Les enjeux de la transmission dans la prise en charge de l'enfant en CMP: la construction de sens( Télécharger le fichier original )par Camille PATRY Université Paris Descartes, Institut Henri Piéron - Master 2 pro psychopathologie et psychologie clinique 2010 |
2/ Le décryptage des enjeux relationnelsContinuant à illustrer ma pensée sur le cas de Raphaël (cas clinique 7), j'ai remarqué la complexité des interactions entre l'école et les parents. En paraphrasant Botbol et Lecoutre (2004)24(*), il s'agit d'envisager les relations entre les parents et les enseignants en articulation avec le narcissisme familial et celui de chacun des parents, mais aussi avec leur propre histoire. Dans cette configuration, les divergences qui s'expriment admettent un sens caché qu'il est utile d'analyser pour que l'enfant ne se sente plus pris dans un conflit de loyauté entre ses parents et l'investissement de la sphère scolaire. Les désaccords entre les parents de Raphaël et l'école (dans son ensemble) sont explicites et occupent une place prégnante depuis plusieurs années, quelque soit les professionnels intervenant auprès de cet enfant. Un événement se situant dans ces interrelations insiste dans le discours de la maman de Raphael et semble avoir réactivé un conflit non résolu chez elle, dans une logique d'après-coup. Que ce soit au cours des consultations auxquelles j'ai assisté ou lors de l'équipe éducative, Madame rappelait avec émotion que quelques jours après l'entrée au CP de Raphael, l'institutrice lui aurait dit qu'on « ne pourrait rien tirer de cet enfant » ; ces propos ont fait violence et la cassure des relations entre les parents et l'institution scolaire se situe à ce niveau. Si l'on reprend l'histoire de la relation mère-enfant, on peut se référer au fait qu'en plus de « représenter une situation de stress traumatique, l'accouchement prématuré réactive des angoisses de séparation et de perte des parents »25(*). Qui plus est, l'identification maternelle à la souffrance de l'enfant peut conduire la mère à un comportement de surprotection. Or, l'école est bien ce lieu qui symbolise l'ouverture de l'enfant hors du milieu familial et mobilise les processus inhérents à la séparation. On peut émettre l'hypothèse que la scolarité de Raphael a rejoué quelque chose des premiers moments difficiles de son existence pour ses parents. De plus, j'entrevois à travers les paroles des parents, et principalement celles de la mère, qu'ils se sentent sans cesse jugés dans l'exercice de leur parentalité par l'école ; ce qui m'amène à penser que, peut-être, la situation active un sentiment inconscient de culpabilité qu'ils auraient pu ressentir à la naissance de Raphael, celle-ci n'ayant pu être menée à terme et remettant en question leurs capacités à être des parents « suffisamment bons ». On peut envisager que ce sentiment inconscient interfère dans les relations parents-école. Quoi qu'il en soit, depuis cet évènement, les relations entre les parents et l'école se présentent comme un affrontement permanent (lors de la consultation ultérieure à la réunion, Monsieur et Madame se représentaient la réunion comme un « combat » dans lequel, les intervenants scolaires « attaquaient » leur enfant et le consultant « prenait sa défense »). Ces conflits se matérialisent par des malentendus et ce que l'on peut entendre comme des actes manqués. Par exemple, L'institutrice a indiqué aux parents que Raphael n'avait pas rendu des travaux demandés alors qu'après vérification, il les avait effectivement rendus, ce qui a alimenté le sentiment des parents d'être stigmatisés. On entre alors dans un véritable cercle vicieux rigidifiant les positions de chacun. Dès lors, comment le clinicien peut-il restituer sa compréhension de la situation afin de désenclaver les ruptures ? Outre le fait que les parents de Raphael ne soient pas encore arrivés à un « insight » approchant la dynamique familiale décrite ci-dessus, il n'est pas question que les professionnels de l'école aient accès à ce degré d'intimité concernant la famille. En effet, ces éléments, s'ils doivent être repris, le seront dans l'espace de la consultation thérapeutique. Mais je crois que de pointer les conséquences des conflits sur les représentations et les actions de chacun, lors d'une concertation commune autour de l'enfant (qui témoigne bien d'une volonté de faire avancer les choses), permet de remettre en route l'élaboration subjective et la prise de conscience de ce que chacun met en jeu personnellement par ces attitudes. Il s'agit également de replacer l'enfant dans cette dynamique interrelationnelle, d'où l'intérêt de pouvoir signifier que les divergences le situent probablement dans un conflit de loyauté qui le dessert. * 24 Op. Cit. p. 194. * 25 Batista Pinto, E. et al. (2004). Le bébé prématuré, les enjeux de la parentalité. In : L. Solis-Ponton (Dir), La parentalité, Défi pour le troisième millénaire. Paris : PUF. p. 279. |
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