, ces nombreux objectifs opérationnels sont imposés sans discussion, voir sans grande explication, ce qui peut générer des incompréhensions et un temps assez long pour leur appropriation. L'autre dérive liée à un nombre important d'objectifs de moyens déterminés par la Division Européenne est qu'ils se substituent au programme interne de l'entreprise en guidant ses actions et ses priorités, non en fonction de la réalité mais en fonction du classement de la benchmark table.

Lorsque l'action d'une filiale est conduite par le résultat, que ce résultat est déterminé par les objectifs fixés par le groupe ou par une direction générale éloignée, les mesures de performances sécurité effectuées par les contrôles réactifs et proactifs s'éloignent de la réalité du terrain.

Un autre contrôle dit d'amélioration est effectué pour mesurer la performance du système de management de la sécurité, l'audit. L'audit est un contrôle qui a la particularité d'être effectué sur le site par des intervenants externes et internes à l'entreprise.

q Mesure des performances sécurité par contrôle d'amélioration

Organiser des audits doit permettre de contrôler si le système de management de la sécurité est conforme aux exigences du groupe et aux spécifications du référentiel choisi (OHSAS 18001 pour CROWN), s'il est correctement mis en oeuvre, mis à jour et s'il contribue à réaliser la politique et le(s) objectif(s) du groupe de manière efficace.

L'audit du système de management de la santé et de la sécurité est donc un processus au moyen duquel l'entreprise peut revoir et évaluer l'efficacité de son système de management.

Non seulement ces audits doivent prendre en compte la politique sécurité de l'organisme audité, mais aussi les conditions et les pratiques réelles sur le lieu de travail.30(*)

En pratique, chez CROWN BEVCAN France, 3 types d'audits sont réalisés :

- des audits internes effectués par des employés volontaires de l'usine et dûment formés à cette pratique

- des audits internes effectués par des responsables régionaux du groupe mandatés à cet effet par la division européenne

- des audits externes effectués par un organisme habilité à délivrer la certification OHSAS 18001

L'entreprise de Custines est certifiée OHSAS 18001 depuis 2004 et a subi depuis cette date, 6 audits externes de l'organisme certificateur et au moins autant d'audits internes.

Les audits sont basés sur la réalisation d'entretiens, d'observations de l'activité et de revues des documentations et des enregistrements. Ils peuvent donner lieu à des constats de non-conformités majeures ou mineures par rapport aux exigences internes et externes (réglementaires, directives groupe, référentiel OHSAS 18001) qui doivent être suivis d'actions correctives.

Au-delà de ce contrôle de conformité à l'OHSAS et aux autres exigences, l'audit permet de recueillir des remarques ou observations visant à améliorer le système de management de la sécurité et donc par déduction les performances de l'entreprise en la matière.

Depuis 6 années de certification, d'audits internes et externes, CROWN BEVCAN France a pu apporter près d'une vingtaine d'actions correctives à son système de management de la sécurité et plus d'une cinquantaine d'actions d'amélioration.

En dépit des efforts pour maintenir et améliorer le système de management de la sécurité reconnu comme performant et adapté par les auditeurs, les résultats sécurité n'ont pas évolués à la hauteur des moyens mis en oeuvre, voir se sont quelque peu dégradés.

En 2004, l'usine comptait 2 accidents avec arrêt de travail sur l'année, fin 2009 elle en comptait 4 et à juin 2010 l'entreprise déplore déjà 2 accidents avec arrêt dont 1 significatif.

De plus, ces résultats sont en cohérence avec les autres usines du groupe.

Lorsque le Vice Président Hygiène & Sécurité de la Division Européenne est venu faire une présentation à Custines un effort avait été fait pour certifier presque toutes les entités du groupe sans que pour autant les résultats se soient améliorés, voir mêmes dégradés31(*).

