CHAPITRE III : SUR LES CIRCONSTANCES DES
INTERVENTIONS :
? Activités des instrumentistes, le moment et
la durée des interventions dans les différents blocs
opératoires : Dans notre étude, la majorité
des interventions chirurgicales (66,7%) se faisait au bloc opératoire
de chirurgie générale et dans la 1ère
moitié de la journée.
Charnley J. [14] dans une étude en
1969 aux Etats- Unis, affirmait que les tests bactériologiques
effectués sur la surface externe de la casaque chirurgicale
tissée non mouillée, après 200 opérations
différentes révèlent 1 heure après l'intervention,
la présence de particules chargées de micro-organismes courants
provenant du chirurgien (ou l'équipe chirurgicale) dans 43,5% des
cas.
Nos chiffres sont semblables à ceux de
Lannelongue J. [15] dans son étude en
1980 en France.
Il va falloir écourter la durée des
interventions chirurgicales pour réduire la prévalence des
infections nosocomiales ou pour les interventions de longue durée,
prévoir du matériel supplémentaire pour changer au moins
toutes les heures des barrières de protections comme les casaques et les
gants.
CHAPITRE IV : SUR LA PRATIQUE DE LA PI CHEZ
L'INSTRUMENTISTE EN PRE
OPERATOIRE :
? Utilisation des barrières de
protection, dans notre étude, aucun des instrumentistes ne
changeaient de tenue avant d'entrer au bloc opératoire ni ne portait de
lunettes protectrices mais par contre, ils portaient les autres
barrières e protections. Dans l'étude de Cheikh T. et
collaborateurs, [16] en 2000 au
Sénégal, cet aspect n'a pas été traité.
Une étude faite en France en 1993 par Le
Bon [17] a eu des résultats contraires. Cette
étude affirmait que dans les gestes à risque, le port
systématique de lunettes protectrices est exigé pour
protéger le personnel de santé contre les risques de transmission
par le sang du VIH, de l'hépatite B ou C et de nombreux agents
viraux.
Pour Lannelongue J. [15] en 1980 dans une
étude en France, l'entrée au bloc opératoire exige
toujours:
- l'enlèvement de tous les vêtements et des
chaussures portées à l'extérieur ;
- l'habillement en vêtement propre.
Nos chiffres sont contraires à ceux de Ducel
G. [18] en 1990 en France dans son étude sur la
préparation du chirurgien.
Pour avoir effectué nos stages dans les blocs
opératoires du CHU de Lomé Tokoin, nous pensons que les
barrières de protection comme le tablier et les bottes de même
que la coiffe et la bavette étaient systématiquement
utilisés parce qu'ils étaient disponibles à chaque instant
dans les 3 blocs opératoires.
Par contre l'institution ne fournissait pas aux agents des
lunettes protectrices et par conséquent ils n'en mettaient pas au cours
des procédures chirurgicales. Pourtant le risque d'accident par
projection leur est enseigné et leur est bien connu !
L'insuffisance de fourniture du matériel dans nos blocs
opératoires en Afrique expliquerait également l'absence de
changement de la tenue vestimentaire à chaque entrée et sortie du
bloc opératoire
Des ateliers de sensibilisation et de conscientisation du
personnel travaillant au bloc opératoire sur la tenue vestimentaire
s'imposent aussi dans nos milieux.
? Lavage simple des mains, au cours de notre
étude nous avons constaté qu'aucun des instrumentistes ne
pratiquait le lavage simple des mains avant leur entrée au bloc
opératoire. La transmission des germes à l'hôpital se fait
pour une part importante par les mains des soignants : selon
Brucker G. [19], 20 à 40% des infections nosocomiales
sont dues à une transmission manu portée des bactéries.
Les mains servent de relais car elles sont à la fois en contact avec les
malades, les matériels de soins, les surfaces contaminées,...
La 1ère mesure de
prévention des infections consiste donc à se laver les mains
avant et après tout soin potentiellement contaminant. Le lavage doit
intervenir chaque fois que des soins sont effectués successivement d'un
malade à l'autre comme l'affirme Lannelongue J. [9]
dans son étude.
