1.2.2.1. Les facteurs politiques et culturels
Certains contestent le système de protection sociale
tel qu'il fonctionne aujourd'hui. Ses effets sur la réduction des
inégalités de revenus sont assez faibles. La redistribution
horizontale l'emporte sur la redistribution verticale. Par ailleurs, de larges
poches de pauvreté subsistent et les exclus sont de plus en plus
nombreux à passer à travers les mailles du filet de la protection
sociale.
Plus fondamentalement, P.Rosanvallon (1981)
considère que la crise de la protection sociale a une dimension
culturelle et politique. Pour lui, l'État moderne est fondamentalement
un État protecteur. La protection sociale permet de substituer à
l'incertitude de la providence religieuse la certitude de la providence
étatique. L'État-providence est donc un produit de la culture
démocratique et égalitaire moderne.
Historiquement, l'État-providence progresse par
bonds, notamment à l'occasion des crises ou des guerres, car
« ces périodes constituent des temps d'épreuve à
la faveur desquels il y a reformulation plus ou moins explicite du contrat
social ». Or, dans la période actuelle, aucun mouvement social
significatif ne s'est produit pour légitimer une avancée de
l'État-providence (à la différence de
l'après-guerre). Le doute sur l'État-providence est ainsi
lié à une « panne de l'imagination sociale ».
De plus, la dynamique égalitaire des
sociétés modernes semble bloquée. Selon Rosanvallon, la
demande d'égalité est en perte de vitesse au profit d'une demande
de sécurité, on assiste à une montée de
l'individualisme, à une tendance à la corporatisation, à
un développement de réactions catégorielles
étroites en matière d'impôts et de cotisations sociales,
etc.
Selon P.Rosanvallon, ces évolutions doivent
être analysées en termes sociologiques. Le système de
redistribution, et donc d'organisation de la solidarité, se substitue au
face à face des individus et des groupes. De fait, il se présente
pour ces derniers comme une donnée, un système autonome et
indépendant d'eux, alors qu'il résulte de l'interaction des
prestations et des prélèvements affectant chaque individu.
L'organisation de la solidarité est ainsi coupée des rapports
sociaux réels et devient plus abstraite. Dans ces conditions, les
revendications d'individus et de groupes pour réduire ou limiter les
contributions financières peuvent être totalement disjointes du
sens social de leurs effets.
Le constat d'une crise de l'État-providence doit
être nuancé. En effet, si les limites rencontrées depuis
une vingtaine d'années par les différents systèmes
d'État-providence démontrent la nécessité d'engager
des réformes profondes, l'État et ses systèmes de
régulation collective demeurent aujourd'hui les meilleurs garants de la
cohésion sociale. L'État-providence doit certes adapter son
intervention aux évolutions de son environnement économique
(concurrence sociale dans une économie mondialisée,
vieillissement démographique, nouveaux comportements économiques
et sociaux) et répondre de manière adéquate à
l'émergence de nouveaux besoins sociaux (exclusion, dépendance),
mais il demeure le socle d'un véritable « modèle social
européen ».
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