II- LES CAUSES DES TENSIONS DANS LES RELATIONS
DE TRAVAIL ENTRE
« DJOULATCHES » ET CHAUFFEURS
Deux raisons se dégagent parmi les causes
responsables des tensions observées dans les rapports de travail entre
« djoulatchès » et chauffeurs de
« wôrô-wôrô ». Ainsi lors
de notre enquête sur le terrain, une unanimité s'est
dégagée quant aux origines de ces conflits constatés dans
les relations de travail.
Celles-ci se résument en deux points que sont les
irrégularités constatées dans le versement de la recette
journalière et le manque d'entretien du
« wôrô-wôrô ».
Sur un échantillon composé de 80 personnes
(60 chauffeurs de
« wôrô-wôrô » et 20
« djoulatchès »), il est clairement
ressorti des résultats de cette investigation que la violation des
principes de base liés à la recette journalière et la
tenue mécanique du
« wôrô-wôrô » sont
responsables respectivement à 75% et 25% des rapports conflictuels entre
ces deux acteurs.
Ces pourcentages sont résumés dans le
tableau suivant :
Tableau n°7 : Causes des rapports
conflictuels
Source : notre enquête
juillet 2008
Ce second point sera donc consacré à ces
deux principales causes des tensions constatées dans les relations de
travail entre « djoulatchès » et
chauffeurs de
« wôrô-wôrô »
exerçant sur la ligne Treichville-Gonzagueville.
1°) La violation des
principes de base liés à la recette
journalière
Toute règle préétablie dans une
relation est le garant de la longévité de cette relation. Ce
faisant, la respecter demeure la condition sine qua non pour sa subsistance.
Ainsi « djoulatchès » et chauffeurs ont
établi des principes de base pour le bon fonctionnement de leurs
rapports de travail. Cependant le non respect de certains de ces principes et
particulièrement ceux relatifs à la recette journalière
conduit à un dysfonctionnement de cette relation.
Le chauffeur de
« wôrô-wôrô » dans l'exercice
de son métier est souvent confronté à de multiples
difficultés qui influencent son rendement. En effet la
vétusté du véhicule et les pannes mécaniques ne
sont pas à l'avantage du chauffeur dans sa quête
effrénée de la recette journalière, gage de toutes bonnes
et cordiales relations de travail avec le
« djoulatchè ».
La manne financière que constitue la recette
journalière est l'une des priorités du
« djoulatchè » dans la mesure où
celle-ci représente le profit qu'il tire de son investissement (l'achat
du véhicule
« wôrô-wôrô »). Cependant
la moindre irrégularité constatée dans cette recette
constitue une violation des principes et accords de travail établis. En
effet lorsque la totalité de la somme fixée comme recette n'a pu
être réunie par le chauffeur et que ce fait se reproduit
fréquemment, le « djoulatchè »
solutionne cette situation par un changement de chauffeur car le présent
n'arrive pas à respecter à la lettre les accords qu'ils se sont
fixés dans le cadre du travail.
Ainsi, le « djoulatchè »
retire sans préavis le véhicule au chauffeur et le remet à
un autre qui lui est censé faire mieux, sans toutefois se
préoccuper des facteurs qui inhibent le métier de chauffeur
de « wôrô-wôrô ».
Quelles que soient les difficultés rencontrées
dans l'exercice de leur métier ce qui prime pour le chauffeur, c'est la
recette journalière qu'il est censé versé chaque jour de
travail au « djoulatchè ». C'est le point
primordial autour duquel gravitent les autres principes de travail entre ces
acteurs. Ainsi, un chauffeur de
« wôrô-wôrô » qui
réunit quotidiennement le montant de la recette journalière
n'aura que d'excellents rapports de travail avec son employeur.
On note également que l'attention
particulière accordée au respect des principes liés
à la recette journalière par le
« djoulatchès » s'explique par plusieurs
raisons. Ainsi le tableau ci-dessous représente les différentes
activités exercées par les
« djoulatchès » enquêtés lors
de l'étude.
Tableau n°8 : Activités
professionnelles exercées par les
« djoulatchès »
Source : notre enquête
juillet 2008
De ce tableau il ressort que sur les 20
propriétaires enquêtés 60% sont des commerçants
(soit 12 « djoulatchès »), 30% des
fonctionnaires (6 « djoulatchès ») et 10%
des planteurs soit 2 « djoulatchès ».
