2.2.2. Progression graduelle du peuplement et extension
d'Agbonou
L'occupation du site d'Agbonou par les Ifê s'est faite
graduellement. Elle s'est faite en deux étapes : une première
phase progressive et hésitante pour cause d'insécurité et
une seconde phase marquée par une descente massive.
2.2.2.1. La première phase
C'est la phase au cours de laquelle les gens n'aimaient pas
sortir du cadre urbain et s'aventurer vers la plaine à cause des
incursions dahoméennes. En effet, d'après la tradition, tout le
monde était censé quitter les champs situés à
Agbonou et ses périphéries avant le coucher du soleil car
l'entrée de la ville était gardée strictement par des
jeunes guerriers très habiles dans le maniement des machettes.
« Malheur à quiconque violerait cette règle, il
courrait le risque de se faire décapiter » (Adotévi S.,
1996). L'entrée de la ville se trouvait alors juste avant
le ruisseau Eké, non loin de l'actuel Lycée d'Atakpamé. La
porte d'entrée de la ville était probablement constituée
de deux pieux plantés dans le sol audessus desquels était
posée une barre transversale, à laquelle étaient
suspendues les amulettes de protection.
C'est dans ce contexte d'insécurité manifeste
que les familles Sossavi, Doku et Ahanou ont rejoint Atsa et sa famille au
milieu du XIXe siècle pour des raisons mythiques et
agricoles.
2.2.2.2. La deuxième phase
Les années passent, et on s'aperçoit que les
attaques des armées dahoméennes n'étaient pas si
fréquentes comme on le croyait au départ. On pouvait donc
traverser de longue période dans une quiétude relative et la
population croissait
au fil des ans. Elle devenait de plus en plus nombreuse, ce
qui réduit par voie de conséquence les surfaces cultivables et
les rendements agricoles.
Pour éviter la famine, il fallait donc descendre dans
la plaine pour être proche de son champ et surtout pour conquérir
de nouvelles terres. C'est alors qu'on enregistre la deuxième vague de
montagnards (les Djama, les Tchetti et les Hudu) qui va essaimer la
pénéplaine d'Agbonou vers 1884 marquant un nouveau dynamisme dans
le village avec l'arrivée des colons allemands au Togo.
2.2.3. Le village d'Agbonou au temps colonial
Quand bien même Agbonou fut une importante porte
d'entrée à la grande agglomération d'Atakpamé avant
l'ère coloniale allemande, il ne joua pas un rôle important dans
l'organisation de la conquête de l'hinterland. Les Allemands ont
privilégié l'axe de la Volta (Gayibor, 1997). Mais à
partir de 1908, il devient une gare importante quand la décision fut
prise d'y faire aboutir le premier tronçon du chemin de fer du centre.
Dès lors cette infrastructure structurante qui mobilisa pour sa
contribution au moins 10000 ouvriers (Gayibor, op. cit.) va renouveler
l'intérêt d'Agbonou pour la population du Togoland entier.
Ce chemin de fer a permis d'abord le désenclavement
d'Agbonou. En effet après la construction de la ligne du centre qui
était destinée à désenclaver le Nord du pays et
à drainer les produits agricoles ainsi que les matières
premières dont avait besoin le colon, Agbonou était devenu un
carrefour important. Tout le monde reconnaissait alors la présence de ce
village situé à 3 km d'Atakpamé car c'était
l'emplacement de la gare ferroviaire. Aussi, les Allemands y ont-ils construit
leur résidence et leur station radiophonique à environ 3 km
à l'est du village. Ensuite, cette gare a entraîné une
dynamique commerciale du village. Agbonou est devenu un grand centre
commercial. Le marché d'Agbonou s'est élargi à d'autres
peuples désireux de proposer leurs services aux voyageurs. Il
était devenu aussi un lieu de commerce ambulant comme
on pouvait le constater dans toutes les gares (Agou-gare, Avétonou,
Assahoun, etc). Dès l'arriver d'un train, les commerçants
s'approchent des wagons pour vendre leurs produits aux passagers. Ces produits
sont constitués des fruits, des repas, des boissons et autres. C'est
d'ailleurs de là qu'a commencé le commerce ambulant du carrefour
que nous aborderons dans le chapitre suivant. Même après le
départ des Allemands en 1918 qui fît place aux colons
français, le rôle économique du village s'est plutôt
renforcé, surtout avec le prolongement de la voie ferrée
jusqu'à Blitta. Plus que jamais la population d'Atakpamé et de
ses environs migrait vers ce faubourg pour vendre ou pour établir un
domicile. D'où sa croissance démographique et spatiale. Il est
devenu un carrefour d'échange entre les peuples des plateaux Ouest, du
Sud, du Nord et de la plaine du Mono à l'est. La population d'Agbonou
est passée de 405 hbts (1898) à 1291 hbts (1940) puis à
4154 hbts en 1959 donnant ainsi une croissance de 10,8% (Dupont, 1986). Enfin
sur le plan social, Agbonou a entrainé le brassage des peuples en tant
que gare, donc lieu d'échange culturel. Au total, le chemin de fer a
permis durant la période coloniale le développement d'Agbonou.
Depuis lors, ce village n'a cessé d'être attractif et abrite de ce
fait une population très hétérogène à
l'image de celle d'Atakpamé.
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