Les conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADA( Télécharger le fichier original )par Abdoulaye DIALLO Université Gaston Berger de Saint-Louis - DEA 2009 |
Section 2 : La portée des conflits de lois dans le droit uniformisé de l'espace OHADAL'espace OHADA offre un champ juridique très large dans lequel évoluent plusieurs règles communautaires. Celles-ci, comme nous l'avons précédemment montré, sont issues des différentes organisations d'intégration qui cohabitent dans la sous-région. Cette situation de coexistence entre ces différentes règles pose parfois de sérieuses conflits de normes entre les organisations d'intégration qu'elles soient régionale ou spécialisée (Parag 2). Cette relation conflictuelle entre ces différentes normes n'est cependant pas simplement réelle mais, à l'analyse des domaines de compétences de chacune de ces organisations, elle peut revêtir un caractère potentiel (Parag 1). Parag 1: La prise en compte des conflits virtuels entre normes communautairesLe champ d'application matériel des règles communautaires au sein de l'espace juridique OHADA se caractérise par le chevauchement des différents ordres juridiques en présence. Cette situation, qui est le résultat d'une pluralité d'organisations économico-juridiques ayant des compétences presque identiques, peut entrainer des possibilités d'interférences entre normes communautaires d'intégration d'une part (A), et de la prise en compte de l'interférence de certaines normes communautaires dans d'autres systèmes d'intégration d'autre part (B).
A- La possibilité d'interférences entre normes communautaires d'intégrationEn dehors des situations dans lesquelles les conflits entre normes communautaires sont perceptibles à travers leur réalité, les risques de conflits sont potentiels lorsqu'ils sont susceptibles de surgir entre deux organisations à compétence large. En effet, il en est ainsi des relations entre les normes des organisations communautaires d`intégration telles que l'OHADA, l'UEMOA et la CEMAC. Ces dernières couvrent des domaines de compétences qui peuvent se recouper. Comme nous l'avons précédemment souligné, la frontière entre le champ d'application normatif de ces différentes institutions n'est pas hermétique25(*). Ainsi, l'existence d'interférences entre les normes des différents ordres juridiques communautaires est possible. Loin de constituer de simples conflits de compétences, les conflits virtuels entre normes communautaires d'intégration se caractérisent par la présence, dans un même domaine, de différentes règles ayant en commun la volonté de régir différemment une même situation sans porter véritablement atteinte à l'application de l'une d'entre elles. En d'autres termes, les conflits virtuels entre normes communautaires sont de véritables conflits de normes. Cependant, la contrariété ou les divergences dont elles suscitent n'est pas apparent. C'est la raison pour laquelle, on les considère comme des conflits potentiels26(*). Elles ne peuvent, cependant, se poser qu'entre d'une part les règlements de l'UEMOA et les normes OHADA ou encore entre ces dernières et les règlements de la CEMAC. L'UEMOA et la CEMAC, étant circonscrites chacune dans un espace bien définis, ne peuvent entretenir de relations ni complémentaires, ni conflictuelles en vertu du principe de l'autonomie de leur ordre juridique communautaire respectif. Cependant, du fait de sa compétence rationae loci et de sa compétence rationae materiae, l'ordre juridique OHADA exerce sur ces deux territoires son empreinte. Sur le plan territorial, elle couvre l'étendue du territoire de la l'UEMAO et de la CEMAC. A cet effet, les Actes uniformes s'appliquent aussi bien dans le territoire de chacune d'elles. En outre, en tant qu'oeuvre d'intégration juridique dans le domaine du droit des affaires, l'OHADA jouit, sur le plan normatif, d'un large champ d'application de ses règles. Fort de ces considérations, il est inévitable qu'il existe des interférences entre les Actes uniformes et les différents règlements issus des systèmes juridiques de l'UEMOA et de la CEMAC27(*). La virtualité des conflits entre ces différentes normes communautaires n'est pas sans poser de difficultés à la politique d'unification du droit recherchée par ces organisations d'intégration. En réalité, elle porte atteinte à l'esprit de communautarisation des règles juridiques régissant les activités économiques au sein de l'espace OHADA. En effet, cette situation entraine, sur certains aspects du droit communautaire, une complexification des solutions à adopter, due à une hypertrophie de règles concurrentes ou tout simplement à un vide juridique. Au niveau de l'UEMOA, la similitude des objectifs avec l'OHADA peut se traduire dans certains cas par des interférences dans le domaine des activités économiques. Même si le Traité de l'UEMOA a dès l'entame défini les compétences d'attribution de cette dernière, il n'en demeure pas moins que la compétence élargie de l'OHADA peut être source de relations conflictuelles tant dans le domaine du droit des affaires que du droit économique. Le même rapprochement peut être fait s'agissant de la CEMAC compte tenu de l'objectif que poursuit celle-ci en Afrique centrale28(*). En somme, les conflits potentiels qui peuvent naitre entre les normes communautaires d'intégration sont, au même titre que les conflits dits réels, le reflet d'une pluralité d'ordres juridiques au sein d'un même espace. Toutefois, cette pluralité normative pose aussi dans certains cas la problématique de l'applicabilité de certaines règles communautaires dans d'autres systèmes juridiques différents. * 25 Sur ces conflits de compétence entre les organisations internationales africaines chargées de l'intégration juridique, voir J. ISSA-SAYEGH, Quelques aspects techniques de l'intégration juridique: l'exemple des actes uniformes de l'OHADA, revue uniforme de droit, UNIDROIT, Rome 1999-1, p. 5. ; Colloque sur « La problématique de la délimitation des compétences entre la Cour de justice de l'UEMOA, la Cour de justice et d'arbitrage de l'OHADA et les juridictions nationales des Etats Parties », Centre de formation judiciaire de Dakar, 9-13 octobre 2000. * 26 En effet, toute situation incertaine qui suscite des solutions alternatives, est source de conflits potentiels, et donc, d'insécurité juridique. Il n'est donc pas étonnant qu'un tel conflit de détermination de la juridiction compétente - Cour Commune ou juridiction nationale de contrôle de légalité - se soit posé dans l'affaire Snar Leyma rendue par la Cour Suprême du Niger, le 16 août 2001. V. à ce propos, Cour Suprême du Niger, 16 août 2001, RBD, 2002, p. 121 et S., et obs. D. Abarchi. Sur cette affaire, V. aussi A. Kanté, La détermination de la juridiction compétente pour statuer sur un pourvoi formé contre une décision rendue en dernier ressort, en application des actes uniformes (observations sur l'arrêt de la Cour Suprême du Niger du 16 août 2001), OHADA. Com., Ohadata D-02-29. * 27 En effet, la violation du plan comptable OHADA en vigueur depuis 2002 par les organes de la CEMAC situés dans le secteur économique peut relever de la compétence de la Chambre des comptes de la Cour de justice de la CEMAC tout comme elle peut aussi relever de la compétence de la CCJA. * 28 En effet, celle-ci prévoit dans son préambule de « donner une impulsion nouvelle et décisive au processus d'intégration en Afrique Centrale par une harmonisation accrue des politiques et des législations des Etats ». |
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