Pour mieux comprendre la crise des banques,
intéresserons-nous aux crises bancaires des vingt dernières
années.
En effet, Les crises bancaires des années quatre-vingt et
quatre-vingt-dix ont été étudiées par
différents courants de la pensée économique. Chaque
école essaie de tirer des enseignements d'une crise bancaire et peut
influencer les acteurs politiques du moment. Les solutions proposées
sont des choix politiques et constituent en ce sens un enjeu essentiel de la
vie sociale.
L'école des marchés parfaits et des anticipations
traditionnelles base son analyse des crises bancaires en particulier, sur les
problèmes dus aux chocs exogènes aléatoires, donc sur une
difficile prévisibilité des phénomènes. Ils
introduisent le concept de rationalité et en particulier celui des
anticipations rationnelles. Il est difficile pour un individu intervenant sur
un marché de connaître l'ensemble des informations, par contre on
peut essayer de prévoir à l'aide de calculs de
probabilités les chances de connaître une crise
financière.
L'école monétariste qui s'inscrit dans ce courant
de pensées donne une explication des crises bancaires par le risque de
liquidité des banques. Après un choc exogène, les
épargnants voudront retirer leurs dépôts et cela d'autant
plus vite que la confiance diminuera. La crise actuelle peut dans une certaine
mesure s'expliquer par cette approche car lorsque les clients des banques, et
les banques elles même ont pris conscience de la gravité de la
crise, elles ont arrêté de prêter aux clients et de se
prêter entre banques, créant de facto une crise de
liquidité. Les banques ayant des avoirs en change inférieurs aux
dépôts. Le rationnement27 ou le « crédit
crunch » se fait par les quantités plutôt que par les prix.
Les enjeux sont importants dans ce cas-là puisque le rationnement par
les quantités conduit à une restriction drastique des
crédits. La pénurie de capitaux entraîne un fort
ralentissement de l'économie.
L'analyse en termes d'asymétrie d'information
complète ces explications. La mauvaise connaissance de l'ensemble des
informations du système et de ses acteurs crée une incertitude
sur les marchés. Les coûts de transaction étant importants,
un acteur non solvable peut perturber l'ensemble du marché. Une crise
bancaire peut survenir suite à la méconnaissance de l'ensemble de
ces informations.
C'est ainsi que dans de nombreuses crises bancaires, on remarque
souvent la formation de bulles spéculatives. Dans de telles situations,
les analyses de Keynes28 sur l'économie-casino peuvent
26 Le Marché financier, Structures et acteurs,
Alain Choinel et Gérard Rouyer, Collection Banque ITB,
6ème Ed.
27 En comptabilité et finance, le rationnement
est l'ensemble des contraintes portant sur les sommes à effectuer
à l'acquisition d'immobilisations, imposées par la direction lors
de l'établissement du budget des investissements.
28 John Maynard Keynes est à la source
d'une importante évolution de la science économique avec son
oeuvre principale, la Théorie générale de l'emploi, de
l'intérêt et de la monnaie (The General Theory of
Employment, Interest and Money) parue en 1936. S'il a posé les
fondements de l'analyse macroéconomique comme branche spécifique
de l'analyse économique, il ne fait pas l'unanimité chez les
économistes. Juste à la veille de la mort de Keynes, Joseph
Schumpeter disait déjà que la Théorie
générale de Keynes était fondamentale bien que
déjà dépassé.
s'appliquer. Selon cette thèse, les agents du
système font des choix identiques afin que lorsque survient une crise,
ils partagent et la responsabilité et les pertes dûes à la
crise. Ce fut exactement le cas dans la crise bancaire car l'ensemble des
banquiers, naïvement ou sciemment se sont détaché de la
connaissance de la valeur réelle des actifs pour ne s'intéresser
qu'à la rentabilité des placements boursiers. Engageant une
spéculation hors-norme29.
La bulle spéculative peut constituer un moyen
d'explication de cette crise bancaire dans la mesure où elle a
entraîné une diminution progressive des fonds propres et une
augmentation des crédits. Il y a eu alors une déconnexion entre
sphère réelle et sphère monétaire. On constate une
augmentation de la vitesse de circulation de la monnaie, ou pour les
Anglo-Saxons, l'apparition d'un phénomène d'overtrading. La
circulation monétaire augmente dans les marchés financiers et
diminue dans la sphère réelle. La capitalisation boursière
augmente et de facto, fait diminuer le pouvoir d'achat du stock de monnaie, le
prix des titres des sociétés cotées s'enflamme par rapport
aux liquidités réellement disponibles. Les liquidités
deviennent de plus en plus rares relativement aux apparences données par
l'activité des marchés financiers. Au départ, le service
de la dette est couvert par les revenus d'exploitation des banques, puis dans
un second temps il ne couvre que le paiement des intérêts, le
remboursement du capital ne se fait que par la vente d'un actif ou d'un nouveau
prêt. On assiste à la montée en puissance de
mécanismes pyramidaux, le processus ne peut se poursuivre que dans la
mesure où de nouveaux entrants accèdent au marché. La
confiance finit par diminuer, la bulle éclate, "les intervenants veulent
retrouver leur capital et la panique s'installe. Dès lors les banques
les plus solides peuvent se maintenir mais les plus fragiles doivent cesser
leurs activités.
On ne peut éluder une question essentielle dans
l'étude des crises bancaires qui est celle de l'évolution
exponentielle des acteurs du système (naissance de très
nombreuses banques), entrainant une difficile compréhension et gestion
de ceux-ci. De plus, le développement de l'informatisation,
l'interconnexion des bourses financières, une monnaie fiduciaire et
scripturale, la multiplicité des régimes de change rendent le
système monétaire international instable et celui bancaire
imprévisible.
Toutefois la création du comité de Bâle en
1974 qui a à son actif les accords de Bâle I et Bâle
II30 redonnent du souffle au secteur bancaire.
Son but était d'éviter les crises bancaires
à travers de mécanismes de prévention de risques et
l'élaboration de normes prudentielles.
Il existe beaucoup d'initiatives à son actif, on peut
citer notamment : en 1992, l'instauration de normes minimales pour le
contrôle de groupes bancaires internationaux et aussi un amendement
à l'accord sur les fonds propres de 1988, en 1992.
Outre cette situation les banques font face à un manque
accru du contrôle des dirigeants des banques par les actionnaires. Bien
que ces dirigeants soient responsables, au plan purement juridique,
vis-à-vis des propriétaires, c'est-à-dire des
actionnaires, ils ne sont pratiquement jamais contrôlés.
De ce qui précède on voit que ce qui est la
base de ce déséquilibre entre sphère réelle et
sphère financière c'est l'imprudence des banquiers. Ils ont
profité des failles d'un système en manque de véritable
organe régulateur pour se débarrasser à tout prix des
actifs jugés toxiques. Parmi ces failles il y a le système de
gestion des risques.
29 Voir la crise par la spéculation, partie 2
(1-1-3)
30 Voir supra La gestion des risques 2-2 les
méthodes de calcul des risques ou les règles prudentielles
conventionnelles (de la convention de Bâle I à Bâle II)
Crise Financière Mondiale et Banques Islamiques
psibiyacouba@yahoo.fr