Vérification des hypothèses :
+ Hypothèse 1 : Le secteur de l'eau
est un secteur fragmenté, sans claire stratégie d'ensemble, sa
gestion se déploie sous forme d'une série d'actions
isolées sans articulation entre elles sur le plan national et local. Ce
qui nécessite des structures de coordination efficaces, à tous
les niveaux.
Vérification: L'analyse du secteur de l'eau a
permis d'identifier les principaux obstacles à la gestion
intégrée des ressources en eau et de la demande en eau:
- Un secteur aux multiples intervenants, sans stratégie
d'ensemble, et sans structure de régulation indépendante;
- L'efficacité des structures
interministérielles est entravée par le fait que la
répartition des compétences et des ressources financières
entre les différents sous-secteurs n'est pas effectuée dans un
cadre global qui permettrait de mettre en adéquation les budgets
alloués et les priorités fixées ;
- Les missions des agences de bassin sont multiples et
extrêmement ambitieuses, mais leur financement n'est pas assuré.
Cette situation exige une clarification des missions des agences de bassin par
rapport à celles relevant des autres services
déconcentrés.
- Le faible niveau de disponibilité et
d'accessibilité à l'information fiable (physique et
financière) sur le secteur de l'eau et sur tout le cycle de l'eau
à tous les acteurs, constitue également un frein à la
régulation et au développement durable des ressources en eau.
- Selon qu'il s'agisse de l'ONEP, des Régies ou des
concessions, les opérateurs répondent à des règles
du jeu et à des contraintes radicalement différentes dans le
choix de leur stratégie d'investissement et pour leur financement. Ces
opérateurs sont engagés séparément dans la
poursuite de leurs propres objectifs. En l'absence de coordination et de
régulation adéquate, les stratégies et les
priorités d'investissement qui en découlent sont
hétérogènes.
Nous pouvons dire que l'hypothèse du secteur de l'eau
comme secteur fragmenté est confirmée, que ce secteur est sans
claire stratégie d'ensemble, et que sa gestion se déploie sous
forme d'une série d'actions isolées sans articulation entre elles
sur le plan national et local. Ce qui nécessite des structures de
coordination efficaces, à tous les niveaux.
+ Hypothèse 2: La distribution de
l'eau potable fait l'objet depuis deux décennies d'initiatives à
la croisée des prescriptions internationales et des enjeux nationaux,
mais dans une moindre mesure locaux. Cependant le système de gouvernance
des services urbains au Maroc se caractérise par une faculté
d'adaptation des effets de la mondialisation sans les décliner
localement, ceci selon une démarche institutionnelle qui réunie
déconcentration et projet de décentralisation.
Vérification: Cette hypothèse est en
partie confirmée, notamment en ce qui concerne la définition du
modèle Marocain comme modèle "hybride" où cohabitent deux
modes de gestion du service de l'eau, et alliant :
n d'une part, l'intégration des prescriptions
internationales relatives à l'ouverture du service aux capitaux
étrangers et à la pratique d'une tarification tenant compte des
exigences de la "durabilité économique du service";
n Et l'adoption, d'autre part, d'un système de
tarification (facturation progressive au volume dans un but de respecter le
pouvoir d'achat des couches de populations à revenus limités, et
de lutter contre le gaspillage des couches supposées aisées), et
des programmes d'équipement des quartiers défavorisés
(OBS, INDH, VSB, engagements contractuels des délégataires
relatifs à l'amélioration des taux de branchements et à
l'extension des réseaux) ;
"La résilience nationale"74 ou les
enjeux nationaux et sociaux, sont en effet très présents dans la
définition du modèle Marocain, mais l'insuffisance notée
au niveau du pilotage des contrats de délégation, et de la
régulation du secteur de manière générale, rend le
modèle marocain empreint de vulnérabilité et
d'instabilité, c'est un modèle apparemment en construction.
Par ailleurs, et malgré une apparente
décentralisation qui donne aux collectivité locales des
compétences en matière des services publics locaux, en
réalité la définition du service, la désignation de
l'opérateur, la direction de la gestion, la tutelle et la
régulation du service restent du ressort des services centraux et
déconcentrés, donnant ainsi peu de place au local dans la prise
de décision concernant ces services.
Hypothèse 3 : Il existe des
disparités socio-spatiales inter et intra urbaines en termes
d'accès aux services de base et notamment à l'eau
potable. L'effort de fourniture des équipements et services de
base dans la ville de Safi ne s'est pas opéré dans une logique
intégrée des interventions de la puissance publique qui serait
centrée sur le développement des capacités humaines. Et la
prestation des services et équipements sociaux a été, le
plus souvent, prisonnière de la quête de progrès
quantitatifs, reléguant au second rang la dimension qualitative et
l'appropriation par les populations bénéficiaires.
Vérification: En plus des disparités
entre les milieux urbains et ruraux, et les disparités inter urbaines
relatives à l'accès au service de l'eau potable
(disparités représentées par les différences des
taux de branchements et de desserte en eau potable par zones d'action des
régies et des opérateurs privés), dans la ville de Safi,
et même quand les logements de la ville présentent des taux de
branchement assez élevés pour les réseaux de base (89%
pour l'eau potable, 95% pour l'électricité et 90% pour
l'assainissement), il existe une disparité entre ces taux par type
d'habitat.
En effet et si les villas et les appartements en immeuble sont
entièrement équipés en réseaux de base, les
constructions sommaires, ou bidonvilles, présentent par contre des taux
de branchement très faibles, avec respectivement 12%, 27% et 15% des
constructions sommaires ou bidonvilles de la ville qui sont branchées
aux réseaux d'eau potable, d'électricité et
d'assainissement.
Les constructions non réglementaires constituent par
ailleurs une part importante du parc global de la ville (avec plus de 11%),
représentant quelques 4.353 constructions qui
74"Transitions nationales, gouvernance urbaine et
gestion de l'eau potable Maroc Vietnam". PRUD. 2004
concernent, outre la totalité des constructions sommaires
ou bidonvilles, près de 7% des maisons marocaines modernes de la
ville75.
Le parc logement de Safi, hétérogène et
discontinu dans l'espace, est donc inégalement desservi par les services
de base que sont l'eau potable ou l'assainissement. Et ceci, malgré
l'effort fourni par la RADEES en terme d'augmentation du taux de branchement
dans la ville notamment à travers les opérations des branchements
sociaux. L'accès aux services de bases des habitants des quartiers non
réglementaires, localisés pour la plupart en
périphérie de la ville, demeure tributaire de
considérations urbanistiques simples. Les autorités craignent, en
régularisant les quartiers clandestins, de favoriser une dynamique
urbaine qui apparaît incontrôlable.
L'accès au service a été conçu sur
"le mode de la dualité"76 : le branchement individuel dans
les quartiers réglementaires répondant aux normes urbanistiques
et le point d'eau collectif pour les quartiers irréguliers, en
particulier les bidonvilles.
Nous pouvons donc affirmer l'hypothèse de l'existence
de disparités socio spatiales inter urbaines et à
l'intérieur de la ville de Safi en termes d'accès aux services de
base et notamment à l'eau potable.
75 MHU. " Étude sur le parc logement au niveau de
la ville de Safi ". Novembre 2004.
76 Beatrice Allain-El Mansouri" L'eau et la ville au Maroc,
Rabat-Salé et sa périphérie ".Ed. L'Harmattan,
2001.
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