Ainsi, la certification et les audits liés à son référentiel ont leurs limites :

- C'est parfois une démarche « commerciale » (et pas seulement vis-à-vis de l'extérieur)

- Ce n'est pas une garantie anti-accident

- Audits documentaires plutôt que terrain et parfois éloignés des besoins réels

Malgré tous ces efforts pour certifier et maintenir les certifications des usines par des audits, le VP Hygiène Sécurité concluait : « La culture sécurité ne fait pas partie du mode de vie de CROWN !»

Et pour conclure sur le sujet, je reprendrai l'intervention de Michel Turpin : «  On ne développe pas une culture de sécurité avec des documents papier ...qui ne sont pas toujours assimilés et peuvent déresponsabiliser... »32(*)

b) Evaluation des performances de la politique sécurité CROWN sur le site de CROWN BEVCAN France :

La performance d'une entreprise ne se mesure pas uniquement en fonction du nombre de lésions professionnelles et de la qualité de ses procédures et règlements.

Il est aussi possible de mesurer la santé et la sécurité au travail en évaluant la culture de sécurité qui est partagée, ou non, par les gestionnaires et les employés.

D'après le BIT (Bureau International du Travail), en matière de sécurité, « la culture de l'organisation est la clef du succès ».

Ainsi, les résultats sécurité seraient déterminés bien plus par la culture qui imprègne l'organisation que par les éléments qui constituent la déclinaison d'une politique de sécurité.

La notion de culture de sécurité correspondrait33(*) à un ensemble de valeurs, de connaissances et de pratiques partagées par les membres d'un groupe ou d'une organisation qui influencent les décisions, les actes, l'engagement, la participation et l'implication des employés.

Evaluer les performances sécurité en tenant compte de cette notion de culture sécurité impliquerait donc une démarche globale intégrant d'autres aspects que ceux abordés jusqu ici.

q Prise en compte de la notion de culture pour une approche globale de la sécurité

Le Health and Safety Executive34(*) propose un modèle de culture de sécurité intéressant qui prend en compte 3 aspects : psychologique, comportemental et organisationnel.

Modèle de culture de sécurité du Health and Safety Executive35(*) :

« Le résultat des valeurs individuelles et collectives, des perceptions, des compétences et des modèles comportementaux qui déterminent l'engagement, le style et l'efficacité du système de management de la santé et de la sécurité d'une organisation »

Une définition qui renvoie donc à :

- des aspects psychologiques : « ce que les gens ressentent »

- des aspects comportementaux : « ce que les gens font »

- des aspects organisationnels : « ce que l'organisation possède »

Les contrôles (réactif, proactif et d'amélioration) mis en oeuvre par CROWN et sa filiale BEVCAN France pour mesurer ses performances sécurité, privilégient les aspects

organisationnels en s'appuyant sur ce que l'entreprise possède : une politique, des procédures, des directives, des structures et un système de management.

En effet, les méthodes de reporting, de contrôles et d'audits pratiquées ne semblent pas efficaces pour évaluer les aspects comportementaux (actions et comportements à propos de la sécurité) et font l'impasse sur les aspects psychologiques (valeurs individuelles et collectives, attitudes et perceptions). Pourtant, « si une bonne organisation est une condition première pour une démarche managériale globale de sécurité, son efficacité dépend fortement de la culture de l'entreprise. »36(*)

Pour évaluer la déclinaison de la politique sécurité dans l'usine de Custines, il m'a donc semblé opportun d'avoir une approche qui tienne compte des aspects psychologiques et comportementaux qui jusqu'alors n'ont été que peu traités en rapport avec la réalité.

q Evaluation de la culture sécurité chez CROWN BEVCAN France

Ø Climat de sécurité dans l'entreprise

La notion de culture de sécurité est parfois confondue avec la notion de climat de sécurité. Le climat est un élément de la culture de sécurité, c'est l'ensemble des perceptions et des ressentis des salariés sur différents aspects de l'entreprise37(*), dont bien sûr la sécurité. C'est ce que les employés pensent.

Pour le mesurer, je me suis appuyé sur le modèle de Westrum développé par Hudson38(*) qui définit 5 niveaux de Culture de sécurité :

1) Culture pathologique

La sécurité est considérée comme un problème causé par les travailleurs. C'est la rentabilité qui prime.

