Section III : Cadre conceptuel sociologique de la
RSE : la firme encastrée dans la société
Cette approche repose sur une représentation de
l'organisation qui est totalement insérée dans la
société, ses lois, ses valeurs et sa culture. Les théories
sociologiques néo-institutionnelles assurent que les conditions de
l'environnement ne peuvent être séparées des
représentations qu'en ont les acteurs ; elles intègrent les
valeurs dominantes du contexte sociétal dans lequel s'exercent les
activités de l'entreprise. Elles soulignent l'importance de la dimension
symbolique et cognitive et intègrent les attentes conflictuelles des
différentes parties prenantes. Les dirigeants mettent en oeuvre des
stratégies d'image et de conformité symbolique ou affective avec
ces valeurs afin d'assurer la légitimité de l'entreprise. La RSE
peut également être analysée à la lumière de
la théorie des conventions.
Légitimité : valeur clé de la
RSE
La question de légitimité est consubstantielle
de l'ordre social. La conception weberienne (Capron, 2007) constitue la base
théorique de tous les travaux sur ce thème. Elle repose sur
l'adhésion des personnes au caractère rationnel, légal,
traditionnel ou charismatique du pouvoir. La légitimité
rationnelle et légale repose sur la croyance en la force de la loi et
des règlements. L'approche néo-institutionnelle s'inscrit dans
cette lignée. Elle affirme l'importance des institutions,
systèmes stables et légitimés des règles, de
normes et de valeurs, pour expliquer les faits sociaux et économiques.
Elle analyse le processus d'institutionnalisation et le processus de la
construction sociale de la légitimité.
La légitimité des entreprises naît au sein
d'un environnement institutionnalisé, c'est-à-dire un
environnement qui impose des exigences sociales et culturelles, qui les pousse
à jouer un rôle déterminé et à maintenir
certaines apparences extérieures. L'entreprise doit apprendre à
paraître selon les critères convenus, ressembler à une
organisation rationnelle. Suchman (1995, cité dans Capron, 2007)
présente une synthèse de travaux des sociologues
néo-institutionnalistes et définit la légitimité
comme « l'impression partagée que les actions de
l'organisation sont désirables, convenables ou appropriées par
rapport au système socialement construit de normes, de valeurs et de
croyances sociales ».
L'institutionnalisation n'exerce pas une pression
visible ; c'est un processus d'actions répétées et
d'habitudes qui traduisent des conceptions partagées et qui semblent
naturelles. Ces actions sont considérées comme « allant
de soi ». Dans ce contexte, un comportement socialement responsable
et une éthique minimale ne peuvent se réduire à une
stratégie rationnelle pour un résultat financier : ils
existent parce qu'il serait impensable de faire autrement. La
légitimité est symbolique : dans un environnement
institutionnalisé, les organisations légitimes obtiennent un
soutien indépendamment de leur valeur intrinsèque, sans
évaluation précise. Lorsqu'une organisation a appris à
paraître selon les critères convenus, ses activités ne
peuvent être différentes des apparences, surtout s'il est
difficile de mesurer les résultats (Meyer et Rowan, 1977, cité
dans Capron, 2007). La fréquence des termes
« transparence »,
« réputation », « développement
durable », « entreprise citoyenne », dans les
discours managériaux peut être interprétée comme la
volonté de présenter une image de conformité aux valeurs
dominantes.
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