II- Niveau d'information des enquêtés (es)
Tous les interviewés ont
reconnu dans leur grande majorité avoir déjà entendu
parler de l'excision et des ces conséquences. Les entretiens individuels
ont permis d'enquêter huit exciseuses, dix filles excisées, cinq
époux de femmes excisées et sept époux dont les femmes
n'ont pas été excisées.
Les filles excisées l'ont
été sur décision de leurs parents.
Aucun des jeunes époux n'a eu sa conjointe
excisée, cependant, un de ces époux projette de faire exciser son
épouse pour obéir aux exigences du beau-père.
Les enquêtés reconnaissent les risques de la
pratique. Aussi, les enquêtés pensent-ils que cette pratique
disparaîtra un jour. Cette phrase est pleine de sens ; cela suppose
que la pratique est toujours vivace.
Par contre, une exciseuse estime que la pratique ne va jamais
disparaître, elle affirme « je ne peux même pas songer
à l'abolition de l'excision, c'est une pratique qui est encrée
dans les moeurs donc impossible de l'interdire ».
Figure 2 : Répartition des
enquêtés selon le sexe et le niveau d'instruction
Source : Résultat d'enquête
Le niveau d'information sur la pratique de l'excision à
Bantè varie aussi par rapport au niveau d'instruction des femmes. C'est
ainsi qu'on remarque que le niveau de connaissance de cette pratique augmente
avec le niveau d'instruction. Il passe de 53,6% pour les femmes n'ayant aucun
niveau d'instruction et 59,4% pour les femmes du primaire contre 68,4% pour les
femmes ayant atteint le niveau supérieur. Ce résultat laisse
présager que les campagnes d'information et de sensibilisation sur les
MGF notamment à travers les médias et autres supports sont, de
façon plausible, plus reçues par les femmes lettrées que
par les femmes illettrées.
La religion est l'une des variables culturelles capitales dans
l'analyse des comportements des hommes en matière de
fécondité et de mortalité. Elle a été
considérée jusqu'à présent par nombres
d'observateurs et d'analystes comme l'un des principaux déterminants de
la pratique de l'excision dans le monde. Or, dans le cadre d'une étude
réalisée dans les localités de Karimama et de Kandi, cette
variable n'a pas donné d'effet significatif sur le niveau d'information
ni sur la pratique de l'excision (DJAGBA, 2000). Toutefois, il faut remarquer
que cette étude est limitée à deux localités. Donc,
il serait intéressant ici, après l'analyse descriptive, de
concevoir un modèle d'analyse des facteurs explicatifs de la pratique de
l'excision qui fasse ressortir les différentes variables qui influencent
la pratique de l'excision à Bantè.
On peut établir un ordre de classement des religions
selon le niveau d'information sur l'excision comme suit: traditionnelle
(72,4%), aucune religion (68%), catholique (56,5%), autres religions
protestantes (56%), islam (45,3%), protestante méthodiste (45%), autres
religions (40%), christianisme céleste (37%) et autres religions
chrétiennes (32,6%).
En répondant aux questions concernant l'instrument
utilisé pour exécuter l'opération la plupart des gens
interrogés ont répondu : `'...un seul et unique instrument
est utilisé même en cas d'interventions successives lors d'une
même cérémonie.'' Et ce couteau sert pendant plusieurs
années durant.
Cet instrument est un patrimoine qui se transmet de
génération en génération et il n'existe aucune
mesure de stérilisation, reconnue médicalement comme telle, qui
intervienne en préalable à toute intervention. Seules des
méthodes traditionnelles de stérilisation sont appliquées.
Par exemple le couteau est trempé dans un bouillon de feuilles et de
racines. En guise de mesure d'hygiène on prononce des paroles
incantatoires puis, on plonge les instruments dans une eau saupoudrée
d'une potion magique. Ils sont ensuite exposés à une
fumée, tout aussi `'magique''.
Parfois toutes fillettes de 5 à 10 ans d'un même
village sont excisées le même jour avec le même
matériel et souvent `'sans aucune précaution
d'hygiène.''
Chez les femmes ayant d'enfants, lors de l'opération,
un petit enfant est posé sur sa poitrine. L'opération se fait de
deux manières : l'ablation du capuchon du clitoris et des petites
lèvres ou l'ablation de tout le clitoris et des petites lèvres.
L'excision est reconnue comme un acte de courage.
