Section IV : Développement durable comme
positionnement stratégique
L'étude du positionnement stratégique en
matière de développement durable nous conduit à nous
interroger sur la manière dont les firmes actionnement une
démarche de développement durable.
Tous les secteurs d'activité peuvent être
caractérisés par certaines règles du jeu, ce que les
stratèges appellent de succès. L'idée de changer de jeu
peut évoquer pour beaucoup de dirigeants la modification des
règles d'affaires. Le jeu comporte des règles que les managers
suivent parfois sans même y songer. De tels comportements s'inscrivent
dans une logique profondément induite de la stratégie (Grandval
et Soparnot, 2008).
La stratégie est influencée par les
règles du jeu. L'adaptation stratégique caractérise alors
le processus d'alignement. Le processus d'alignement renvoie à la
capacité de la firme à faire face aux enjeux que lui propose son
environnement.
Mais on peut très bien envisager de modifier les
règles en place. Cela nécessite d'adopter une vision moins
déterministe de la stratégie et d'envisager la possibilité
de transformation du jeu des affaires. Le cadre du jeu n'est alors plus
considéré comme immuable.
Lorsque les conditions du jeu se trouvent inacceptables,
certains acteurs choisissent de les bouleverser en adoptant une
stratégie proactive. C'est cette logique qui explique les comportements
d'innovation stratégique. En matière de développement
durable, cette question s'avère centrale car le développement
durable est fait d'exigences nombreuses toujours plus contraignantes et
coûteuses pour certaines entreprises, ou porteuses d'opportunités
et créatrices de valeur pour d'autres.
Ces contraintes constituent pour de nombreux secteurs des
règles du jeu plus ou moins nouvelles. Alors les entreprises doivent
adopter un positionnement : faut-il les suivre et s'y plier ou est-il plus
judicieux de les devancer, voire tenter de les instituer ? En un mot faut-il
être un suiveur ou un inventeur « vert » ? Faut-il
transgresser les règles ou faut-il les suivre et s'y conformer le mieux
possible ? Faut-il pratiquer la ou l' ?
Pour répondre à ces questions, nous
présenterons en un premier point une typologie des comportements
responsables, et en un second point, nous présenterons le concept de
rupture stratégique.
Positionnement « Développement
Durable »
Si l'on ne saurait occulter la montée en puissance des
préoccupations écologiques et sociales dans le management des
entreprises, il faut reconnaître que toutes les entreprises n'ont pas le
même niveau d'engagement dans le développement durable, ou du
moins dans la prise en compte de la responsabilité sociétale et
environnementale. C'est ainsi qu'émergent deux logiques dominantes
(Grandval et Soparnot, 2008) :
o Une logique de choix discriminatoire pour avancer, voire
devancer le niveau de contraintes « vertes »,
environnementales,
o Et une logique de réponse adaptative aux contraintes
légales permettant d'être aligné face aux exigences
écologiques, sociales et légales.
Ces logiques témoignent d'une double conception des
actions « responsables » :
- la logique proactive qui s'inscrit dans une perspective
délibérée et volontariste de l'action. Ici les
règles du jeu sont construites de l'action.
La logique adaptative, qui est le reflet d'une action
contrainte. Ici les règles du jeu sont subies.
1- Stratégie volontariste : le comportement
Ecosensible
L'Ecosensible vise à créer la rupture dans son
secteur d'activités par une politique volontariste. L'objectif est de
bouleverser les règles du secteur et de confiner les concurrents dans un
rôle de suiveur en reconfigurant constamment les normes. L'Ecosensible
va tenter de peser sur les règles pour évoluer dans un jeu qui
lui convienne en termes éthique mais également économique.
L'entreprise peut tenter d'obtenir un avantage concurrentiel en influant sur le
règlement afin que celui-ci favorise l'entreprise au détriment,
en termes relatifs ou absolus, de ses concurrents.
Les entreprises écosensibles sont proactives, elles
n'attendent pas la promulgation de lois pour intégrer les données
environnementales et sociales dans leur management. Elles les devancent ou les
dépassent. Mais l'action volontariste
« responsable » n'est pas le résultat d'une logique
exclusivement idéologique. La logique instrumentale n'est pas absente
des raisonnements de l'écosensible. Celui-ci tire avantage de son
action.
Ces bénéfices se situent aux niveaux des
coûts, de la légitimité (image véhiculée
auprès des parties prenantes, culture de l'entreprise) et de la
différenciation (qualité des produits, labellisation). Pour des
entreprises multinationales, la donnée environnementale est
stratégique car elle dépasse la recherche d'adaptation aux
contraintes le plus souvent légales.
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