II/ HYPOTHESES DE RECHERCHE
1/ Hypothèse
générale
Ainsi que nous l'avons montré
précédemment, nombre d'auteurs admettent que les enfants de
migrants, confrontés à deux modèles culturels distincts,
sont soumis à un développement complexe. La création de
liens entre filiation et affiliation, qui apparaît comme
nécessaire à la stabilité de la personnalité,
demeure parfois fragile. Après une série de recherches, Moro
(1988, 1994, 2002, 2004) évoque l'existence d'une
vulnérabilité psychologique spécifique
aux enfants de migrants. Toutefois, ces travaux se sont
principalement basés sur une population d'enfants et d'adolescents, dans
lesquelles elle décrit trois périodes de risque électif
qui sont : << la mise en place des interactions précoces
mèreenfant avant un an, le début des grands apprentissages
scolaires entre six et huit ans et l'adolescence »55. Or, qu'en
est-il de la structuration psychique une fois ces périodes
passées ? Nous serions tentés de penser que cette
vulnérabilité psychique perdure à l'âge adulte, et
affaiblit le niveau des excitations internes ou externes pouvant être
assimilées par le moi. C'est donc dans la continuité de ces
travaux que nous formulons l'hypothèse générale de cette
recherche :
Les jeunes adultes issus de l'immigration présentent
une vulnérabilité psychologique.
Nous postulons que la double appartenance culturelle
influence la qualité du fonctionnement psychique. Dès lors, la
variable indépendante correspond à << jeunes adultes issus
de l'immigration », et la variable dépendante est attribuée
à << vulnérabilité psychologique ». Afin de
maitriser au mieux les facteurs de la variable indépendante, notre
étude se base sur des jeunes femmes d'origine
Maghrébine.
Cette hypothèse sera analysée à
travers le test de Rorschach. En effet, ce matériel favorisant
l'excitation de l'appareil psychique, il nous parait être un outil
adéquat à estimer le seuil de tolérance du moi aux
excitations, et les conséquences de la vulnérabilité sur
l'organisation psychique des sujets.
55 Moro, M.R. (1994).
Parents en exil. Psychopathologie et migrations.
Paris : PUF (2002).p.24.
2/ Hypothèses opérationnelles
:
a) HO1 : les jeunes femmes d'origine
Maghrébine expriment des manifestations de l'angoisse au
Rorschach
Selon Violet-Conil et Canivet (1952), « Il y a
traumatisme, donc angoisse, chaque fois que le Moi perd sa capacité
d'assimiler une excitation accrue »56. Or, si le propre de la
vulnérabilité psychique est une moindre résistance aux
excitations internes et externes, l'angoisse devrait surgir plus facilement
chez les individus vulnérables. On peut ainsi émettre
l'hypothèse que face aux excitations induites par le test de Rorschach,
la vulnérabilité psychique des sujets se traduira par des
manifestations attestant de l'angoisse qu'ils ressentent. Selon Bohm
(cité par Violet-Conil et Canivet), au Rorschach, les signes de
l'angoisse se manifestent tout d'abord sur les caractéristiques
générales du protocole. Ce sont :
> L'appauvrissement général de la
production
> La coartation du TRI
> L'aspect de la succession (rigide et
accompagnée de F+% élevé, relâchée et
accompagnée de choc-couleur, ou incohérente)
> Les interprétations fantastiques et fuyantes
dans les planches multicolores > Le trouble du balancement
des facteurs introversif-extratensif
Ensuite, l'angoisse se traduit par des manifestations sur
les éléments des réponses telles qu'elles sont
présentées ci-dessous :
Dans le mode d'appréhension
|
Dans le déterminant
|
Dans le contenu
|
- Abaissement du nombre de
|
- Nombreuses F-
|
- Symétries nombreuses
|
G
|
- K peu nombreuses et de
|
- Anatomies nombreuses et
|
- Do d'inhibition
|
mauvaise qualité
|
de mauvaises qualités
|
- Nombreux Dd et Dbl
|
- FC ou CF nombreuses et
|
- Mauvaises originalités
|
|
dysphoriques, E purs
|
- interprétations sexuelles
|
|
- Clob
|
dépressives
|
|
- C isolées et explosives
|
- Hd et Ad plus nombreux
|
|
- Chocs-couleurs, Choc noir ou Choc-vide
|
que H et A.
|
56 Violet-Conil, M. Canivet,
N. (1952). Le test de Rorschach et le diagnostic de l'angoisse.
Rorschachiana, Revue Internationale de Rorschach et d'Autres
Méthodes Projectives, Vol. I, Cahiers 2,
78-127.
Anzieu (1961), dans son tableau de l'angoisse
pathologique, ajoute les signes suivants : > Indicateur
d'angoisse > 15%
> Refus (ou peu de réponses) aux planches IV,
VI, VII et IX
> Refus de réponses couleurs, fuite du
rouge
> Augmentation du temps par
réponse.
b) HO2 : les jeunes femmes d'origine
Maghrébine mettent en place un système défensif
coûteux contre l'angoisse
Après avoir analysé H02, il
est intéressant d'étudier le système défensif afin
de pouvoir rendre compte de la dynamique psychique propre aux sujets. Notre
hypothèse générale indique que le seuil des excitations
assimilables par le moi devrait se situer relativement bas. De ce fait, nous
pouvons nous interroger sur l'aménagement défensif mis en place
devant une source d'excitations telle que le Rorschach. Nous émettons
l'hypothèse que les participants à notre recherche doivent avoir
recours à des mécanismes de défense moins souples, qui
vont entraver le fonctionnement psychique dans sa souplesse, son harmonie et
son adaptation.
Chabert (1983) propose d'observer les
mécanismes de défense au Rorschach à travers l'analyse des
procédés d'élaboration du discours. Elle ajoute que ces
mécanismes vont se traduire à travers trois types de
données : les manifestations hors réponse (verbalisation ou
caractéristiques qualitatives non verbales), dans la réponse, au
sein d'une séquence associative stigmatisée par une cotation et
à travers un ou plusieurs facteurs combinés dont le regroupement
permet de dégager un mécanisme de défense
spécifique. En outre, elle distingue quatre grandes catégories de
procédés d'élaboration du discours renvoyant à des
mécanismes de défense sous-jacents.
Les procédés rigides consistent
à utiliser les données perceptives du matériel, soit dans
le but d'éviter ou de minimiser le surgissement d'éléments
en rapport avec la réalité interne du sujet, soit pour permettre
à celle-ci de s'exprimer grâce à une stratégie de
justification et de rationalisation. Ceux-ci sont observables dans
:
> Les manifestations hors réponses,
verbales ou non : les précautions verbales, le doute, les
ruminations, la dénégation portant sur l'aspect externe de la
perception, l'attachement au détail, les précisions scrupuleuses
et les formations réactionnelles.
> Les réponses ou séquences de
réponses : la dénégation de la représentation,
la formation réactionnelle, le doute traduit par l'hésitation
entre deux perceptions pour la même réponse.
> Les facteurs spécifiques : une
formalisation excessive (F% > 65%), l'expression d'affect à minima
(TRI coarté ou introversif, réponses sensorielles peu
nombreuses), le doute (F #177; élevé), le souci de maitrise du
matériel (augmentation du G%), l'attachement aux détails (forte
utilisation du D et Dd), l'intellectualisation (combinaison de G
organisés, kinesthésies et contenus spécifiques,
artistiques), la négation des liens, soit entre représentation et
affects (augmentation du F% et faiblesse des déterminants sensoriels),
soit entre deux représentations (fragmentation des réponses en D
ou Dd avec l'accent porté sur l'absence de rapport entre les
réponses successives), les formations réactionnelles (FC
fréquentes).
Les procédés labiles visent
à lutter contre l'émergence de représentations
gênantes par le recours à la fantaisie et aux affects. Ils se
traduisent par :
> Les manifestations hors réponse :
commentaires réguliers donnant l'impression d'une
réactivité immédiate au matériel, la dramatisation,
la labilité des réactions émotionnelles, l'accent
porté sur la méconnaissance sous forme de
dénégations successives, la manipulation labile du
langage.
