E. Modèle Marocain et modèles du monde,
synthèse des analyses monographiques :
D'après l'analyse que nous avons entrepris dans les
deux sections VI (le modèle Marocain de gestion du service de l'eau
potable) et VII (les régies autonomes), on peut dire que le Maroc
possède des éléments caractérisant une structure
centralisée d'organisation des services d'eau, dont nous pouvons citer
:
- Une régulation au niveau national,
- Un pouvoir important de l'Etat et forte présence de
l'Etat dans la production et la distribution de l'eau;
- La faiblesse des compétences des collectivités
locales;
Ce modèle présente des similitudes avec le
modèle Français notamment au niveau d'une décentralisation
de droit, permettant en principe, aux collectivités locales de
décider du mode de gestion du service d'eau. Toutefois l'introduction du
mode de gestion par délégation du service dans les grandes villes
Marocaines, connaît des lacunes à plusieurs niveaux dont :
- un déséquilibre informationnel avec le
gestionnaire ;
- non respect des engagements en termes d'investissements, de
performances et de
planification des prix (les problèmes que connaît
la gestion déléguée des services
de l'eau, d'électricité et d'assainissement dans
ville de Casablanca en témoignent); - un encadrement insuffisant des
collectivités locales par les autorités de tutelle ;
L'adoption du modèle Français de gestion
déléguée ne va pas sans difficultés, car la
régulation française (contractualisation au niveau local) n'est
pas adaptée à un type d'organisation où les acteurs locaux
sont encore peu compétents, et les acteurs nationaux assez puissants, ce
qui est le cas du Maroc (voir tableau 35).
57 Organisation des services d'eau dans les pays en
développement: Peut-on caractériser un modèle
émergent? Lise BREUIL.
Tableau 35: Le modèle marocain par apport aux
deux modèles Français et Anglais.
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Eléments proches du modèle Français
décentralisé
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Eléments proches du modèle
Anglais centralisé
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Organisation
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Les acteurs
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Importance des communes Responsables du service.
(mais déséquilibre informationnel avec le
gestionnaire public ou privé).
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L'Etat est très important.
Opérateur de production et de distribution national,
l'ONEP
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centralisation
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Décentralisation théorique
(handicapée par une forte concentration du pouvoir
de tutelle)
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Centralisation de fait
(négociations des contrats de
délégation et régulation
centrale)
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Régulation
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Par qui ?
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Par le contrat pour les
délégations.
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Régulation nationale à travers les services de
tutelle pour les régies autonomes.
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efficacité
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Peu efficace. (apparition de manque de compétences
et
d'inexpérience de contractualisation des communes
délégantes, et manque d'optimisation de l'information de
manière générale)
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Fixation du prix
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Qui fixe les
prix ?
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Au niveau local pour les
délégations. (par négociation et
contrats)
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A l'échelle nationale pour les
régies autonomes.
(commission interministérielle)
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péréquation
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Péréquation au niveau national
(mais aussi au niveau locale
entre consommateurs)
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Enjeux liés à la tarification
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Enjeux politiques pour les communes délégantes
(vote des consommateurs). Et enjeux sociaux et économiques pour
les régies. (accès du plus grands nombre et recouvrement des
coûts)
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Si les deux modèles Français et Anglais
s'opposent suivant deux axes : centralisation et régulation, plusieurs
combinaisons, plus ou moins harmonieuses possibles, peuvent exister entre ces
deux modèles. Le schéma suivant (figure 18) illustre la distance
qui les sépare, mais aussi la position qu'occupe, d'après
l'analyse précédente, le modèle Marocain :
Figure 18: le modèle Marocain dans le schéma
"Centralisation-Régulation"
Régulation contractuelle
Régulation par une administration ou agence
indépendante
Modèle Français de
délégation du service
Modèle centralisé
Modèle de gestion Anglais
Régies autonomes
Modèle marocain « hybride »
Délégations
Modèle décentralisé
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