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La Coopération Multilatérale et la Question de l'Eau au Bassin du Nil

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par Christine A. ISKANDAR BOCTOR
Institut d'Etudes Politiques de Paris (IEP) - DEA (Master) en Relations internationales 2002
  

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E. Le partenariat avec les institutions internationales

Le partenariat est une relation dans laquelle au moins deux parties ayant des objectifs compatibles s'entendent pour travailler en commun, partager les risques ainsi que les résultats ou les gains. Le partenariat suppose la prise de décisions en commun, le partage des risques, du pouvoir, des avantages et des responsabilités. Il devrait ajouter de la valeur aux produits et aux services respectifs offerts par chaque partenaire ainsi qu'à la situation de chacun. Dans un partenariat, c'est donnant, donnant. Un partenariat est une entente en vue de faire ensemble quelque chose qui sera avantageux pour toutes les parties concernées.

Le bassin du Nil est le fleuve le plus étendu de l'Afrique. Toutefois, la demande en eau pour l'agriculture, les industries et les municipalités épuisent rapidement les ressources disponibles au bassin du Nil. Il devient urgent de s'entendre sur le partage et la gestion intégrée de ces ressources en eau. Une stratégie coopérative est développée. L'objectif majeur de cette stratégie est le développement de l'ensemble des ressources en eau du bassin du Nil.

Cette stratégie est basée sur la clarté des objectifs et des priorités, le respect des lois internationales, et sur l'habileté à continuer le dialogue pacifique entre les parties dans un esprit coopératif et de partage des informations disponibles. Le succès est conditionnel à l'appropriation des solutions, l'apprentissage par l'expérience, la prédominance de la confiance dans les relations et un processus participatif supporté par la volonté politique. Les mécanismes de mise en place de la stratégie sont basés sur une approche à trois voies247(*) où chaque voie progresse de façon parallèle et où collectivement, elles contribuent à l'atteinte du même objectif. La voie non-gouvernementale telle : la série des conférences Nile 2002, joue un rôle important non officiel en rassemblant des professionnels et experts pour partager leurs informations, leurs connaissances et leurs expériences.

La deuxième, la voie intergouvernementale qui a commencé par le TeccoNile en 1993, a contribué à encourager la coopération technique en vue de promouvoir le développement et la protection environnementale du bassin du Nil. Et dès 1999, nous vivons l'expérience de l'Initiative du Bassin du Nil. La troisième voie est la voie multilatérale qui implique toutes les agences d'aide extérieure qui par nature ont certaines limitations propres à chaque institution, ce qui résulte en l'impuissance d'arriver à des solutions décisives. Cependant, elles jouent un rôle important pour mobiliser les ressources mondiales et contribuer au développement.

Les bailleurs de fonds comprennent la Banque mondiale, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l'Agence canadienne de développement international (ACDI) Beaucoup d'autres partenaires ont décidé de soutenir l'IBN, dont l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (OAA / FAO), le GEF, l'Italie, les Pays-Bas, la Finlande, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Norvège et la Suède. Tous les partenaires se sont déclarés prêts à apporter durablement leur adhésion et leur appui à l'Initiative du Bassin du Nil. Mais nous traitons seulement les trois grands contributeurs : la Banque mondiale, le PNUD et l'ACDI, reconnus comme des « partenaires coopérants » parce qu'ils ont facilité un dialogue et une coopération sans précédent entre les dix États riverains du Nil.

a) La Banque mondiale

Depuis sa création, la Banque mondiale a été une organisation qui a joué un rôle clé en faveur de la mise en valeur des ressources hydriques dans le monde entier. Elle a inclus dans son programme des prêts et des crédits pour des projets de ressources hydriques, pour des activités étendues et variées aux niveaux économique et sectoriel et pour des activités d'assistance technique, notamment la médiation dans les différends internationaux et des interventions comme agence d'exécution chargée d'études financées par le PNUD. La Banque mondiale classe la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) comme étant la plus pauvre du monde en ressources naturelles. La Banque mondiale est intervenue très activement dans la mise en valeur des ressources en eau et ses projets dans ce domaine ont représenté environ 14% des prêts qu'elle a consentis dans le monde entier et 16% dans la région MENA248(*).

La politique générale de la Banque mondiale demande au personnel d'axer son intervention dans trois grandes directions : Tout d'abord, il y a lieu de voir dans l'eau une ressource limitée qu'il convient de gérer selon une approche intégrée de manière à répondre aux objectifs nationaux, éco-socio-sécuritaires et environnementaux, et non pas un facteur de production de certains secteurs ; deuxièmement, il est essentiel de procéder à une réforme institutionnelle et à un renforcement des capacités pour assurer la durabilité des politiques, des programmes et des projets ; et, troisièmement, les questions d'eaux internationales et transfrontalières méritent une attention particulière. Entre 1985 et 1998, la Banque a investi plus de 33 milliards de dollars dans la gestion de l'eau. Depuis 1993, elle a investi 16 milliards de dollars dans plus de 180 nouvelles opérations, représentant 40 milliards de dollars, dans 80 pays. Ces investissements représentent 14% de son portefeuille de prêts249(*).

La Banque mondiale a joué le rôle d'un médiateur pour faciliter le règlement d'un différend, faire aboutir une négociation complexe à un dénouement acceptable et aider à conserver l'équilibre et à maintenir l'intérêt des riverains pour le processus de négociation. Elle présente de nombreux avantages250(*) pour jouer ce rôle de médiateur, étant donné qu'il peut : 1. Intervenir comme intermédiaire indépendant ; 2. Assurer l'encadrement voulu qu'elle assume naturellement grâce à sa fonction de coordination des donateurs internationaux ; 3. Faire office de catalyseur pour mobiliser l'aide financière tellement publique que privée ; 4. Servir de filière pour obtenir des services d'experts ; 5. Faire preuve d'esprit créatif dans la promotion de solutions appropriées ; et 6. Aider à effectuer une évaluation systématique des différentes solutions possibles en utilisant comme il convient des méthodes analytiques.