> Les réponses ou séquences de
réponses : le refoulement (refus ou incapacité d'associer
notamment aux planches IV et VI chargées en symbolisme sexuel), la
dénégation quand une représentation dont la dimension
symbolique évidente et évitée (un certain type de contenu,
par exemple brouillard ou fumée, est alors investi dans une fonction
d'écran à la représentation), l'érotisation des
relations à travers des mises en scènes kinesthésiques, la
mise en avant de la réactivité émotionnelle (primat de la
couleur dans le déterminant au sein d'une séquence de
réponses).
> Les facteurs spécifiques renvoyant
à des mécanismes de refoulement : le souci de se maintenir
relativement à distance du matériel (G vagues ou
impressionnistes), le recourt aux manifestations sensorielles (TRI
extratensif), la suggestibilité (grande variété des
réponses C, C', E et Clob), la prévalence accordée
à la réactivité subjective (F% bas), le symbolisme
transparent des contenus (notamment pour les symboles sexuels), l'affrontement
entre désirs contradictoires (représentations et/ou affects
opposés). En outre, l'échec des mécanismes de refoulement
est observable par une fuite en avant dans l'interprétation
(précipitation dans la multiplication des réponses), des
manifestations émotionnelles très intenses (TRI extratensif
très dilaté), une perte de contrôle sur la
réalité objective (F+% très bas) et des contenus
très crus à valence sexuelle et régressive.
Les procédés d'inhibition marquent
la lutte contre une implication projective ressentie comme dangereuse. Ils se
repèrent par :
> Les manifestations hors réponse :
une restriction de la production, une participation subjective peu
engagée, une verbalisation minime, le temps de latence long, les
silences nombreux, le refus des planches qui n'est pas rare. Dans le même
temps, les quelques commentaires portent sur le blocage associatif et les
manifestations anxieuses sont parfois très visibles au niveau du
comportement.
> Les réponses ou séquences de
réponses : anonymat des personnages humains (sans identité
sexuelle), projection d'action floues, indéterminées
(répression kinesthésiques fréquentes), réduction
des charges émotionnelles apparentes (formules du style « un peu
», « à peine »), évitement perceptif de
localisations particulières (détails rouges des planches II et
III, ou à valence symbolique), banalisation ou placage d'images
stéréotypées.
> Les facteurs spécifiques
évitant la confrontation avec les stimuli angoissants et
révélant les difficultés d'implication : G primaires ou
à l'inverse découpage extrême du matériel, F%
élevé avec beaucoup de F#177;, TRI et formule
complémentaire coartés. Les défaillances de tels
mécanismes peuvent se constater par l'émergence de
bouffées d'angoisses traduites par la présence de Clob, C', E et
kinesthésies isolées à thème de chute ou de
vertige. Au niveau des contenus, on trouve des contenus « phobiques »
(A anxiogènes), des contenus révélant des
inquiétudes corporelles, ou des contenus banalisés à
outrance, factuels, concrets.
Bien entendu, tous ces critères apparaitront
différemment selon s'ils concourent à la mise en
place de défenses de type névrotique ou
de type limite. A contrario, les procédés en
processus
primaires sous-tendent des mécanismes de
défense psychotiques. Ils se remarquent par :
> Les manifestations hors réponses :
méfiance du sujet argumentée par des remarques faisant preuve
d'un vécu persécutif, décalage entre les productions
spontanées et l'enquête, production importante, mal
ordonnée, prolixité du discours, verbalisation confuse laissant
surgir des bizarreries et des discordances...
> Réponses ou séquences de
réponses : localisations arbitraires, mal définies ou peu
cohérente (G mal organisés, immenses Dd aux découpes rares
ou bizarres), médiocrité du contrôle formel (beaucoup de
F-), réponses kinesthésiques à valeur
interprétative ou délirante, absence de contention des mouvements
pulsionnels (présence de C
pures), contenus marquant l'absence
d'intégrité corporelle ou la confusion des règnes (Hd,
Anat, Sang, H/A, H/Obj).
> Les facteurs spécifiques :
mauvaise qualité de l'ancrage dans la réalité objective
(F+% et F+% élargi faibles, diminution significative des Ban),
désintérêt pour le réel (D% faible, réponses
humaines et animales déréelles fréquentes à
connotation persécutante), fragilité des barrières
internes et massivité des affects (TRI très dilaté, K
délirantes ou interprétatives, ? C très
élevé avec dominance de C pures, contenus en
référence au corps dans des images tronquées,
morcelées, Anat, A ou Obj contaminés ou fragmentés), ou au
contraire tonalité émotionnelle abrasée (TRI
coarté), absence de réactivité spécifique aux
planches.
Il nous semble cependant important de préciser
que c'est la massivité de ces manifestations qui peut signer un
fonctionnement psychotique ; les émergences en processus primaires
peuvent apparaître ponctuellement, marquant alors seulement des points de
fragilité qui sont compensés par ailleurs.
c) H03 : Les jeunes femmes d'origine
Maghrébine font preuve d'une représentation de
soiperturbée
Moro (1988, 1994, 2002, 2004) fait l'hypothèse
que la vulnérabilité dont elle fait état est liée
à la dissociation entre filiation et affiliation à laquelle ils
sont soumis. Etant donné les enjeux identitaires et relationnels que
cette proposition soulève, nous faisons l'hypothèse que de la
fragilité de la structuration psychique se répercute sur la
représentation de soi. Nous nous basons sur la grille de
représentation de soi (Cf. annexe 4) élaborée
par Rausch De Traubenberg et Sanglade (1984). Dans un souci de clarté,
nous ne ferons pas usage du système de cotations qui s'y rattache, mais
nous utiliserons simplement cette grille comme schéma de
compréhension des données. Cet instrument nous permet notamment
de dégager la relation dynamique du sujet à ses objets internes
et externes, et de situer l'identité et les identifications du sujet
à travers le jeu des pulsions libidinales et agressives. La grille se
compose de quatre colonnes :
> La première colonne fait état de
l'image corporelle de la représentation de
soi, unitaire ou non, à travers l'objet
représenté. Le contenu est classé en fonction de son
appartenance au monde humain, animal ou au monde de l'inanimé. Le monde
humain et le monde animal sont ordonnés selon la valence de la
réponse, qui va du plus intégré au moins
intégré. Le monde de l'inanimé n'est pas ordonnée
hiérarchiquement mais reste significatif.
> La deuxième colonne analyse
le mode de relation à l'objet. Les items vont
des interactions aux actions isolées jusqu'à la simple
dénomination statique ; les interactions et actions peuvent être
positives, neutres, agressives, de dépendance ou incongrues. Les items,
des points de vue de la réciprocité et de l'animation, sont
ordonnées respectivement du positif au négatif, et du plus
performant au nul.
> La troisième colonne spécifie
l'identification sexuelle en regard de sa
détermination, de son ambivalence ou de son
instabilité.
> La quatrième colonne rend compte des facteurs
spécifiques précisant le caractère de
différenciation ou d'indifférenciation entre soi et
l'autre.
d) H04 : le double contexte culturel
propre aux jeunes femmes d'origine Maghrébine entraine des écarts
par rapport aux normes admises au Rorschach
Cette hypothèse a pour objectif de
vérifier si le fonctionnement psychique des sujets, pris dans sa
globalité, présente des caractéristiques communes chez
tous les testés. Il s'agit donc de repérer les écarts
significatifs par rapport aux valeurs normatives de référence.
Nous nous référons pour cela aux normes adultes
communiquées par Claude Collado et présentées
ci-dessous.
Modes d'appréhension
|
Déterminants
|
Contenus
|
G = 20-30%
|
F% = 50-60%
|
A% = 35-50%
|
D = 60% G/D 1/3
|
F+% = 80-90%
|
A > Ad
|
Dd = 6-10%
|
K = 5 à 7
|
H% = 15-20%
|
|
K > kan
|
|
Dbl = 3%
|
kan = 25-50%
|
H/Hd 2/1
|
Do = 0%
|
FC > CF + C
|
|
|
FE > EF + E
|
|
|
RC% = 30-40%
|
|
R = entre 25 et 30
|
Ban = 16% (en référence à la liste
française des banalités)
|
Indicateur d'angoisse < 12%
|
Le TRI doit être plus dilaté que la formule
secondaire
|
III/ PRESENTATION DES RESULTATS ET
INTERPRETATION
1/ Protocole de Leïla :
a) Présentation de la participante
:
Leïla est née à Millau, dans
l'Aveyron. C'est une jeune femme de 23 ans au jour de notre rencontre, qui
effectue diverses missions intérim et projette de partir en suite
travailler à Londres. Ses parents sont Marocains ; Son père est
arrivé vers la fin des années 1960, et sa mère l'a rejoint
en 1983. Elle se définit comme Musulmane mais peu pratiquante.