Le pansement de la plaie se fait souvent à l'aide d'eau
chaude infusée et de savon traditionnel. Une vielle décrit les
soins apportés : `'la fille, après l'opération, doit
porter une couche imbibée de beurre de karité. Le lendemain,
à domicile, deux décoctions de feuilles servent à laver la
plaie ; on peut aussi utiliser la décoction d'écorce de
néré. Ainsi, chaque matin et soir la même séance est
reprise jusqu'à cicatrisation complète de la plaie. Une
alimentation spéciale faite de sauce à base de feuilles
séchées de gombo, de haricot et de viande à laquelle on
ajoute de l'eau potassée, contribue, selon les idées
avancées, à accélérer la cicatrisation de la plaie.
Cette sauce, aussi consommée par les nourrices, aurait des vertus
cicatrisantes et accélérerait le rétablissement physique
de l'excisée.
Dans 40% des cas, les parents géniteurs ont pris la
décision de faire exciser leurs filles. La question que l'on puisse se
poser est de savoir dans quelle intention les parents désirent-ils de
faire exciser leurs filles ? N'est-ce pas à cause des avantages
liés à la pratique ?
A la question `'Avez-vous l'intention de faire exciser vos
filles ?'' un homme répond : `'mon épouse peut me
contredire en voyant exciser la fille à mon insu.''
Certains hommes sont contre l'excision et que ce sont leurs
épouses qui y tiennent absolument.
Ce qui paraît paradoxal est que, certaines victimes en
sont aussi les plus farouches défenseuses.
A la question : `'Les hommes préfèrent-ils
les femmes excisées ou non excisées ?''
- 5 femmes ont répondu qu'elles ne savent pas,
- 3 femmes ont répondu que les hommes aiment les femmes
non excisées,
- 19 femmes ont répondu que les hommes
préfèrent les femmes excisées.
Sur 16 jeunes hommes qui ont répondu à la
question `'allez vous faire exciser vos filles ?'', les réponses
varient de la façon suivante :
De nos jours, la tendance est d'exciser les femmes à
l'âge adulte, parfois même après plusieurs accouchements. Le
choix de l'âge dépend de la volonté soit de
l'excisée soit de ses parents. Autrefois les filles étaient
excisées entre 15 et 20 ans, avant le mariage. De nos jours l'excision a
lieu après un ou deux accouchements pour éviter, paraît-il,
la stérilité. Cette réflexion nous prouve que les
opérations génitales sont susceptibles de provoquer la
stérilité. La croyance populaire est parfois basée sur une
vérité constatée par les grands-parents mais que ceux-ci
n'expliquent pas.
Le prix à payer pour chaque cas est une somme de 2000
FCFA, en plus des présents tels que lait, fromage, poules et oeufs.
Ainsi, les femmes qui s'adonnent à cette profession ont tout
intérêt à ce que cette tradition se perpétue surtout
quand elles savent que le nombre de leurs patientes s'évalue
annuellement par dizaines. En dehors des tarifs et des revenus courants
liés à l'opération proprement dite, les exciseuses usent
de multiples astuces pour gagner encore plus d'argent. Il suffit pour cela que
la fille, sous l'effet de la panique ne retienne pas l'urine ou les
matières fécales pour que le tour soit joué :
l'exciseuse crie au scandale, son couteau a été endommagé
par la fillette et, il faut un dédommagement si on ne veut pas courir le
risque d'exposer la propre famille de la victime et l'exciseuse à une
grande malédiction. Pour réparer la faute, les parents paient
généralement un boeuf, un mouton, une poule, des colas ou autres
choses citées par la chirurgienne devenue sorcière pour la
circonstance. Il arrive aussi, que l'exciseuse use d'un autre stratagème
pour gagner plus d'argent. Dès qu'elle ouvre les grandes lèvres
du sexe de la fillette, elle pousse un cri de stupeur qui alerte tout le monde.
La raison ? La patiente n'a pas un sexe normal, elle a un sexe `'blanc''
réputé mortel pour tout homme qui s'en approche. Or laissé
tel, est très dangereux, voire mortel pour tout homme qui oserait le
toucher. Il faut donc refaire les choses pendant qu'il est encore temps. Les
parents paient alors plusieurs têtes de bétails à
l'exciseuse, car elle seule sait ce qu'il faut pour changer la couleur du sexe
de la fille.
Comme cela a été rappelé dans la partie
méthodologique, il était d'abord question de se rendre compte du
niveau d'information des femmes sur la pratique de l'excision à
Bantè avant de leur demander si elles ont été
excisées ou pas et leurs avis sur d'autres aspects. La question il
propos de l'information sur l'excision est une question dichotomique. A cet
effet, on se rend compte que 55,5% des femmes ont répondu "avoir
entendu parler de la pratique". Il serait alors intéressant de savoir
les disparités en matière d'information selon la zone
d'enquête, le milieu de résidence et par rapport aux
caractéristiques socio-démographiques des femmes
enquêtées.
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