En occident comme en Amérique et même dans les pays
du sud, l'on est unanime sur un fait : la crise financière mondiale
(chapitre1) fut à l'origine causée par les crédits
hypothécaires à taux variables « subprimes » (section
1-I) accordés aux ménages moyens aux États-Unis. Les
banquiers et/ou les traders8 qui ont effectué sur ces
crédits une spéculation excédant la mesure (section 1-III)
en prenant des risques excessifs (section 1-II) et qui, incidemment, ont par un
effet de contagion enrayé le système bancaire international
(section-2).
SECTION 1 : la crise
financière
De prime abord une crise se définit comme un changement
subit, souvent décisif, favorable ou défavorable du cours d'une
maladie9. Cette définition bien que générale
nous permet tout de même de définir la crise financière qui
est l'objet de notre étude.
En effet la crise financière10,
assimilée à tort ou à raison à la crise
économique, survient lorsqu'il se produit un déséquilibre
entre la sphère réelle (biens et services) et la sphère
financière (banques et bourses). Au risque de faire de la tautologie on
dirait bien qu'il s'agit d'une maladie, car il y a bien un déphasage,
une déconnexion des entités. Alors que la crise
économique, elle, a pour origine une rupture dans les relations qui
unissent les différents éléments du système
économique, la finance y compris.
Dès lors se pose une question fondamentale : qu'est ce
qui est la base, ou qui est coupable de ce déséquilibre entre
sphère réelle et sphère financière ? Comment en
sommes-nous arriver à une rupture des liens ? Est-ce un fait
endogène au milieu, qui en est à la base ou y a-t-il des causes
exogènes ?
Afin de répondre à ces questions nous
étudierons cette crise au regard de trois éléments qui
nous semblent déterminants : les subprimes (paragraphe I), les risques
dans la finance (paragraphe II) et la spéculation (paragraphe III)
Paragraphe I L'explication par les
subprimes
Mécanisme simple pour un besoin simple voire
élémentaire, dirait-on. Un ménage pauvre qui veut
acquérir un logement, sans en avoir les moyens. Les banquiers et les
courtiers proposent alors des crédits11 qui, plus tard feront
basculer, le monde.
Tout commence aux États-Unis
8 Et/ou pour exprimer les opinions divergentes sur
les « coupables » réels du déclenchement de cette
crise
9 Le Petit Larousse Illustré 2009, Larousse,
Juillet 2008
10 La finance est entendue comme gestion des
patrimoines individuels, des patrimoines d'entreprises, et des deniers publics.
C'est donc l'ensemble des professions qui ont pour objet l'argent (exemples :
banques, bourses)
11 La banque accorde à ses clients des
prêts
En effet, les prêts immobiliers12 sont
ventilés en trois catégories : « subprime », «
non-prime » et « prime ». La catégorie des «
subprime » correspond au niveau de solvabilité le plus bas de
l'emprunteur, le plus souvent des salariés pauvres.
Ces prêts sont accordés par un institut de
crédit spécialisé ou par une banque commerciale. Ils sont
garantis par une hypothèque et fonctionnent comme un véritable
piège : les premières années les mensualités de
remboursement sont peu importantes. Mais très rapidement le taux
s'élève et peut atteindre les 18 %. Nombre de salariés
pauvres ne peuvent plus alors payer leurs mensualités. C'est un
système qui ne fonctionne qu'au détriment des salariés
pauvres, mais qui profite à la banque et cela dans un contexte de hausse
des biens immobiliers.
La conjoncture économique entraine une hausse des taux de
la FED qui passent de 2 à 5,75%. Conséquence immédiate,
les taux des prêts, indexés sur celui de FED augmentent et
entrainent à leur tour la cessation des paiements des mensualités
par les emprunteurs qui sont désormais incapables d'effectuer les
remboursements. Leurs logements sont saisis et vendus aux enchères.
Cette situation ne fera qu'accentuer la baisse des cours de l'immobilier.
Les banquiers et les courtiers qui avaient tablé sur une
hausse des prix de l'immobilier sont pris au dépourvu et la
bulle13 immobilière qu'ils ont créé se
dégonfle peu à peu.
Afin de trouver une issue favorable à cette situation et
se sortir de cette passe difficile dans laquelle elles se trouvent, les
traders, organismes financiers et banquiers vont prendre des risques
inconséquents.