Cependant, elle semble gênée face à cette
question.
b) Les représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est très bas.
Le TRI et la FS sont inversés.
· Dans les modes d'appréhension :
2 réponses incluant le blanc (dont une en Ddbl
associée à un contenu Hd teinté d'une tonalité
dysphorique)
· Dans les déterminants :
1 seule K
1 CF dysphorique, deux FC (dont 1 FC') et une tendance
CF.
2 FE (dont 1 associé à une tendance Fclob,
et l'autre à un Choc).
1 Choc.
· Dans les contenus :
H = Hd
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
Peu de réponses et avec présence de signes
d'angoisse aux planches IV, VI, VII et IX.
La planche IV fait apparaître la FE tendance
Fclob, la planche VI comprend la FE et le Choc, La planche VII la FC', et la
planche IX la CF dysphorique.
La couleur rouge est fuite à la planche II, et
non intégrée à la réponse à la planche
III.
c) Les mécanismes de
défense
· Planche I :
Manifestations hors réponse : la verbalisation
indique le doute et l'accent, porté sur la méconnaissance de la
procédure à suivre signe un désir d'éviter la
confrontation avec le stimulus. Le discours semble donc prendre lui-même
un aspect défensif.
Réponse : une seule réponse qui
comprend un doute entre deux représentations très proches. La
représentation est une banalité en G, ce qui nous fait penser
à des difficultés d'implication relevant d'une inhibition
défensive.
· Planche II :
Manifestations hors réponses : la verbalisation
est réduite à quelques mots indiquant une inhibition.
Réponses : la première réponse
se maintient à une banalité confirmant le fonctionnement
inhibiteur du sujet ; la couleur n'est pas intégrée à la
réponse et la réponse à tendance à être
déniée à l'enquête. La deuxième
réponse semble se concentrée sur le Blanc (associée
à 1 F+/-) dans le but d'éviter le rouge. Nous pensons
également à un fonctionnement sur le mode de l'inhibition pour
ces réponses.
· Planche III :
Manifestations hors réponses : la verbalisation
est toujours minime.
Réponse : la seule réponse produite
correspond à la banalité en G, le contenu humain est anonyme
(sans identité sexée ni fonction), le rouge est
évité. Le sujet est toujours sur le registre de
l'inhibition.
· Planche IV :
Manifestations hors réponses : Verbalisation
minime, et expression d'un besoin de réassurance dans la conduite
à adopter qui signe une difficulté face à la
planche.
Réponse : la FE de texture sur un contenu
animal irréel indique une régression défensive face
à une représentation anxiogène, indiquant une
défense par les affects pour mettre à distance la
représentation gênante, mais qui bloque les associations dans le
même temps.
· Planche V :
Manifestations hors réponses : La verbalisation
est toujours très restrictive lors de la passation.
Réponse : La participation subjective est peu
impliquée ; l'unique réponse est une persévération
et une banalité ; il semble que le sujet soit très
inhibé.
· Planche VI :
Manifestations hors réponses : l'accent est
porté sur la méconnaissance, le temps de latence est
doublé.
Réponse : La réponse est explicitement
anxiogène et accompagnée d'un Choc. L'angoisse est ici
fixée sur la représentation dont le contenu est phobique. Par
ailleurs, on voit apparaître à l'enquête une nouvelle
association dont le contenu est régressif, teinté
d'oralité, et qui semble venir renforcer le fonctionnement
défensif du sujet. Les mécanismes d'inhibition sont donc
très présent ici mais paraissent peu efficaces face à
l'angoisse.
· Planche VII :
Manifestations hors réponses : la verbalisation
est encore axée sur la méconnaissance du sujet quant à la
tâche à accomplir dans un souci d'éviter la confrontation
au stimulus. Réponse : la couleur est utilisée mais indique une
sensibilité des affects dépressifs et le contenu est
marqué par la régression qui s'accentue à l'enquête
(dessin d'éléphants). Le registre défensif semble
s'élaboré sur le mode de la labilité.
· Planche VIII :
Manifestations hors réponses : le sujet fait
un petit commentaire sur la présence de couleurs et les affects positifs
associés. Le temps de latence réduit indique une
réactivité immédiate au matériel.
Réponse : Après la banalité
élaborée en kinesthésie, la réactivité
à la couleur tient une place importante dans la deuxième
réponse. Les réponses laissent transparaitre la
suggestibilité du sujet au matériel ici et l'utilisation des
affects. Les contenus très factuels indiquent néanmoins la
persistance de l'inhibition.
· Planche IX :
Manifestations hors réponses : la
verbalisation est imprégnée des affects ressentis, la
réaction à la planche est rapide, les commentaires sont plus
nombreux et les verbalisations sur la méconnaissance se
répètent (<< je ne sais pas »).
Réponse : l'utilisation de la couleur
prédomine dans la première réponse ; elle est
complétée à l'enquête par << la fumée
» dans une valence régressive et agressive. L'utilisation des
affects comme moyens défensifs est étayé par une fuite
dans un Ddbl pour la deuxième réponse dont le contenu parait
anxiogène.
· Planche X :
Manifestations hors réponses : la verbalisation
est plus prolixe qu'au début du protocole, les commentaires sur
l'aspect formel de la planche sont nombreux. Le temps de latence est
court.
Tous ces signes concourent à la mise en place
de manifestations émotionnelles intenses. L'association avec le terme
« bordel » est déniée, ce qui fait penser à la
présence de culpabilité quant à l'excitation pulsionnelle
induite par le stimulus (dont on peut retrouver les signes dans les
commentaires du sujet sur les « limites rouges »).
Réponse : la kinesthésie d'objet signe
l'émergence des pulsions sexuelles du sujet. La couleur est importante
dans la détermination de la réponse et dévoile la
prégnance du registre émotionnel.
· Facteurs spécifiques :
Le G% élevé arbore le souci de se maintenir
à distance du matériel.
Le F% élargi et le F+% élevés,
ainsi que le nombre de réponses banalisés témoignent d'une
participation subjective plutôt basse. L'apparition de contenu phobique
anxiogène appuie l'usage de mécanismes de défense sur le
registre de l'inhibition.
Plusieurs signes peuvent également assurer d'un
fonctionnement labile : le TRI est extratensif, la sensibilité à
l'environnement est représentée par la variété des
déterminants C, C', E et Clob, Le F% bas montre la prévalence
accordée à l'émotion, et plusieurs contenus à
valence régressive apparaissent dans le protocole. Nonobstant, il semble
que certains de ces signes montrent davantage les défaillances du
système défensif et le débordement du Moi par
l'angoisse.
Le système défensif de Leïla
opère donc principalement sur le registre de l'inhibition. En effet,
après l'analyse descriptive des conduites défensives
repérées dans le protocole, on remarque des difficultés
d'implication dans la passation qui se manifestent notamment par une forte
présence de G primaires, une réponse F+/-, l'utilisation de
contenus factuels et une persévération. La verbalisation, quand
elle n'est pas restreinte, se concentre sur des remarques descriptifs sur le
matériel qui ne sont pas cotables (planches VII, IX et X). Le TRI n'est
pas très dilaté.
Outre le fait que les mécanismes de
défense de Leïla semblent entraver le Moi dans ses capacités
d'analyse, de créativité et d'expression, ils paraissent,
à plusieurs reprises, insuffisants à contenir ses angoisses ;
elles transparaissent entre autres à travers la CF, le choc, le FE
tendance Fclob . Les conflits latents mobilisent une grande énergie
psychique qui semble également appauvrir le fonctionnement
global.
L'apparition de la couleur aux planches chromatiques a
un effet désinhibant. Cela permet à Leïla de varier ses
défenses, et notamment de recourir aux affects pour se défendre
des représentations gênantes. On observe ces
procédés très timidement à la planche VIII, et
plus
franchement à la planche IX. Ils opèrent
une contention correcte des mouvements pulsionnels. Cela dit, on constate que
le discours centré sur les émotions soutient le refoulement
massif puisque certaines << réponses » sont tellement vagues
qu'elles ne sont pas cotable.
