SITES D'EXPLOITATION DE COLTAN DANS LE PARC DE KAHUZI BIEGA
AU SUD-KIVU
![](Exploitation-miniere-au-Sud-Kivu-de-la-responsabilite-des-entreprises-et-de-letat167.png)
![](Exploitation-miniere-au-Sud-Kivu-de-la-responsabilite-des-entreprises-et-de-letat168.png)
Ce déséquilibre peut provoquer un sur
alluvionnement des vallées et leur asphyxie plus ou moins profonde. Ces
processus sont quasiment irréversibles et peuvent devenir
catastrophiques à l'échelle de quelques
générations. Dans le cas des productions basées sur le
traitement des minerais extraits par dragage, l'usage de produits chimiques
comme le mercure risquant de polluer les rares ressources en eau demeure un
danger permanent. Ce danger est d'autant plus grand que, souvent les
utilisateurs de dragues n'ont aucune formation pour contrôler ou
éviter une éventuelle pollution des nappes.
En l'absence d'un encadrement et d'une sensibilisation
efficace des exploitants mineurs sur les concepts de la protection
environnementale, les exploitations traditionnelles, conduisent très
souvent à une destruction écologique.
De façon générale, les principaux
problèmes environnementaux imputables à la mine au Sud-Kivu sont
les suivants :
v' les chantiers « orphelins » représentent
un réel danger pour la circulation des hommes et des animaux. Les
anciens sites, généralement abandonnés sans aucune
protection, sont jalonnés d'excavations parfois très profondes
(jusqu'à 50 ou 60 m) souvent camouflées par les eaux stagnantes
ou la végétation secondaire ;
v' Les exploitations alluvionnaires, qui s'accompagnent
fréquemment d'une destruction des berges et d'apports massifs en
sédiments, peuvent localement perturber l'équilibre des
rivières. La création des turbidités et la contamination
des eaux par les boues peuvent entraîner un appauvrissement de la faune
aquatique et ainsi limiter les activités halieutiques ;
v' Les exploitants de gîtes primaires sous le niveau
hydrostatique peuvent entraîner un rabattement de la nappe
phréatique par excès de pompage. Le problème peut
être tout à fait préoccupant dans des sites où les
ressources en eau sont précieuses ;
v' Les techniques d'amalgamation, qui comprennent une phase
finale de distillation, sont en général réalisées
en cycle ouvert. Durant l'opération, environ 40 % du mercure peuvent
s'échapper dans la nature sous forme de billes métal ou de
vapeurs (deux grammes de mercure « s'évaporent » par gramme
d'or récupéré). Le mercure rejeté peut être
ensuite drainé vers les cours d'eau et se déposer dans les
sédiments où il est transformé par action
bactérienne en méthylmercure, composé organique d'une
grande bio disponibilité qui peut rentrer facilement dans la
chaîne alimentaire. Ainsi les expositions chroniques au produit ne
touchent pas seulement les utilisateurs directs qui inhalent les vapeurs, mais
également plus indirectement l'ensemble de la population qui
évolue et trouve sa nourriture dans la zone contaminée. Une
étude à ce sujet devra être menée afin de
disponibiliser de façon précise, de données fiables sur
les impacts écologiques liés à l'utilisation du mercure ou
d'autres produits chimiques dans les sites miniers;
![](Exploitation-miniere-au-Sud-Kivu-de-la-responsabilite-des-entreprises-et-de-letat169.png)
Enfin, comme toute agglomération humaine, on observe
sur les sites d'exploitation, une pollution de l'environnement par les
déchets et les matières organiques et une accumulation importante
de détritus et de piles provenant des torches utilisées par les
exploitants dans les mines.
De manière pratique, l'exploitation minière
amène également tout un cortège d'impacts négatifs,
c'est-à-dire des dégâts qu'elle cause sur l'environnement
(pollution du sol, de l'air, des eaux et grave encore sur la santé
humaine), à différentes étapes de l'activité
minière ou de carrière. La loi n°007/2002 du 11 juillet 2002
portant Code minier révèle que :
ü A la phase de prospection et recherche, on
note notamment les impacts ci-apres :
o la modification du paysage par la destruction de la faune et
de la flore, le stockage de mort terrain, l'apparition des excavations et des
têtes d'érosion.
o l'apparition des maladies respiratoires dues à la
circulation des poussières.
ü A la phase de la construction de la mine, on
note en plus des impacts de la phase précédente
:
o la perturbation du comportement des populations
environnantes et des espèces fauniques propriétaires de l'habitat
concerné suite aux bruits et vibrations crées par la circulation
des différents engins de construction.
ü A la phase de l~extraction minière, on
note en plus des impacts des deux phases précédentes
:
o l'inondation des mines par la montée des eaux de nappes
phréatique ;
o la pollution atmosphérique due aux émissions des
particules totales en suspension dans l'air (TSP) et des particules à
diamètre <_ 10u (PM 10) et l'apparition des maladies
respiratoires.
ü A la phase de l~extraction
métallurgique, on note les impacts ci-apres :
o la pollution des cours d'eaux et du sol par les effluents
liquides contenant des métaux lourds très toxiques ;
o la dégradation de la qualité de l'air par des
toxiques tels les produits de combustion incomplète et certains
métaux lourds ;
o la modification de l'habitat naturel des espèces
aquatiques et la contamination des nappes phréatiques ;
o l'apparition des maladies hydriques ;
o l'apparition des maladies respiratoires chez les travailleurs
et les populations environnantes ;
o l'eutrophisation (rétrécissement des lits) des
rivières avoisinantes les usines et la destruction de la faune
ichtyologique et biologique des rivières.
![](Exploitation-miniere-au-Sud-Kivu-de-la-responsabilite-des-entreprises-et-de-letat170.png)
Les atteintes portées par le travail des creuseurs
à un environnement jusqu'alors protégé (abattage d'arbres,
décapage du sol) restent relativement minimes et ne devraient pas avoir
de graves conséquences à terme. Il n'en est pas de même de
la faune qui a payé un lourd tribut car l'arrivée des creuseurs
dans un milieu sans production vivrière s'est accompagnée d'une
intense activité de braconnage dont à peu près toutes les
espèces ont souffert, des antilopes et des buffles aux
éléphants et aux grands singes. Il est probable que le faible
attrait actuel du coltan a conduit les creuseurs clandestins à sortir du
parc, mais le braconnage continue à sévir selon les responsables
de l'ICCN.
Pour ce faire, les préoccupations environnementales ont
fait par ailleurs leur entrée dans le code minier congolais. Celui-ci
stipule en effet que les exploitants doivent remettre les sites en état
après exploitation. Le décret n° 038/2003 du 26 mars 2003
portant règlement minier consacre de nombreux articles à
l'environnement. Il est prévu pour tout projet minier un Plan
Environnemental comprenant le Plan d'Atténuation et de
Réhabilitation, l'Etude d'Impact Environnemental, le Plan de Gestion
Environnemental du Projet et le Plan d'Ajustement Environnemental. Il y aura
sans doute loin de l'intention à l'acte, mais tout est
théoriquement prévu pour que l'extraction des minerais ne
provoque pas de désordre environnemental.
Cette situation est également confirmée par la
CTCPM du Département de l'Environnement Minier « A l'opposé
des aspects positifs que l'exploitation minière et des carrières
a apporté et continue d'apporter à notre pays (près de 80%
des recettes en devise), cette dernière nous amène
également tout un cortège d'impacts négatifs,
c'est-à-dire des dégâts qu'elle cause sur l'environnement
(pollution du sol, de l'air, des eaux et grave encore sur la santé
humaine), à différentes étapes de l'activité
minière ou de carrière »74
Au Rwanda voisin par exemple, une politique comparable dans
son principe est déjà entrée dans les faits. C'est ainsi
que l'exploitation aurifère dans la forêt protégée
de Nyungwe est désormais interdite ce qui a entraîné une
baisse de la production d'or. La remise en état des chantiers miniers a
commencé. Au moment de la visite de celui de Muhiga (association
Abaharanina Amajyambere) des travaux de rebouchage des excavations
étaient en cours dans le cadre des « travaux communautaires »
effectués gratuitement par les familles des membres de l'association
à raison d'un jour par mois. La rareté de la terre au Rwanda
explique l'effectivité de mesures destinées à
préserver le capital foncier. Les zones minières du Sud-Kivu ne
connaissent pas de contrainte de même nature.
Les problèmes particuliers de l'économie
minière du Kivu s'inscrivent dans un environnement
économique, politique, social, profondément marqué par
des années de déstructuration des encadrements étatiques.
Cet
71 Cellule Technique de Coordination
et de Planification Minière (CTCPM) dans son exposé sur les
impacts des activitos minières et des carrières sur
l'environnement et les obligations environnementales contenues dans la loi
n°007/2002 du 11 juilet 202 portant Code Minier et le
docret n°038 / 2003 du 26 mars 2003 portant règlement minier a
l'occasion de la vulgarisation du Code Minier.
![](Exploitation-miniere-au-Sud-Kivu-de-la-responsabilite-des-entreprises-et-de-letat171.png)
environnement global pèse d'un poids très lourd sur
le quotidien des habitants. Deux points appellent une attention
particulière : La déstructuration territoriale et le règne
de l'informel dans un Etat fantôme.
Il est vrai que l'immensité du pays prédispose
à des autonomies de facto dans des espaces difficiles d'accès,
des espaces d'incertitude aux contours flous. Mais la faillite de l'État
résulte très largement des pratiques des détenteurs du
pouvoir qui ont mis le pays en coupe réglée, la prédation
l'ayant emporté sur la promotion économique et sociale des
populations. Le détournement des ressources nationales au profit d'une
classe politique gravitant autour du chef de l'État a
précipité le Congo-Zaïre dans la spirale du
sous-développement. La propension des élites à consommer
et à placer leurs fonds dans les banques des pays du Nord, plutôt
qu'à investir dans les secteurs productifs a privé le
Congo-Zaïre d'une puissante classe d'entrepreneurs. Le « mal
zaïrois », symbolisé par la corruption, s'est installé
au coeur de l'État et de la société.
En réaction à l'incapacité de
l'État à remplir ses missions, ne serait-ce qu'en payant ses
fonctionnaires et ses militaires, de nouvelles règles du jeu se sont
progressivement imposées à tous les niveaux de l'activité
économique et de la vie sociale. Le règne de l'informel s'est
imposé comme substitut aux carences d'un État fantomatique.
Loin d'être une panacée et un modèle
alternatif de développement, l'informel, quand il imprègne
l'ensemble des pratiques sociales traduit l'échec des politiques
économiques. Pour la majorité de la population, l'informel se
cantonne dans les activités de survie de l'économie populaire.
Pour les entrepreneurs, l'informel conduit à des stratégies de
contournement de la puissance publique afin d'échapper à la
fiscalité et aux diverses contraintes administratives.
La prolifération de l'informel au Congo, cause et
conséquence des faiblesses de l'État, valorise les pratiques de
négociation, fortement ancrées par ailleurs dans les
comportements et la culture nationale. Reconstruire le territoire et les
rouages de l'État représente un seul et même défi
par sa responsabilité ainsi que celle du secteur privé et le cas
spécifique de la province du Sud-Kivu ne peut s'analyser sans
référence à cette toile de fond.
Dès lors, il se pose une problématique sur
comment trouver un équilibre dynamique entre développement
économique, respect de l'environnement, et priorités sociales
dans le domaine de l'exploitation minière au Sud-Kivu pour un
développement durable, étant entendu que ce type de
développement, est « un développement qui répond aux
besoins du présent, en commençant par les plus démunis,
sans compromettre la capacité des générations futures de
répondre aux leurs ». 75
75 G. H. Brundtland : Our Common
Future Notre avenir a tous, Editions du Fleuve, Montreal, 1989
![](Exploitation-miniere-au-Sud-Kivu-de-la-responsabilite-des-entreprises-et-de-letat172.png)
128
|