Sommaire
INTRODUCTION 1
Partie n° 1: Le cadre Juridique de la
coopération transfrontalière
franco- espagnole 3
Section 1 : La convention cadre de Madrid de 1980 4
Section 2 : Le Traité de Bayonne du 10 mars 1995 5
Section 3 : Les instruments juridiques spécifiques
à la coopération
transfrontalière franco-espagnol 6
A/ Les sociétés d'économie mixte locales
6
B/ Les groupements d'intérêt public 7
C/ Les « consorcios » 7
Partie n° 2: La mise en oeuvre de la
coopération transfrontalière
franco- espagnole 8
Section 1 : Les enseignements de la période de
programmation 2000-2006 9
A/ Diagnostic du Programme opérationnel 9
B/ Diagnostic territorial 10
Section 2 : La stratégie mise en place par la
programmation 2007-2013 13
A/ Axe prioritaire 1 : Renforcer l'intégration
transfrontalière en valorisant les
complémentarités sur le plan des activités
économiques de l'innovation et du capital humain. 13
B/ Axe prioritaire 2 : Valoriser les territoires, le patrimoine
naturel et culturel dans une logique durable - Protéger et gérer
les ressources environnementales 14
C/ Axe prioritaire 3 : Améliorer la qualité de vie
des populations à travers des stratégies communes de
structuration territoriale et de développement durable. 15
D/ Axe prioritaire 4 : Assistance technique 15
Section 3 : Les dispositions de mise en oeuvre du PO 16
A/ Le cadre organisationnel 16
B/ La soumission des projets. 17
Partie n° 3: Etat des lieux de la
coopération transfrontalière franco-
espagnol 18
Section 1 : Les structures de coopération
déjà présentes sur la frontière 18
B/ Les collaborations locales 18
B/ Les collaborations régionales 19
Section 2 : Les projets de la programmation 2007-2013 20
Section 3 : L'exemple de l'Hôpital transfrontalier de
Puigcerdà 21
INTRODUCTION
D
urant longtemps, celui qui vivait de l'autre côté
de la frontière était considéré comme un
adversaire. L'étymologie du mot frontière se rapporte
d'ailleurs à celle du front militaire. A l'instar du
célèbre débat d'actualité, la frontière
participait donc à créer un
sentiment d'identité nationale face à
l'étranger.
«Tracer une frontière, c'est
précisément définir un territoire, le délimiter, et
ainsi enregistrer son identité ou la lui conférer
»1. La frontière, sorte de clôture du territoire,
définit une appartenance et une exclusion.
Le terme frontière apparaît en France au
quatorzième siècle, il est utilisé pour évoquer les
zones les plus menacées du royaume. En Espagne, il indique les
régions chrétiennes limitrophes des zones musulmanes. Pour le
reste, c'est le mot limite qui est utilisé.
Depuis la création de l'Union Européenne, et
sous l'impulsion du Conseil de l'Europe, les espaces frontaliers
français ont acquis d'autres logiques de fonctionnement. Nous nous
focalisons ici sur un aspect méconnu des politiques de l'Union
européenne: la coopération transfrontalière. Elle
peut-être définie comme:
«[...] tout type d'action concertée entre des
institutions publique de deux (ou plusieurs) Etats voisins, appliquée
dans des zones ou des territoires situés des deux côtés de
la frontière, dans le but de renforcer les relations de voisinage entre
ces Etats et leurs collectivités territoriales respectives par
l'utilisation de tous les moyens de coopération
disponibles.»2
A mon sens, cette définition oublie cependant les
acteurs privées qui seront amenés a jouer un rôle de plus
en plus important au fil du temps.
Ouverts et souvent complémentaires, ces espaces
transfrontaliers servent dorénavant à fixer les dynamiques
européennes. Mais cette évolution s'applique différemment
selon les zones frontalières. Nous nous penchons ici sur le cas de la
frontière franco-espagnole.
Fixé par le traité des Pyrénées
entre les royaumes d'Espagne et de France en 16593, la
frontière Franco-espagnole est l'une de celles qui a le moins subi de
changements au fil des siècles.
