Mutations financieres et financement de l'économie au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Dieudonne Desire ELANGA Universite de Douala Cameroun - DEA 2004 |
II.2 La déréglementationLe mouvement de déréglementation entrepris dans l'ensemble des pays industrialisés, dès la fin des années 1970, a comporté principalement deux volets : une "déréglementation des volumes" (suppression du contrôle des changes levée des mesures d'encadrement du crédit). Et une "déréglementation des prix (libéralisation des tarifs bancaires, des taux créditeurs et débiteurs) (Romey, 2004). L'évènement le plus emblématique a été le big bang imposé par l'Angleterre à son système financier en Octobre 1986. Celui-ci conduisit non seulement à la confusion des fonctions de contre partistes et des courtiers, mais aussi permit aux non-résidents d'être co-chefs de file dans les émissions étrangères. Ce mouvement de déréglementation a accentué la concurrence entre les banques sur tous les segments du marché du crédit. Il s'est agit d'une adaptation de la réglementation existante conduisant à éliminer certaines réglementations et à les remplacer par d'autres jugées plus efficaces. Il ne s'agit donc pas de laisser le marché à lui-même ; le mouvement va de paire avec la libéralisation. Il s'agit de laisser plus de liberté aux différents acteurs, d'autoriser un vaste menu de transactions avec des contrôles moins impulsifs. C'est aux Etats unis que le mouvement s'est amorcé avec un ensemble de mesures destinées à encourager la concurrence sur les marchés financiers. En l'occurrence la poursuite de l'élimination des plafonds de taux engagée au milieu des années 1970, l'élimination en 1984 de la retenue à la source de 30% sur les intérêts des obligations souscrites aux Etats-Unis par des étrangers. La reforme bouleverse les conditions de concurrence sur les places financières et pousse les autres places financières à engager des reformes et à s'inscrire dans le mouvement de déréglementation. Ce mouvement a été amplifié par l'Union Européenne avec la création du marché unique qui portait notamment sur la libéralisation des mouvements de capitaux, la suppression du contrôle de change, le libre échange, des services financiers. Il s'observe à cet effet des marchés émergents dans nombre de pays en développement qui ont libéralisé leur marché pour attirer les investissements étrangers. On retrouve là une des conséquences de développement de l'analyse théorique qui, surtout dans les années 1980 et 1990 s'est intéressé au rôle du développement de la finance dans le processus de croissance, prolongeant les travaux des théoriciens de la répression financière. Bien plus, les restrictions concernant certaines opérations, ou le fonctionnement des comptes ont progressivement disparu, ainsi qu'on a pu voir aux Etats-Unis, où l'apparition des comptes NOW7(*), Super Now, ATS8(*) a levé la distinction compte à vue, compte à terme. Ce qui donnait l'exemple d'une volonté poussée de déréglementation par les autorités Américaines. La déréglementation se traduit aussi par l'allégement de la tutelle de l'Etat avec la disparition des diverses contraintes pesant sur ces marchés, par une ouverture des marchés aux intervenants étrangers et un élargissement du jeu de la concurrence qui favorise le développement des innovations financières destinées notamment à couvrir contre les nouveaux risques (Bekolo-Ebe, 1998). Au système compartimenté et spécialisé, s'est substitué un modèle de "Banque Universelle". Le mouvement similaire s'observe aux Etats-Unis avec la remise en question de la distinction traditionnelle séparant banques commerciales et "Investment Banks" spécialisées dans le placement des valeurs mobilières (Romey, 2004). II.3 La désintermédiation La désintermédiation a été l'une des premières conséquences visibles du décloisonnement des marchés (Romey, 2004). Elle traduit schématiquement le passage d'une situation qualifiée de "finance indirecte ou intermédiée", dans laquelle les entreprises sont essentiellement financées par les banques au moyen de crédits bancaires classiques, à une situation de "finance directe", dans laquelle les entreprises se financent davantage par apport de fonds propres, ou par émission de titres de créances négociables sur les marchés financiers. En fait, la notion de désintermédiation qu'on associe à l'expansion des marchés financiers ne signifie donc pas disparition des intermédiaires financiers, mais mutation de leur rôle, l'intermédiation financière naît des imperfections sur les marchés des titres primaires (Leland et Pyle, 1977). Cette désintermédiation rend compte de ce que la finance directe devient prépondérante au détriment de la finance indirecte par monnaie de crédit. Les institutions financières jouent désormais un rôle d'agence, mettant en place un système d'information, permettant de réduire les effets d'asymétrie informationnelle générateurs d'aléa moral (Diamond et Dybvig, 1983). Ceci explique les transformations que connaît la fonction d'intermédiation des banques. S'il est vrai depuis les travaux de Gurley et Shaw (1960) et la distinction faîte par Hicks (1974) que la finance directe est opposée à la finance indirecte, il reste que les préférences des portefeuilles des échangistes sont en règle différente que même dans la finance directe, il y a toujours place pour les intermédiaires financiers. Bien