Le système défensif de Leïla
s'avère donc rigide, et gêne son fonctionnement psychique
puisqu'il ne permet une utilisation harmonieuse des capacités du moi ;
la réalité interne semble étouffée, au
détriment des possibilités intellectuelles, imaginatives et de
l'expression subjective.
d) La représentation de soi :
D'après la grille établie pour les
réponses de Leïla57, plusieurs indices font état
de difficultés quant à la représentation de
soi.
La présence d'un seul H (Planche III), qui plus
est non sexué, montre l'embarras de cette jeune femme face à son
image corporelle. Il est à noter que le discours de l'enquête met
l'accent sur l'interstice blanc, interprété comme <<
séparation entre les jambes et le haut du corps ».
Néanmoins, la présence d'une seule Hd, de six A entiers,
l'absence de réponses
anat. et la
reconnaissance de la symbolique phallique planche IV et VI nous permettent
d'inférer que la représentation de soi est largement
esquivée, donc anxiogène, mais unitaire. Rausch De Traubenberg
précise aussi que la représentation de soi est unitaire
dès que la perception du D courant planche VIII est correcte, ce qui est
le cas pour Leïla. L'absence de réponses comprenant une
détermination sexuée dans le protocole signale les anicroches de
l'identification sexuelle.
Au niveau de l'analyse du mode de relation à
l'objet, il semble que l'investissement d'autrui soit évité.
Aucune interaction n'est présenté dans le protocole ; les deux
actions bilatérales (planche III et VIII) sont peu
spécifiées et ne laissent pas apparaître de motion
pulsionnelle particulière. De plus, on observe deux réponses
comportant un caractère agressif sans action (planche IV et IX)
indiquant la sensibilité anxieuse de Leïla à
l'agressivité venant de l'environnement. La tendance kp (planche IX)
insiste sur la gêne provoquée par le jugement d'autrui. La
réponse qui comprend une action simple impliquant kob (planche X)
témoigne du désir d'investissement libidinal dans un contexte
socialisé, indiquant par là même que les relations d'objet
ne sont pas complètement évitées. Toutefois, on remarque
que cette réponse intervient à la fin du test, alors même
que notre relation testeur-testé va se terminer.
57 Cf. Annexe p.
VIII.
e) Interprétation dynamique :
L'analyse du psychogramme de Leïla fait
apparaître le manque d'investissement des capacités
intellectuelles. A première vue, le fonctionnement intellectuel parait
très pauvre (R très bas, G% élevé, peu de
kinesthésies, persévération, 3F+ sur 4 sont des
banalités). Toutefois, l'exploration du F+% élargi montre la
bonne qualité formelle de la plupart des réponses. Si on le
combine à l'utilisation d'une G organisé, il précise la
présence de capacités intellectuelles. La
légèreté des facteurs intellectuels semble résulter
davantage d'un manque d'implication dans le test. Effectivement, le
surinvestissement du mode d'appréhension globale, associé
à la faiblesse d'appréhension des détails, dévoile
la superficialité de l'approche du matériel. Les facteurs G sont
associés à des déterminants de bonne qualité
formelle, démontrant ainsi les aptitudes synthétiques.
Néanmoins, la prégnance des G primaires témoigne de son
utilisation défensive, au détriment des potentialités
imaginatives. La présence d'une seule K confirme la carence de
créativité. Le fonctionnement décrit jusqu'ici s'inscrit
donc dans l'utilisation de défenses rigides par cette jeune femme.
Leïla est capable d'utiliser les couleurs, ce qui indique qu'elle est
sensible aux sollicitations externes. Le RC% et le A% bons, ainsi que les FC
> CF témoignent de l'expression socialisée et maitrisée
des émotions. Cependant, les difficultés à intégrer
le rouge aux planches II et III désignent l'embarras dans le maniement
de l'agressivité. De plus, La FC' et les deux FE font apparaître
l'anxiété latente contre laquelle Leïla se défend. Le
TRI et le RC% sont de type extratensif alors que la FS est introversif, ce qui,
selon Canivet (cité par Collado) indique un conflit. Cela précise
le fonctionnement sur le mode de l'inhibition de Leïla, d'autant plus que
les formules sont plutôt rétractées.
Le DblD associé à F +/- planche II, la
tendance Fclob planche IV, le Choc planche VI, la CF à valence
régressive et agressive et le Ddbl planche IX, sont autant de signes
indiquant que le sujet est parfois dépassé par l'angoisse, qui
désorganise quelque peu le Moi.
Par ailleurs, on remarque que Leïla montre des
signes d'angoisse principalement aux planches dont la symbolique sexuelle est
patente. A la planche II, la réitération de la réponse
« papillon », qui est aussi une banalité, montre que le sujet
met en place de forts mécanismes d'inhibition dès la rencontre
avec ce stimulus. A l'enquête, Leïla a du mal à retrouver
cette réponse, et le discours inclue l'interstice blanc (Dd 24), ce qui
signale la gêne ressentie face au rouge. La qualité formelle floue
(F+/-) de la seconde réponse révèle
l'anxiété latente. L'engramme est distinctement focalisé
sur la grande lacune centrale. Selon Chabert (1983), la centration sur le Dbl
s'inscrit toujours dans le contexte d'une faille et porte l'accent sur
l'incomplétude. Elle ajoute que l'apparition de ce type de
réponse à la planche II renvoie
souvent à l'angoisse de castration, notamment,
à la difficulté de se confronté à la
différence des sexes. De plus, Collado nous dit que les aspects sexuels
et le blanc de la planche réfléchissent la sexualité
féminine. Ainsi, il semble que Leïla soit angoissée face
à sa propre sexualité. Aux planches IV et IV, l'apparition de
deux FE de texture dont la tonalité est dysphorique marque les
difficultés face à l'identification à l'image paternelle.
Chabert soutient que les estompages de texture ont à voir avec la
carence des besoins fondamentaux. Or, ces deux planches provoquent un mouvement
régressif chez Leïla, qui s'exprime par la toute-puissance
attribuée à la réponse « monstre » planche IV et
par la survenue d'une réponse de registre oral à l'enquête
planche VI (« feuille de salade »). Alors que la FE planche IV se
présente doublée d'une tendance Fclob dans une valence
régressive-agressive, celle de la planche VI est accompagnée d'un
choc sexuel et se rattache à un contenu explicitement phobique
doué d'attribut viril (« moustaches »). Selon Mucchielli
(cité par Collado), la planche VI reflète la capacité du
sujet à s'assumer comme individu sexué. Par ailleurs, même
si l'angoisse est moins manifeste, on entrevoit la touche
d'anxiété que dégage la structure inachevée de la
planche VII. La sensibilité au gris témoigne bien de
l'anxiété diffuse de Leïla, et le commentaire qui suit
insiste sur le caractère ouvert de l'image. Elle force la mise en place
de défenses fortes par une régression infantile de sorte que la
symbolique féminine est esquivée.
La planche IX révèle l'émergence
de l'angoisse dans un registre conflictuel différent. Selon Monod
(citée par Chabert), cette planche témoigne de la position du
sujet tel qu'il se situe, seul face au monde. Or, la CF reflète
l'intensité émotionnelle dégagée, dont la
tonalité semble plutôt agressive (flammes et fumée).
D'ailleurs, notre patiente exprime clairement les affects négatifs
émanant de cette perception (« le bas est plus positif que le haut,
je le préfère »). La deuxième réponse, «
une observation », est appréhendée dans le Ddbl 23. Chabert
affirme que le Ddbl associé au regard témoigne de la
réactivation d'une culpabilité primaire ou d'un vécu
d'ordre persécutif. Ainsi, l'ensemble de ces réactions marquent
les craintes massives de Leïla face aux relations socio-affectives
profondes. D'autres facteurs dévoilent la perplexité de cette
jeune femme face au monde social. Toutefois, les mécanismes de
défense inhibent la survenue manifeste de l'angoisse. Nous pouvons
déjà désigner l'extratensivité du TRI alors que la
FS est introversif comme indice de cette problématique, puisque Collado
évoque à ce propos l'inharmonie entre le moi intime et l'image
que le sujet cherche à donner de lui-même. Qui plus est, les
commentaires réguliers lors de la passation montrent l'importance de
l'approbation du testeur et le besoin de réassurance que
nécessite l'appréhension de la tâche (principalement
planche I, IV, VII et IX). L'ensemble du discours
planche I signale le sentiment
d'insécurité de Leïla face aux situations nouvelles et au
jugement d'autrui. L'unique réponse correspond à la
banalité, et indique donc sa difficulté à s'affirmer
personnellement. La seule K du protocole, planche III, est très peu
spécifiée et entraine la mise en place d'une forte inhibition
face aux sollicitations extérieures. Il parait alors difficile pour
Leïla de se montrer telle qu'elle est devant autrui. On constate
également qu'elle est embarrassée face à la planche V
(commentaire, temps court, une seule réponse ban). Selon Anzieu
(cité par Collado), cette planche renseigne sur la représentation
de soi face au monde et sur l'état du moi. Or, l'enquête met
l'accent sur la dévalorisation (« un insecte car il est plus petit
que sur les autres dessins »). Pour la psychanalyse, la planche VIII
symbolise la rencontre avec le monde extérieur. L'apparition des
couleurs semble soulager Leïla. Elle autorise la projection de mouvement
en kan et l'utilisation adéquate de la couleur. On peut donc penser que
le comportement socio-affectif du sujet est adapté. Cependant Mucchielli
précise que cette planche suggère l'implication peu profonde du
sujet dans les relations sociales. Qui plus est, les réponses de
Leïla restent très factuelles. On comprend alors qu'elle peut
appréhender de manière positive l'environnement, mais dans un
fonctionnement qui reste très conformiste. Les réactions face aux
couleurs vives de la planche X font apparaître le paradoxe dans lequel se
situe le sujet. La réponse kob exprime clairement le désir
d'investissement libidinal, alors même que le transfert touche à
sa fin. La réponse adoucit néanmoins le pronostic quant aux
difficultés d'implication dans des relations socioaffective profonde,
malgré les commentaires signant la répression des pulsions
sexuelles par le Surmoi (les D9 sont interprétés comme des «
limites qui gênent le dessin »).
A l'issue de l'analyse du protocole de Leïla, on
observe que les mécanismes de défense sont rigides et entravent
le fonctionnement du Moi. De plus, ils sont parfois dépassés par
l'angoisse et laissent apparaître une forte conflictualité quant
aux identifications sexuelles. Le reste du temps, ils luttent ardemment contre
l'expression de la vie interne. Ainsi, Il semble très difficile pour
Leïla de s'affirmer face à autrui et de s'impliquer dans des
relations profondes. Ces différents constats nous permettent de
confirmer l'hypothèse selon laquelle Leïla présente une
vulnérabilité psychologique.
2/ Protocole de Sabrina
a) Présentation de la
participante
Sabrina est une jeune femme d'origine
Algérienne âgée de 25 ans lors de la passation de
l'épreuve. Elle est née à Lille, et son père et sa
mère sont arrivés respectivement en 1968 et 1971 en France. Elle
travaille également en intérimaire dans une usine. Elle ne
pratique pas de religion.
b) Les représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est inférieur à la norme.
Le TRI et la FS sont inversés et la FS est plus
dilatée que le TRI.
· Dans les modes d'appréhension :
1 DblD associée à un contenu Hd d'une
valence affective ambivalente.
· Dans les déterminants :
Une seule K
2 CF (dont 1 dysphorique), et 1 tendance CF.
3 FE (une associé à une remarque
symétrie, une associé au Hd à valence affective
ambivalente, et une associé à un contenu dysphorique), et 1
tendance FE.
· Dans les contenus :
2 symétries.
1 radio sous-tendant une réponse anatomie et 1
réponse foetus.
1 réponse sexuelle crue.
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
Le rouge n'est pas intégré aux
réponses de la planche II et III.
Pas de réponse couleur à la planche X avec
un temps par réponse supérieur à 1 minute.
c) Les mécanismes de
défense
· Planche I :
Manifestations hors réponse : La verbalisation
peu apparaître légèrement minime.
Réponse : hésitation entre deux
représentations assez proches qui donne lieu à une
interprétation irréelle. Le recours à la banalité
pour la seule réponse dénote une certaine inhibition qui laisse
néanmoins entrevoir la subjectivité de cette jeune
femme.
Manifestations hors réponse : l'accent de la
verbalisation est porté sur le blocage associatif. Réponse : la
réponse est peu détaillée au début et marque
l'inhibition du sujet qui se lève ensuite pour laisser apparaître
une association révélatrice d'angoisse. L'enquête indique
une difficulté à retrouver la représentation
détaillée en après-coup qui nous permet d'inférer
l'émergence des processus primaire dans cette réponse. Le sujet
incorpore d'ailleurs le fond blanc de la planche à l'enquête comme
pour se défendre contre l'agressivité évoquée par
le rouge ; le déplacement sur un contenu animal semble s'installer comme
compromis à l'élaboration de l'agressivité. Le contenu
foetus et gémellité permettent d'entrevoir une angoisse de
séparation. Les mécanismes de défense paraissent donc ici
comme débordés par les processus primaires et les angoisses du
sujet.
· Planche III :
Réponse : la première réponse en
F- s'impose comme un recours au formel face à la gêne
représentée par la planche. Dans la deuxième
réponse, l'identité sexuée de l'engramme humain est
légèrement déniée laissant ainsi entrevoir une
certaine anxiété face à l'identification sexuelle.
Celle-ci ne bloque pas l'élaboration du sujet qui projette une relation
positive sur la planche. Nous pouvons faire l'hypothèse d'une formation
réactionnelle face à l'agressivité évoquée
par le rouge.
· Planche IV :
Manifestations hors réponses : critique du
matériel et précautions verbales (« une sorte de
>>).
Réponses : les réponses sont
focalisées sur l'aspect formel du matériel, ce qui suppose
l'utilisation de procédés rigides. La première
réponse comprend une dénégation du contenu humain et un
déplacement sur un contenu fantastique du monde enfantin.
Néanmoins, la rigidité et la régression ne permettent pas
de maintenir à l'écart la représentation sexuelle
phallique qui émerge crument et semble teintée d'une puissance
angoissante.
· Planche V :
Manifestations hors réponse : précautions
verbales (« ça ressemble >>).
Réponse : la réponse, qui comprend une
hésitation entre deux représentations suivie d'une mise à
distance (« de dos >>), dévoile une sensibilité
anxiogène. Cependant, la construction de la réponse en kan figure
un système défensif opérationnel qui maintient à
distance les affects gênants sans entraver le fonctionnement
psychique.
Manifestations hors réponses : verbalisation
axée sur l'intellectualisation, suivie d'une remarque sur le blocage
associatif ; une précaution verbale.
Réponses : le contenu de la première
réponse s'inscrit dans une transparence du symbolisme sexuel
féminin dans une tonalité dépressive (impression de
fragilité) qui est déniée (« jolie fleur ») ;
Sabrina se défend par un déplacement sur un contenu intellectuel.
La deuxième réponse exprime clairement un symbole sexuel masculin
sur le mode de la sublimation. L'aspect estompé de la planche n'est pas
pris en compte, les deux réponses sont purement formelles. Tous ces
signes indiquent que les procédés rigides sous-tendent le
refoulement qui intervient face à la représentation
anxiogène de relations sexuelles.
· Planche VII :
Manifestations hors réponses : le temps de
latence est légèrement plus court.
Réponses : l'aspect régressif des
projections est prévalent à cette planche. Ce sont deux engrammes
humains qui expriment la faiblesse du moi et l'angoisse face à l'imago
maternelle. L'ambivalence affective qui accompagne la représentation
maternelle peut révéler à travers le déplacement
sur le contenu fictif et enfantin. La symétrie signale, au niveau le
plus manifeste, un recours aux caractéristiques objectives du
matériel. Ces procédés évitent le
débordement par le moi d'une angoisse envahissante, et laissent
simplement apparaître une sensibilité anxieuse face à la
problématique de Sabrina.
· Planche VIII :
Manifestations hors réponses : réaction
à la couleur qui s'inscrit dans une formation
réactionnelle.