Marquée par le massif montagneux des
Pyrénées, elle s'étend sur 623 kilomètres et suit
la ligne de crête du massif. Cette frontière naturelle du massif
Pyrénéens entre la France et l'Espagne apparaît comme un
frein à la coopération du fait de la difficulté de passage
d'un coté à l'autre et sa faible densité. Pourtant, il y a
toujours eu d'importantes relations transfrontalières.
Nous savons que des vallées de part et d'autre de la
frontière depuis le XIIIe siècle au moins, ont
passé entre elles des conventions afin d'assurer la paix et le bon
voisinage. Ce sont les fameux « traités de lies et passeries
», ou encore « faceries ».Ces conventions,
décidées localement sans intervention étatique ont permis
l'établissement et le maintien de relations globalement pacifiques,
fondées sur le partage des ressources écologiques (eau,
forêts, droits de passages...)4 et cela y compris en tant de
guerre entre la France et l'Espagne.
Plus récemment, la contrebande a toujours
prospéré a cette frontière, y compris durant la
période franquiste, ou l'Espagne vivait retourner sur
elle-même.
1: Étienne BALIBAR, La Crainte des masses. Politique
et philosophie avant et après Marx,
2:Manuel Perez Gonzales, Hacia un nuevo orden internacional y
europeo, 1993, p.545
3: «Les Monts Pyrénées, qui avaient
anciennement divisé les Gaules des Espagnes, feront aussy doresnavant la
division des deux mesmes royaumes» extrait du Traité des
Pyrénées de 1659
4: Maité Lafourgarde «La frontière
franco-espagnole, lieu de conflits interétatiques et de collaboration
interregionale», Presse universitaire de Bordeaux 1998.
Cependant, du fait de sa topographie montagneuse et les
difficultés de passage que cela engendre, les échanges se
concentrent sur les deux bandes côtières basques et catalanes. Sur
le plan culturel et linguistique, seules ces deux régions
côtières présentent une certaine continuité,
à travers les communautés basque et catalane. Jusqu'à
présent, la coopération transfrontalière franco-espagnole
penche en faveur du coté basque, celle-ci étant plus
concentrée.
Les accords de coopération transfrontalière se
multiplient depuis l'instauration de l'Union Européenne et de
l'entrée en vigueur de l'Acte Unique au 1er janvier 1993 permettant le
libre passage des personnes, des biens et des services. Le Parlement
européen met en avant au titre du volet de coopération
transfrontalière les objectifs suivants:
- Intégrer les zones séparées par les
frontières nationales qui sont confrontées à des
problèmes communs qui exigent des solutions communes.
- Approfondir, intensifier et améliorer la
coopération en vue de supprimer «l'effet frontière» qui
persiste encore actuellement à des degrés divers en fonction des
caractéristiques territoriales de la zone éligible.
Le programme opérationnel (PO) 2007-2013 constitue la
4ème génération d'appui financier communautaire visant
à renforcer l'intégration économique et sociale de la zone
frontalière entre la France et l'Espagne. La dotation financière
au programme s'élève à environ 168 millions d'euros.
Dans ce dossier nous cherchons à établir
l'état général de la coopération
transfrontalière entre la France et l'Espagne. Nous excluons
volontairement Andorre qui fera l'objet d'un autre dossier. Nous nous
intéresserons plus particulièrement à la
coopération transfrontalière dans le cadre du programme
opérationnel 2007/2013.
Après la présentation des fondements juridique
de la coopération transfrontalière France Espagne, nous
présenterons la mise en oeuvre de cette coopération. Enfin nous
ferons un tour d'horizon des différents projets de coopération
ainsi que les enjeux qui s'y rattachent au sein des différents
territoires pyrénéens.
« Les hommes blancs, commença-t-il,
commettaient généralement l'erreur de croire que, comme les
aborigènes étaient des vagabonds, ils ne pouvaient pas avoir mis
en place un système de propriété foncière.
C'était une aberration. Les aborigènes, il est vrai, ne
concevaient pas le territoire comme un morceau de terre délimité
par des frontières, mais plutôt comme un réseau de
«lignes» et de voies de communication entrecroisées.
»
Bruce Chatwin, Le chant des pistes.
Partie n° 1: Le cadre Juridique de la
coopération transfrontalière franco-espagnole
Les acteurs publics qui participent à la
coopération transfrontalière ont un rôle
particulièrement important. Celui-ci doit s'exprimer dans un cadre
juridique encore en construction, comprenant les règles issues de
l'ordre juridique national de chaque acteur, mais, également au droit
européen, au droit international et dans certains cas à un droit
étranger.
