2.3. CARACTERES HUMAINS ET EVOLUTION DE LA
POPULATION D'AGBONOU
La dynamique démographique et la dynamique spatiale ont
des rapports
étroits. L'une est la conséquence de l'autre.
Les deux mouvements se poursuivent encore et ne sont pas moins visibles dans
les villes secondaires (Nyassogbo, op. cit.). De limite encore floue,
l'extension d'Atakpamé, la 5e ville du pays est modeste. Lent
au départ, l'étalement de la ville aux sept collines a pris une
allure rapide depuis 1970. Cette rapidité s'explique non seulement
par
l'accroissement sensible de la population, mais aussi par la
migration résidentielle vers cette zone. La naissance de nouveaux
quartiers périphériques dont Agbonou, actuellement la plus grande
banlieue, l'absorption des fermes, hameaux et villages traduit cette dynamique
spatiale d'Atakpamé. Dans ce souschapitre, il sera question d'analyser
la structure démographique d'Agbonou, l'évolution de la
population et ses conséquences.
2.3.1. LES CARACTERISTIQUES HUMAINES DE LA POPULATION
La population d'Agbonou à l'image de celle
d'Atakpamé est caractérisée par sa diversité qui se
remarquait depuis la fondation du quartier et surtout depuis qu'il est devenu
le terminus de la voie ferrée du centre.
2.3.1.1. Une très forte proportion de jeunes et
une population équilibrée sur le plan du sexe
La pyramide des âges d'Agbonou serait à l'image
d'Atakpamé puisque ce quartier abrite aujourd'hui un quart de la
population de la ville. Ainsi par analogie, la pyramide des âges de la
ville d'Atakpamé en 2000 (figure N°1), comme à Agbonou donc,
a une base large et présente des versants presque concaves, montant vers
un sommet effilé.
Figure N°1
La forme de cette figure illustre une grande proportion de
jeunes et d'enfants, à côté d'un nombre réduit de
vieux. En 2000, 42% de la population avait moins de 15 ans, 52 % avaient entre
15 et 55ans et 6% plus de 55 ans. La population de la commune ainsi que du
quartier reste donc essentiellement jeune. Ce contraste est dû
évidemment aussi bien à l'accroissement naturel, qu'à la
masse importante de jeunes gens qui immigrent, soit pour la scolarisation, soit
pour des activités informelles. Nous insisterons plus loin sur les
rapports entre le phénomène migratoire et l'exercice du commerce
ambulant. Quant à la structure par sexe de la population d'Agbonou, on
note que la population se répartit presqu'équitablement entre les
deux sexes : 101 hommes pour 100 femmes (DRSCN-PL). Cette situation s'explique
par une plus grande mobilité géographique et sociale de la femme.
Non seulement elle accompagne son mari dans une autre ville en l'occurrence
Lomé, mais a la possibilité de s'y rendre seule pour ses diverses
activités. Le succès apparent du commerce à Lomé
constitue le véritable catalyseur de l'émigration de la gent
féminine d'Agbonou vers Lomé. Les hommes par contre sont
attirés des fermes vers Agbonou à cause du métier de
Taxi-moto (Sonokpon, 2003). A part la diversité des groupes d'âge
et de sexe, la population d'Atakpamé est constituée aussi de
plusieurs ethnies.
2.3.1.2. Une population multiethnique dominée
par les Ifê
Agbonou est un quartier multiethnique. On y trouve presque
toutes les ethnies du Togo. La répartition ethnique des résidants
d'Agbonou donne les résultats suivants :
Figure N°3: Répartition des
résidants suivant leurs ethnies
Source: nos enquêtes
Agbonou est une création des Ifê. De ce fait,
malgré une importante migration des autres ethnies du pays, le groupe
îfê reste l'ethnie majoritaire avec 38,1% des effectifs. On
retrouve par ordre d'importance, le groupe Kabyè-Tem (22 ,1%), le groupe
Adja-Ewé (18,6%), le groupe Akposso-Akébou (7,1%) et le groupe
Fon-Mahi (7,1%). Ces quatre entités ethniques sont suivies d'ethnies
numériquement moins importantes (Bassar, Tchamba, Adangbé, Moba,
etc.). Ils font 5,3% des effectifs. Ils ont tous migré dans l'aire
îfê à cause de ses riches terres et par la suite vers
Atakpamé en l'occurrence à Agbonou à cause de la bonne
marche des affaires dans ce quartier. Enfin, vient le groupe des
résidents d'origines africaines installés dans le quartier depuis
longtemps exerçant les petites activités informelles. L'ensemble
représente 1,8% de la population d'Agbonou. Il se compose en
majorité de Nigériens (Djerma...) et de Nigérians
(Haoussa, Yorouba, Ibo, etc.).
Dans l'ensemble, malgré la diversité ethnique,
ils entretiennent de bonnes relations de voisinage. C'est aussi une population
multi professionnelle dominée par les artisans.
2.3.1.3. La structure socio-professionnelle de la
population
Quatre catégories socio-professionnelles se partagent
l'essentiel des effectifs de la population active du quartier comme le montre
le tableau N°3.