Donc, les stratégies de la Banque mondiale251(*) voient que :

1. L'eau est une ressource unitaire qui, pour que l'on puisse reconnaître pleinement sa valeur économique, réclame une planification systémique ;

2. La qualité de l'eau doit être considérée concurremment avec sa quantité ;

3. Le rassemblement, le traitement et la diffusion des données engendrent une importance décisive ;

4. Les principes régissant la répartition de l'eau et les mesures de réglementation doivent englober les politiques de protection de l'environnement ;

5. A chaque niveau, les parties intéressées devraient participer pleinement à l'établissement des objectifs et des priorités ;

6. Il n'est pas possible d'éviter les questions délicates que pose la redistribution des ressources hydriques ;

7. La gestion de la demande devrait être placée au centre des préoccupations et faire appel à des mécanismes à la fois directs et indirects ;

8. Un haut rang de priorité doit être accordé au renforcement des capacités et à la réforme des institutions ;

9. La fourniture des services d'approvisionnement en eau devrait, dans la mesure du possible, être décentralisée pour se voir confiée à des sociétés de services publics autonomes ;

10. Il convient de favoriser la privatisation des services d'utilité publique ;

11. La répartition de l'eau et les investissements concernant les eaux de surface, les eaux souterraines et la quantité de l'eau au plan international devraient reposer sur des accords entre pays riverains.

A l'appui de ses stratégies, la Banque mondiale a établi un document de politique générale. Ce document propose que la participation de la Banque mondiale soit soumise aux conditions252(*) suivantes :

1. Toutes les activités concernant les ressources hydriques dans un pays, que ce soit au niveau de la ressource ou d'un secteur donné, doivent se fonder sur un accord explicite avec les gouvernements en vue d'une approche cohérente de la gestion des ressources hydriques.

2. Toutes ces activités devraient porter, entre autres, sur ce qui suit : a. La validité de la base de données ; b. Les questions tant de quantité que de qualité de l'eau ; c. Le cadre dans lequel s'inscrit l'action économique et financière; d. Le cadre législatif et réglementaire ; e. Les questions institutionnelles ; et f. La participation des parties concernées.

3. Les investissements et les réformes d'orientation dans le domaine des ressources hydriques devraient se fonder sur des stratégies cohérentes du secteur de l'eau aux niveaux national, régional et international.

4. Les activités liées aux ressources hydriques dans un secteur donné devraient inclure une évaluation des effets sur les autres utilisateurs et l'environnement.

5. La Banque devrait s'attacher à jouer un rôle plus dynamique dans les questions relatives aux cours d'eau internationaux, l'aide au développement présupposant un consensus des riverains sur les ressources à la fois en eaux de surface et en eaux souterraines.

L'eau en tant que bien économique est un concept de base en matière de gestion de l'eau chez la Banque mondiale. L'eau se présente en quantité illimitée étant donné que l'eau douce peut être importée de zones excédentaires et que l'eau de mer peut être dessalée et transportée en n'importe quelles quantités dans la mesure où on y met le prix. Au-delà du seuil des besoins essentiels à la survie de l'homme, la pénurie de l'eau constitue donc une question économique. Approche systématique de la tarification de l'eau pour adoption institutionnelle. Approche constructive et progressive pour introduire la tarification : À qui appartient l'eau ? Devrait-elle appartenir à quelqu'un ? Devrait-elle être privatisée ? L'eau devrait-elle être traitée comme une marchandise sur le libre marché ? De quelles lois avons-nous besoin pour protéger l'eau ? Quel est le rôle du gouvernement ? Comment les pays riches en eau partagent-ils avec les pays démunis en eau ? Comment les citoyens peuvent-ils participer à ce processus ?. L'argument sous-tendant la question est que si l'on assigne une valeur économique à l'eau, les gens vont vraisemblablement la conserver davantage.

Tout d'abord, la tarification de l'eau aggrave l'inégalité existant déjà à l'échelle du monde en matière d'accès à l'eau. Comme nous le savons, ce sont les pays qui manquent le plus d'eau qui abritent les gens les plus démunis de la terre. La privatisation de cette ressource rare mènera à un système à deux niveaux dans le monde, ceux qui ont les moyens de s'offrir de l'eau, et ceux qui ne les ont pas. Des millions de personnes seront forcées de choisir entre des nécessités de base, par exemple l'eau et les soins de santé. Et puis, en vertu des accords commerciaux actuels, l'eau vendue devient une marchandise. Les accords commerciaux sont clairs : si l'eau est privatisée et mise en vente sur le marché, elle ira à ceux qui ont les moyens de se l'offrir, pas à ceux qui en ont besoin. La privatisation de l'eau n'est pas une bonne chose, pour bien des raisons. La privatisation fait en sorte que les décisions concernant la répartition de l'eau sont basées presque exclusivement sur des considérations commerciales. Les actionnaires des sociétés recherchent le maximum de profits, et non pas la durabilité ou le même accès pour tous. La privatisation se traduit par une gestion des ressources fondée sur les principes de la rareté et de la maximisation des profits, plutôt que sur la durabilité.

La caractéristique la plus frappante de la mondialisation économique est l'écart croissant entre riches et pauvres. Il n'est donc pas surprenant que la profonde inégalité alimentée par la mondialisation économique, ait un effet dommageable sur l'accès à l'eau, le plus fondamental des droits à la vie, pour les pauvres. Par mondialisation économique, nous entendons l'intégration en un marché unique des économies des différents pays. Les sociétés transnationales exercent des pressions sur les gouvernements nationaux pour qu'ils privatisent, déréglementent, éliminent les 'obstacles' au commerce et à l'investissement, favorisent l'exportation et, de façon générale, abandonnent le contrôle de leur économie afin de créer une économie globale.