En effet, l'instinct propre aux commerçants qu'est la
recherche de profit et l'installation dans un créneau qu'ils
espèrent être porteur, explique le taux (60%) observé chez
ceux-ci. Quant aux fonctionnaires, le pourcentage observé (soit 30%) est
représentatif de la situation financière assez difficile que ces
derniers connaissent. Il leur faille « boucler les fins de mois
difficiles » par des activités génératrices de
revenus à cause du coût de la vie qui ne cesse d'augmenter.
L'attention particulière accordée à
la recette s'explique en effet par le fait que celle-ci représente une
source quotidienne de revenu qui vient s'ajouter au revenu de l'activité
professionnelle exercée par les
« djoulatchès ». Pour d'autres, le
véhicule est l'unique source susceptible de leur procurer un revenu
quotidien.
De telles situations économiques sous tendent ainsi
les différentes agitations et attentions particulières des
« djoulatchès » à l'égard du
respect de ces principes clés afférent à la recette
journalière.
2°) La négligence des
principes liés à la tenue mécanique des
véhicules
Dans la relation de travail qui existe entre
« djoulatchès » et chauffeurs, le
véhicule
« wôrô-wôrô »
représente un enjeu de taille. Pour le chauffeur, c'est l'outil de
travail et l'intérêt y est donc de le protéger ; pour
le « djoulatchès », c'est la source de
revenu qu'il faudra faire fructifier.
En effet la majeure partie des chauffeurs interrogés
(soit 50% de l'échantillon) étant mariés, il est
évident d'imaginer la détermination du chauffeur à
travailler pour prendre soins de sa famille. Quant au
« djoulatchè », il tire profit de son
investissement dans la capacité du
« wôrô-wôrô » à
pouvoir faire une bonne recette. Ainsi le
« wôrô-wôrô » de par son
importance pour ces deux acteurs se doit d'être toujours en bon
état afin que la satisfaction soit de mise dans les deux camps.
Cependant les choses ne se présentent pas toujours
suivant les principes établis; ce qui abouti à la rupture du
contrat de travail. En effet certains
« djoulatchès » se plaignent du mauvais
traitement de leur véhicule par le chauffeur. Ce dernier ne prend pas
soins du véhicule et se trouve dans un état à la fois
dégradant et insalubre dès sa perception (clignotants
cassés, sièges en mauvais état et des égratignures
sur toute la carrosserie du
« wôrô-wôrô »).
Ainsi, les petites pannes mécaniques n'excédant
pas 5.000 francs, et auxquels le chauffeur devrait s'acquitter selon les
principes de base sont négligés. Cette situation amène
souvent les « djoulatchès » à rompre
la relation de travail qui le lie au chauffeur. Ainsi il procède soit
à la vente du véhicule ou le confie généralement
à un autre chauffeur beaucoup plus conscient quant à l'entretien
se son véhicule de transport.
Cependant le chauffeur ne constitue pas le seul
responsable de la dégradation du véhicule dans la mesure
où le « djoulatchè » a sa part de
responsabilité dans cette négligence de l'entretien de
celui-ci.
En effet nombre de
« djoulatchès » éprouvent maintes
difficultés pour faire face aux frais de réparation de leur
« wôrô-wôrô ». Injecter
des fonds pour la réparation du
« wôrô-wôrô » en cas de
pannes mécaniques relève d'une difficulté majeure. Ils
adoptent ainsi un langage courant dans le milieu du transport informel à
l'encontre des chauffeurs à savoir : « faut
débrouiller ». Le chauffeur est alors
livré à lui-même quant à la prise en charge des
frais résultants de la réparation du véhicule.
De tels comportements de la part des
« djoulatchès » amènent souvent le
chauffeur à conduire un véhicule sans des freins en bon
état, avec un moteur défaillant qui l'amène la plupart du
temps à pousser le véhicule avant chaque démarrage et
à poser des briques ou morceaux de bois en guise de cale pour
l'immobiliser.
Ce manque de responsabilité des
« djoulatchès » entraîne souvent des
accidents de circulation aux conséquences désastreuses. Ces
difficiles conditions de travail poussent certains chauffeurs à
interrompre la relation de travail qui les lie à leur employeur afin de
trouver d'autres véhicules en meilleur état et un employeur
respectueux de ses engagements.
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