Réponses : La première réponse
expose une inquiétude corporelle exprimée dans une réponse
«scientifique » ; après la banalité, la
troisième réponse s'inscrit également dans une
démarche intellectuelle (G combiné). La couleur semble importante
dans la détermination des réponses ici. L'intellectualisation
s'inscrit dans les procédés rigides qui permettent au sujet de se
défendre correctement face aux projections qui sont angoissantes (comme
le confirme le choix des planches négatives). En effet, ceux-ci ne
bloquent pas l'expression des affects.
· Planche IK :
Réponses : la première réponse
apparaît une fois de plus sur le mode de la régression, dans une
verbalisation imprégnée d'affects. La deuxième
réponse est centrée sur l'axe médian, mais intègre
la couleur dans une projection en mouvement, faisant appel à un
mouvement pulsionnel que l'on peut interpréter dans un sens de
vitalité. L'affectivité prend donc une
place essentielle dans le système
défensif du sujet dans une planche qui réactive l'affrontement
contradictoire des désirs (représentations et affects positifs
alors que Sabrina dit ne pas être << inspirée >> par
cette planche). En rapport avec la symbolique de la planche, on peut
émettre l'hypothèse d'une inquiétude quant aux relations
à autrui opposé au désir d'établir ces relations ;
les défenses interviendraient donc dans ce conflit afin de
réduire l'angoisse face aux relations d'objets.
· Planche X :
Manifestations hors réponses : le temps de
latence est relativement court.
Réponses : La couleur n'est pas
intégrée dans les réponses et signe une mise à
l'écart des émotions. La première réponse formel
est associée à un contenu architecture qui signifie le besoin de
structuration du sujet face à l'angoisse révélée
ici. La deuxième réponse indique la représentation d'un
visage humain, mais elle est exprimé dans le contenu masque, qui
s'inscrit lui-même dans un registre régressif. Sabrina use donc de
mécanismes de défense variés contre ses
préoccupations concernant les inquiétudes corporelles et les
relations humaines.
· Facteurs spécifiques :
On relève donc des signes de l'utilisation de
procédés rigides : intellectualisation et formations
réactionnelles.
En outre, on observe aussi des signes de l'utilisation
de procédés labiles : un contenu sexuel cru, des contenus
à valence régressive, TRI extratensif. Le symbolisme transparent
de certains contenus et l'affrontement entre désirs contradictoires
signalent l'utilisation des mécanismes de refoulement.
Le système défensif de Sabrina se base
principalement sur des procédés rigides. Le G%
élevé s'apparente à un souci de maitrise du
matériel. En effet, les G sont souvent organisés. Au niveau du
discours, on observe l'usage de précautions verbales : << une
sorte de >> (planche IV, VI, VII, VIII), << ça ressemble
assez >> (planche V), << on a l'impression de voir >>
(planche X), ainsi qu'une critique sur l'aspect externe du matériel
(planche IV). On voit également apparaître plusieurs formations
réactionnelles : le terme << jolie >> est associé
à un contenu dont la tonalité dépressive est patente
(planche VI), ou il est utilisé avec insistance à la planche IX
qui dégage des affects dysphoriques chez le sujet ; de même, la
formation réactionnelle planche VIII est claire dans le commentaire
<< ouah la couleur >>, alors que la réponse qui suit est
imprégnée d'anxiété et que cette planche fait
l'objet du choix négatif à l'épreuve du choix des
planches. Enfin, Sabrina se défend par des intellectualisations
planche
VI où l'accent est porté sur des
connaissances en horticulture, et planche VIII dans des contenus scientifique
et symbolique.
Par ailleurs, on distingue beaucoup de
régressions au sein du protocole puisque 6 réponses apparaissent
dans un contexte régressif (planche II, VI, VII, IX et X). Hormis la
réponse planche II qui spécifie nettement une régression
au stade foetal, les autres réponses s'inscrivent simplement le registre
du monde enfantin (plusieurs réponses font appel notamment à des
personnages de dessins-animés).
De plus, Sabrina a parfois recours aux affects pour se
défendre des représentations gênantes, comme le stipule le
G impressionniste planche VIII qui intègre la couleur et la
réponse CF planche IX.
Les mécanismes de défense de Sabrina
semblent relativement efficaces à contenir l'angoisse. En effet, Elle ne
présente aucun choc ni de Fclob qui sont les signes les plus directs
d'envahissement par l'angoisse. Ils n'inhibent pas à outrance les
capacités intellectuelles ou adaptatives du moi et permettent aux
émotions de s'exprimer (utilisation variée des
déterminants). Néanmoins, l'importance des régressions
indique que le sujet tend à se comporter de façon immature face
aux excitations pénibles. De plus, force est de constater
l'anxiété latente qui est présente tout au long du
protocole, sur laquelle nous reviendrons plus tard, et qui précise que
le système défensif de Sabrina doit lutter contre de vives
problématiques internes.
d) La représentation de soi :
A travers la grille de présentation de soi de
Sabrina58, on observe 5 réponses se référant
à des engrammes humains, tous nettement définis au niveau des
identifications sexuelles. Sabrina est donc capable de se représenter
comme individu sexué. La présence du D banal planche VIII et la
majorité des engrammes humains et animaux entiers (4 humains entiers et
5 animaux entiers) précise que l'image corporelle est unitaire.
Cependant, on note que 4 des réponses humaines, ainsi que la tendance Hd
planche X, s'inscrivent dans un registre régressif (engrammes enfants
et/ou irréels), ce qui laisse penser que le sujet adopte une position
quelque peu immature et anxieuse face à sa sexualité. De
même, la présence de 2 engrammes jumeaux précise la
fragilité des assises narcissiques de Sabrina. On remarque d'ailleurs
que cette caractéristique apparaît face aux deux planches dont la
symbolique féminine est patente (planche II et VII).
58 Cf. Annexe p.
IX.
Au niveau des relations d'objet, Sabrina
présente une seule K dans son protocole, ce qui semble indiquer qu'elle
montre des difficultés dans l'abord des relations sociales.
Néanmoins, cette kinesthésie est de bonne qualité, et
s'inscrit dans une interaction réciproque positive. Elle prend donc
valeur de pronostic plutôt positif et représente les
possibilités d'investissement dans les relations socio-affectives. La
kinesthésie animal planche V signale également les
capacités d'action face à l'environnement, et la
kinesthésie d'objet planche IX sous-tend la force des pulsions de vie.
Sabrina est également capable d'élaborer ses pulsions agressives,
comme le témoigne la kinesthésie animale planche II qui, selon
Rausch De Traubenberg, est un indice d'une représentation de soi d'un
niveau évolué. Nonobstant, la forte régression
associée à la projection de l'interaction réciproque
agressive précise que le maniement de l'agressivité est encore
problématique. 2 autres réponses apparaissent dans un contexte
agressif sans action ou d'action agressive subie. Tous ces signes
déterminent l'hypothèse selon laquelle les relations d'objet
opèrent dans un registre génital, mais elles paraissent
menaçantes pour Sabrina, et forcent parfois une régression aux
stades antérieurs.
e) Interprétation dynamique
Plusieurs éléments du protocole de
Sabrina font état de bonnes capacités intellectuelles. Les
contenus utilisés sont variés, les G sont
régulièrement organisés, et associés à des
F+. D'ailleurs, Sabrina donne une réponse globale organisée
à la planche VIII qui se prête peu à ce mode
d'appréhension, ce qui témoigne, selon Collado, d'un bon niveau
intellectuel. Le F% est correcte, ainsi que le F+%, bien qu'il ait tendance
à être élevé, ce qui pourrait signifier que ce sujet
agit sur un mode défensif. Le A% relativement faible insisterait en ce
sens. De même, la faiblesse du D% et l'absence de Dd dénotent un
manque d'analyse du matériel, qui prend alors sens de défense
face à l'implication dans l'épreuve. Le système
défensif entrave donc l'harmonie intellectuelle et inhibe quelque peu le
sujet, comme le confirme le nombre de réponses total qui est en-dessous
de la norme. Au niveau de la structure affective, la formule CF > FC
dévoile l'immaturité affective de cette jeune femme. La
récurrence des contenus appartenant au monde enfantin soutient cette
hypothèse. La présence de 3 réponses FE précise la
tonalité anxieuse de l'affectivité, mais qui reste toutefois bien
contrôlée ; elle ne semble pas entraver l'adaptation du sujet. Par
ailleurs, le TRI extratensif qui s'oppose à la FS introversif est un
indice de conflit. Ceci confirme le fonctionnement inhibé de Sabrina. De
plus, la FS est plus dilatée, ce qui, d'après Canivet, exprime
encore l'inhibition de la vie psychique. Le H% élevé semble
indiquer quant à lui que Sabrina est quelque peu
préoccupée par les relations humaines.