Plutôt que de permettre que cette ressource vitale devienne une marchandise vendue au plus offrant, nous croyons que l'accès à l'eau potable nécessaire aux besoins de base est un droit de la personne fondamental. Les riverains nilotiques sont tout à fait contre ce concept, selon leurs arguments, ils voient que : l'eau possède des caractéristiques bien connues qui entraînent un dysfonctionnement du marché. L'approvisionnement en eau est un monopole naturel et les contraintes physiques limitent souvent les transferts entre utilisateurs. Elle est par définition difficile à gérer et s'inscrit dans des structures institutionnelles complexes ; quant à sa répartition et à la régularisation de son apport, elles ne peuvent être prises en charge seulement - ni même totalement - par le marché. De ce fait, les pouvoirs publics sont tenus : 1. De mettre en place la politique ; la législation qui règle la gestion de l'offre et de la demande de l'eau, 2. D'assurer la fourniture de services d'alimentation en eau, grâce à de grands travaux - barrages, irrigation à grande échelle, lutte contre les inondations - dans lesquels les économies d'échelles ou les effets sociaux induits rendent impossible l'intervention du secteur privé. La tarification de l'eau, refusée par l'école de l'irrigation égyptienne, a été remplacée par l'idée de vendre l'eau à l'intérieur du pays concerné, et pas entre les pays, selon des services présentés par l'Etat même253(*). Et si l'Egypte refuse l'idée de tarification de l'eau, l'attitude ancienne de l'Ethiopie la favorise254(*).

La Banque a publié255(*) un document stratégique intitulé « Gestion durable des ressources en eau de l'Afrique : défis et opportunités ». Ce document s'écarte de l'approche traditionnelle axée sur l'offre, qui était polarisée sur un seul acteur (le secteur public). Il invite les bailleurs de fonds à adopter une nouvelle politique basée sur a) L'idée que la gestion des ressources en eau est du ressort des pays concernés, et que les Africains doivent prendre l'initiative et adopter une approche multisectorielle intégrée pour la formulation et l'exécution de stratégies nationales impliquant la participation de toutes les parties prenantes, et b) L'importance désormais accordée au partenariat entre les bailleurs de fonds et les pays concernés.
 

À partir de ces deux principes, la stratégie indique cinq priorités en matière de développement : élargir la couverture des réseaux d'eau potable et d'assainissement, en particulier dans les quartiers défavorisés ; accroître la sécurité alimentaire par l'irrigation et la collecte des eaux de pluie ; améliorer la qualité de l'eau et la santé des populations ; protéger les bassins hydrographiques et les zones humides ; et favoriser la coopération entre les pays qui partagent un bassin hydrographique. Elle recommande de faire porter l'effort sur les domaines suivants : zones rurales et urbaines, participation des parties prenantes, privatisation des services d'approvisionnement en eau (en particulier les fournisseurs d'eau), et les approches fondées sur la régulation de la demande.

Cette stratégie tend aussi à démontrer que la communauté internationale devrait imaginer de nouveaux moyens de favoriser la coopération internationale et de promouvoir la gestion des bassins hydrographiques, et qu'elle devrait, entre autres, mettre en place des programmes de prêts couvrant plusieurs pays et promouvoir, au niveau national, des projets qui aient pour effet de mettre les pays riverains sur un pied d'égalité. La Banque mondiale a également financé l'Initiative du Bassin du Nil afin de promouvoir un dialogue positif entre les dix Etats riverains du Nil et de dégager des solutions consensuelles pour relever les défis que pose le partage des eaux du Nil. Le soutien à l'Initiative du Bassin du Nil constitue une activité centrale de l'Initiative de gestion des ressources en eau en Afrique (AWRMI) de la Banque mondiale. L'équipe de gestion du bassin du Nil, dans le cadre de l'AWRMI, est composée d'un représentant de chacune des organisations suivantes : Banque mondiale, PNUD et ACDI. Afin d'accroître la sensibilisation et la compréhension de l'Initiative parmi les parties prenantes et, d'instaurer un climat de confiance et une confiance mutuelle entre les États du Nil.

b) Le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD)

Le PNUD est le réseau mondial de développement dont dispose le système des Nations Unies. Il vise le changement, et relie les pays aux connaissances, expériences et ressources dont leurs populations ont besoin pour améliorer leur vie. Le PNUD aide les pays en développement à mobiliser et utiliser l'aide internationale efficacement. Afin de réaliser cet objectif, les dirigeants du monde se sont engagés à atteindre les objectifs de développement pour le Millénaire, dont l'objectif primordial est de diminuer de moitié la pauvreté d'ici à 2015. Les buts de développement du Millénaire, les objectifs globaux que les dirigeants du monde entier ont fixés lors du Sommet du Millénaire en septembre 2000, constituent un agenda ambitieux pour réduire la pauvreté. Les buts sont les suivants : réduire de moitié l'extrême pauvreté et la faim, réaliser l'éducation primaire universelle et l'égalité des sexes, réduire de deux tiers la mortalité des enfants de moins de cinq ans et de trois quarts la mortalité maternelle, inverser la tendance en matière de propagation du VIH / sida, et réaliser un développement durable et assurer la viabilité de l'environnement. Ils comprennent aussi l'objectif de l'établissement d'un partenariat mondial pour le développement, avec des objectifs pour l'aide, les échanges et l'allégement de la dette256(*).

D'une manière générale, le Programme vise à créer un meilleur climat pour le développement humain durable, notamment en ce qui concerne l'élimination de la pauvreté. À cette fin, le Programme s'attache à renforcer les capacités des pays de manière à ce qu'ils utilisent leurs ressources plus efficacement et qu'ils entretiennent des relations d'interdépendance avec l'économie mondiale, ce qui leur donne les moyens d'instaurer des conditions favorables au développement humain durable. Les initiatives seront choisies en fonction de leur tendance à avoir des effets positifs sur a) La rentabilité de l'utilisation des ressources naturelles ; et b) La création des conditions les plus favorables au développement humain durable. L'efficacité et les effets de la coopération du PNUD, en particulier en ce qui concerne l'élimination de la pauvreté, auront jugé selon le degré d'amélioration de l'efficacité opérationnelle des institutions.

Les capacités humaines sont les principaux facteurs dont dépendent les efforts nécessaires à la croissance économique et à la création d'un climat favorable au développement humain durable. Le niveau de ces capacités est à son tour déterminé par la qualité et les possibilités d'accès à des choix de vie. L'objectif de l'exploitation rationnelle des ressources naturelles, en particulier des ressources en eau, consiste à fournir une exploitation rationnelle des ressources naturelles aux fins de la croissance économique et du développement humain. Le Programme encourage la création de partenariats aux niveaux national, sous-régional et interrégional en vue d'une gestion efficace des ressources naturelles, en particulier de l'eau dans un cadre de politiques favorables, d'accords de coopération ambitieux, de projets et de programmes bien conçus et d'organismes d'exécution compétents. À cette fin, cette Initiative du Bassin du Nil permettra d'organiser des forums et de mettre en place des mécanismes favorables à la création de partenariats qui pourront bénéficier des informations et des compétences nécessaires au choix des options et à la conception et à la mise en oeuvre des programmes.

En conséquence, les activités du Programme se concentrent sur la promotion du développement humain durable dans toute la région, sur la définition de questions de développement clefs qui touchent un groupe de pays, la gestion des ressources partagées, et la mise au point d'approches et de normes communes. Sur la base des besoins mis en évidence, des solutions aux problèmes de développement seront proposées et des informations sur les enseignements tirés seront diffusées.

Une contribution est apportée aux pays riverains du bassin du Nil pour mettre en place un cadre de coopération concernant la planification et la gestion intégrées des ressources en eau. Enfin, au niveau régional, des liens seront établis avec les plans et les capacités de la Banque mondiale, de l'Organisation arabe pour le développement agricole et de la CESAO. Elle essaye de mettre en commun un corps de connaissances et d'expériences pratiques dans la région et de les convertir en stratégies et orientations nationales. Elle estime que l'entreprise a donné les résultats anticipés si elle contribue à arrêter la tendance actuelle à la pollution de l'air et de l'eau et à améliorer l'approvisionnement en eau. Certains aspects de l'Initiative seront évalués d'après la viabilité des accords de coopération négociés et des solutions. Elle aura des incidences directes sur le PIB et la qualité de vie dans la région et donc indirectement sur l'élimination de la pauvreté257(*).

Les modalités et les instruments258(*) qui permettront la réalisation de ces objectifs comprennent :

1. Une coopération avec le sous-programme mondial du PNUD sur l'approvisionnement des pauvres en eau ;

2. Une coopération avec des initiatives de gestion des ressources naturelles à l'occasion de programmes nationaux appuyés par le PNUD ;

3. La réalisation d'une responsabilité et d'une capacité partagées en vue de la protection des écosystèmes du bassin méditerranéen ;

4. La formation de partenariats pour le développement entre pays riverains du Nil ;

5. La collection des enseignements acquis, des solutions pilotes et des efforts de coordination en matière de développement et de gestion des ressources en eau ;

6. Le recours le plus large possible à la coordination des capacités régionales, y compris celle mise en place à l'occasion de projets antérieurs du PNUD ;

7. Le recours aux capacités de la Banque mondiale, de la Banque européenne de développement, du mécanisme régional du projet de Capacités 21 au Caire ;

8. La création de partenariats dans le contexte du Programme d'assistance technique pour la protection de l'environnement dans la Méditerranée, entre les gouvernements intéressés au moyen de centres de coordination, les secteurs privés, les municipalités, les ONG, les médias, la Banque mondiale, la Banque européenne d'investissement, l'Union européenne, le Bureau régional pour l'Europe et la Communauté d'États indépendants, Capacités 21, l'Académie internationale pour l'environnement, le Harvard Institute for International Development et des donateurs ;

9. La promotion de partenariats pour le programme portant sur le bassin du Nil, entre les gouvernements des pays riverains, le Bureau régional pour l'Afrique et le Fonds pour l'environnement mondial ;

10. La promotion de partenariats dans le contexte de l'Initiative entre le plus grand nombre possible de partenaires, y compris les organismes publics, les ONG, les milieux d'affaires, l'Organisation arabe de développement agricole ainsi que d'autres organismes intergouvernementaux régionaux et des donateurs ;

11. Et l'exécution par le Bureau des Nations Unies pour les services d'appui aux projets qui permet le choix et un large recours à l'exécution au plan national.

Le développement social, l'élimination de la pauvreté, l'administration des affaires publiques, la protection et la gestion des ressources naturelles constituent les points centraux des cadres de coopération avec les pays (CCP) parmi les États arabes. Les programmes et projets du premier CCR valoriseront les efforts nationaux dans ces domaines en offrant un moyen de partager les données d'expérience, d'éprouver les solutions aux difficultés, de recevoir des services aux moindres frais (par exemple, services de formation à l'échelle de la région), et de mettre au point des cadres de programmation pour les investissements et l'assistance technique.

c) L'Agence Canadienne de Développement International (ACDI)

Le développement durable est la raison d'être de l'ACDI. Le développement durable, c'est-à-dire un développement qui est équitable et viable du point de vue de l'environnement et qui contribue à renforcer les capacités économiques, politiques et socioculturelles des hommes et des femmes, des garçons et des filles, est au centre des efforts déployés par l'ACDI pour réduire la pauvreté dans les pays en développement. En 1999, pour la première fois dans l'histoire, des pays longeant le Nil ont joint leurs forces pour lutter contre la pauvreté et gérer les ressources du fleuve, pour le bénéfice de l'ensemble de la population. Il ne s'agit pas d'un simple projet de gestion des eaux, mais d'un véritable plan de développement social et économique d'une immense région, axé sur les besoins des plus pauvres et sur leur environnement. Ils ont décidé de faire abstraction des querelles traditionnelles concernant le partage des ressources naturelles pour réfléchir, ensemble, à leurs divers problèmes et aux solutions possibles. Cette initiative sans précédent regroupe les dix pays autour d'une vision partagée, celle de mieux gérer les ressources en eau communes en vue de combattre la pauvreté.

Cette Initiative est également conforme à l'approche de développement que poursuit l'ACDI en Afrique, en ce sens qu'elle insiste sur les points suivants : coordonner l'aide des divers donateurs s'intéressant aux programmes dirigés par des Africains ; favoriser les programmes régionaux ; renforcer les capacités des Africains à répondre aux problèmes qu'ils ont eux-mêmes circonscrits259(*). En tant que partenaire associé de l'Initiative du Bassin du Nil, l'ACDI a d'abord eu pour tâche, de concert avec la Banque mondiale et le Programme des Nations Unies pour le développement, d'aider les gens à discuter. En 1992, l'ACDI a commencé à financer une série de conférences à l'intention des spécialistes techniques et des gouvernements des dix pays riverains, processus qui a grandement facilité le lancement de l'Initiative.

L'ACDI continue de participer activement à cette Initiative. Par exemple, en association avec le Fonds pour l'environnement mondial, l'Agence consacre 16 millions de dollars au projet d'action environnementale transfrontalière du Nil. Par l'intermédiaire d'un fonds d'affectation spéciale établi à la Banque mondiale, l'ACDI finance les projets pilotes de conservation et aide les organisations communautaires, en particulier celles des femmes, des jeunes et des groupes de protection de l'environnement, à collaborer avec les gouvernements pour gérer leurs ressources naturelles. L'ACDI fournit un appui financier pour une période de dix mois, lequel couvre les coûts de démarrage et de fonctionnement du Secrétariat de l'Initiative (Nile-SEC) visant le bassin du Nil. Le Secrétariat fournit un soutien administratif et logistique au Conseil des Ministres du Nil (Nile-COM) et au Comité Consultatif Technique (Nile-TAC), deux organes relevant de l'Initiative. L'ACDI appuie un projet de communications260(*) comportant deux phases séparées et distinctes :

1. Un projet de communication de courte durée (12 mois) visant à hausser la sensibilisation générale à l'Initiative et à expliquer le concept de « vision commune » et ses avantages pour la région, collectivement ;

2. Un projet de communication à plus long terme, lequel dépassera la période initiale de 12 mois afin de s'assurer que les décideurs et le public ont tenu au courant des développements au moyen de campagnes de publicité et de promotion soigneusement organisées.

En juin 2001 à l'occasion de la première réunion de l'ICCON, des bailleurs de fonds, dont le Canada, ont promis d'accorder 170 millions de dollars pour l'élaboration du Programme d'Action Stratégique261(*). Ce Programme, qui porte sur le développement durable du fleuve, s'intéresse à des points comme les principales cultures, l'élevage, la pêche, la transformation des aliments et la qualité des sols, ainsi que le commerce de marchandises, l'hydroélectricité et d'autres services. Environ 12.2 millions de dollars iront pour aider à combattre les menaces pour l'environnement liées à la désertification, érosion du sol, envasement, inondations et sécheresse.

Le financement de l'ACDI appuiera les efforts communautaires de préservation de l'eau, des forêts et du sol, notamment en favorisant la coopération dans l'ensemble du bassin et la création de réseaux d'organisations non gouvernementales, en luttant contre l'érosion du sol transfrontalière, et en établissant des fonds pour des micro-subventions qui serviront à financer des initiatives locales de préservation de l'environnement. Et environ 3.8 millions de dollars iront à l'élaboration d'un projet visant à répondre aux besoins prioritaires des populations locales, notamment en réduisant l'érosion du sol et l'envasement, en augmentant la productivité agricole, en développant des combustibles de remplacement, en améliorant la gestion des grands pâturages libres et en favorisant des moyens de subsistance et des pratiques de mise en valeur des sols qui soient durables.

L'Initiative du Bassin du Nil est l'un des nombreux programmes régionaux africains mentionnés dans le NPDA262(*). Le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NPDA263(*)) est un programme d'action complet dirigé par les Africains, visant à mettre fin à la marginalisation de l'Afrique. Le NPDA prend acte du fait que la bonne gouvernance est un instrument clé pour assurer la paix et la sécurité dans l'ensemble du continent et qu'il est impossible de réaliser un développement durable sans ces deux éléments. L'initiative du NPDA relative à la paix et à la sécurité se compose des éléments suivants :

§ Promouvoir les conditions à long terme pour réaliser un développement et assurer la sécurité ;

§ Créer, dans les institutions africaines, la capacité de donner une alerte précoce, ainsi que maximiser leur capacité de prévenir, gérer et résoudre les conflits ;

§ Rationaliser l'engagement envers les valeurs de base du NPDA par l'entremise du leadership africain.

L'Agence canadienne de développement international (ACDI) vient de conclure le 15 avril 2002264(*), un accord avec l'UICN en vue de soutenir l'instauration du Bureau de dialogue international sur le bassin du Nil et faciliter ainsi la participation de la société civile au processus de planification du développement de ce bassin. L'UICN apportera son aide à la mise en place du Bureau de dialogue afin de faciliter le début des entretiens et des travaux avec la population du Nil. Ce bureau comprendra des représentants de la société civile des dix pays riverains et donnera cours à des échanges, à la tenue de tribunes et à la création éventuelle d'un site Web afin de faire prendre connaissance des plans de développement au plus grand nombre possible de personnes et de susciter la participation de celles qui dépendent de l'eau du Nil.

Donc, le partenariat demeure la forme idéale de la coopération multilatérale. Il ne suffit pas de proclamer le partenariat ; il s'agit de le mettre en oeuvre. Cela signifie que les aspects politiques de la coopération constitueront le coeur des futures formes de partenariat (gouvernance, politiques macro-économiques et développement durable). Un partenariat constitue une entité unique et que les partenaires sont solidairement responsables, même s'ils existent habituellement en tant qu'entités distinctes en dehors du partenariat. Le partenariat est suscité par un catalyseur. Il peut s'agir d'une possibilité qui se présente ou d'une demande, ou même d'une crise de nature quelconque. Il offre une approche efficace et pratique pour résoudre des problèmes, saisir des occasions ou planifier des résultats. Il permet aux acteurs concernés de s'améliorer. Le partenariat vise à apporter de meilleures solutions grâce au travail en commun.

C. Quelles perspectives pour l'avenir ?

Penser au futur n'est pas recommandé par les sciences sociales et surtout si nous abordons la question du comportement des acteurs. Nous voyons qu'un bel avenir pour l'Initiative du Bassin du Nil et pour la coopération quant à la région MENA, se concentre autour la réalisation de trois critères : éviter les ingérences extérieures qui utilise l'eau comme carte de jeu, régler le problème des quotas, et instaurer un cadre juridique hydraulique pour la région MENA. Et ces trois critères sont complémentaires.

a) L'IBN réussira-t-elle d'éviter la politisation de l'eau, autrement dit, de résoudre la méfiance réciproque entre les pays riverains ?

La vision de l'Initiative du Bassin du Nil, promouvoir un développement socio-économique durable par une utilisation équitable des eaux du bassin du Nil et une juste répartition des avantages de cette ressource commune, a été adoptée par tous les pays riverains. Ils ont même été au-delà et ont tenté de définir et de traduire cette vision en proposant des projets d'étude concrets.

Chacun sait que la véritable stratégie de l'Initiative est d'obtenir le consensus de tous les pays riverains sur les questions les moins controversées en remettant à une date indéterminée, ou au soin des générations futures, les questions fondamentales et litigieuses. Il ne fait aucun doute que les programmes établis dans le cadre de l'IBN ont pour objectif principal de renforcer la confiance. Les questions qui se posent sont donc de savoir si ces mesures d'«instauration de la confiance» ont une chance d'améliorer l'état chronique de méfiance et de suspicion qui a caractérisé le développement des eaux du Nil.

L'IBN aidera-t-elle les pays riverains à mettre à jour le statu quo, considéré injuste de la part des pays en amont, qui existe sur l'exploitation des eaux du fleuve ?. Plus précisément, l'Égypte est-elle disposée à réviser l'accord de 1959 en faveur de pays comme l'Éthiopie ?. L'Éthiopie pourra-t-elle poursuivre son programme de développement sans diminuer considérablement les ressources du Nil ?. Le Soudan pourra-t-il surmonter sa paranoïa et être prêt à jouer un rôle catalyseur dans le règlement des questions ayant trait au Nil ?. D'autres pays riverains seront-ils les acteurs d'une réelle coopération et seront-ils prêts à agir en conséquence ?.

Alors seulement pourrons-nous parler d'une vraie coopération sur le Nil et d'une réalisation possible de la vision de l'IBN. Autrement, cette Initiative, et la vision qui y est associée, seront peine perdue. En fait, leur échec ne ferait que renforcer, d'une part, le climat de méfiance et de suspicion qui existe parmi les États riverains et, d'autre part, la frustration des facilitateurs ainsi que l'unilatéralisme, ce qui risquerait de déclencher un conflit sur l'utilisation des eaux. Par contre le succès de l'IBN assurerait aux États situés en aval la sécurité ainsi qu'un approvisionnement durable en eau et donnerait aux États situés en amont, comme l'Éthiopie, une chance de développement. Dr Abd El Malek OUDA voit265(*) que pour augmenter les degrés de réussite de cette Initiative, il faut le transformer à un traité pour qu'il soit respecté par tous les partenaires surtout les bailleurs de fonds et leur rôle dans la mise en oeuvre des projets.

La réduction de la pauvreté dans le bassin du Nil passe par le développement des ressources en eau du Nil par tous les États riverains. Naturellement, l'utilisation des eaux destinées à la consommation entraîne une réduction du débit du fleuve. Si l'Éthiopie envisage d'aménager le fleuve, cela réduira la quantité d'eau dont disposeront les autres pays riverains. Pour ces pays, la coopération peut donc signifier une réduction de l'eau et il n'est donc pas surprenant qu'ils n'aient jamais réussi à s'entendre sur cette question. Il est désormais clair pour tous que la coopération est la seule alternative possible. La coopération sur le Nil n'est pas un jeu à somme nulle. Comme telle, elle demande la bonne volonté et la résolution de tous les États riverains afin d'assurer le développement des eaux du Nil au profit de toute la communauté nilotique.

Eviter la politisation de l'eau ou résoudre la méfiance évoque une vision rationnelle de longue durée de la part des dirigeants des dix pays nilotiques. Utiliser l'eau comme carte de jeu n'est pas fréquent après la fin de la polarisation mais l'éloignement de la concurrence franco-américaine est indispensable pour bien dépasser la volonté politique unilatérale vers une volonté de gestion commune d'un bien collectif interdépendant entre les Etats riverains. Si les dirigeants réussissent de dépasser la politisation de l'eau, ils réussisseront d'arriver au degré de résoudre la méfiance. Normalement, la méfiance est la conséquence d'une situation instable qui cherche à utiliser l'eau comme carte de jeu. C'est vrai que l'idée des programmes et des projets au niveau du Bassin et des bassins subsidiaires facilite la gestion commune, mais si cette idée ne se soutient pas par une volonté politique qui a la foi que c'est la bonne voie, elle ne continuera jamais.

Le grand défi devant l'avenir de l'Initiative dépend de sa capacité de garder les intérêts communs de tous les riverains nilotiques. Les pays en amont ont refusé l'accord de 1959 car, selon leur point de vue, il incarne les intérêts unilatéraux des deux partenaires, l'Egypte et le Soudan. Avoir l'impression que l'Egypte a la haute main du bassin du Nil, et c'est elle qui oriente les politiques et s'intervient dans les affaires internes des autres pays, étaient une autre raison derrière le refus de l'Accord. Mais, selon cette Initiative, les pays en amont se sont rassurés que c'est un travail commun, et tous les partenaires ont le même poids politique dans la prise de décision.

L'un des points positifs pour l'avenir de cette Initiative, c'est qu'elle se fonde sur l'aspect géoéconomique de l'eau et pas seulement sur l'eau comme ressource naturelle. Cet aspect élargit la coopération et la garde solidaire et durable. L'accord de 1959 était basé seulement sur la question de l'eau mais l'Initiative peut être considérée comme coopération hydraulique de base économique, c'est-à-dire mettre en oeuvre tous les projets hydriques qui ont des effets économiques sur toutes les sociétés nilotiques.

b) L'IBN réussira-t-elle de résoudre le problème du partage des quotas ?

Elargir la vision coopérative. L'accord bilatéral égypto-soudanais de 1959 était fondé sur une vision technique unilatérale, coincé dans le rôle du Ministère de l'Irrigation et des Ressources Hydrauliques. Par contre, l'Initiative du Bassin du Nil incarne le passage vers une vision coopérative multidisciplinaire, voire globale économique, en prenant de compte tous les intérêts communs de tous les riverains nilotiques. Donc, pas seulement l'eau est l'élément essentiel mais une coopération économique totale dans tous les domaines.

Tout au long de l'histoire politique des pays nilotiques, la question du quota était une carte de jeu politique. Pour dépasser cette politisation, il faut le passage d'un état de non-confiance vers une vision positive coopérative, autrement dit, vers une ambiance de transparence. Et si nous évaluons l'IBN, nous trouvons qu'elle est la première étape vers ce changement, mais il faut que la volonté politique demeure, pour qu'elle puisse dépasser les obstacles. Donc, si les Etats commencent par dissoudre la politisation de l'eau et éviter la méfiance, ils trouveront la volonté politique pour résoudre le problème du partage des quotas. Techniquement, si tous les projets du Bassin et des sous-bassins arrivent jusqu'à l'étape de la mise en oeuvre, le quota de chaque pays se changera. Alors, ce qui manque, c'est la volonté politique.

Résoudre les problèmes du partage des quotas est considéré comme conséquence normale de la durabilité de l'Initiative. Les pays nilotiques ne peuvent penser à résoudre ce problème qu'à la dernière étape de leur coopération : la réalité hydrique l'oblige de le résoudre, si tous les projets des deux programmes, SVP et SAP, entrent dans la phase de l'exécution, ils devront augmenter le quota de chaque pays riverain. Mais la question qui se pose : Quel est l'avenir de l'accord de 1959 ?. L'Egypte se négocie-t-elle pour un nouveau quota ? ou un nouveau quota en gardant ses droits acquis ?.

Transformer l'Initiative du Bassin du Nil vers une Organisation régionale pour le bassin du Nil, cette organisation devrait contenir des traités qui abordent la question des quotas. Cette transformation met en valeur l'aspect juridique. L'Initiative évoque l'aspect technique et économique et pas le juridique, elle a besoin des dispositions juridiques pour être respectables par tous les partenaires. Dès qu'elle s'est transformé vers une organisation, une question se pose : Les pays considèrent-ils l'eau comme ressource économique, socio-économique ou socio-politique ? c'est-à-dire l'eau est un produit économique ?, selon les mécanismes de marché, elle peut avoir un prix ? ou elle est un bien vital disponible à tous ?.

c) La coopération dans la région MENA : Quel avenir ?

La future coopération plus étroite entre les bénéficiaires des bassins fluviaux dans la région MENA sera instaurée, indépendamment des motivations extérieures ou des influences étrangères. En principe, des traités en bonne forme devraient pouvoir mettre en place le mécanisme voulu pour définir les droits concernant les eaux de surface et pour rendre possible un développement coordonné productif. Toutefois, sur les 286 traités internationaux relatifs à l'eau conclus dans le monde entier, un seul grand accord concerne la région MENA, celui qui porte sur le Nil266(*). L'absence de traités internationaux pour l'Euphrate, le Tigre et le Jourdain constituera une contrainte au moment d'optimiser la mise en valeur et la gestion de ces importants bassins fluviaux.

La capacité de gestion selon les pratiques traditionnelles s'est vue déborder par la croissance démographique et l'instabilité politique et les problèmes de pénurie et de pollution de l'eau. Tous les experts hydrauliques conviennent ; les pénuries actuelles et futures ne pourront être combattues efficacement que par une coopération entre les Etats de la région « coopération hydraulique régionale » qui passe par une gestion intégrée des différents fleuves et réservoirs d'eau. Adopter une approche hydraulique régionale dans la gestion des ressources en eau. Il faudrait un régime de droits à la propriété de l'eau et d'arrangements dans la région MENA.

Il serait illusoire de croire que les avancés technologiques (dessalement, traitement des eaux, réutilisation des eaux usées) régleront les problèmes de la raréfaction de l'eau tant que les questions politiques n'auront pas trouvé de solutions justes et durables pour l'ensemble des peuples et des Etats de la région MENA. Les riverains des bassins fluviaux qui verront leurs besoins en eau augmenter d'année en année, devront surmonter les obstacles et se donner les moyens nécessaires à une « hydrodiplomatie » active dans la région MENA. Afin que cette diplomatie réussisse, il faut dépasser ces trois obstacles : l'héritage politique, les sensibilités politiques et la situation économique. Aujourd'hui, les projets afin de remédier la gestion de l'eau à la région MENA existent mais, leurs réalisations dépendent très étroitement des accords bilatéraux et multilatéraux passés entre les pays concernés et donc d'une paix juste et durable à laquelle aspirent les peuples de la région. Il n'y a pas de salut pour la région MENA hors de l'intégration régionale267(*). La stratégie de blocage des grandes puissances n'est pas à négliger. L'échec de la politique d'intégration régionale demeure une solution coincée dans les mains des élites à l'idéal régional. Avant d'être l'affaire du peuple tout entier, la coopération régionale doit pénétrer la conscience des classes dirigeantes qui devront se départir de leur attachement au principe de la souveraineté absolue des Etats.

La politique d'intégration régionale aurait dû constituer le cadre approprié pour une coopération véritable entre les Etats. Pour conjurer ce spectre, l'Afrique a rendu compte de la nécessité d'un cadre coopératif regroupant tous les Etats d'un même continent, avec la fin de l'OUA et la naissance de l'Unité africaine le 9 juillet 2002, au 38ème et dernier sommet de l'OUA à Durban. M. Thabo MBEKI, Président sud-africain, dont le pays a pris la présidence dès ce lundi de ce qui était encore l'OUA pour quelques heures avant de céder la place mardi à l'OUA, a déclaré268(*) dont l'Afrique a besoin "d'un nouveau commencement". L'expérience des 39 ans d'OUA "nous dit clairement que nous devons réfléchir et travailler d'une nouvelle façon". "Elle nous dit que nos peuples ont besoin de démocratie, de bonne gouvernance, d'une corruption éradiquée, de droits de l'homme, de paix et de stabilité". Sur le papier, l'Unité africaine, sur le modèle de l'Union européenne, sera dotée d'un Parlement, d'une Commission, d'une Banque centrale, d'un Fonds monétaire africain, d'une Banque africaine d'investissement et d'une Cour de justice269(*). Cette Unité va être renforcée par un Nouveau partenariat pour le développement en Afrique (NEPAD) qui vient de recevoir la confirmation des pays du G8270(*) au sommet de Kananaskis, au Canada (26 et 27 juin 2002), entre désormais dans sa phase active.

Pour conclure, la solution ne peut être que régionale, et ne pourra être mise en oeuvre que dans un contexte de paix favorisant la naissance de projets communs. La paix sera durablement établie le jour où une agence régionale de l'eau au Moyen-Orient sera chargée de veiller en toutes circonstances à la bonne application d'un ensemble nécessairement complexe de traités de fourniture et d'échange entre ces pays dont l'eau lie les destins. Pour les bassins fluviaux au Proche-Orient, il faut : une vision commune pour gérer efficacement les ressources, qui nécessite un climat de confiance ; une volonté politique appuyée par un soutien public fondé sur une large coopération ; et un partenariat à large assise associant bailleurs de fonds et institutions internationales avec des organisations non gouvernementales.

De tout ce qui précède des deux premiers chapitres, et d'après la théorie du comportement coopératif, nous pouvons dire que l'Initiative du Bassin du Nil considérait la seule voie rationnelle devant les gouvernements nilotiques pour une gestion commune du bassin du Nil. Pour lutter contre les défis internes et externes précités, la coopération était le choix rationnel pour créer une identité nilotique indépendante de tous les effets externes. Tout au long de ce dernier chapitre, nous avons évoqué les différents aspects de la coopération multilatérale entre les riverains nilotiques et les institutions internationales. Tout d'abord, nous avons étudié le corps de l'Initiative du Bassin du Nil, ses objectifs, son cadre institutionnel et ses projets. Et puis, nous avons vu le prolongement de cette Initiative vers un partenariat avec des institutions internationales. Enfin, nous avons terminé par une perspective pour l'avenir, pas seulement pour cette Initiative mais, pour la coopération dans la région MENA.

* 247




Aly M. SHADY, Brian GROVER. Strategic Considerations for the Comprehensive Water Resources Development of the Nile River Basin, Canadian Water Resources Journal, spring 1996, vol. 21, n° 1, http://www.cwra.org/publicat/abstracts/vol21no1.html (1 juillet 2002)

* 248




Jeremy BERKOFF, Une stratégie pour la gestion de l'eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, Washington : World Bank, 1994, p. VI

* 249




Nous n'avons pas réussi de trouver les vrais chiffres concernant la contribution de la Banque dans les projets de l'Initiative du Bassin du Nil. Dans ------------, Collaborer et innover pour bien gérer l'eau, le Point Hebdomadaire, 31 mars 1999, http://www.worldbank.org/html/extdr/extcs/fr/033199fr.htm (7 juin 2002)

* 250




Jeremy BERKOFF, op. cit., p. 77

* 251




Jeremy BERKOFF, op. cit., p. XVIII-XIX

* 252




Jeremy BERKOFF, op. cit., p. 9

* 253




Entretien avec Ayman El Sayed ABD EL WAHAB, chercheur africaniste au Centre d'Etudes politiques et stratégiques, Al-Ahram, le 2 mars 2002, de 12h15 à 13h15.

* 254


Al-Wafd 18 mars 1997 (en arabe)

* 255




World Bank, World Bank Annual Report 1996, Washington: World Bank, 1997, p. 79-90

* 256




PNUD, Etablir de partenariat en vue de réaliser les objectifs de développement, http://www.undp.org/french/mdg/mdghome-f.htm (15 juillet 2002)

* 257




NATIONS UNIES. PNUD : cadre de coopération de pays et questions connexes premier cadre de coopération avec les Etats arabes (1997-2001), 1997, New York : Nations Unies, 26 juin 1997, p. 4-9 (Troisième Session ordinaire de 1997 : 15-19 septembre)

* 258




NATIONS UNIES. PNUD : cadre de coopération de pays et questions connexes stratégie d'exécution du premier cadre régional de coopération avec les Etats arabes (1997-2001), New York : Nations Unies, 5 novembre 1997, p. 13-14 (Première Session ordinaire de 1998 : 19-26 janvier 1998)

* 259




----------------, Une voie vers la prospérité : les pays du bassin du Nil se mobilisent, 25 mars 2002, http://www.acdi-cida.gc.ca/cidaweb/webcountry.nsf/e5473e155eb45091852569a0005d21cb/98fa6a1a46558d6785256b7a00558e63?OpenDocument (8 mars 2002)

* 260




--------------, Egypte, Initiative visant le bassin du Nil, 22 janvier 2001, http://www.acdi-cida.gc.ca/CIDAWEB/webcountry.nsf/VLUDocFr/66E90714D90507BB852568F5005E15ED (8 mars 2002)

* 261




-------------, Le Canada aide l'Afrique à lutter contre la désertification dans le bassin du Nil, 10 octobre 2001, http://www.acdi-cida.gc.ca/cida_ind.nsf/85256290006554a985256250006cbb1a/20c4cdef17cb715d85256ae100581231?OpenDocument (3 juin 2002)

* 262




----------------, L'ACDI, l'Afrique et le G8, 4 mai 2002, http://www.acdi-cida.gc.ca/cida_ind.nsf/8949395286E4D3A58525641300568BE1/72E7DD321E76A32585256BAE007E1F84?OpenDocument (8 mars 2002)

* 263


NPDA = NEPAD (cf. p. 97)

* 264




Cf. annexe XXV : Début du dialogue international sur le développement du bassin du Nil, IUCN, the World Conservation Union / Union Mondiale pour la Nature, the International Discourse on the development of the Nile River Basin takes off

* 265


Entretien avec Dr Abd El Malek OUDA, op.cit.

* 266




Jeremy BERKOFF, op.cit., p. 63

* 267




Edem KODJO, De la nécessité de la coopération régionale en Afrique, Afrique 2000, novembre 1990, n° 3, p. 35-37

* 268


Le Monde 9 juillet 2002

* 269


Libération 8 juillet 2002

* 270




G8 : Le G8 est un groupe de huit pays : le Canada, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Japon, la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis. L'Union européenne y participe également et est représentée par le président du Conseil européen et par le président de la Commission européenne.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld