Avoir une vision suffisamment globale du secteur de l'eau dans
un pays suppose que l'on se place successivement à trois niveaux :
· Au niveau national et supranational où il
s'agit de définir un cadre de contrôle et de régulation
garantissant le respect de normes nationales et internationales. L'eau est
aussi un enjeu stratégique pour certains pays en zone aride, et
constitue un bien précieux difficile à partager (exemple de
conflits entre les Etats Unis et le Mexique, ou entre Israël et la
Palestine).
· Au niveau régional où apparaît un
nouvel acteur, car il faut assurer la gestion durable d'une ressource naturelle
et fragile, et orienter ses multiples usages (agriculture, eau potable,
industrie) : les Agences de Bassin au Maroc, instituées par la loi 10-95
sont supposées jouer ce rôle tout en permettant de régler
les conflits entre usagers.
· Au niveau local, où le secteur de l'eau inclue la
production et la distribution d'eau potable auprès des usagers, et le
traitement des eaux usées.
Pour traiter les aspects liés à la gestion
durable du secteur de l'eau potable dans le milieu urbain marocain nous allons
étudier le cas de la ville de Safi. Étant une ville
moyenne sur le littorale atlantique du Maroc, ces deux
caractéristiques confèrent à ce choix sa pertinence. En
effet, Safi n'étant pas une mégalopole, elle ne fait, de ce fait,
pas l'objet d'un traitement particulier ni de politiques urbaines
extraordinaires. Mais la ville est assez grande pour représenter un
cadre d'étude adéquat pour traiter la problématique de
l'accès à l'eau potable des populations des quartiers
précaires.
L'intérêt de ce choix par apport à la
dimension écologique de notre problématique, procède aussi
de la situation de la ville de Safi sur le littorale atlantique, Le littorale
constituant un écosystème fragile qui est, au Maroc comme
ailleurs, d'un grand intérêt écologique, mais aussi
économique. Le littoral Atlantique abrite 61% de la population urbaine
des grandes villes, (50% de la population du Maroc est concentrée dans
les régions côtières), 80% des effectifs permanents des
industries, 53% de la capacité touristique et 92% du trafic
maritime8.
Le cas de la ville de Safi est aussi particulièrement
typique des villes situées dans les régions aux ressources
hydrauliques insuffisantes et donc confrontées à l'urgence
d'adopter une démarche qui tient en considération la
durabilité de leur développement.
La gestion, enfin, du service de la distribution de l'eau
potable dans la ville de Safi se fait par régie autonome: la RADEES. Ce
qui nous permet de questionner le concept du service public et d'étudier
un cas de gestion par régie autonome, alors que les cas de gestion
déléguée au secteur privé du service de l'eau
potable au Maroc ont étés abondamment traités par les
chercheurs (notamment Français) et par les étudiants
universitaires et des instituts dans le cadre de leurs thèses et
mémoires. La bibliothèque de l'INAU est riche en mémoires
et travaux de recherche traitant cette problématique, et je dois dire
que ce fut l'une des raisons qui m'ont aidé à définir le
thème de mon mémoire. Non pas pour une quelconque
prétention par apport à ces travaux (quoiqu'une bonne dose de
prétention peut constituer un facteur motivant et stimulant, ce dont on
a beaucoup besoin, je pense, quand on mène l'expérience ou
l'épreuve d'un mémoire), mais le but premier reste d'aller
à la rencontre des politiques urbaines et de leurs
8 Rapport sur l'état de l'environnement du Maroc
(REEM), Direction de l'Observation, des Etudes et de la Coordination, MATEE
,1999.
impactes sur la population, et plus précisément
la population des quartiers précaires. La gouvernance de l'eau me semble
être, pour cela, un très bon support permettant le diagnostique de
la gouvernance urbaine de manière générale. La gouvernance
de ce service essentiel, dans une ville comme la ville de Safi, et quand
l'opérateur est public, fait intervenir des considérations autres
que la rentabilité et le souci de l'efficacité économique
du gestionnaire.
Nous proposons de jeter un coup d'oeil différent sur
la problématique de l'accès à l'eau potable, nous
chercherons pour cela les déclinaisons des orientations nationales et
internationales en matière de gestion de l'eau au niveau local, et
l'articulation des projets locaux d'infrastructure de base avec les politiques
et programmes des autres secteurs et acteurs intervenant sur l'urbain. Mais
nous voulons essentiellement, et à l'occasion de ce mémoire,
retracer les impactes de ces politiques sur la vie des habitants des quartiers
précaires. Identifier la perception qu'ont ces habitants à la
fois des acteurs institutionnels et politiques, de leurs actions et de leurs
logiques, nous semble essentiel surtout dans le cadre des programmes
d'intervention sur les quartiers insalubres, et quand ces programmes
prétendent adopter des approches de type « intégratives
», « participatives » et de « développement durable
».
Nous proposons d'étudier le cas de l'équipement
en services de base d'un quartier de la ville de Safi programmé dans le
cadre du programme villes sans bidonvilles (VSB) de la ville de Safi. Nous
avons choisi l'étude de la problématique de l'accès
à l'eau potable dans un cadre contractuel afin de mieux cerner le jeu
des acteurs et d'évaluer le respect de leurs engagements respectifs et
des principes affichés de partenariat, de concertation entre
intervenants et d'inclusion, d'intégration et même de
participation des populations cibles.