La phase préalable à l'établissement de
politique de coopération transfrontalière telles qu'INTERREG
repose en premier lieu sur la constitution d'un réseau de
collectivités locales plus autonomes par rapport aux gouvernements
centraux.
Après les deux guerres mondiales et la fermeture totale
de la frontière, des accords transfrontaliers sont à nouveau
activés malgré l'apparente opposition entre la République
française et la dictature franquiste. Ces accords restent cependant
très limités. A partir de la fin des années soixante-dix,
les gouvernements français et espagnol sont contraints à adapter
leur structure juridique aux normes édictées par les instances
communautaires en octroyant de plus larges compétences à leurs
entités locales, notamment en matière de relations
internationales. Cela s'avérera complexe car des deux cotés des
Pyrénées, les relations internationales sont
considérées comme une compétence relevant uniquement de
l'Etat.
Ce sera surtout grâce aux efforts déployés
par les instances européennes que la situation se débloquera. Le
Conseil de l'Europe adopte en effet la convention cadre de Madrid le 21 mai
1980 et permet ainsi aux collectivités territoriales européennes
de coopérer entre elles en établissant les grandes lignes.
1 : La coopération transfrontalière à
l'échelle de la frontière franco-espagnole. Olivia Tambou, Felipe
Saragueta p.3
Section 1 : La convention cadre de Madrid de 1980
A sa création en 1949, le Conseil de l'Europe est
conçu comme l'outil qui devra permettre la réalisation d'une
intégration politique de l'Europe. Ce sera lui le premier à
développer un droit européen de la coopération
transfrontalière.
Celui-ci repose sur la Convention cadre européenne
concernant la coopération transfrontalière des
collectivités ou autorités territoriales. Ouverte à la
signature à Madrid le 21 mai 1980, cette Convention-cadre est à
ce jour en vigueur pour trente six Etats membres du Conseil de l'Europe.
L'Espagne a ajouté lors de la ratification de la convention le 24
août 1990 qu'elle subordonnait l'application de cette convention à
la conclusion préalable d'accords interétatiques avec l'autre
Partie concernée. La France a retiré cette déclaration le
26 janvier 1994. Elle applique donc le texte sans réserve depuis cette
dernière date.
Le contenu de cette convention est modeste. L'article premier
énonce : « Chaque Partie contractante s'engage à faciliter
et à promouvoir la coopération transfrontalière entre les
collectivités ou autorités territoriales relevant de sa
juridiction et les collectivités ou autorités territoriales
relevant de la compétence d'autres Parties contractantes. Elle
s'efforcera de promouvoir la conclusion des accords et arrangements qui
s'avéreront nécessaires à cette fin dans le respect des
dispositions constitutionnelles propres à chaque Partie ».
C'est un texte a porté juridique relativement faible,
puisqu'il ne s'agit que de faciliter et promouvoir la coopération
transfrontalière. Les Etats doivent accorder aux collectivités
territoriales les mêmes facilités que dans le cas ou la
coopération s'exercerait en interne. Cependant son impact sur le
développement de la pratique de la coopération
transfrontalière en Europe est considéré comme
important1. L'existence de cette Convention va permettre une
normalisation du phénomène.
Suivront des protocoles additionnels à cette
convention. Le premier du 9 novembre 1995 signé à Strasbourg
donnera un caractère contraignant plus important à la Convention.
En effet le protocole garantit aux collectivités locales un droit de
conclure des accords dans leurs domaines de compétences. Le second
Protocole additionnel du 9 novembre 1995 traite de la coopération entre
territoires non contigus. Le troisième et dernier protocole date du 24
avril 2009 a pour but de créer un organisme de coopération
transfrontalière : le groupement euro régional de
coopération. Ces deux derniers protocoles n'étant pas
ratifié par l'Espagne, nous n'y reviendrons pas dessus.
Dans le cadre des relations franco-espagnoles, la convention
de Madrid était limitée par le fait que les deux Etats ont
subordonné l'application de cette Convention-cadre à la
conclusion préalable d'un traité bilatérale. C'est
à la lumière de ce constat que va naître le Traité
de Bayonne du 10 mars 1995.
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