Paragraphe II L'explication par les
risques
Lorsqu'ils ont créés les emprunts « subprimes
», les banquiers avaient pris le soin, ou du moins commis le forfait de ne
pas les garder dans le bilan de leurs organismes. Ces prêts ont
été titrisés14 et regroupés avec
d'autres créances sur un instrument financier, le CDO15, et
mis en vente sur les marchés financiers. Il faisait ainsi partie de la
grande famille des ABS (Asset Backed Securities, en français «
valeurs mobilières adossées à des actifs »).
Ces titres ont été plutôt bien notés
par les organismes de notation16 et ont été
achetés par des fonds de placement partout dans le monde. Toutes les
entreprises ou organismes qui ont acquis ces CDO l'ont fait en toute
connaissance de cause : ils voulaient « doper » le rendement de leurs
produits grâce aux intérêts exorbitants payés par les
emprunteurs du secteur des « subprime ». Ces titres se sont
même retrouvés dans de très nombreuses SICAV17
qui les ont présentées comme « sans risque » à
leurs souscripteurs aux fins de les disséminer dans la finance mondiale.
Ainsi quand les ménages modestes n'étaient plus en mesure de
rembourser, les préteurs se sont tournés vers la clientèle
« ninja » (no-income, no-job, no-asset, « pas de revenu, pas de
travail et pas patrimoine »). Tout cela s'est fait alors même que la
plus élémentaire des règles de protections du consommateur
aurait dû bannir.
Les organismes de prêts hypothécaires à
risque (tel l'American Home Mortgage) ont été les premiers
touchés par l'augmentation rapide des non remboursements de prêts
« subprime » : il leur devenait difficile de continuer leur
activité. Les fonds de placement ont suivi dans de nombreux autres pays,
aux États-Unis, en Allemagne, en Australie, en France où,
BNP-Paribas décidait de
12 Un prêt garanti par une hypothèque
sur un bien immobilier (la garantie), qui oblige l'emprunteur à
effectuer une série de paiements prédéterminés.
13 Une situation dans laquelle le prix des titres se
meut, d'une manière significative, au-dessus de sa vraie valeur.
14 La logique de la titrisation est de transformer une
créance bancaire en un titre pouvant faire l'objet de transactions,
Alternatives économiques N° 274 de novembre 2008
15 Collateralized Debt Obligation, en français
obligations adossées à des actifs
16 Moodys's, Standard and Poor's ou Fich.
17 Société d'Investissement à
Capital Variable. Elle fait partie de la famille (OPCVM) Organismes de
Placement Collectif en Valeurs Mobilières. Elle a pour objectif
principal de gérer un portefeuille collectif de titres pour le compte de
ses souscripteurs
Crise Financière Mondiale et Banques Islamiques
psibiyacouba@yahoo.fr
suspendre le calcul de la valeur liquidative de trois de ses
fonds qui venaient de perdre plus de 20 % en un peu moins d'une semaine.
Certaines banques utilisent aussi un mécanisme
appelé l'effet levier dans lequel la banque tente de dégager des
rentabilités très élevées à partir d'un
capital de base limité.
À titre illustratif prenons le cas d'une
banque dispose d'un capital de base de 2 millions. Elle emprunte 8 millions au
taux de 5%. Avec les 10 millions réunis elle se lance dans une
opération hautement risquée, mais qui lui rapporte 10%, soit 1
million. Une fois payés les intérêts de 0,4 millions, il
lui reste 0,6 millions à rapporter à son capital de base, ce qui
fait une rentabilité de 30% sur capitaux propres.
Quand le risque se concrétise, non seulement la
rentabilité n'est pas au rendez-vous mais elle ne peut plus être
à même de rembourser ses emprunts. C'est la faillite.
En analysant on se rend compte que les risques pris par les
banques mais aussi par les organismes de notations et les courtiers sont hors
mesure et tombent sous le coup de la censure. Mais ceux-ci dans le fond
n'avaient aucune raison de ne pas faire. On se pose dès lors la question
de savoir pourquoi ?
En effet, le processus de titrisation est un mécanisme de
transfert de risque, car dès lors qu'on a une créance douteuse,
on l'adosse à un actif afin qu'il fasse l'objet de transactions et que
le risque soit partagé par tous acteurs aux mains desquels ils passent.
C'est une faille du système que les banquiers exploitent. Ils se
débarrassent de tout ce qui peut leur nuire.
Ils entrainent ou poussent à la spéculation sur
des titres qu'ils savent de peu de valeur. D'où la
nécessité de l'explication de cette crise par la
spéculation.