En effet, plusieurs facteurs témoignent du
<< malaise >> de Sabrina face aux sollicitations environnementales.
Tout d'abord, on remarque que cette jeune femme adopte un comportement
d'emblé inhibé à la planche I. Or, selon Collado, cette
planche réactive le vécu d'une situation nouvelle sous le
jugement d'autrui. Si l'on se réfère aux détails
donnés à l'enquête, on peut penser que le regard d'autrui
est menaçant pour Sabrina puisque l'engramme perçu est
doté d'attributs agressifs (<< griffes >>, <<
mandibules >>). Le fait que les deux animaux perçus soient
<< mélangés l'un avec l'autre >> fait ressortir la
fragilité du Moi dans ce contexte. De même, la thématique
agressive évoquée par la planche II provoque l'émergence
d'angoisse qui se repère facilement dans la forte régression
qu'elle induit et le recours à la symétrie pour lutter contre
elle. Néanmoins, Sabrina montre qu'elle est capable d'élaborer
les pulsions agressives en les déplaçant sur une
kinesthésie animale. Mais, si l'on se réfère à la
signification d'attitude affective infantile que Rausch De Traubenberg attribue
à la kan, on ne peut que constater la prégnance du recours
à la régression. La présence d'une FE de texture à
la planche V et le fait que l'engramme soit perçu de dos
dévoilent la sensibilité anxieuse du sujet face à cette
planche. Chabert affirme que les estompages de texture représentent une
protection contre les stridences désagréables de la
réalité externe. Ainsi, on peut penser que Sabrina recherche un
soutien qui lui permettrait de réalisé son unité
personnelle. La perception kinesthésique indiquerait qu'avec un minimum
d'étayage, cette jeune femme est tout à fait capable
d'élaborer une image de soi positive face au monde. De même, la FE
de perspective planche VIII, sous-tend une réponse anatomie. Or, selon
la psychanalyse, une telle réponse indique des relations sociales
conflictuelles avec intériorisation du conflit. Le contenu est
déterminé par une action agressive subie (<< crâne
ouvert >>), ce qui confirme la sensation de menace qui émane de la
rencontre avec le monde extérieur. Cependant, force est de constater
qu'après cette première appréhension anxieuse de la
planche, Sabrina donne deux autres réponses, dont une G secondaire qui
prend en compte la couleur, et qui, selon Collado, témoigne d'un bon
équilibre affectif. Le système défensif permet ici de
dépasser le conflit pour appréhender correctement la situation et
renforce le pronostic positif quant aux possibilités évolutives
du sujet. La kinesthésie humaine investie d'une interaction
réciproque positive planche III, et la kob planche IX
représentant directement les pulsions de vie, insistent également
sur le désir d'investissement libidinal dans les relations
socio-affectives.
Par ailleurs, Chabert précise que l'estompage
de perspective dénonce les insuffisances narcissiques, tout en
constituant une tentative d'y faire face. On observe ce fonctionnement à
plusieurs reprises dans le protocole de Sabrina. En effet, la faiblesse des
assises narcissiques
transparait clairement à travers la
thématique de gémellité. D'après Chabert, les
scénarios relationnels qui impliquent deux personnages ou deux animaux
dans une relation narcissique de double ont pour visée
l'évitement d'une relation entre deux êtres différents, ce
qui pourrait engendrer une conflictualité impossible à admettre.
Or, ce type de réponse apparaît une première fois à
la planche II qui, pour Canivet (cité par Collado), renvoie au
problème des relations mère-enfant, puis à la planche VII,
particulièrement reconnue comme planche maternelle. Ceci semble indiquer
que la relation de Sabrina à sa mère n'a pas été
suffisamment sécurisante pour envisager sereinement la séparation
et assurer au sujet une stabilité des assises narcissiques. De
même, Loosli-Ustéri (citée par Collado) affirme que le
creux blanc planche VII doit refléter les aspects maternels
sécurisants. Or, le contenu projeté par Sabrina dans ce creux
signifie clairement l'ambivalence de l'imago maternelle, qui apparaît
soit comme << princesse », soit comme << sorcière
». En outre, on remarque que le sujet met en place des mécanismes
pour lutter contre ces failles narcissiques. La présence de deux
contenus architecture (planche IX et X) est un indice de solidité de
l'image du Moi. Ce type de contenu insiste sur les limites
intérieur/extérieur. De plus, le protocole de Sabrina fait
apparaître à plusieurs reprises ce que Chabert nomme les
réponses << peau », dont le contenu évoque une surface
limitante entre dedans et dehors. En effet, la première réponse
de la planche VII est investie d'une fonction (<< indien ») et la
deuxième et parée d'objets (<< bijoux », <<
colliers », << chose qui lui couvre tout le crâne »).
L'ensemble de ces signes rend compte de l'établissement de
barrières très investies dans le but de se défendre face
à la fragilité narcissique.
Enfin, il nous semble important de noter
l'anxiété que ressent Sabrina face à son identité
sexuelle. Comme nous l'avons précisé auparavant, les
identifications sexuelles sont définies. Néanmoins, on constate
une certaine hésitation dans l'attribution de l'identité
féminine à l'engramme humain planche III : << je dirais pas
des femmes, mais ça a quand même le corps un peu de femme ».
Cette hésitation est minime puisqu'elle est totalement levée
à l'enquête. On perçoit une réponse sexuelle crue et
dépressive à la planche IV: << gros appareil génital
qui traine par terre ». Elle dévoile la puissance angoissante
attribuée à l'imago paternelle. On repère d'ailleurs
l'embarras du sujet dans le maniement excessif de la planche. De plus, la
planche VI fait ressortir une grande impression de << fragilité
» associée à un contenu dont la symbolique sexuelle
féminine est patente. Or, pour Monod, cette planche évoque la
position de la femme face à l'autre sexe. On peut donc penser que
Sabrina se sent quelque peu menacée dans sa féminité face
au sexe masculin. Le fait que le symbole phallique soit
interprété comme « quelque chose de
sacré » semble préciser la puissance accordée
à la position masculine et la dévalorisation de la position
féminine qui y est associée.
A travers cette analyse, nous percevons clairement la
fragilité des assises narcissiques de Sabrina et ses difficultés
d'affirmation dans sa position féminine. Ceci explique probablement le
manque d'assurance qu'elle ressent face à l'environnement et aux
relations socio-affectives en général. Cependant, plusieurs
signes indiquent que le système défensif de cette jeune femme,
quoique légèrement rigide, semble efficace et lui permette de
surmonter ses difficultés avec un minimum d'étayage. Sabrina
parait capable se tourner vers les autres et de s'investir. Etant
donnée les possibilités d'évolution positive, nous ne
pouvons confirmer l'hypothèse d'une vulnérabilité
psychologique chez ce sujet.
3/ Protocole de Narjis
a) Présentation de la
participante
Narjis a 24 ans lors de notre rencontre. Elle est
née en Ariège, de parents Marocains. Sa mère est
arrivée en 1978 en France, mais elle n'a aucune idée de la
période d'immigration de son père. Elle est Auxiliaire de Vie
Scolaire, s'occupant d'une petite fille handicapée moteur. Narjis est de
confession musulmane et pratiquante.
b) Représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est inférieur à la norme.
La succession est relâchée et
accompagnée de Chocs (dont un choc couleur).
· Dans les modes d'appréhension :
2 Dd (1 associé au choc au noir et l'autre
à une réponse sexuelle crue).
· Dans les déterminants :
3 F-.
1 seule K.
2 FC (dont une dysphorique et rattachés à
des contenus anatomie et Hd).
2 C pures.
4 FE (dont 2 associés à Hd).
2 chocs (un choc au noir et un choc
couleur).
· Dans les contenus :
2 anatomies.
2 réponses sexuelles et une tendance.
Hd > H et Ad > A.