2) Culture réactive

L'organisation commence à s'intéresser sérieusement aux questions de sécurité. Mais elle n'agit qu'en cas d'accident.

3) Culture bureaucratique

Il existe un système de management de la sécurité. De nombreuses données et informations sur la sécurité sont récoltées. Des analyses sont effectuées mais l'organisation n'en tire pas d'enseignement.

4) Culture proactive

L'encadrement s'implique dans la sécurité et essaie de favoriser l'initiative ; la sécurité n'est plus uniquement descendante ».

5) Culture générative

La sécurité est intégrée à tous les niveaux de l'organisation. La participation des travailleurs et des cadres à la sécurité est réelle. La sécurité est intégrée à la performance.

Ce modèle a été développé dans les hôpitaux et cliniques très concernés par la sécurité des soins39(*).

Je me le suis approprié en reformulant les questions pour le rendre compatible avec l'activité de l'entreprise :

1) La sécurité peut être perte de temps pour atteindre les objectifs de l'entreprise

2) Nous prenons la sécurité au sérieux et nous agissons face à un accident

3) Nous avons un système de management en place pour gérer la sécurité

4) Nous sommes toujours en alerte, nous avons à l'esprit les problèmes de sécurité qui pourraient survenir

5) Le management de la sécurité fait partie intégrante de tout ce que nous faisons

Sur la base de ces propositions (dans le désordre et sans notion de niveau), j'ai demandé à 25 employés représentatifs du personnel (ouvriers, techniciens, managers / administratifs, industriels) de choisir la phrase qui correspondrait le mieux à la perception qu'il a de l'entreprise par rapport à la sécurité.

Ce questionnaire s'est déroulé par entretien individuel.

Sans avoir une valeur scientifique avec la prétention d'évaluer le climat de sécurité dans l'usine de CROWN BEVCAN France, ce questionnaire peut cependant apporter un éclairage, voir un réajustement de ce que nous pensions être de la perception des salariés sur le management de la sécurité à Custines.

Résultats de l'enquête sur une population de 25 employés pour un effectif à ce jour d'environ 170 personnes :

I : Personnel industriel

I : Personnel administratif

1. Pathologique

2. Réactif

3. Bureaucratique

4. Proactif

5. Génératif

IIIIIII

IIIIII

III

IIIIII

III

Le résultat du questionnaire, soulève 2 remarques :

- La perception de la gestion de la sécurité n'est pas homogène dans l'entreprise

- Le personnel industriel (confronté aux risques industriels) semble avoir une perception plus négative que celle du personnel administratif

Pour qu'une enquête de ce type ait une validité scientifique, l'échantillon des personnes interrogées aurait dû être plus large afin d'analyser notamment les écarts non seulement entre le groupe 1 (personnel industriel) et le groupe 2 (personnel administratif), mais aussi les différences de perception des sous-groupes (ex : maintenance, production,...) dans un même groupe.

Toutefois, ce premier résultat nous permet de diriger l'analyse vers le groupe industriel pour notamment vérifier, non plus dans la perception mais dans les comportements, si cette perception négative se confirme dans les actes.

Ø Actions et comportements

La notion de culture de sécurité n'est pas seulement la perception de la sécurité mais surtout la concrétisation par les actes sur le terrain. C'est ce que les gens font, leurs comportements étant révélateur du fonctionnement de l'organisation.

Pour le mesurer, je me suis appuyé sur des réunions d'équipes, dites ¼ heures sécurité, que nous avions organisés initialement pour sensibiliser le personnel aux actes dangereux jugés inacceptables chez CROWN BEVCAN France.

Ces « ¼ heures sécurité » étaient prévus initialement en communication descendante mais sont devenus des réunions à « bâtons rompus », avec une communication remontante qui nous a permis un partage sur les pratiques non dites mais pourtant bien réelles. Le déroulement de ces entretiens s'est fait par petits groupes de 2 à 4 personnes pour ne pas perturber la production et pendant plusieurs semaines afin de toucher les 5 équipes de production travaillant en feux continus. Au total, plus d'une cinquantaine de personnes de production et de maintenance sur un effectif de 120 personnes ont été vues et entendues.