Tableau N°4: Répartition de la
population résidante suivant la profession
PROFESSIONS
|
EFFECTIFS
|
POURCENTAGE (%)
|
CUMUL
|
Salariés
|
27
|
23,9
|
23,9
|
Ouvriers/Artisans
|
35
|
31,0
|
54,9
|
Commerçants
|
17
|
15,0
|
69,9
|
Transporteurs
|
26
|
23,0
|
92,9
|
Soldats
|
4
|
3,5
|
96,5
|
Autres professions
|
4
|
3,5
|
100,0
|
TOTAL
|
113
|
100,0
|
100
|
Source: nos enquêtes
Ainsi, 1 actif sur 3 à Agbonou est un ouvrier-artisan ;
les salariés, les transporteurs, et les commerçants
représentent respectivement 23,9%, 23% et 15% de la population active
soit un peu moins de 2 actifs sur 3. Ces activités économiques
sont bien représentées à cause de la bonne marche des
activités qui les a obligés à élire domicile dans
le quartier. Les fonctionnaires de leur côté sont nombreux parce
qu'ils veulent être proches de leurs services. A la suite de ces 4
groupes et dans des proportions bien moindres, on distingue des soldats (3,5%)
et les autres professions telles que les professions libérales et les
élèves (3,5%).
Il est à noter que les groupes socio-professionnels
sont hétérogènes. Ainsi, chez les ouvriers-artisans qui
représentent la majorité des résidants actifs
enquêtés, on retrouve des mécaniciens, des menuisiers, des
artistes-peintres, des
peintres-bâtiments, des coiffeurs, des tailleurs, des
couturières et autres. De la même façon dans le groupe des
commerçants (15%) qui sont surtout des femmes qui proposent à
manger, on retrouve aussi des grossistes, des détaillants et des
spécialistes d'articles manufacturés, etc.
Dans la catégorie des salariés, on retrouve un
nombre important d'enseignants à cause du grand nombre d'écoles
primaires et secondaires implantées dans le quartier. On note aussi la
présence de cadres : des agents de l'Etat, de la Sotoco, des agents du
secteur médical et des ONG.
Malgré ce profil socio-professionnel observé,
l'essentiel de la population du quartier a reçu une instruction
limitée au 1er cycle.
2.3.1.4. Une population en majorité
alphabétisée
La répartition des résidants selon le niveau
d'instruction donne les résultats suivants :
Tableau N°5:
Répartition de la population suivant le niveau d'instruction
NIVEAU D'INSTRUCTION
|
EFFECTIFS
|
POUCENTAGE(%)
|
CUMUL
|
Analphabète
|
23
|
20,4
|
20,4
|
Primaire
|
45
|
39,8
|
60,2
|
Secondaire
|
34
|
30,1
|
90,3
|
Supérieur
|
11
|
9,7
|
100,0
|
TOTAL
|
113
|
100,0
|
100
|
Source: nos enquêtes
On constate que 79,6 de ménages enquêtés
sont instruits. Plus spécifiquement, on note que 39,8% n'ont pas
dépassé le niveau de l'enseignement primaire, 30,1% ont
fréquenté les collèges et lycées tandis que 9,7%
ont fait le niveau supérieur. La plupart de ces gens sont des
salariés. Il faut cependant remarquer
que 20,4% de résidants environ n'ont jamais mis pied
à l'école. Cette tranche d'analphabète regroupe souvent
les commerçants et les transporteurs. Ce sont souvent des migrants des
villages environnants qui n'ont pas eu la chance d'être scolarisé
avant de rejoindre leurs soeurs, tantes, oncles ou patrons en ville. Ce sont
aussi des femmes qui après avoir été domestiques finissent
par monter leurs propres commerces. Elles sont souvent exposées aux
risques de maladies sexuellement transmissibles et des grossesses non
désirées. Les jeunes hommes aussi ne font pas exception à
la règle. D'habitude étant non instruits, ils deviennent des
conducteurs de taxis-moto ou de minibus après avoir servi sous un
patron.
Néanmoins, la majorité de ces résidants
font partie de ménages aux tailles moyennes.
2.3.1.5. Des ménages aux tailles
moyennes
L'une des caractéristiques de la population dans le
Tiers Monde en général et en Afrique en particulier est la taille
excessivement grande des ménages. Mais depuis une vingtaine
d'années, cette façon de penser des Africains et en particulier
des Togolais d'avoir une progéniture nombreuse se dissipe dans les
esprits. Avec la crise économique qui secoue le pays, le taux d'indice
synthétique de fécondité (ISF) qui était de 6
enfants par femme dans les années 90 a baissé
considérablement surtout dans la famille des cadres pour être
à 2 enfants par femme.
A Agbonou, le tableau N°5 suivant nous confirme ce nouveau
désir des ménages togolais à avoir moins d'enfants.
Tableau N°6: Répartition des
enquêtés suivant le nombre d'enfants
NOMBRE D'ENFANTS
|
EFFECTIFS
|
POURCENTAGE
|
CUMUL
|
moins de 2
|
23
|
20,4
|
20,4
|
3 - 4
|
42
|
37,2
|
57,6
|
5 - 6
|
34
|
30
|
87,6
|
plus de 7
|
14
|
12,4
|
100
|
TOTAL
|
113
|
100
|
100
|
Source: nos enquêtes
Suivant ce tableau, seulement 12,4% des ménages ont
plus de sept enfants. Ordinairement, ce sont des couples plus âgés
ou de l'ancienne génération. Les foyers de trois ou quatre
enfants sont majoritaires (37,2%). Généralement, ils sont des
couples jeunes qui ont une nouvelle mentalité vis-à-vis de la
reproduction. Le nombre élevé des couples de moins de deux
enfants (20,4%), nous atteste cette nouvelle option des Africains qui ont fini
par comprendre qu'une progéniture nombreuse n'est pas forcément
synonyme de la richesse mais plutôt de dépenses.
Les inégalités et la grande
variété, observées dans la structure de la population, ne
sont que les conséquences de la migration et de l'accroissement naturel,
bases de la dynamique démographique.
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