Depuis Semmelweis IP. [20] en 1847 en Hongrie
affirmait que : « ce geste simple et efficace,
reconnu depuis plus d'un siècle, n'est pourtant pas toujours
appliqué avec la régularité ni le soin
nécessaires ».
Il va falloir que les services disposent d'un grand nombre de
lavabos équipés de distributeurs de savon.
dans nos hôpitaux en Afrique ce qui pourrait augmenter
la prévalence des infections nosocomiales.
? Lavage chirurgical des mains : Au
cours de notre étude, dans 5% des cas aucun antiseptique n'a
été utilisé ce qui constitue un facteur favorisant la
survenue des infections nosocomiales. L'antiseptique très indispensable
pour le lavage chirurgical est parfois indisponible. Cela pourrait s'expliquer
par une mauvaise gestion du matériel, fréquent dans la plupart
des établissements publics de santé des pays en
développement. Cheikh T. et collaborateurs
[16] en 2000 au Sénégal ont également
relevé l'insuffisance des consommables dans les hôpitaux du
Sénégal aux niveaux des blocs opératoires.
Potcholi M. [21] en 2003 au Togo dans son
étude sur la stérilisation du matériel chirurgical au bloc
opératoire dans le service d'ORL a également fait la même
constatation sur le manque de matériel. Il
apparaît encore clairement que l'insuffisance du matériel est
fréquente
? Prise d'antiseptique au cours du
lavage : La prise normale (3fois) d'antiseptique pour le lavage
chirurgical des mains dans notre étude n'a été effective
qu'à hauteur de 33,3% des cas. Ennigrou S. et
collaborateurs [22] en 2000 en Tunisie ont
montré dans leurs travaux que 75% des infections nosocomiales pourraient
être évitées par l'observance des principes
élémentaires du lavage des mains. Larson E.
[23] en 1988 en Angleterre dans une très vaste revue de
la littérature mondiale des articles publiés entre 1879 et 1986
conclu que le lavage et l'antisepsie correcte des mains représentent la
mesure de base de la prévention de la transmission d'agents
pathogènes susceptibles d'être responsables d'infections acquises
en milieu hospitalier.
Dans notre étude, le pourcentage élevé
(66,7%) de ceux qui n'utilisaient pas à bon escient les antiseptiques
pourrait s'expliquer par l'ignorance du rôle de ces antiseptiques qui
permettent d'espérer une destruction de la flore bactérienne.
D'un autre coté, les diverses causes de la mauvaise
observance du lavage des mains pourraient être, entre autres, les effets
irritatifs de la répétition de la procédure de lavage, des
produits eux-mêmes mais aussi la méconnaissance de leur mode
d'emploi et l'utilisation parfois injustifiée d'antiseptique.
? Durée du lavage : Il n'y avait
que 16,6% des instrumentistes qui respectaient la durée normale (6
minutes) du lavage chirurgical des mains.
Didier P. [24] en 2001 en France, dans une
étude affirme que la durée du lavage est également un
facteur important, non seulement à cause de l'action mécanique
mais aussi pour obtenir un temps de contact suffisant pour que l'agent
désinfectant agisse. Le temps de frictions des mains dépend donc
du savon antiseptique utilisé mais en aucun cas être
inférieur à 10- 15 secondes.
Nos résultats obtenus pourraient s'expliquer par le
fait que le lavage chirurgical des mains a été également
l'objet de nombreuses discussions.
Lannelongue J. [15] nous
appuie en écrivant que dans la conférence de 1980 était
proposé un schéma probablement trop contraignant qui imposait une
durée de 10 minutes pour ce lavage. Ainsi, il faut consacrer autant de
temps au rinçage qu'à l'application des produits.
Ces différents principes devraient être
affichés au dessus des lavabos. Une minuterie automatique pourrait
sensibiliser les opérateurs et les instrumentistes pressés.
? Position des mains après le lavage
chirurgical : Au cours de notre étude, dans 13,3 % des cas
les mains n'étaient pas gardées au dessus du niveau du coude.