Le résultat de ces entretiens n'aboutit pas à des données quantitatives comme dans le questionnaire précèdent, mais des données qualitatives permettant de mettre en corrélation « ce que l'on pense » avec « ce que l'on fait ».

Beaucoup de points positifs ont été échangés pendant ces entretiens, notamment dans la perception du risque et dans l'application des bonnes pratiques de sécurité pour certains.

Toutefois, je me suis attaché à répertorier les informations susceptibles d'être mises en corrélation avec les données du questionnaire précédent et à mettre l'accent sur les éléments, qui en partie, pourraient éclairer la question concernant les difficultés de déclinaison de la politique sécurité.

Afin de garder une certaine confidentialité des propos échangés pendant ces ¼ heures sécurité, les données seront transcrites sous forme de synthèse avec des extraits d'intervention.

- La communication

Le lien de communication entre les personnes, les équipes et les services fait parfois défaut avec un risque de répercussion négative sur la sécurité.

Au niveau de la communication descendante, lorsque des travaux de sécurité sont prévus, que ceux-ci ne semblent pas avancer, « Il était prévu d'asservir électriquement la porte d'accès d'un équipement...cela fait 6 mois que çà dure...et on nous parle de sécurité ! » la perception du management de la sécurité se détériore. En fait, le problème n'est pas dans le manque de réactivité mais le défaut de communication. Le mécanisme de sécurité n'est pas encore installé car des difficultés techniques imposent un arrêt de ligne assez long qui ne peut se faire que pendant l'arrêt annuel. D'autre part, des actions de prévention et de protection ont été mises en place en attendant la réalisation du projet. Encore fallait-il que les personnes concernées par cet équipement soient correctement informées.

Au niveau de la communication remontante, lorsqu'une action sur le terrain est mise en oeuvre pour améliorer la sécurité, « ...une modification qui n'aura pas duré longtemps... », si elle n'est pas couverte par une information suffisante, aura toutes les chances d'être ôtée pour revenir à la situation antérieure.

Au niveau du retour d'information (la boucle), lorsque des remarques et des idées sont transmises, un défaut de retour d'information peut casser une dynamique de motivation d'amélioration continue, «... je l'ai dit à mon manager, mais çà n'avance pas...je ne suis pas sûr que l'information soit transmise... » et une confiance dans le management.

- L'exemplarité

Le succès de la déclinaison d'une politique de sécurité est lié à la façon dont les managers vont s'approprier et soutenir la démarche. Si le comportement du manager ne démontre pas son engagement à travers un comportement exemplaire, « ...ils prennent des risques sécurité pour eux-mêmes... » la culture sécurité a peu de chance de progresser dans l'équipe.

- Perception du risque différente entre équipes et services

Une différence de perception du risque entre services, « ...aussitôt, j'ai averti le service concerné par le problème de démarrage intempestif d'un équipement...mais d'après eux, ce n'est pas grave, c'est un problème technique et non de sécurité car il existe une procédure d'intervention... » dénote une différence de culture de sécurité dans une même entreprise.

Ces différences de perception ou d'appréciation, « pour certains il n'y a pas eu de problème pendant l'arrêt de maintenance, ce n'est pas la perception des ouvriers qui étaient encore dans la machine lorsque celle-ci a failli être redémarrée... » peuvent conduire à un sentiment de non respect de l'intégrité physique des personnes.

- Pratiques différentes, pratiques sous silence

Dans les équipes de production, pour les mêmes tâches, les mêmes interventions avec les mêmes consignes, les pratiques peuvent être différentes, « les procédures sont écrites, mais elles ne sont pas appliquées de manière uniforme ». Une plage de liberté dans les tâches à réaliser n'est pas dangereux en soit, ce qui est dangereux ce sont plutôt les pratiques conduites par une perception différente du risque.

