Paragraphe V ANALYSE COMPARATIVES DES PRODUITS
Banques islamiques et Banques conventionnelles
Comparer les produits islamiques et les produits de la banque
conventionnelle s'avère une tache assez difficile, eu égard la
particularité et la fluctuation des produits de chaque domaine.
Toutefois d'un point de vue général, et après étude
des quatre produits par nous étudiés de la finance islamique, on
retient une similitude dans les éléments constitutifs des
produits.
La différence fondamentale réside dans la mise en
oeuvre des principes énoncés de la finance
islamique : pas de riba, pas de gharar, pas de haram, obligation
de partage et des profits et le
principe d'adossement à un actif tangible.
Ainsi, le contrat Mouchâraka semble correspondre dans un
premier temps à la société à responsabilité
limité dans laquelle la base est constituée des capitaux et dans
laquelle la associés sont tenus qu'à concurrence de leurs
apports. La définition même du contrat Mouchâraka nous
conduit à une telle déduction « le Mouchâraka est un
contrat par l'intermédiaire duquel deux (ou plus de deux) parties
associent leur capital (ra's oul mâl) dans une entreprise commerciale ou
un autre projet financier, les profits obtenus étant
86 Introduction aux techniques islamiques de
financement, Banque Islamique de Financement, Actes de séminaires
N°37
répartis entre elles suivant des proportions
déterminées d'un commun accord dès le moment où le
contrat prend effet et les pertes étant supportées par chaque
partie à hauteur de son investissement. » Il y a ici, comme dans la
SARL une association dans le but de participer au capital, ainsi qu'aux
bénéfices et pertes qui en résultent.
Toutefois la variante de ce contrat peut nous conduire à
effectuer une autre correspondance, du moins elle remet en cause la
première ; c'est le Mouchâraka Moutanâqissa se
définit comme « une Mouchâraka particulière à
travers laquelle l'investisseur participe au financement d'une opération
commerciale avec l'intention de se retirer progressivement de celle-ci par la
vente de sa part à son associé. Cette part du financier est ainsi
divisée en un certain nombre d'unités et il est convenu que
l'associé (le « client ») achètera
périodiquement celles-ci, augmentant de ce fait sa propre part
jusqu'à devenir le propriétaire unique de l'objet de
l'opération. » Le caractère dégressive du contrat et
l'acquisition de la propriété éventuelle par une seule des
parties nous rappelle le contrat de Mourâbaha.
Cependant, qu'il s'agisse d'une correspondance ou d'une autre ,
l'idée essentielle demeure le partage des profits.
Le contrat de Moudhâraba lui s'assimile au commandite dans
la finance islamique. Tout comme ce dernier, dans la relation contractuelle
nous avons deux agents que sont le commandité, l'entrepreneur ou le
moudhârib en droit islamique et le commanditaire, l'investisseur ou le
rabb oul mâl. Dans cette relation il ne peut pas s'agir d'apport en
industrie pour l'investsseur qui doit obligatoirement libérer un apport
en capital. Il n'est responsable qu'à concurrence de ses apports ;
tandis que le rabb oul mâl a la possibilité de faire les trois
types d'apports dans le cadre de la constitution et du fonctionnement d'une
société prévus par le droit commun des
sociétés.
Le contrat de Mourâbaha rentre dans le cadre de la vente en
général dont la licéité est reconnue par le verset
275 Sourate Al-BAQARAH (LA VACHE)87.
De même que dans le contrat de vente, il y a conclusion de
contrat de Mourâbaha lors de la réunion des conditions suivantes
:
· Le consentement des deux parties, c'est-à-dire la
pollicitation de l'un et l'acception de l'autre
· Existence de deux contractants, le vendeur et
l'acheteur
· L'objet licite de la vente
Toutefois, la spécificité de ce contrat
dans la banque islamique repose en plus sur trois autres principes ou
règles :
· La connaissance parfaite du prix d'achat initial et des
charges additionnelles de la part de l'acheteur. Il a le droit de
dénoncer le contrat dans me cas contraire
· La connaissance parfaite du montant du
bénéfice qui fait partie de la vente
· La validité du premier acte d'achat
Ce contrat est tout de même objet de maintes
polémiques par les jurisconsultes musulmans pour diverses raisons :
certains estiment que ce contrat en comporte deux, la banque islamique qui
achète
87 LE CORAN, L'Appel, André CHOURAQUI, Ed.
Robert Lafont, mars1991
et qui vend à son tour ; alors que le Prophète de
l'Islam Muhammad(PSL) a interdit de conclure deux ventes en une seule. Aussi,
la banque dans une certaine mesure vend une chose dont elle n'est pas en
possession, elle vend donc ce qu'elle n'a pas, car le contrat entre la banque
et le client précède le contrat d'achat de la marchandise par la
banque.
Mais force est de reconnaitre que ce contrat demeure tout de
même valable, particulier, donc différent des services
proposés par le système conventionnel88.
Pour ce qui est du contrat IJARA il est dans un premier temps
assimilable au créditbail(Leasing) dans le système conventionnel
mais comporte de nombreuses variations89. C'est une vente à
crédit qui porte généralement sur les services rendus par
un équipement. Le Fiqh définit considère cette vente comme
celle de l'utilité d'une chose (Bai' al-manfa).
De l'étude qui précède on constate une
forte correspondance des contrats de la banque/ finance islamique et de ceux de
la finance conventionnelle. Il n'y a donc en réalité pas de
différence du point de vue des éléments de formations. Ce
qui diffère et qui est fondamentale c'est la base et l'objet.
En effet dans la finance islamique la base est
théologique, elle a donc une couleur religieuse même si des
non-musulmans peuvent y avoir recours, à la seule et unique condition de
respecter ses conditions. Aussi elles ont des objets fondamentalement
différents dans la mesure où les banques conventionnelles
n'existent que dans la mesure de la recherche de profits et
d'intérêts, ce que d'emblée l'Islam interdit. Elle a un
objet social qui tire son fondement dans le principe de partage des pertes et
des profits.
C'est donc la mise en pratique des conditions et principes
prévus par l'Islam à tout contrat de base conventionnelle qui
fera de celui-ci un contrat de la finance islamique. Non sans des modifications
de formes et de fonds.
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