Remerciement:
Je tenais à remercier dans un premier temps, toute
l'équipe pédagogique de l'université de Lille 3 et surtout
mon tuteur: Mr Vincent Caradec pour avoir assuré la partie
théorique et empérique de celle-ci ainsi que pour l'aide et les
conseils concernant le bon déroulement du mémoire.
Je tenais aussi à remercier les nombreuses personnes de
Lille et de Picardie d'avoir bien voulu se soumettre aux entretiens et d'avoir
répondu le plus sincèrement possible aux questions , sans qui, je
n' aurais jamais pu réaliser ce mémoire.
Et pour finir , je tenais à remercier toutes les
personnes m'ayant poussé et motivé à la réalisation
du mémoire .
Merci à tous et toutes pour votre aide precieuse.
Introduction
L'envie de travailler sur le rapport des jeunes d'aujourd'hui
avec l'alcool m'est venue assez tardivement. C'est à la suite de la
diffusion d'un reportage sur une chaine télévisée à
propos des « apéros géants » organisés
par Facebook (réseau social sur internet) comme étant une
nouvelle tendance venu des pays anglophones, que l'idée m'est venue de
me pencher sur ce sujet. De plus, suite à de nombreux faits divers
survenus ces derniers mois en France, la question de l'alcoolisation à
outrance chez les jeunes est devenue un phénomène de premier plan
qui interpelle les pouvoirs publics et les politiques sanitaires. Dans le
reportage dont j'ai fait mention plus haut, on pouvait voir qu'une nouvelle
forme alarmante d'alcoolisation abusive et excessive s'était
amplifié chez les jeunes : le « binge drinking ». Il a
pour objectif d'absorber très rapidement et en quantité excessive
et intensive de l'alcool pour parvenir le plus rapidement possible à
l'ivresse. Ce phénomène concerne essentiellement les adolescents
de 14 à 18 ans.
L'histoire de la construction des habitus au sens bourdieusien
du terme dans la population française montre que la consommation
d'alcool est associée à différentes notions sociales et
sociétales.
L'alcool est un produit obtenu par la fermentation de
végétaux riches en sucres dont la consommation est très
réglementée en France, voire interdites dans certains pays.
L'alcool est une substance psychoactive qui agit dans le système
nerveux. Sa consommation à court terme provoque une sensation de
bien-être, de plaisir, d'excitation, alors qu'en quantité
importante, elle peut engendrer l'ivresse, des nausées et autres
douleurs désagréables. Aujourd'hui, l'alcoolisation des jeunes
est devenue un problème de santé public ; il s'avère
que la consommation en forte quantité s'est démocratisée
et est même devenue à la mode. Comme l'explique Pierre Coslin dans
son ouvrage Les conduites a risques à l'adolescence,
l'adolescence est une période de changements physiques, physiologiques
ou encore sociaux. L'instabilité qu'ils engendrent chez l'adolescent
s'est amplifiée ces dernières années avec la perte des
repères, l'éclatement des familles ou encore la peur de l'avenir
.De ce fait, certains jeunes vont tenter d'oublier ces problèmes
à travers une consommation élevée d'alcool. Ce qui peut
être épisodique au départ peut très vite conduire
vers une alcoolisation chronique et régulière chez les plus
faibles et vulnérables d'entre eux. C'est durant l'adolescence qu'a lieu
le moment de la découverte des usages de produits dits psychoactifs
(alcool, drogues....). L'adolescence est une période où les
jeunes sont à la recherche de l'interdit, de transgression des normes,
des codes, mais sont surtout empreints de fragilité et de
vulnérabilité. Les premiers résultats de l'enquête
ESCAPAD en 2008 mettent en évidence qu'un peu moins de 80 % des jeunes
âgés de 17 ans déclarent avoir déjà
consommé de l'alcool au cours du dernier mois. Encore plus saisissant,
l'enquête dévoile que 8,9% d'entre eux boivent de l'alcool
régulièrement, et 0,8% déclarent en boire tous les jours
de l'année. D'autres chiffres peuvent faire froid dans le dos ; un
adolescent sur trois connaît sa première "cuite" avant 15 ans, et
trois jeunes sur cinq ont déjà consommé de l'alcool
à cet âge (65 % des garçons, 59 % des filles). Durant cette
période difficile qui est l'adolescence, un certain mal-être peut
apparaitre ; boire de l'alcool permet de s'évader. En effet,
beaucoup de jeunes font un parallèle entre l'alcool et la fête,
qui est symbole par excellence de la rupture avec le quotidien. Par
conséquent, l'état d'ivresse est plus fréquent, et
concerne plus de jeunes qu'auparavant.