Selon Le Bon [17], les mains doivent toujours rester plus
hautes que les coudes durant toutes les manoeuvres et en particulier pendant le
rinçage. Il faut en effet éviter de faire couler les liquides du
coude non décontaminé vers la main.
Nos résultats n'étaient pas les mêmes avec
ceux de Didier P. [24] en 2001 en France qui, dans son
étude sur l'hygiène des mains, avait eu 100%.
Il va falloir rappeler qu'en dehors de l'équipe
opératoire, chacun doit pratiquer un lavage hygiénique des mains
chaque fois qu'il prend en charge un patient.
? Utilisation d'antiseptique sur les mains
après le lavage chirurgical : Dans notre étude,
tous les instrumentistes antiseptisaient leurs mains après le lavage
chirurgical à l'alcool dans le but de toujours prévenir le risque
infectieux nosocomial. Cet alcool était passé dans la paume des 2
mains et parfois sur les avant-bras. Dans l'étude de Didier
P. et Andreas W. [24], cette
antiseptisation consiste à une friction des mains, des poignets et des
avant-bras par une solution antiseptique jusqu'au séchage complet en
insistant sur le pourtour des ongles et des espaces interdigitaux avec un
essuie-main stérile ce qui permet d'éliminer 99,99% de la
flore transitoire et 99% de la flore résidente ou commensale.
? Séchage des mains avant le port de la blouse
stérile : Au cours de notre étude, 83,3% des
instrumentistes n'essuyaient pas les mains par tamponnement à l'aide
d'essuie-mains stériles avant le port de la blouse stérile. Selon
le guide de prévention des infections de SANTE Canada
[25] de 1998, l'essuyage par tamponnement des mains constitue
une des étapes du lavage chirurgical des mains en vue de prévenir
les infections nosocomiales.
Dans notre étude, le non séchage des mains par
les instrumentistes pourrait s'expliquer par le manque permanent de
matériel dans les hôpitaux Africains et aussi l'ignorance de
l'importance de cet acte des principes du lavage chirurgical des mains. C'est
ainsi que certains essuient leurs mains avec la blouse stérile avant de
la porter, d'autres sur la partie antérieure de celle-ci après le
port.
Didier P. [24] en 2001 en
France affirme : le séchage des mains au moyen de serviettes en
papier jetables est la solution adoptée dans la plupart des
hôpitaux pour des raisons pratiques. Elle est également plus
hygiénique que l'utilisation multiple de serviettes en tissus.
? Habillage chirurgical :
- Port de blouse stérile lors des interventions
chirurgicale : Au cours de notre étude, dans 10% des
cas, les instrumentistes ne portaient pas de blouse stérile pour
certaines interventions qu'ils appelaient mineures (circoncision,
réduction de fractures même ouvertes etc.).
Cela pourrait s'expliquer par le fait que l'hôpital ne
disposait pas assez de blouses.
Potcholi M. [21] avait aussi fait le
même constat.
Pour Lannelongue J. [15], 100% des
interventions chirurgicales étaient subordonnées au port de
blouses chirurgicales.
Il va falloir que l'administration hospitalière mette
à la disposition du service de la lingerie, du matériel
nécessaire pour toutes les interventions car le risque zéro
n'existe pas.
- Port de gants stériles : le
port correct de gants stériles n'était pas respecté dans
8,3% des cas. Le port de gants fait partie intégrante du protocole de
prévention des infections nosocomiales.
Dans notre étude, le port incorrect de gants
stériles par les instrumentistes pourrait s'expliquer par l'insuffisance
des cours pratiques de la prévention des infections au cours de leur
formation.
Kounoudji PP [13], en 2008 au Togo avait
fait la même remarque.
? Préparation de l'assistant muet :
- Mise en place de l'alèse en
cirée : Dans notre étude, l'alèse en toile
cirée n'a jamais été mise avant le champ stérile
sur l'assistant muet.
