II-1-2)- Action sur l'actif
Une banque en difficulté peut améliorer son
portefeuille d'actif soit directement en échangeant ou en passant par
pertes et profits des créances douteuses ou recouvrables, soit
indirectement en aidant par exemple les entreprises débitrices à
restructurer. Au Cameroun, l'amélioration du portefeuille d'actifs n'a
pas été laissée à la seule initiative de la banque.
En fait, l'Etat à travers la Société de Recouvrement des
Créances (SRC) a repris le portefeuille non productif des banques
sinistrées.
Les créances douteuses contentieuses et impayées
(CDCI), reprises ainsi par la SRC sur l'ensemble des établissements
financiers ont été importantes à tel point qu'en
Décembre 1996, la SRC était devenue le premier
établissement de crédit du pays avec 700 milliards de
créances douteuses à recouvrir.
Vu l'ampleur de la crise financière observée au
Cameroun, la restructuration des banques n'a été qu'un des
éléments du programme de redressement qui devait comprendre
également des mesures visant une mobilisation et une allocation efficace
des ressources ; d'où les mesures sur les plans monétaire et
juridico-institutionnel.
II-2 -LE CHANGEMENT DE POLITIQUE
MONETAIRE
Les restructurations bancaires de la fin des
années quatre-vingt ont été accompagnées d'une
modification de la politique monétaire régionale. Les mesures
monétaires entreprises devaient permettre de combattre les distorsions
structurelles de l'économie. Ces mesures s'inscrivent dans le cadre
d'une libéralisation financière, aspect fondamental des
programmes d'ajustement structurel du FMI. La politique monétaire
d'inspiration Keynésienne appliquée avant 1990 a
été remplacée par une politique fondée sur les
théories de Mc Kinnon et Shaw (1973). Il ne s'agit plus d'impulser la
collecte de l'épargne, étape préalable à
l'investissement.
Ces mesures constituent l'ossature de la nouvelle politique
monétaire de la BEAC et peuvent être regroupées en trois
groupes. D'abord la programmation monétaire, ensuite la
libéralisation des taux d'intérêt et, enfin la mise en
place du marché monétaire.
II-2-1)- Adoption de la programmation monétaire
et suppression du plafond de refinancement des crédits
L'adoption de la programmation
monétaire aligne en effet la nouvelle politique sur la politique des
normes de progression de la monnaie en fonction du taux de croissance de
l'économie (Bekolo-Ebé, 2001, P16). Depuis Septembre 1991, la
détermination des plafonds de réescompte n'est plus uniquement
fondée sur les besoins prévisionnels des banques : elle
procède de la programmation monétaire. Lors de la première
phase de cette programmation, les autorités monétaires
prévoient l'évolution du PIB, des finances publiques et de la
balance des paiements. Dans une deuxième phase, elles établissent
en fonction des agrégats précédents, les objectifs
monétaires : masse monétaire, avoirs extérieurs,
crédit intérieur et refinancement de la Banque Centrale. Les
plafonds de réescompte des banques auprès de la BEAC ont
été maintenus jusqu'à la création du marché
monétaire en juillet 1994. Cependant, leurs seuils ont été
abaissés pour qu'ils puissent jouer véritablement leur
rôle. Le plafond de réescompte à court terme est
passé de 258 milliards de FCFA en 1990 à 276 en 1991. Il a
ensuite été abaissé à 71 milliards de FCFA en 1992
et 1993. Depuis 1994,le plafond de réescompte maximum a
été remplacé par un objectif de refinancement . Ce dernier
ne devient impératif que lorsque le taux de couverture extérieur
des engagements à vue de la Banque Centrale est inférieur au
minimum statutaire de 20%. Par ailleurs, un nouveau système d'accord de
classement a été mis en place. Il ne fait plus l'objet de limites
individuelles et permet à la BEAC de sélectionner les signatures
sur la base d'un système de cotation.
II-2-2)- La
libéralisation des taux
Depuis 1990, la politique des taux bas et
différentiés a été abandonnée au profit
d'une gestion plus souple et plus rationnelle. Le niveau des taux
d'intérêt est désormais fixé de manière
à maintenir un différentiel de taux favorable avec la France,
afin d'éviter les sorties de capitaux. Le taux d'escompte
préférentiel a été supprimé et le taux des
avances au trésor a été relevé progressivement pour
égaliser le TEN en 1993. Le gouverneur de la BEAC a désormais les
compétences pour modifier les taux d'escompte. De ce fait, il n'y a pas
unicité des taux d'intérêt dans la zone BEAC.
