Conclusion générale:
La question du partage est au centre de la
problématique de l'eau, mais aussi à travers elle, les questions
de la bonne gouvernance, d'égalité, d'équité et de
durabilité sont autant de concepts qui sont confrontés et
éprouvés dans la gestion de la ressource qui est l'eau. Et s'il
existe une tendance à la rationalisation de la gestion de l'eau à
travers des modes de gestion nouveaux, sont aussi forts des concepts tels que
la relocalisation, l'identité locale et le droit à l'eau.
En effet, l'eau c'est la vie, et ce n'est pas une
«marchandise comme les autres». Sa place prééminente
dans toutes les sociétés fait que l'eau ne peut être
traitée comme n'importe quelle matière première. «
L'accès à l'eau potable et à l'assainissement pour tous,
relève d'un droit particulier qu'il convient d'identifier afin de le
protéger et de le développer. Il est inscrit dans la tradition
des peuples et les plus anciens textes juridiques ».77
Au Maroc et au lendemain de l'Indépendance, tout
était à faire et le développement de l'offre des services
de base faisait partie intégrante de l'effort de développement
général du pays, Mais « la fluctuation et l'inconstance des
approches et la prévalence d'une logique quantitative d'offre a souvent
fait que les efforts consentis tentaient de répondre à des
préoccupations sectorielles, plutôt que guidés par des
finalités centrées sur les individus et sur les
communautés »78. En témoignent, par exemple,
l'attitude adoptée vis-à-vis de la question du logement et,
à certaines périodes, par rapport à celle de
l'électrification, surtout en milieu rural. En toute époque, et
selon les équilibres et les moyens en place, la réalisation de
certaines catégories d'équipements et de services devait souvent
attendre.
En effet, tant pour la mobilisation des ressources en eau, que
pour l'accroissement de la puissance électrique installée, la
priorité a été, pendant longtemps, donnée aux
grands projets et aux performances techniques, sans que la
généralisation des accès et l'utilité sociale de
ces infrastructures ne soient sérieusement prises en
considération. L'équipement du pays était alors
porté davantage par des préoccupations d'ordre national et
sectoriel qui passaient devant celles des finalités locales et ultimes
des projets, en termes d'effectivité de l'accès et de valeur
sociale pour les populations.
D'un autre côté, le débat sur la
définition du droit aux services de base et sur la frontière
entre ce qui relève d'un accès garanti, et donc d'un droit, et ce
qui devrait être le fait du marché, a souvent été
reporté. La fluctuation de cette frontière a ainsi retardé
l'émergence d'une hiérarchisation claire des catégories de
prestations et des catégories de bénéficiaires, ainsi que
l'adoption de stratégies différenciées pour
répondre aux besoins essentiels des populations, notamment pauvres et
vulnérables.
Dans l'appréciation générale, au Maroc un
service devient de base, au moment où l'Etat intervient pour le
satisfaire. Le cas de l'accès au logement illustre bien cette situation
et met en évidence l'alternance qui a marqué la perception de ce
service, tantôt comme relevant du marché, tantôt comme
domaine d'intervention prioritaire de l'Etat, notamment pour le logement des
catégories défavorisées.
77 Henri Smets. "Le droit à l'eau
dans les législations nationales". AESN, Nanterre. Novembre
2005.
78 Rapport "Analyse genre loi de finance" 2007.
Jusqu'à une période récente, où
des programmes sectoriels pluriannuels d'adduction d'eau potable et
d'électrification ont été mis en place, la question des
accès paraît avoir été davantage pilotée par
l'urgence et la conjoncture que par les objectifs à moyen terme du
développement humain. C'est ce qui explique, outre la faiblesse des taux
d'accès, la prégnance de multiples disparités spatiales et
sociales.
Le travail de terrain effectué à l'occasion de
ce mémoire, les rapports noués avec les populations du quartier
objet de notre étude, nous ont confronté à un ensemble
d'attentes de la parts de ces habitants, attentes qui révèlent
une grande aspiration à l'amélioration des conditions de vie
autant environnementales qu'économiques et sociales. Cette demande tient
à la fois à des considérations objectives mais aussi
à la représentation qu'ont les populations du rôle de
l'état.
Les attentes dans les quartiers pauvres sont énormes et
se fondent sur le constat du retard social et de l'extension de la
pauvreté. Cette population se caractérise par un taux
élevé d'analphabétisme dont souffrent les deux tiers des
hommes et une grande partie des femmes, par un accès aux services de
base, qui reste malgré les améliorations des dernières
années en dessous des normes, (l'accès à l'eau potable,
à l'électricité et à l'assainissement dans ces
quartiers reste encore limité).
Le taux d'analphabétisme élevé des
habitants les empêche de mieux comprendre les mécanismes
technico-administratifs qui se produisent lors d'un projet d'aménagement
ou la gestion d'un service public, ce qui les bloque pour exprimer leurs
doléances et empêche la pleine manifestation de la
participation.
Pour ce qui est des améliorations à apporter et
afin que cette population puisse jouer pleinement son rôle en
matière de définition des priorités, plusieurs
recommandations peuvent être formulées, dont :
· La participation active à la conception, la
réalisation et la gestion des projets de la population cible;
· Etre soutenus par des mesures d'accompagnement et de
formation ;
· Mieux développer la décentralisation et la
déconcentration des institutions ;
· Privilégier les rapports de partenariat et la
contractualisation des projets ;
· Le renforcement des responsabilités des acteurs
sociaux ;
· l'information des bénéficiaires des
services publiques;
Le type de relation entre les usagers du service de l'eau et
l'environnement technique et administratif est un critère important dans
l'application de l'approche participative. Cette culture participative doit
être consolidée et généralisée dans tous les
programmes d'aménagement en particulier et les autres programmes de
développement en général.
L'amélioration de la gouvernance du service de l'eau dans
le contexte de la raréfaction de la ressource est devenu un besoin et
une nécessité, et cela ne peut se faire qu'à travers :
- la mise en place d'organes et de mécanismes de
concertation et de coordination ;
- le renforcement de la participation des usagers à la
gestion intégrée et décentralisée de la ressource
et du service de l'eau.
D'un autre côté, il est essentiel de prendre en
considération les exigences d'une gestion efficace et durable du service
de l'eau, et partant, d'accepter l'idée de financement de l'exploitation
et de l'entretien, et progressivement des investissements, au moyen des
paiements des usagers si l'on veut assurer la durabilité du service et
des investissements dans
l'infrastructure. Les Objectifs du millénaire ne seront
pas respectés, faute de financements adéquats, Mais le
système de tarification adopté doit cependant intégrer les
principes de la bonne gouvernance, d'égalité et
d'équité. Il faut, pour cela, formuler des programmes
ciblés pour les communautés à faible revenu.
En tous cas il faut commencer par admettre que l'accès
à l'eau est plus qu'un objectif : il constitue un préalable. Sans
eau potable et sans assainissement, les ambitions du Millénaire en
termes de développement et de santé publique n'ont pas le moindre
sens.
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