Philosophie et religion chez Hegel( Télécharger le fichier original )par Cyrille Tenejou Grand Seinaire Saint Augustin de Maroua - Fin de cycle de philosphie 2009 |
III. 2.3. L'état religieux de l'Afrique contemporaineNous avons montré que le Négro-africain était profondément religieux. Tous les différents aspects de sa vie sont imprégnés du religieux. Etre pour l'homme, c'est être religieux au sein d'un univers religieux. Cette notion philosophique est à la base des mythes, des coutumes, des traditions, des croyances, de la morale, des actes et des relations sociales des Africains130(*). Mais, jusqu'ici, nous n'avons parlé que des religions africaines traditionnelles. Notre approche serait incomplète si elle faisait abstraction des religions telles le christianisme, l'islam ainsi que les sectes qui prolifèrent sur le continent noir. L'idéologie de la quête de nouvelles valeurs, des nouveaux fondements d'une identité nouvelle qui habite le Négro-africain a eu pour corollaire, chez ce dernier, la perte de son attribut d'être profondément ou incurablement religieux. L'Africain se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins ; ceci manifeste sa religiosité diffuse. Bien que convertis à l'islam ou au christianisme, certains Africains gardent à coeur un attachement secret pour les valeurs religieuses traditionnelles qui se traduit aux moments de crise131(*). Mais en réalité, ces soi-disant convertis le sont-ils vraiment ? Le philosophe kenyan John MBITI affirmait déjà qu' « À propos de la rencontre entre le christianisme occidental et les sociétés traditionnelles, nous avons évoqué le processus qui consiste à donner à demi et à recevoir à demi, à conserver une part et à rejeter l'autre. Les cultures et les institutions islamiques n'ont pas suivi exactement le même processus ; mais les musulmans Africains ont ou bien rejeté complètement, ce qui, dans l'islam semble menacer leur sécurité, ou bien ne l'ont accepté que partiellement, avec des modifications en particulier pour l'adapter à des intérêts personnels »132(*). Le fait que les Africains se font adeptes de plusieurs religions à la fois n'est qu'un syncrétisme religieux qui a pour conséquence une religiosité de façade. Ce type de religiosité n'a ni profondeur, ni forme ; on ne peut même le qualifier de paresse religieuse. John MBITI le désigne par l'expression « concubinage religieux », en lequel il tire la conséquence d'une acculturation progressive. Il fait à ce propos une remarque judicieuse : « La religion diffuse promet d'avoir le plus d'influence sur les Africains. Ici, la religion devient de plus en plus uniformité sociale, sans profondeur théologique, sans engagement personnel ni martyrs. Elle est simplement « là », quelque part dans le noyau des croyances individuelles, que l'individu soit conscient ou non d'être religieux »133(*). Non seulement certains Africains convertis à l'islam ou au christianisme ne pratiquent pas leur religion avec ferveur ; d'autres se font des adeptes des sectes de toutes origines et des sociétés secrètes qui ont envahi les grandes villes. Ils profitent de la misère de ces derniers pour leur proposer de nouvelles certitudes, des communautés de vie fraternelle et d'entraide, des moyens efficaces de réussite matérielle134(*). Cette propagande utilisée par les sectes connaît un énorme succès et serait l'une des raisons qui expliquent l'indifférence religieuse en Afrique noire contemporaine. De tout ce qui précède, nous pouvons aujourd'hui constater que la thèse selon laquelle le Négro-africain est incurablement religieux semble tomber en désuétude. On observe chez la majorité des adeptes des différentes religions une perte du sens religieux de la vie. Mais cette attitude n'aurait-elle pas aussi pour cause un athéisme dont personne n'ose parler quand il s'agit de l'Afrique? * 130 Cf. J. MBITI, Religions et philosophie africaines, trad. par Christiane LE FORT, Yaoundé, CLE, 1972, p. 266. * 131 Cf. Les religions traditionnelles africaines, Rencontres internationales de Bouaké, op. cit., quatrième de couverture. * 132 J. MBITI, op. cit., p. 269. * 133 Ibidem, p. 280. * 134 Cf. E. MESSI METOGO, Dieu peut-il mourir en Afrique ? Essai sur l'indifférence religieuse et l'incroyance en Afrique noire, Paris/Yaoundé, Karthala/PUCAC, 1997, p. 82. |
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