Dernièrement, il y a eu quelques changements de postes entre les équipes de fabrication. Pour certaines personnes, ces changements d'équipe sont appréhendés car elles savent qu'il faudra plusieurs semaines d'adaptation selon les différences de pratiques.

Si les pratiques sont différentes entre équipes, elles peuvent être aussi non avouées ou non officielles. C'est le cas lorsque des risques sont pris au sein des équipes (généralement de nuit ou le week-end), « on accède en hauteur sans moyen de protection...c'est très risqué mais si on ne le fait pas on arrête l'usine... » afin de ne pas faire arrêter la ligne de production.

Pendant ces ¼ heure sécurité, non seulement le problème de dualité (production/sécurité) a souvent été soulevé, mais aussi une différence de valeurs dans les équipes selon la prépondérance qu'elles donnaient à la production, la qualité ou la sécurité.

- La sanction

Lorsque la formation et l'information en matière de consignes de sécurité sont suffisantes et adaptée, le chef d'entreprise est tenu de s'assurer qu'elles sont comprises et respectées. Faire respecter les consignes de sécurité demande parfois pour des cas « récalcitrants » une politique disciplinaire qui démontre l'engagement de l'entreprise en matière de santé et de sécurité. Un manque de clarté dans ce domaine, « ...il faudrait

parfois recourir aux sanctions... y'en à marre du non respect des consignes... on parle de sanction mais on voit pas ou on ne sait pas ce qu'il est fait... » pourrait avoir un impact négatif non seulement sur le management dans son rôle de faire appliquer les consignes « nous avons des exigences de sécurité mais nous ne sommes pas sûr que nous serons suivis si nous donnons un avertissement » mais aussi des employés qui, lorsqu'on leur présente les comportements non acceptables pour la sécurité, reconnaissent pour certains ne pas les avoir appliqué sans pour autant avoir été inquiété par la hiérarchie.

Par contre, la peur de la sanction peut freiner une dynamique d'amélioration dans la recherche des défaillances, « il faudrait analyser plus de presqu'accidents, mais si dans l'analyse on relève une mauvaise pratique lié à un comportement inacceptable, on n'a peur du retour de sanction...on préfère alors ne rien dire... » ou des réactions étonnantes «  ...lors du dernier accident, un doigt sectionné... réflexe de dire qu'il a été récupéré dans un gant (alors que ce n'est pas le cas) pour faire passer le message que la victime portait ses équipements de protection (alors que cela n'aurait rien changé)... » pour se protéger de la sanction.

- L'objectif 0 accident

L'objectif en matière de sécurité doit être compris, partagé et moteur pour emmener l'équipe ou l'organisation dans une démarche de progrès. Lorsque cet objectif est mal compris et a fortiori non partagé, il peut devenir une source de non-dits.

« Les non-dits ce sont les incidents que nous n'inscrivons pas sur le registre de déclaration d'accidents bénins, les accidents que nous ne déclarons pas parce qu'il faut le moins d'accident possible. »

Alors, la question posée est : « Pourquoi un tel comportement face à un accident a priori sans gravité mais qui pourrait vite devenir un accident avec arrêt de travail ? »

Et la réponse de ce manager : « Parce qu'il y a la prime liée à l'intéressement des salariés avec un critère sécurité basé sur le nombre d'accident et parce que l'objectif que l'on nous demande, c'est 0 accident ! »

Lorsque l'objectif de la politique sécurité de l'entreprise n'est pas bien compris faute d'une communication claire et sans équivoque et, est utilisé comme indicateur de résultat, il y a risque de dérive (Cf. II,a).

Le message doit être clair et sans équivoque, entre « n'ayez pas d'accidents », ou « ne vous mettez pas dans une situation où vous pourriez avoir un accident », c'est la deuxième formulation qui doit être comprise et utilisée !

Au cours de ce second chapitre, nous avons pu analyser et mesurer l'efficacité des moyens de contrôles mis en oeuvre dans le groupe CROWN et plus particulièrement dans sa filiale BEVCAN France, pour évaluer l'application et la pertinence des méthodes de déclinaison de sa politique sécurité.

