Mortalité maternelle: cause et facteurs favorisants déterminés par l'autopsie verbale dans le département de Bakel.( Télécharger le fichier original )par Boubacar BARRY Université cheikh Anta Diop de Daklar - Master de recherche 2008 |
3.1.2 Répartition selon l'âge à la 1 ère grossesseNous remarquons à partir du tableau 2 que la grande majorité des femmes (16 / 20) avait eu leur première grossesse avant ou à 18 ans et 5 femmes étaient mères avant l'âge de 16 ans. L'étude montre aussi que l'âge moyen à la première grossesse est de 16 ans très inférieure à celle de Niakhar qui est de 22 ans. Ce qui traduit la culture de mariage et grossesses précoces dans les ethnies concernées (Soninké et Peul). Cela a été confirmé par une étude du Dr. Henriette Kouyaté qui révèlait que chez les peuls le mariage avant 14 ans touche 19.46 % des filles et celui entre 14-18 ans concerne 58.38 % [18]. Cette figure 2 prouve ainsi l'influence négative des mariages et grossesses précoces sur la mortalité maternelle par des accouchements difficiles qui coûtent la vie à plusieurs jeunes filles à cause de l'immaturité de leur corps. Selon le Dr Hailé, une adolescente de moins de 18 ans enceinte est 2 à 5 fois plus sujette à mourir suite à la grossesse qu'une femme enceinte de 18 à 25 ans [17]. L'adolescente court aussi un risque additionnel de mourir jeune à cause de toutes les grossesses qu'elle aura, étant donné qu'elle a commencé à procréer très tôt. Tableau N°2 : Répartition selon l'âge à la première grossesse
3.1.3 Répartition selon la parité des femmes décédéesLa figure 2 montre que les pauci pares et les grandes multipares étaient les plus touchées avec 7 cas dans chaque catégorie soit 70 % des décès. Ceci confirme que la grande multiparité est un facteur de risque pour la santé des femmes. Cependant ce facteur n'est pas le seul dans la mesure où des femmes ayant peu de grossesses sont également à risque. Ce qui suggère que toutes les grossesses sont à risque même s'il existe des facteurs favorisants. Il faut souligner que les cas de décès de femmes paucipares sont deux fois supérieurs à ceux des primipares. Ce qui est une particularité par rapport à la littérature qui démontrait que les primipares sont une classe plus vulnérable que les paucipares. Ce résultat peut s'expliquer par la mauvaise prise en charge, par les facteurs tels que la forte fécondité, les mariages précoces ...constatés dans cette zone. Répartition des décès selon la parité Figure 2 : Répartition selon la parité 3.1.4 Consultation Prénatale Tableau N° 3 : Répartition selon la CPN
Ce tableau montre que 60% des femmes décédées dans la série n'avaient fait aucun suivi prénatal et parmi celles qui ont eu des consultations prénatales, aucune n'a réalisé le nombre requis de quatre consultations. Ceci aurait pu permettre de détecter précocement les sources de complications futures (paludisme, anémie, tétanos, positionnement du foetus ...), dans la mesure où nous avons vu qu'il y a eu plusieurs cas de paludisme et d'anémie parmi ces décès maternels. Ce suivi améliore aussi la qualité de la grossesse et de l'accouchement donc permet aussi de réduire les risques. Cette absence de CPN peut s'expliquer par des facteurs socioculturels qui bloquent la fréquentation des structures sanitaires par les femmes enceintes. Parmi lesquels il y a la distance à parcourir, la présence de personnel masculin, le mauvais accueil, la pauvreté, les travaux... 3.1.5 Répartition selon le niveau d'instruction Tableau N° 4 : Répartition selon le niveau d'instruction
Ce tableau révèle que 85 % des femmes décédées (17 sur 20) étaient analphabètes et aucune d'entre elles n'avaient dépassé le niveau primaire parmi celles qui étaient scolarisées. Ceci montre que les femmes sans aucune instruction courent plus de risque que celles qui en ont car l'éducation est de première importance pour la femme. Nos résultats sont conformes à ceux de la littérature. BOHOSSOU et collaborateurs trouvent que 83 % des femmes décédées au cours de la gravido-puerpéralité à Abidjan en 1988 étaient analphabètes [5]. Au Burkina 81,60% des femmes qui accouchent à domicile sont non scolarisées [12]. Ces femmes se caractérisent par leur ignorance des signes du danger, des soins préventifs, des éléments d'une bonne nutrition, de la contraception. Le niveau d'instruction détermine en grande partie les connaissances, l'autonomie de décision, l'ouverture vers l'extérieur, le statut dans le foyer et dans la société. L'éduction change sa perception des maladies et sa capacité de réaction. Elle détermine donc son niveau de vie et son état de santé car permet une meilleure compréhension des conseils et l'adoption de comportements préventifs et curatifs adaptés. Selon Caldwell [6] les mères instruites, plus que celles qui ne le sont pas, ont tendance à utiliser les services de santé modernes aussi bien pour la prévention que pour les soins curatifs en cas de maladie. La femme instruite utilise plus fréquemment l'ensemble des soins prénataux requis. Elle recourt plus souvent à un centre de santé pour son accouchement et procède mieux à la vaccination de ses enfants. En effet l'analphabétisme marginalise les femmes dans le cadre de leur famille, sur leur lieu de travail et dans la société. Les femmes se trouvent presque systémiquement prise dans un cercle vicieux : pauvreté, grossesses multiples, manque de pouvoir de décision, méconnaissance de leurs droits et des signes de danger sur leur santé, violence à leur encontre etc. Par contre les femmes instruites ont plus facilement accès, à l'information, à la formation professionnelle et aux emplois rémunérés, se marient plus tard, contrôlent mieux leur fécondité, sont plus informées de leurs droit et sont plus déterminées à les défendre [15]. |
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