Les enjeux de la transmission dans la prise en charge de l'enfant en CMP: la construction de sens( Télécharger le fichier original )par Camille PATRY Université Paris Descartes, Institut Henri Piéron - Master 2 pro psychopathologie et psychologie clinique 2010 |
III/ La constellation autour de l'enfant : le travail de liaison du consultantDans la présentation de ce stage, j'ai évoqué le rôle de coordination du consultant par rapport au panel des soins qui concernent l'enfant. En effet, le CMP se trouve généralement être la structure pivot des différentes aides dont bénéficie la famille de l'enfant en souffrance psychique. Si l'on comprend la mission de soin comme d'aider l'enfant à aller mieux sur les plans de son équilibre psychoaffectif et de son développement, alors je considère que le rôle du consultant dépasse ici la simple fonction organisationnelle. Il me semble indispensable de procéder à un travail commun avec les différents intervenants auprès de l'enfant. La plupart des enfants que nous recevons au CMP sont scolarisés. Force est de constater que l'école prend une place considérable dans la vie de l'enfant, particulièrement puisqu'elle est l'institution qui relaie les parents dans leurs fonctions éducatives et socialisantes. A ce sujet, Botbol et Lecoutre (2004) stipulent qu'à l'instar de la famille « l'école répond à un besoin universellement reconnu à l'enfant, celui de voir prises en compte son immaturité et sa dépendance pour préparer son avenir en développant ses compétences cognitives et sociales, dans une institution susceptible d'assurer sa sécurité affective et physique »22(*). Alors, comment peut-on étayer l'école dans ces missions ? 1/ L'appréhension clinique de l'enfant dans les équipes éducativesAu premiers pas de la sectorisation de la psychiatrie, Paumelle (1973)23(*) énonçait les actions d'informations qu'il incombait au psychiatre dans le but d'intégrer la dimension psychiatrique dans la pratique des institutions de la communauté. Or, la problématique psychique de l'enfant a fréquemment des incidences sur le rapport de l'enfant aux apprentissages, et donc au milieu scolaire. Le rôle de l'instituteur n'est pas de se faire thérapeute de l'enfant. Néanmoins, les transmissions du consultant, en restituant des éléments du fonctionnement de l'enfant, permet de le replacer dans sa subjectivité souvent oubliée par le milieu scolaire, au sein duquel le pédagogue s'occupe de l'enfant dans une collectivité et, on le sait bien, a à faire avec un nombre important d'élèves. Il s'agit donc de pouvoir éclairer les professionnels de l'école sur ce qui se joue dans l'espace scolaire et rétroactivement, de leur donner les moyens de mieux accompagner l'enfant dans ses apprentissages. A eux de transformer ces renseignements pour envisager d'autres moyens d'approcher leur élève, dans la limite de leurs missions bien sûr. Cas clinique 7 : Nous sommes conviés à l'équipe éducative qui se tient autour de Raphael, scolarisé en CE2. Elle réunit le consultant, les professionnels qui interviennent auprès de Raphael à l'école et ses parents. Raphael obtient de faibles résultats scolaires et se montre très discret à l'école, voire souvent « dans la lune ». Il répond peu aux sollicitations de son institutrice, et n'a pas investit non plus l'accompagnement mis en place un moment par une intervenante du RASED, sans toutefois le refuser. A la maison, les parents expliquent qu'il comprend les exercices, mais qu'il faut insister et l'accompagner pour qu'il fasse ses devoirs. Le consultant verbalise son impression d'une forte mobilisation de la part de tous autour de cet enfant comme une « agitation » qui appelle à la mise en place de moyens spécifiques d'accompagnement alors que Raphael, lui, se laisse aller à ceux-ci dans une sorte de passivité. Il fait le lien avec le passé de Raphael qui est un grand prématuré et qui a été lourdement assisté pour être maintenu en vie durant les semaines qui suivirent sa naissance. Cet enfant aurait donc mobilisé ce type de configuration dès la première enfance. Par ailleurs, le clinicien fait part de son sentiment de tranquillité, mentionnant la grande la curiosité Raphael pour les domaines qui l'animent, bien qu'il ne puisse encore être autonome par rapport aux apprentissages scolaires. Il a de grandes connaissances en entomologie et en mythologie par exemple, ceci témoignant de la mise à l'oeuvre des pulsions épistémophiliques. C'est ainsi qu'il soumet l'idée que de relâcher un peu les inquiétudes ouvrirait peut être sur une autonomie de la part de Raphael. En tout les cas, tout le monde s'est accordé à dire qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter quant aux capacités intellectuelles de ce garçon, ce qui a pu donner une note positive à la réunion et a gratifier les parents. A la suite de cet exemple, on entrevoit l'intérêt d'un travail transversal de réseau. L'attitude de Raphael a était réintégrée dans son historicité. Il me semble que le fait que les parents soient présents lors de ces échanges les campe comme véritables acteurs dans les dispositifs qui sont mis en oeuvres et valorise par conséquent leur parentalité. Cela oblige l'ensemble des professionnels à adopter une position déontologique en veillant à ne pas atteindre la dignité des parents. D'autre part, on peut de souligner la réciprocité de tels échanges. Le consultant ne vient pas simplement déposer son « savoir » sur l'enfant, mais par le partage des expériences, il peut enrichir son appréhension de la problématique de l'enfant et de sa famille. L'enfant est parlé par d'autres personnes que les parents et cela peut mettre en lumière des modes d'être différents. A l'inverse, dans le cas précédent, Il a pu observer l'effervescence demeurant autour de son petit patient, à l'image de ce qu'il avait remarqué du fonctionnement familial. Par surcroit, il est question d'améliorer la cohérence des discours et la continuité entre les personnes qui représentent les sphères principales de la vie de l'enfant. * 22 Botbol, M., Lecoutre, C. (2004). Les parents, l'enfant et l'école. In : L. Solis-Ponton (Dir), La parentalité, Défi pour le troisième millénaire. Paris : PUF. p. 193. * 23 Paumelle, Ph. (1973). Psychiatrie de secteur, psychiatrie communautaire -espoir ou alibi. In : P-C Racamier , le psychanalyste sans divan. Paris, Payot. |
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