Mais un modèle de déclinaison principalement basé sur les aspects organisationnels (ce que l'organisation possède) ne suffit pas pour garantir une application efficace de la politique sécurité.

La notion de culture de sécurité semble répondre à ces manquements en intégrant, en plus des aspects organisationnels, des aspects psychologiques et comportementaux dans une démarche globale de management de la santé et de la sécurité au travail.

Mais une culture de sécurité ne se décrète pas, elle se construit au sein même de la culture de l'entreprise qui se construit elle-même à travers son histoire, sa nationalité, son appartenance professionnelle, etc...

On ne peut pas faire un « copier » / « coller » d'une culture de sécurité d'une entreprise à une autre surtout lorsque celles-ci ne se situent pas dans le même pays.

Philippe D'Iribarne40(*) déclare que la gestion de l'activité d'une entreprise est différente

suivant les pays du fait des moeurs qui sont propres à chaque civilisation.

Il n'existe pas de règles universelles de gestion, donc de modèle de déclinaison unique de politique de sécurité.

Il faut unir raison et tradition 41(*)« Les traditions seraient impuissantes si elles ne se matérialisaient pas par des structures et des procédures, comme les structures et les procédures seraient impuissantes sans traditions capables de les faire respecter »

Et, pour faire évoluer les comportements d'un salarié, il faut connaître sa perception des choses, ses freins objectifs et subjectifs.

Ainsi, la personne est une valeur essentielle de l'entreprise42(*). Cela signifie que le chef d'entreprise, l'encadrement et les salariés sont impliqués dans la démarche visant à préserver la santé, la sécurité et améliorer les conditions de travail. Et cela signifie aussi que les méthodes de management utilisées sont compatibles avec une éthique du changement respectant la personne.

Après cette analyse critique, nous aborderons la dernière phase de notre étude de manière plus constructive pour évoquer des principes et méthodes de déclinaison d'une politique de sécurité et proposer quelques pistes d'amélioration pour le Groupe CROWN et sa filiale BEVCAN France.

* 18 Terme employé pour définir l'ensemble des informations devant être transmises à CROWN par ses filiales

* 19 Cf. Annexe 8 KPI's 2010

* 20 Cf. Annexe 9 League Table

* 21 (Nombre d'accidents de travail avec arrêt/Nombre d'heures travaillées)*1.000.000

* 22 Citation de Jean Morvan « Management de la sécurité- Direction et contrôle »

* 23 Extrait du site de l'AFED

* 24 Extrait du document INRS ED 6014 « Management de la santé et de la sécurité au travail »

* 25 Annexe 10 Document DQCR 020

* 26 Citation Laurent Samson Comportements & Sécurité

* 27 Cf. Annexe 11 Exemple d'alerte CROWN

* 28 Cf. Annexe 12 « benchmark table »

* 29 Document ED6014 de l'INRS Gestion par des objectifs et des indicateurs pertinents

* 30 Extrait du guide OHSAS 18002

* 31 Présentation 2008 du VP Health & Safety

* 32 Intervention de M Turpin en novembre 2004 ARH Aquitaine sur les principes de management des risques

* 33 Synthèse regroupant plusieurs définitions sur la notion de culture de sécurité

* 34 Ministère britannique chargé de la santé sécurité au travail, A review of safety culture, Research Report 367

* 35 Modèle repris en français par L. Samson Comportements & Sécurité

* 36 Revue Préventique n° 81 Vers une culture de maîtrise des risques au sein d'Aéroports de Paris

* 37 M. Thevenet Culture d'entreprise, Paris 2003

* 38 Hudson. P Applying the lessons of high risk industries to health care, 2003

* 39 Manchester patient safety framework

* 40Philippe D'Iribarne, ancien ingénieur général du corps des mines et directeur de recherche au CNRS

* 41 P. D'Iribarne, La logique de l'honneur, Seuil, 1989

* 42 INRS Valeurs essentielles et bonnes pratiques de prévention

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault