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Sources de divergences des pratiques des entreprises multinationales en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE) : cas des déchets d'emballages plastiques chez Total Côte d'Ivoire

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par Jean-Baptiste T. Foutchantse
Ecole des Sciences Morales et Politiques d'Afrique de l'Ouest/Cerap-Inades, Côte d'Ivoire - Dess en Ethique Economique et Développement durable 2008
  

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Développement durable comme stratégie de rupture

La plupart des entreprises cherchent à adopter un style de management qui pose le moins de difficultés en conduisant l'organisation selon un mode qui exclut au maximum la surprise. L'hypothèse implicite serait alors la suivante : pour connaître le succès, les organisations doivent opérer dans des états de stabilité. Les politiques de lobbying visant à protéger les intérêts sectoriels procèdent de cette volonté d'exclure ce qui pourrait transformer les règles du jeu. Si cette hypothèse vaut comme principe de management, comment expliquer que les entreprises les plus rentables évoluent fréquemment dans les secteurs turbulents ? Le stratège ne saurait refuser la turbulence. Il doit l'intégrer dans des décisions stratégiques.

L'Ecosensible opportuniste adopte une politique de développement durable qui crée l'instabilité car elle bouleverse les pratiques enracinées dans l'organisation. Le but d'une stratégie n'est donc pas de maintenir la linéarité mais de s'y opposer pour trouver des portes d'avancées nouvelles. Le rôle du manager a donc changé. S'il gère la continuité, il doit s'imposer également la rupture pour construire son secteur et affaiblir ses concurrents.

Une rupture est une mutation de l'univers dans lequel évolue une entreprise, accompagnée d'une reformulation du jeu concurrentiel. Soit l'entreprise provoque cette rupture, soit elle subit cette rupture affligée par ses concurrents ou un autre acteur de son environnement. La rupture se rapproche de la destruction créatrice car elle implique une transformation radicale des pratiques de management et résulte d'un mode de pensée et d'analyse en rupture avec le modèle dominant (le paradigme).

Le développement durable est donc susceptible de provoquer des ruptures sectorielles majeures et ceux qui les initient peuvent en tirer des avantages conséquents sur leurs concurrents immédiats.

Il existe quatre niveaux de rupture : le niveau intrafirme, le niveau intrafilière, le niveau intrasecteur et le niveau intersecteur.

- Le niveau Intrafirme concerne l'organisation dans ses frontières.

Le niveau intrafilière se réfère à des ruptures qui touchent les firmes entretenant des relations de fournisseur à client, des matières premières au produit final (supply chain).

Le niveau intrasecteur se rapporte aux innovations ayant un impact sur les firmes concurrentes.

- Enfin le niveau intersecteur renvoie à des innovations qui affectent les firmes évoluant dans des secteurs distincts.

Le niveau intrafirme a une portée responsable relativement faible car les innovations ne s'opèrent que sur la chaîne de valeur de l'entreprise. Une rupture responsable véritablement innovante pourrait consister en une coopération entre les firmes relevant d'une même filière (des fournisseurs aux clients), situant ainsi la rupture dans les interconnexions entre les chaînes de création de valeur de firmes entretenant des relations de marché.

En effet, les réussites comportent des risques si l'entreprise ne contrôle pas l'ensemble des acteurs de la filière de la chaîne de création de valeur. Une firme peut voir la valeur créée par son action atténuée par le comportement non responsable d'un de ses partenaires situés en amont ou en aval de sa chaîne.

Si la coopération intrafilière est nécessaire, on peut imaginer des coopérations intrasecteur (entre firmes concurrentes), voire intersecteur.

La figure 4 vient appuyer ce raisonnement. Elle montre que l'industrie dans son ensemble produit des déchets car elle ne fonctionne pas en cycle fermé. Dès lors, une action collective (entre plusieurs firmes) peut s'avérer plus bénéfique au niveau écologique qu'une action individuelle (une seule firme).

Les entreprises à titre individuel, en se lançant dans le développement durable peuvent réussir à réduire le gaspillage de ressources. Cependant, les produits que les entreprises génèrent contiennent de grandes quantités de substances toxiques qu'aucune entreprise ne peut seule éliminer.

Les écologistes ont préconisé des « pools de matériaux », sur la base d'une collaboration active et systématique d'entreprises à travers des chaînes de valeur complexes, afin d'identifier et d'éliminer les sources de gaspillage et de pollution (Senge, 2003, cité dans Grandval et Soparnot, 2008). La perspective est alors interindustrielle et non plus intra-industrielle dans une seule perspective de filière. La démarche vise à réduire les externalités négatives d'une industrie grâce à d'autres industries qui peuvent remanufacturer, recycler, composter les déchets et rejets de cette industrie.

Figure 4 : Pourquoi l'industrie produit des déchets.

Source: Grandval et Soparnot, 2008

La figure 5 nous donne un aperçu de ce à quoi conduit une telle approche globale. L'industrie du plastique commence à adopter une telle attitude dans les pays développés. L'innovation stratégique peut donc prendre la forme d'une action responsable. L'option d'une rupture suite à une politique de développement durable est celle qu'adoptent les Ecosensibles.

Cette revue de la littérature nous a conduit à prendre conscience que le développement durable peut constituer pour une entreprise un véritable enjeu de positionnement stratégique dans un marché concurrentiel où les règles de jeu, bien qu'établies, peuvent être changées par un acteur de filière.

Ainsi au niveau des firmes, deux comportements sont observables en matière de politique de développement durable : l'Ecosensible et l'Ecodéfensif. Comme il a été démontré, l'Ecosensible crée la rupture dans son secteur d'activités par une politique volontariste. Son objectif est de bouleverser les règles du jeu dans le secteur et de confiner les concurrents dans un rôle de suiveur en reconfigurant constamment les normes.

Figure 5 :Organisation d'un système industriel cyclique qui imite la nature.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote