Paragraphe 2 - L'absence de moyens de contrainte
Aucun mécanisme juridictionnel comportant plainte,
instruction et jugement, puis exécution de la sentence, n'existe sur le
plan international en vue de renforcer les mécanismes protecteurs
à la pérennité de la dignité de l'enfant.
Par suite, tout ce que nous allons évoquer
maintenant s'apparente à des appels à l'opinion internationale,
comme témoin et qui, s'exprime à travers un certain nombre
d'organes internationaux dont certains espèrent qu'ils réussiront
à atténuer ou à mettre fin aux violations des droits de
l'enfant.
Le contrôle de base est fondé sur les
procédures conventionnelles qui fonctionnent dans le cadre des
traités et qui sont de deux sortes :
- d'une part, il existe un système
général de contrôle du respect par les Etats des
engagements qu'ils ont pris en tant que parties aux traités
protégeant les droits des enfants. Pour ce faire, le
Sénégal doit présenter régulièrement des
rapports concernant la mise en oeuvre des conventions. Les rapports font
l'objet d'examens par l'instance de contrôle mise en place par la CIDE
(art. 45), le comité des droits de l'enfant à l'ONU, le
comité sur les droits et le bien-être de l'enfant africain (art.
32) et de la convention africaine). Les comités concluent, chaque
année, leurs examens par des recommandations qui visent à mieux
garantir les droits de l'enfant ;
- d'autre part, les instances de contrôle sont
habilitées à recevoir des plaintes ( d'organismes comme les
sections ·enfant· de la RADDHO ou de l'ONDH).
Chaque année, les comités ne passent en
revue que la situation des enfants de quelques pays, souvent triés au
sort. Toutefois, les procédures conventionnelles ont une portée
très restreinte : ni les mesures d'alerte rapide et de
procédure d'urgence, ni les recommandations n'impliquent qu'il y ait
lieu à réparation des dommages subis par les enfants. En effet,
les procédures conventionnelles de protection de l'enfant ne
s'apparentent absolument pas à des sentences de tribunaux dont il y
aurait moyen d'assurer l'exécution par le Sénégal. Leur
impact est faible. Tout aussi peut-on s'étonner que les textes
internationaux s'empressent de fixer la majorité civile mais renvoient,
en ce qui concerne l'âge du travail, à la loi des Etats pour la
majorité sociale au travail.
Or, manifestement, la plupart des Etats, surtout ceux en
voie de développement, sont dépendants des groupes
économiques qui peuvent les conduire à édicter des
âges minimums qui ne tiennent pas compte de la dignité de
l'enfant.
La première des procédures
extra-conventionnelles est appelée la « procédure
1503 » qui reçoit les plaintes individuelles qui ne peuvent
pas être examinées par les comités spécifiques. Les
plaintes sont transmises au Comité pour les Droits de l'Homme à
l'Etat du Sénégal pour observations. Les plaintes et les
réponses sont, ensuite, examinées par un groupe de travail de la
sous-commission des Droits de l'Homme de l'ONU qui concluent, à la
majorité, sur les cas qui semblent révéler l'existence
d'un ensemble de violations flagrantes des droits de l'enfant, en
particulier.
Enfin, la commission des Droits de l'Homme décide
en sessions privées soit de se dessaisir du cas d'un Etat, soit de
suivre la situation, soit même de la passer en
« procédure publique ». Cette dernière
constitue la « sanction » internationale la plus grave.
A toutes ces étapes, le pays indexé
s'efforce de fournir des explications ou prend des mesures visant à
améliorer la situation de l'enfance incriminée.
La deuxième procédure
extra-conventionnelle relève des procédures publiques. Lorsque la
commission des Droits de l'Homme a placé un Etat sous une
procédure publique de suivi, c'est que la situation de violation est non
seulement alarmante mais a fait l'objet pendant des années d'un examen
confidentiel, selon la procédure 1503, et donc qu'il est de bon droit et
de bonne justice de ne plus taire en privé les violations dudit Etat.
Tout le jeu diplomatique consiste à essayer de mettre en oeuvre le
mécanismes permettant d'aboutir à des condamnations des
gouvernements qui mettent à mal les droits de l'enfant.
Enfin, la dernière procédure
extra-conventionnelle tient aux procédures spéciales
thématiques. Elles fonctionnent à travers des « groupes
de travail » ou des « rapporteurs
spéciaux » institués par la Commission des Droits de
l'Homme.
Leur mandat consiste à recueillir des
réponses à des questionnaires adressés aux gouvernements
à la suite d'accusations portées par des organisations non
gouvernementales ou à la suite d'enquêtes effectuées dans
le pays incriminé (Rapport Annuel d'Amnesty International) dans son
volet sur l'enfant qui est le « livre noir » des atteintes
à la dignité humaine, rapport également de la RADDHO,
etc.)
En tout état de cause, l'ensemble de ces
procédures conventionnelles et extra-conventionnelles sont sans
incidence particulière sur l'Etat fauteur de violations des droits de
l'enfant et qui, juste, fait l'objet de critiques et dénonciations
formelles, voire officielles. D'autant plus que l'Etat fautif peut jouer sur
des pressions fortes pour éviter les mises en accusation. C'est le cas
notamment des Etats puissants qui, fort de leurs appuis dans le concert des
nations, parviennent à bloquer l'examen de leur cas par des manoeuvres
de procédure et mettent en échec tous les projets de
résolution qui finissent par ne pas être votés.
Par ailleurs, on peut se poser la question de savoir si
le projet de Cour Pénale Internationale permanente,
préparé de 1981 à 1996 par la Commission de Droit
International de l'ONU et qui a finalement vu le jour avec l'installation
à la Haye le 11 mars 2003 des 18 juges du siège, prendrait en
compte également les revendications spécifiques dont celles des
enfants ?
Tout semble laisser croire que la Cour Pénale
Internationale reste confinée qu'aux crimes contre la paix, la
sécurité et les génocides contre l'Humanité. Une
extension de son champ de compétence, serait, à notre avis, une
initiative salutaire dans le renforcement de la protection de la dignité
de l'enfant.
La protection de la personne de l'enfant au plan
international accuse le coup de ses insuffisances du fait des Etats qui
limitent son domaine de compétence ou qui refusent de ratifier certaines
conventions pour ne pas se les voir appliquées. Les Etats demeurent
incontournables. Il en résulte à l'évidence un paradoxe
qui n'est que l'expression de la problématique de l'exercice des
droits.
On constate que l'humanité s'efforce, en
explorant des voies diverses, d'établir un système international
de protection de l'enfant. Mais il apparaît que les Etats dont le
Sénégal répugnent à donner une réelle et
constante efficacité au système international. De plus, ils
refusent aux divers procédés d'investigation, dont on ne peut
taire la lenteur, la lourdeur bureaucratique, le coût , la
complexité technique, l'ésotérisme, la possibilité
d'être coercitifs, au mieux ces procédés n'aboutissent
qu'en de simples formules de recommandations auxquelles l'Etat en cause est
libre de rester sourd. La précarité des garanties nuit
évidemment à leur existence et n'est pas faite pour encourager le
citoyen à vouloir les connaître et à s'en servir. Il y est
d'autant moins porté que les difficultés et obstacles de saisine
achèvent de compromettre leur crédibilité.
Le Droit de l'Enfant découvre, de plus en plus,
ses inspirations dans la double détente que constitue l'existence d'une
réglementation nationale et internationale qui prend en compte toute la
dignité de l'enfant. Mais comme toute oeuvre humaine, ce droit
connaît des imperfections dans son application.
Que faire alors pour porter remède à des
situations de nature à porter gravement un tort à l'avenir des
enfants ?
C'est le moment d'explorer les voies nouvelles,
c'est-à-dire les perspectives qui s'offrent pour l'amélioration
des droits de l'enfant en vue de lui restituer toute sa dignité.
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