On peut se poser la question suivante ; pourquoi les
jeunes aujourd'hui boivent-ils? Pourquoi est-ce le plus souvent à cet
âge que l'on entre en consommation? La question d'un possible alcoolisme
de l'adolescent fait problème, et encore aujourd'hui, il existe peu de
travaux à ce sujet. Même s'il est possible de recenser des
études de l'INSERM, notamment sur les modes d'alcoolisations des jeunes,
encore de nos jours et dans les ouvrages sociologiques, l'adolescence et
l'alcoolisme sont des termes très peu souvent associés. Comme le
souligne Daniel Bailly, spécialiste de la relation parents-enfants et
des comportements addictifs chez les jeunes dans Particularité
cliniques de l'alcoolisme de l'enfant et de l'adolescent
(p170) : "Cette méconnaissance des conduites d'abus d'alcool chez
l'enfant et l'adolescent apparaît d'autant plus préjudiciable que
l'on sait que la plupart des sujets d'adultes traités pour l'alcoolisme
ont vu débuter leur consommation excessive d'alcool avant l'âge de
20 ans".
Comment expliquer ce phénomène si
précoce? Aujourd'hui dans nos sociétés, l'alcool est
partout, depuis les pubs dans les revues aux magasins, en passant par la
télévision, ou encore dans nos frigidaires. Certains vont
jusqu'à dire que l'alcool est une drogue licite, culturellement
acceptée dans les moeurs de nos sociétés. On peut donc
constater que la consommation d'alcool est intériorisée en
France. On peut même affirmer qu'il existe une symbolique historique
à propos de l'alcool, contre laquelle il est difficile de lutter.
Cependant, l'alcool consommé quotidiennement et en certaine
quantité provoque chez la personne une dépendance physique et
psychologique. Comme le démontre Raymond Gueibe dans son ouvrage
L'alcoolisme au quotidien (page 59) l'alcool est
intégré à notre culture et certaines personnes peuvent en
consommer dans le but de ressentir les même effets que la drogue tels
que les sensations d'évasion, d'euphorie, l'oubli des soucis. Pour
Gueibe, chaque culture a sa drogue.
Alors que la mobilité sociale, la
précarité, les inégalités homme/femme ou encore le
chômage sont des phénomènes sociaux dont l'étude est
devenue classique en sociologie, l'alcoolisation des jeunes reste encore un
objet de recherche très peu étudié. Il existe peu de
recherche du côté des sciences sociales dans ce domaine, qui
pourtant aujourd'hui est un phénomène qui mérite
d'être analysé dans nos sociétés occidentales, et
plus particulièrement en Europe. En effet, la sociologie s'est
très partiellement intéressée aux trajectoires de
consommation et aux significations que les individus attribuent à ces
pratiques, comme le remarque Sophie Le Garrec dans son ouvrage Ces ados qui
`ne prennent'. Comme elle le constate, les sociologues ont le plus souvent
analysé ce problème sous l'angle de la déviance ou de la
marginalité. Comme le remarquent les sociologues Castel, ou encore
Clément, ce sujet a longtemps été délaissé
et abandonné aux sciences biomédicales, il y a eu une
"problématisation médicalisée" de ce
phénomène.
C'est pour cela que je m'efforcerai, dans le cadre de mon
mémoire, de comprendre les significations attribuées à ces
pratiques d'alcoolisation chez les jeunes, d'en analyser les configurations et
les évolutions et de m'intéresser aux manières de
consommer ce genre de produit.
Cependant ,il ne faut pas confondre deux
phénomènes qui sont bien distincts: le phénomène de
l'alcoolisation, c'est-à-dire à la consommation plus ou moins
modérée d'alcool ou de boissons alcoolisées de
façon relativement régulière, et le
phénomène de l'alcoolisme qui est l'addiction à l'alcool
contenu dans les boissons alcoolisée et qui rend une personne totalement
dépendante de cette substance.
Le fait de boire de l'alcool n'est pas une activité
sans conséquence puisque cela suggère une organisation, qui
répond à des codes, des valeurs, des normes de sociabilité
et de convivialité établis. Toutes les dernières
enquêtes sur ce sujet montrent que la consommation d'alcool est
généralement en diminution en France et dans le reste de
l'Europe. Cependant, nous pouvons constater un phénomène de
banalisation de l'alcoolisation chez les jeunes. Les dernières
données à ce sujet montrent que la première
"défonce" arrive dès 16 ans. La surconsommation chez les jeunes
est aujourd'hui banalisée. En effet, boire devient un
élément indispensable au bon fonctionnement de la fête afin
de s'amuser. C'est cette banalisation de la "cuite massive" qui pose un
réel problème dans nos pays occidentaux. De plus, cette
alcoolisation rapide qui était majoritairement étendue chez les
garçons devient de plus en plus un véritable
phénomène de "mode" chez les filles.
Malgré une consommation de boissons alcooliques en
constante diminution en France et en Europe depuis plusieurs décennies,
une nouvelle forme plus alarmante d'alcoolisation abusive a vu le jour chez les
jeunes et occupe aujourd'hui une place importante dans nos
sociétés et dans notre culture. L'alcool est
intégré socialement et culturellement en France, au moyen d'une
tradition bien française de l'alcool avec pour acteur principal le vin,
qui participe au rayonnement de notre pays à travers le monde.
Cependant, aujourd'hui, les jeunes français boivent comme dans les pays
anglo-saxons et ainsi pratiquent l'alcool « défonce »,
c'est-à-dire qu'ils sont abstinents la semaine et boivent
énormément d'alcools forts le weekend.
La consommation d''alcool est souvent vue comme un passage
obligatoire, un rituel pendant la jeunesse, puisqu'il est profondément
intégré à de nombreux aspects de la vie quotidienne ou
festive et sont insérés dans de nombreuses normes sociales.
Qu'est-ce qui pousse les jeunes à se saouler et à boire autant
d'alcool pour «faire la fête» ? L'alcool est-il un facteur
d'intégration important? Existe-t-il un malaise chez les jeunes?
Consommer de l'alcool, est-ce une déviance dans le sens propre de la
sociologie de Becker? L'alcool est-il un rite de passage d'adolescent à
adulte?
La consommation d'alcool est-elle due à une recherche
de sensations fortes chez les jeunes? Pourquoi l'alcool est-il devenu
nécessaire pour profiter pleinement d'une soirée ? Quelles
raisons poussent les jeunes de 13 à 24 ans à consommer des
boissons alcoolisées en soirée ?
Il ne faut surtout pas oublier que
« jeunesse » est un terme très vague, surtout en
sociologie ; il n'existe pas une « jeunesse
standard », mais bien plusieurs dont les frontières et la
définition ont évolué au cours de l'histoire. Dans son
ouvrage Sociologie de la jeunesse, Oliver Galland explique que la
jeunesse est une période de changements, de bouleversements chez un
individu : « L'adolescence est donc un âge de transition
particulièrement propice à une remise en question des
règles et à une contestation des figures d'autorité. C'est
un âge de grande fragilité ».
Dans un premier temps, nous allons retracer l'historique de la
consommation de l'alcool dans la société française. Ce
produit qui était autrefois considéré comme sain est
devenu au fil des décennies un symbole de déviance. La
consommation à outrance est maintenant perçue comme une maladie,
même s'il existe en France une certaine culture de l'alcool. Puis nous
allons observer dans une seconde sous partie pourquoi l'alcool a longtemps
été un thème renié par la sociologie et
laissé au domaine du médical. Pour cela, nous allons aborder les
sociologies de la jeunesse et de la déviance afin d'approfondir notre
réflexion sur ce sujet.
Dans une deuxième partie, nous allons faire un
état des lieux de la situation actuelle en France et en Europe, en nous
intéressant au passage de " l'alcool convivial " à un "alcool
défonce ".
Pour finir, nous allons étudier le nouveau
phénomène à la mode chez les jeunes, le
« binge Drunking », et ainsi essayer de trouver
quelles sont les raisons qui poussent les jeunes d'aujourd'hui à boire
autant en si peu de temps.
De ce fait, nous allons commencer par une lecture historique
de la relation des français à l'alcool telle qu'elle a
été vécue et véhiculée en France au cours de
ces derniers siècles. Pour commencer, on peut affirmer que la
consommation d'alcool a deux fonctions essentielles ; une fonction sociale
et une fonction sacrée (divine). En effet, à la lecture du livre
de Frédérique Gardien L'alcoolisme adoslescent, en finir
avec le déni (page 24), nous pouvons affirmer que l'alcool a
toujours eu pour fonction première de favoriser et de créer des
liens, de l'hospitalité et du plaisir. En effet, l'alcool a pour
propriété première de favoriser la communication et
l'interaction. Cependant, l'alcool a également une fonction
sacrée ; en effet, comme le souligne Coslin dans Les
conduites à risque à l'adolescence en
2003 :"la è, le vin, ou encore le cidre seront utilisés, à
différentes époques, dans des contrées plus ou moins
lointaines, pour approcher le Divin". Pour cela, dans son ouvrage, Coslin prend
l'exemple de la culture celtique où la cervoise était servie
durant les cultes pour célébrer les forces de la nature.
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