A partir du moment où l'environnement pose un certain
nombre de problème de transmission de germes, l'assistant muet quand
bien même il est bien nettoyé, pourrait être porteur de
germes qui peuvent traverser aisément le linge stérile quand on
sait qu'un tissu mouillé n'est pas une barrière contre la
contamination bactérienne. Selon une étude de Werner
HP. et Feltgen [26] en 2001en , 89% des tissés
retraités en France présentent des défauts et pour le test
de pénétration bactérienne en milieu humide ; 72,9%
des champs en France et 79,6% en Angleterre et Pays de Galles se
révèlent perméables aux bactéries.
Il va falloir organiser périodiquement des
réunions d'information sur le risque infectieux nosocomial avec les
décideurs des services de santé.
- Disposition aseptique du champ stérile sur
l'assistant muet : Nous avons constaté dans notre
étude que pour 16,7%, le champ stérile n'était pas
déposé de manière aseptique sur la table opératoire
car ils le mettaient le champ sur l'assistant muet en commençant par le
bord le plus éloigné de la table vers eux-mêmes
créant ainsi une agitation d'air pouvant souiller leur blouse
stérile. Ce qui pourrait être mieux, c'est que cette disposition
se fasse de l'instrumentiste vers le bord plus éloigné de
l'assistant muet évitant ainsi l'agitation de l'air.
- Disposition aseptique des instruments
stériles sur l'assistant muet : Dans notre étude,
8,3% des instrumentistes ne disposaient pas de manière aseptique les
instruments stériles sur la table opératoire. Dans le
répertoire des instruments servant au cours d'une intervention
chirurgicale, se retrouvaient certains qui ont la forme courbe ; ainsi au
cours de leur disposition sur la table opératoire, ils devraient avoir
leur bec courbé dirigé vers le ciel et non vers le linge
disposé sur l'assistant muet afin d'éviter toutes perforations
éventuelles.
? Badigeonnage du site
opératoire :
La préparation du malade au niveau de la zone
opératoire reste essentielle. Selon Lannelongue J. [15]
en 1998 en France : c'est en effet à partir de la peau que sont le
plus souvent introduits dans la plaie, les germes pathogènes ou
devenant pathogènes. Ainsi à l'arrivée au bloc, une
dernière vérification de l'état de la peau doit être
un réflexe. Toute altération doit être notée car
elle peut amener à retarder l'intervention.
Un dernier lavage rinçage accompagné d'un
1er badigeonnage devrait être exécuté à
l'entrée du bloc un antiseptique ne peut agir que sur une peau propre
ce qui souligne l'importance du rinçage.
La préparation définitive en salle
d'opération se limite alors au passage de 2 couches successives
d'antiseptique largement au dessus et au dessous de la zone opératrice
ce qui est encore ignoré par les 6,7% des instrumentistes notés
au cours de notre enquête.
· Change de gants après la disposition des
champs stériles :
Dans notre étude, 83,3% des instrumentistes ne
respectaient pas le change de gants après la disposition des champs
stériles. En effet le nombre de paires de gants que comportaient les
kits opératoires étaient limités, ceci dans le souci de
réduire les coûts de revient des procédures
obstétricales. Une demande supplémentaire de gants dans le but
d'en changer après la disposition des champs stériles devrait
être supportée financièrement par le malade et son
entourage. Les instrumentistes préféraient alors continuer la
procédure chirurgicale avec les gants qui avaient servi à dresser
la table. Or selon Lannelongue J. [15], les
gants d'installation des champs sont souvent les plus contaminés. Le
fait important est donc la contamination du gant superficiel ; c'est celui
qui doit être changé toutes les heures pour ne pas devenir
contaminant et cette contamination vient le plus souvent de l'environnement et
non de la main située à l'intérieur des gants.
L'hôpital devrait fournir, en dehors de ce que le malade achète
pour son kit opératoire, un supplément en matériel de
première nécessité pour les procédures
chirurgicales. Dans le cas du CHU de Lomé Tokoin, nous avons
remarqué que ce matériel est quelque fois fourni mais cela est
encore insuffisant et la gestion n'est pas très rigoureuse.
|