SECTION II - LA PORTEE REDUITE DES GARANTIES
INTERNATIONALES
La communauté internationale est un monde
où convergent plusieurs civilisations, cultures et perceptions de la
notion de la dignité de l'enfant.
Des divergences de compréhension et du contenu des
intérêts en présence peuvent être une source
d'affaiblissement des garanties internationales (Paragraphe 1) et l'absence de
moyens de coercition à l'échelle internationale est très
significative à ce propos (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La divergence des intérêts
en présence
La société internationale est un assemblage
disparate d'Etats qui se disent égaux dans un même exclusive, dans
une même approche de la notion de souveraineté dont ils tirent
leur liberté. En principe, ils ne peuvent donc se contraindre
mutuellement au respect et au développement des droits.
Envisager les rapports entre l'enfant et l'Etat sous
l'angle de la protection due par ce dernier est un choix qui laisse dans
l'ombre les hypothèses où l'Etat n'assure pas vraiment sa
protection.
Si le Sénégal a pu ratifier sans
état d'âme la Convention Internationale relative aux Droits de
l'Enfant (CIDE), les Etats-Unis ont refusé de le faire pour ne pas
devoir à subir l'obligation d'abolir la peine de mort qui est
également applicable aux enfants (art. 37 CIDE). Tandis que d'autres
considèrent comme injustifiée l'interdiction d'engager dans
l'armée des enfants de moins de 15 ans (art. 38 CIDE).
La liberté d'opinion est proclamée par
l'article 14 de la convention de l'ONU mais quant à la liberté de
relations de l'enfant, rien de précis n'est énoncé dans
ladite convention, qui envisage seulement les droits de réunion et
d'association lesquels concernent plutôt l'Etat que les familles.
La CIDE indique que l'enfant ne doit pas être
séparé de ses contre leur gré et peut entretenir des
relations avec celui de ses parents qui se trouverait dans un autre pays. Cette
exigence est très régulièrement battue en brèche
par les décisions de justice qui confient la responsabilité ou la
garde des enfants à des institutions spécialisées
d'assistance et d'entraide à l'enfant ; et parfois même
contre le voeu de l'enfant.
La Convention de la Haye du 22 octobre 1980, qui a
été ratifiée par une trentaine d'Etats dont le
Sénégal, tend à assurer le retour immédiat de
l'enfant dans le pays de sa « résidence habituelle »
s'il est retenu ailleurs en violation d'un droit de garde attribué par
les règles du pays de résidence. Le respect de cette convention a
du mal à être assuré, en général, entre
juridictions de pays différents.
D'un autre côté, l'Islam marque sa
différence par rapport à une « morale »
calquée sur une essence chrétienne des pays occidentaux à
laquelle, sur bien des points, il n'adhère pas. En effet, les
conventions internationales relatives à l'enfant connaissent, pour la
plupart, une ligne rédactionnelle occidentale. Ce qui n'empêche
pas des pays musulmans, devenus membres des institutions relatives à la
protection de l'enfant d'adhérer officiellement à des textes
auxquels ils ne croient pas et qu'ils violent sans retenue. Cette même
attitude est très perceptible dans bon d'Etats d'Amérique du Sud
fortement christianisés.
Le caractère de cette unité de façade
remet gravement en cause le consensus interculturel sur lequel se fondent les
instruments juridiques internationaux et revêt un aspect
délibérément restrictif quant à l'exercice de
certains droits et libertés fondamentaux, au point que certaines
dispositions essentielles sont en deçà des règles de droit
en vigueur dans nombre de pays où la
« légitimité » des pratiques de
châtiments corporels est le principe.
Il serait angélique de croire ou de faire croire
que la vision unie mondiale de la dignité de l'enfant,
énoncée dans les textes internationaux et à laquelle
presque tous les gouvernements du monde ont officiellement donné leur
aval, constitue l'apothéose qui cimente « la
société humaine ». Ce qui est souvent dit dans un
milieu est différent de ce qui est dit, au même moment par les
mêmes personnes dans un autre lieu et, pire encore, dans leurs pratiques.
On peut parler d'hypocrisie lorsque la pureté des intentions
énoncées vise à masquer des actes qui sont tout bonnement
contraires aux droits que les Etats, y compris le Sénégal, se
sont engagés à faire respecter.
La protection internationale de la dignité de
l'enfant achoppe sur deux obstacles majeurs :
- l'absence de conviction profonde d'Etats que certains au
moins de ces droits constituent des valeurs suprêmes de l'enfance.
L'humanité s'essoufflant, des ouvriers de la 25ème
heure sans scrupule font de la condition de l'enfant un fonds de commerce, une
sorte d'industrie à l'escroquerie (le mot n'est pas
fort !) ;
- le dogme de la « souveraineté »
des Etats, souvent vidé de la signification réelle pour bien de
pays, permet d'opposer une barrière à la protection
internationale des enfants par ceux l'invoquent comme prétextent pour ne
pas agir. C'est à juste raison qu'on peut s'étonner de la
promptitude de l'Etat du Sénégal a ratifié toutes les
conventions, et son inertie à honorer sa signature par la non
application des recommandations transcrites dans lesdites normes
internationales et l'absence du toilettage de sa législation, sur bien
des points choquants et que nous avons eu à relever le long de notre
étude. Ce sentiment d'impunité des Etats à violer des
décisions internationales s'explique aussi par l'absence de moyens de
contrainte au niveau international.
|