Au niveau des banques, les taux ont
été libéralisés, seuls restent fixés un
taux débiteur maximum et un taux créditeur minimum. Le taux
créditeur minimum ne concerne que les petits épargnants : il
s'applique uniquement aux dépôts d'épargne ou aux livrets
dont le montant est inférieur à 5 millions de FCFA. Quant au taux
débiteur maximum, depuis novembre 1995, il est égal au taux de
pénalité des banques majoré d'une marge de 7%.
II-2-3)- La mise en place du
marché monétaire.
L'instauration du marché monétaire
en juillet 1994 constitue l'aboutissement des réformes de la politique
monétaire. Les opérations sur ce marché sont les demandes
de refinancement des crédits à court et à moyen terme. Ce
marché est composé de deux compartiments ; le premier est un
marché interbancaire, le second permet à la BEAC de ponctionner
ou d'injecter les liquidités.
Les banques interviennent sur le premier
compartiment pour échanger des liquidités à des conditions
de montant, de taux et de durée librement définies. A partir des
interventions sur le marché monétaire, la BEAC calcule
quotidiennement le taux d'intervention moyen pondéré (TIMP). En
raison du manque de confiance entre les banques, en1997, les montants
échangés sur ce marché sont pratiquement nuls. Les banques
possédant des liquidités excédentaires
préfèrent les placer à la BEAC (en 1997, les
dépôts spéciaux représentent en moyenne 45 milliards
de FCFA par mois).
Le guichet A est le canal principal du
deuxième compartiment du marché monétaire. Il est
constitué d'appels d'offres à l'instigation de la BEAC et de
prise en pension à la demande des banques. Pour les appels d'offres, la
BEAC sert à la limite du volume de monnaie centrale tout une partie des
demandes à un taux unique. Celui-ci est arrêté par le
gouverneur de la Banque Centrale en fonction de la conjoncture interne et
externe. Les prises en pension à l'instigation des banques concernent
une période de deux à sept jours. Le taux d'intérêt
des prises en pension (TIPP) est égal au TIAO majoré de 1.5
à 2 points. Le TIMP fluctue entre le TIAO et le TIPP. Aux appels
d'offres et aux prises en pension, il convient d'ajouter les interventions
ponctuelles de la BEAC. Celle-ci peut effectuer des avances lorsque les
montants injectés sur le guichet A excédent l'objectif de
refinancement maximum de ce guichet. Si une banque a des difficultés
à rembourser les échéances sur le guichet A, si elle a
enfreint la législation, la BEAC lui consent des avances au taux de
pénalité.
Le guichet B se situe hors marché. Il a
été maintenu pour le refinancement des anciens crédits
à moyen terme (dits irrévocables), et pour les nouveaux
crédits d'investissement du secteur productif, suivant la
procédure de mobilisation en compte courant.
Afin de ponctionner la liquidité
excédentaire des banques, des dépôts spéciaux
avaient été instaurés en 1994. Ils étaient
rémunérés et ouverts à la demande des banques. Ils
ont été supprimés le 08/02/01996 et remplacés par
les appels d'offres négatifs prenant la forme de placement à
7 ; 28 et 84 jours. Les trésors nationaux sont autorisés
à soumissionner aux appels d'offres négatifs. Tout comme les
établissements de crédit, ils, ne peuvent soumissionner que s'ils
sont au préalable désendettés vis-à-vis de la
BEAC. Les placements sont effectués sous la forme d'acquisition de
certificats de placements qui sont négociables librement sur le
marché interbancaire, mais uniquement entre les banques titulaires d'un
compte à la BEAC. Le taux servi cherche à fixer les
liquidités dans la zone BEAC sans gêner les placements sur le
marché interbancaire.
Cependant, même dans le cas où les
deux premières mesures parvenaient au redressement du système
bancaire, il convient de se demander pourquoi les organismes de contrôle
bancaire n'ont pas détecté les signes de détresse plus
tôt. D'où les mesures juridico-institutionnelles qu'il convient
d'étudier maintenant.
|