que les financements de marché tendent à supplanter les financements bancaires traditionnels, on constate dans le même temps, que les banques ne se désintéressent pas, loin s'en faut, du développement du marché des capitaux. Au contraire, elles ont tendance à accentuer leurs interventions sur ces marchés, en émettant elles-mêmes des titres ou en souscrivant à des actifs émis sur les marchés monétaires et financiers. C'est cette présence accrue des banques sur le marché des capitaux qui a entraîné une "marchéisation" des conditions bancaires des opérations traditionnelles (Romey, 2004). La désintermédiation apparaît dès lors comme une conséquence de cette évolution et la situation s'analyse en une tendance à la modification et à la mutation du rôle des intermédiaires, en particulier les banques, et ce, du fait du développement de la finance directe. Les banques ont pu par ce biais soustraire de leur bilan, le maximum de créances douteuses et sans grand avenir, en se faisant alors intermédiaires pour les placer auprès d'emprunteurs finals, sous forme d'effets renouvelables et de ce fait, à taux variables. La globalisation financière, en favorisant le développement des marchés financiers a permis aux banques de faire valoir leur expertise financière et proposer à leurs clients une vaste gamme de services financiers. Dès lors, le développement des innovations financières trouve là leur explication. SECTION II : L'ACCELERATION DES INNOVATIONSFINANCIERES La mondialisation des marchés et la globalisation financière, ont pour conséquence le prodigieux développement de l'innovation financière. Libres et mondialisés, les marchés sont en effet devenus particulièrement concurrentiels, ce qui les a engagés dans une course constante à l'innovation. Ces innovations ne se sont pas développées partout au même rythme. Les pays anglo-saxons (Etats-Unis, Canada, Angleterre) ont d'abord été leaders en la matière avec notamment la création du Nasdaq en 1971, celle des marchés organisés d'option à Chicago en 1973 et à Londres en 1978. Ensuite ont suivi les pays Européens dans les années 1980, puis enfin les pays émergents dans les années 1990. A mesure que les innovations se développent, leur diffusion s'accélère. Les pays suiveurs ont de ce fait pu facilement rattraper leur retard (Romey, 2004). L'objet de cette section est triple. D'abord donner une justification des innovations financières (I), ensuite faire leur typologie (II), enfin présenter les théories explicatives de l'innovation financière (III). I. DEFINITION ET JUSTIFICATION DES INNOVATIONS FINANCIERES L'innovation financière désigne la nouveauté dans la production sous forme de produit nouveau, de procédé de fabrication nouveau, de l'usage de nouveaux produits financiers (Lexique d'économique, 2002). Depuis les années 1980, l'innovation financière connaît un développement fulgurant, élargissant considérablement le menu des instruments financiers à la disposition des acteurs, investisseurs, spéculateurs ou trésoriers d'entreprises. Parallèlement au mouvement de libéralisation et aux mutations des régimes de change, le progrès des technologies de l'information et de la communication facilite de plus en plus les montages et les transferts financiers internationaux. La finance est en effet liée au traitement et à la collecte de l'information. L'innovation financière se développe d'abord pour attirer la clientèle en mettant à sa disposition des instruments supposés correspondre au plus près à ses besoins. Ainsi sont apparus une panoplie d'instruments qui d'ailleurs ont accéléré le décompartimentage des marchés. La sophistication de ces instruments et produits offerts est en effet telle que le même instrument peut revêtir des caractéristiques aussi bien du compartiment court, que du compartiment long du marché (Bekolo-Ebé, 1998). L'innovation se développe ensuite pour permettre aux clients de faire face aux risques attachés à l'incertitude grandissante, liées à la levée des contrôles et règlements. Il en est particulièrement ainsi de tous ces instruments destinés à couvrir les intervenants des risques liés à la mobilité des taux et à la possibilité désormais offerte d'opérer dans une optique multidevise. Les nouveaux produits, dont la plupart doivent d'ailleurs leur existence à des mutations souvent faites in fine, ont ainsi une triple vocation : - Gérer l'instabilité des taux et des changes - Permettre le passage facile et rapide d'un compartiment à l'autre du marché (taux variables, taux fixes, comptant, terme) - Permettre facilement et rapidement le passage d'une devise à l'autre (Bourguinat, 1992) L'innovation financière facilite ainsi l'activité économique et l'allocation des ressources. Si l'innovation financière joue un rôle central dans l'analyse de la mutation financière, sa description est rendue malaisée par les nombreuses formes qu'elle peut prendre. La typologie généralement adoptée est basée sur celle utilisée par J.A. Schumpeter pour les innovations industrielles. * 7 Les comptes NOW (negociable order withdrawal) permirent aux titulaires de compte à terme de retirer des fonds à condition de laisser un solde minimum. * 8 Les comptes Super NOW autoriseront sous certaines conditions, à faire des chèques à partir des comptes à terme. Les ATS : virement automatique de compte à vue au compte à terme. |
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