Mutations financieres et financement de l'économie au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Dieudonne Desire ELANGA Universite de Douala Cameroun - DEA 2004 |
I. LES COMPOSANTES DE LA GLOBALISATION FINANCIERELes économies contemporaines sont aujourd'hui engagées dans un processus de mondialisation dont le rythme tend à s'accélérer. Cette mondialisation s'analyse en une globalisation dans laquelle les diverses économies tendent à s'intégrer et à former une totalité marquée par un renforcement des interconnexions et à une unification du marché qui s'homogénéise par delà les Etats-nations (Bekolo-Ebe, 1998). Les firmes et organisations appréhendent ainsi le marché comme une totalité de moins en moins contrainte par les réglementations nationales et déterminent leurs implantations et leurs placements par rapport au marché mondial traité comme un tout ,parce que celui-ci est de plus en plus unifié et intégré (Bourguinat, 1997). Telle est la condition préalable de la globalisation. Plus précisément, du point de vue des firmes, on admet aujourd'hui qu'il existe trois conditions, préalables à cette évolution (Bekole-Ebé, 1998). - Que le produit ait un caractère global, c'est-à-dire universel, à même d'être identifié et demandé à l'échelle du monde entier par le consommateur. Ce caractère global n'empêche pas des spécificités qui peuvent prendre place dans un processus de segmentation où dans un produit-système, les éléments secondaires sont alors, déglobalisés, permettant de donner aux produits génériques une touche finale locale. - L'activité du groupe pour être dite globale doit impliquer, ainsi que le relève Porter (1996) que la "position de concurrence stratégique des concurrents dans les zones géographiques ou sur les marchés nationaux, soit fondamentalement affectée par leur position globale". En matière bancaire par exemple, la crédibilité, sur le plan de la solvabilité dans un pays est fortement tributaire de la structure de son bilan consolidé. - L'équitraitement des moyens impliquant une absence de préférence opérationnelle pour le pays ou la zone géographique originelle. En d'autres termes, la firme ne se détermine que par rapport aux conditions de coûts et de rendements, lesquels déterminent la localisation du moment, mais aussi les décisions éventuelles de délocalisation d'un espace à un autre. Le phénomène touche aussi bien la sphère réelle de production de biens et services que la sphère financière, et au regard des évolutions actuelles et de l'ampleur du phénomène, on est tenté de penser que la finance est le lieu par excellence de cette globalisation des transactions (Bekolo-Ebe, 1998). Le produit financier tend en effet à prendre rapidement un caractère mobile, ubiquiste, parce qu'à même de se déplacer avec des coûts de transferts extrêmement faibles, d'autant qu'il prend rapidement un caractère standardisé, et du fait que les risques y attachés tendent à s'atténuer ou sont susceptibles d'être assurés par des procédures de plus en plus diversifiés (Bourguinat 1997 ; Aglietta, 1990). Ces conditions se trouvent aujourd'hui de plus en plus souvent réunies car les interconnexions entre économies obligent les gouvernements à adopter des mesures de convergences juridiques et fiscales et à s'engager toujours plus avant dans un processus d'unification des procédures et de banalisation des techniques monétaires et financières entre les pays dont les systèmes économiques voient leur interdépendance accrue (Bekolo-Ebé, 1998). Au total, si la finance se globalise dès lors qu'elle est unifiée à l'échelle du monde entier, il convient encore d'invoquer à son propos la règle des trois « D » qui définit les caractéristiques de cette évolution, décloisonnement, déréglementation, désintermédiation. II. LA REGLE DES TROIS D Les cycles de négociation de l'Uruguay-round (négociations multilatérale au sein du GATT6(*) de 1986 à 1994 en vue d'achever la libéralisation du commerce international et qui ont débouché sur l'institution de l'OMC à la suite du traité de Marrakech en avril 1994) sur les services financiers ont contribué à polariser l'attention sur le fonctionnement du marché, sur la différence entre libre mobilité des capitaux et non discrimination sur les marchés, sur l'avantage de la libre concurrence entre institutions financières nationales et étrangères, aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement (Bekolo-Ebe, 2002). L'évolution des marchés et le processus de mondialisation financière se sont accompagnés d'une libéralisation des systèmes financiers (Romey, 2004). Cette libéralisation se caractérise par ce qu'il est convenu d'appeler le phénomène des "3 D" : décloisonnement, désintermédiation et déréglementation que nous analyserons. II.1 Le décloisonnement des marchésLes conditions nécessaires de la globalisation financière sont non seulement l'ouverture des marchés nationaux, mais aussi, à l'intérieur de ceux-ci, l'éclatement des compartiments préexistants (Bourguinat, 1992). La fin des compartiments signifie que les marchés se déspécialisent, les intermédiaires exerçant tous types d'activités. Ainsi, des distinctions traditionnelles séparant aux Etats-Unis banques commerciales et, investments banks spécialisées dans le placement des valeurs mobilières s'estompent. Ce décompartimentage a été consacré par le "big bang" d'octobre 1986 qui a conduit à la confusion des fonctions de contre partistes et courtiers. De même s'installe une sorte de continuum qui fait passer sans distinction de la finance indirecte à la finance directe, avec une prédominance de plus en plus forte de cette dernière (Bekolo-Ebe, 1998). Les dispositions mises en place dans la plupart des pays au début des années 1970, notamment en France, se caractérisaient par de fortes limitations du jeu des forces du marché, au moyen notamment de contrôles des prix ou du volume des opérations des institutions à l'accès au marché. En France, par exemple, le décloisonnement a consisté à réduire le nombre de marchés spécifiques (circuit bancaire et du trésor, réseaux mutualistes ou caisses d'épargne) afin de constituer un vaste marché des capitaux permettant une régulation monétaire plus efficace et plus conforme aux règles de la concurrence. L'ouverture du marché monétaire en 1985 va donc marquer la première étape du processus de décloisonnement. L'introduction des titres de créances négociables (TCN) et des bons du trésor négociables participe à la mise en place du chaînon manquant entre le marché interbancaire et le marché obligataire. La seconde étape du processus de décloisonnement a été réalisée par la levée progressive de l'encadrement du crédit entre 1985 et 1987, complété par une plus grande égalité dans les conditions de collecte des ressources et d'octroi de financement. La décennie des années 1980 est aussi celle de la réhabilitation des marchés boursiers dans le financement de l'économie. Cette réhabilitation s'est accompagnée, en France, d'une modernisation des structures institutionnelles et d'une transformation des techniques de marché avec l'information des échanges. Le décloisonnement s'est aussi accompagné d'une internationalisation des marchés. * 6 Gatt :general agrement of tarif and trade ; a été remplacé par l'organisation mondiale du commerce(OMC) en 1994 à Marrakech. |
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