B- Les critères doctrinaux
La doctrine s'est efforcée de cerner la notion de
domaine public en vue d'en dégager le contenu. En cela deux conceptions
du domaine public, une restrictive et l'autre extensive vont s'opposer.
Selon la première conception avec ses adeptes comme
PROUDHON, DALLOZ, DUCROQ, le domaine public se limite aux biens affectés
à l'usage de tous et considérés comme non susceptibles de
propriété privée par nature. Selon cette conception, la
notion du domaine public repose sur une fonction d'intérêt
général, une destination à l'usage de tous. Ainsi, un
régime juridique particulier différent de celui qui est
applicable aux biens susceptibles d'appropriation privée s'impose. Il
appartient à l'Administration de veiller plus spécialement
à la conservation du domaine public et au maintien de sa destination
naturelle. Il apparaît alors une théorie de la domanialité
publique « naturelle ».
Cependant, la doctrine doit tenir compte du fait que le code
civil (article 539) fait entrer dans le domaine public des biens non
affectés à l'usage du public. Les auteurs voient là, en
général, une exception légale au principe et
considèrent qu'il s'agit d'un domaine public par détermination de
la loi.
La seconde conception est celle du 20ème
siècle. Elle est née des critiques adressées à
l'idée de domanialité publique naturelle, à la notion de
biens « insusceptibles de propriété
privée ». Il est apparu nécessaire, par ailleurs,
d'étendre le régime protecteur de la domanialité publique
à des biens domaniaux qui, sans avoir une destination à l'usage
de tous, n'en sont pas moins affectés à une mission
d'intérêt général (voies ferrées, certains
bâtiments administratifs, etc.). La domanialité publique est alors
conçue comme la conséquence de la volonté de la puissance
publique et le domaine public comme support indispensable des services publics,
des interventions de l'Administration.
Ainsi, DUGUIT voit le critère de domanialité
publique dans l'affectation au service public, au sens large, englobant
l'affectation à l'usage direct du public. BONNARD préfère
utiliser parallèlement deux critères : l'affectation
à l'usage direct du public et l'affectation au service public. HAURIOU
propose une synthèse : l'affectation à
« l'utilité publique ».
Cette conception, fondée sur la seule notion
d'affectation, conduit à étendre démesurément le
domaine public. Il faut donc restreindre le critère d'affectation au
service public.
Ainsi, pour JEZE le bien affecté à un service
public ne fait partie du domaine public que s'il joue dans ce service un
rôle prépondérant (exemple : les fortifications mais
non les casernes). Pour WALINE, ce bien doit recevoir un aménagement
spécial.
S'il est vrai que ces théories doctrinales n'ont pas
non plus permis de dégager une définition incontestable du
domaine public, elles ont néanmoins exercé une influence sur la
jurisprudence.
Du fait des solutions jurisprudentielles, la doctrine
contemporaine, à de rares exceptions près, n'a pas cru devoir
établir de nouvelles théories.
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