3- Conditions de la mutilation
génitale féminine sur les femmes à Bantè
Dans le monde, chaque année, au moins deux millions de
fillettes et de jeunes filles sont menacées de mutilation
génitale, soit environ 6000 par jour (Nahid Toubia, 1995). Ces filles
éprouvent des douleurs, des traumatismes et souvent de sérieuses
complications physiques comme des saignements, des infections qui
peuvent\entraîner la mort. A Bantè, la prévalence des MGF
est estimé a 12,2%. Le présent chapitre permettra
d'étudier les conditions dans lesquelles les femmes subissent la MGF et
de dégager les conséquences sanitaires qui en découlent.
Dans cette section, il sera abordé les questions sur les conditions
sanitaires des MGF ainsi leurs conséquences sanitaires.
A Bantè, les mutilations génitales
féminines se pratiquent en majorité sur les petites filles. En
effet, la réponse à la question sur le moment de l'excision
montre que 78,7% des femmes ont été excisées lorsqu'elles
étaient petites filles et 10,9% des femmes lorsqu'elles étaient
jeunes filles. Seulement 10,4% ont subi la pratique de MGF étant grandes
filles. Ce constat est confirmé par le fait que l'âge
médian à l'excision est de 7 ans.
En effet, cette excision est pratiquée à
Bantè sur les femmes d'âge moyen compris entre 8 et 9 ans.
L'âge médian à l'excision est atteint à 7 ans ce qui
coïncide avec l'âge modal. Ce qui suppose qu'a l'âge de 7 ans
la moitié des femmes enquêtées a déjà
été excisée. Le niveau de maturité des femmes
excisées sera examiné selon la zone d'enquête et selon le
département.
Les petites filles subissent en majorité la mutilation
génitale féminine (MGF) dans l'arrondissement d'Atokolibé
(88,0%) et de Koko (56,8%). Par contre, les grandes filles sont en grande
partie excisées dans l'arrondissement de Pira (53,8%). On peut conclure
que le niveau de maturité des filles excisées varie d'une zone
à une autre: à Atokolibé la MGF est surtout
pratiquée dans la petite enfance, période de haute sensation et
une période d'inconscience où les filles ne peuvent pas se
souvenir des maux dont elles avaient souffert; celles de Pira qui ont
été excisées à un niveau de maturité
avancé prouvent mieux relater les douleurs qu'elles avaient ressenti.
Il existe trois formes de mutilation génitale
féminine: la clitoridectomie, l'excision et l'infibulation. La
clitoridectomie est la forme la plus pratiquée au Bénin (75,8%)
contre 22,6% d'excision et 1,6% d'infibulation. Une enquête menée
par "Population Council" dans les formations sanitaires au Burkina-Faso et au
Mali a révélé que la c1itoridectomie est la plus
répandue au Mali (74%) et l'excision est la forme plus pratiquée
au Burkina.
Les pratiques de MGF sont tributaires de
réalités socioculturelles au nombre desquelles on peut citer la
religion, ethnie etc. Pour ce qui concerne la religion, on constate que la
pratique des MGF se fait comme suit: religion traditionnelle (55,7%),
Catholique (13,0%), islam (8,3%) et sans religion (19,5%). La proportion
élevée des femmes excisées des religions traditionnelles
pourrait être attribuée au fait que les communautés nago
sont fortement des religions traditionnelles. Sur 100 femmes excisées
fidèles de la religion traditionnelle 93 ont subi la clitoridectomie.
Les femmes catholiques, musulmanes et sans religion excisées ont subi la
c1itoridectomie dans les proportions suivantes: 81,6%, 75,6 % et 74 ,0%.
La quasi-totalité des filles ont été
excisées par les femmes (97,6%). Les interventions des hommes dans la
pratique de la MGF ne représentent que 2,4%. Ce faible effectif d'hommes
ayant réalisé l'opération d'excision se rencontre dans
l'arrondissement de Koko. Cette situation est le reflet de la
réalité sociologique de Bantè qui consiste à ce que
les hommes s'occupent de la circoncision des garçons et les femmes
s'occupent de l'excision. Il faut signaler que les femmes exciseuses n'ont
aucune qualification chirurgicale. Elles utilisent des matériels non
stérilisés à plusieurs cas d'excision. Ceci peut
être à la base de plusieurs problèmes sanitaires notamment
la transmission du VIH.
Les attitudes des femmes face à la mutilation
génitale féminine sont multiformes du fait qu'on se place dans le
contexte socioculturel et du fait que les femmes sont imprégnées
des conséquences sanitaires et psychologiques de la MGF. Ce sont les
conséquences sanitaires qui guident plus les attitudes des femmes. C'est
pourquoi, Asma El Dareer déclare dans la note introductive de son livre
«Woman, why do you weep? » ce qui suit: «j'ai été
circoncise en 1960 à l'âge de 11 ans. Je me souviens de toutes les
phases de l'intervention et la pire est survenue quand la blessure s'est
infectée. Quand j'ai 18 ans, ce fut le tour de ma petite soeur;
j'étais absolument contre sa circoncision. Mon père insistait
pour la méthode sunnite (clitoridectomie) alors que ma mère
souhaitait la méthode pharaonique (infibulation). Ma soeur a fini par
subir une intervention intermédiaire, en fait, semblable à la
pharaonique. Ses souffrances m'ont fait, encore plus que mon propre cas,
haïr la circoncision ». Les attitudes des femmes Bantè face la
MGF seront observées à travers les raisons d'acceptation de la
pratique de la MGF, l'appréciation sur l'excision et les avis et moyens
préconisés pour la suppression de l'excision à
Bantè.
La pratique de la mutilation génitale féminine a
été appréciée par les femmes comme suit :
- près de 71 % des femmes enquêtées
considèrent la MGF comme une mauvaise chose;
- seulement 10,2% de ces femmes ont déclaré que
la MGF est une bonne chose.
La mauvaise appréciation donnée par les femmes
pourrait être attribuée au niveau élevé
d'information des femmes sur les effets néfastes de la pratique
d'excision sur la vie sexuel1e de la femme au cours des campagnes de
sensibilisation relatives à l'éradication de la pratique de MGF
par les ONG.
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