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
Indicateur d'angoisse = 38,1% (avec 3 contenus
présents sur les 4 facteurs). 1 seule réponse à la planche
IX et pas de réponse couleur à la planche X. Augmentation du
temps par réponse à la planche VII et IX.
c) Les mécanismes de
défense
· Planche I :
Manifestations hors réponse : précaution
verbale (« impression de voir »).
Réponse : les 2 réponses sont
données en F+ et D, ce qui montre l'attachement au concret ; la seconde
représentation est déniée dans une verbalisation qui
insiste sur l'importance de la logique pour le sujet. Celui-ci parait donc se
défendre de l'anxiété exprimée distinctement
à l'enquête par des procédés rigides.
· Planche II :
Manifestations hors réponse : restriction de la
verbalisation et du discours ; les temps de latence et de réponse sont
très courts.
Réponse : Le rouge est évité
dans la réponse ; néanmoins, l'enquête révèle
l'angoisse qui y est associée dans un contexte de castration. Le contenu
de la réponse correspond à une banalité. Le fonctionnement
défensif s'élabore sur le mode de l'inhibition, néanmoins
il ne suffit pas à maintenir à l'écart des
représentations et des affects teintés d'angoisse.
· Planche III :
Manifestations hors réponse : précaution
verbale (« impression de voir ») et commentaire sur le blocage
associatif concernant le rouge.
Réponse : la première réponse
est encore une banalité et signale une persévération.
L'action représentée est très floue et indique que
l'imagination est inhibée. L`identité sexuée des engrammes
est présente mais l'enquête révèle la faiblesse de
l'image corporelle de Narjis (la réponse devient H/A et la
deuxième réponse Anat) contre laquelle elle essaie de se
défendre par une dénégation (l'aspect dysphorique du rouge
est dénié à l'enquête). On retrouve donc
une angoisse face à l'identification sexuelle
féminine ; la remarque face au rouge et l'association avec le contenu
anatomie signe la suggestibilité du sujet.
· Planche IV :
Manifestations hors réponses : le temps de
latence est très élevé. Choc. A la fin de la planche, la
verbalisation concerne le blocage associatif.
Réponses : Narjis est submergée par
l'angoisse. La première réponse apparaît en Dd et signale
la fuite dans les éléments perceptifs face à la
massivité dysphorique de la planche. Le lien entre les deux
représentations est dénié (« ne vas pas du tout avec
tout le reste ») et l'angoisse est trop présente pour permettre
l'élaboration d'une identification sexuelle masculine. La focalisation
sur la tête d'animal vient peut-être contre-investir la
représentation sexuelle masculine. Les représentations sont
également déniées au début de l'enquête. La
deuxième réponse s'exprime dans une tonalité distinctement
dépressive dont l'estompage met en évidence l'insatisfaction des
besoins fondamentaux. En conséquence, les procédés rigides
sont insuffisants à contenir l'angoisse du sujet.
· Planche V :
Manifestations hors réponse : temps de latence
élevé et précaution verbale (« j'aurais dit »).
Réponse : la première réponse, qui fait apparaître
la banalité, s'avère quelque peu anxieuse à
l'enquête (papillon sans ailes). La deuxième réponse (F-
Ad) dévoile les défaillances du contrôle formel face
à une représentation imprégnée d'agressivité
mais qui apparaît de façon moins crue qu'à d'autres
planches. Le matériel réactive donc une anxiété
contre laquelle Narjis se défend correctement puisque les
procédés d'élaboration ne signalent pas de
désorganisation patente.
· Planche VI :
Réponses : le recours à l'axe
médian et à l'estompage de perspective soulignent la
fragilité narcissique du sujet en même temps qu'ils montrent la
tentative d'y faire face. L'angoisse est latente dans les trois
réponses. La confrontation à la relation sexuelle parait
anxiogène, et l'apparition de deux réponses sexuelles montre
l'échec du refoulement.
· Planche VII :
Manifestations hors réponses : la verbalisation
minime et les temps de latence et de réponse longs équivoquent
à des procédés d'inhibition.
Réponses : les réponses semblent
s'inscrire dans un contexte régressif. A l'enquête, le discours
concernant la deuxième réponse arbore une formation
réactionnelle (« tout est bien représenté »).
Dans le même mécanisme qu'à la planche IV, l'investissement
du contenu tête
signe probablement l'évitement de la
représentation sexuelle féminine. Le système
défensif construit sur des procédés d'inhibition entrave
légèrement l'expression de la vie imaginative.
· Planche VIII :
Réponses : la première réponse
fait apparaître l'utilisation du refoulement pour lutter contre une
identification sexuelle inquiétante ; à l'enquête, la
verbalisation concernant cette représentation est fortement
érotisée. La deuxième réponse est une
banalité ; le contenu animal reste très vague. La
troisième réponse fait explicitement apparaître les
mécanismes de refoulement en jeu ; l'association d'un G impressionniste
et du C pur révèle le recours aux affects dans un souci de
maintien à distance du matériel. Les procédés
labiles du discours sous-tendent les mécanismes de refoulement qui
laissent toutefois transparaitre les préoccupations libidinales de
Narjis.
· Planche IX :
Réponses : la présence du choc à
la fadeur confirme l'hypothèse d'une fragilité de
l'identité et de l'identification sexuelle notamment. Le discours est
essentiellement centré sur les émotions, et la seule
réponse en G impressionniste et C démontre le refoulement.
L'affrontement entre des désirs contradictoires transparait au sein de
la réponse même qui indique deux affects opposés (vie et
mort). Narjis semble envahit par l'émotion dans son aspect
défensif qui bloque les capacités intellectuelles
ici.
· Planche X :
Réponses : L'ensemble du discours et des
réponses dévoilent l'insistance des inquiétudes face aux
relations sexuelles. La première réponse s'inscrit comme une
persévération quasiidentique à la réponse 15 et
indique la récurrence des inquiétudes du sujet quant à sa
propre sexualité/féminité. La réponse anatomie qui
suit accentue ce phénomène alors que la troisième
réponse laisse apparaître l'anxiété face à
l'autre sexe. Le système défensif s'appuie sur des
procédés rigides (non prise en compte de la couleur) mais semble
inopérant : Le moi est envahit par les
préoccupations.
· Facteurs spécifiques :
Les procédés rigides se manifestent par
une forte utilisation du D et du Dd qui indiquent l'attachement aux
détails et la négation des liens entre les
représentations. De plus le F% est dans la norme et montre le recours au
formel pour maintenir la vie psychique interne à distance.
Par ailleurs, le recours aux affects intervient
également et s'exprime à travers une mise à distance du
matériel (G impressionnistes), une érotisation des relations
homme/femme latente,
l'affrontement entre des désirs contradictoires
et le TRI extratensif. Le refoulement est souvent mis en échec. On
observe ce phénomène par une relative perte de contrôle sur
la réalité objective (F+% inférieur à la norme),
l'apparition de contenus sexuels crus et des manifestations
émotionnelles très intenses à la planche VIII et IX (C
pures).
Les mécanismes de défense de Narjis
interviennent principalement dans le cadre des procédés labiles
du discours. On remarque d'emblée la grande suggestibilité du
sujet par rapport aux qualités chromatiques des planches. D'autant plus
que l'expression des affects prend un aspect souvent excessif, soulignant la
mise en place du recours à la dramatisation. Les planches noires
suscitent des commentaires anxieux ou dépressifs (planche I, IV, V) et
l'apparition de la couleur planche VII entraine l'expression direct des
émotions positives (<< chaleur >>, << coeur >>
etc.) ; Le rouge soulève des préoccupations somatiques, et les
deux planches grises appellent à l'utilisation de l'estompage. Quant
à la planche IX, elle laisse transparaitre de manière
exagérée l'affrontement d'affects opposés (<< la
vie, la mort >>). Les engrammes humains sont caricaturés dans leur
identité sexuelle ; les personnages féminins sont décrits
par leur << poitrine >>, leurs << fesses >>, leurs
<< parties intimes >> (planche III, VIII, X). La planche VI et la
planche X dévoilent la prégnance de l'érotisation des
relations homme/femme. L'utilisation de G impressionnistes indique le souci de
se maintenir à distance du matériel. On entrevoit ce
mécanisme de façon explicite à la planche IX où il
témoigne de l'intensité du refoulement. Enfin, le TRI extratensif
souligne le recours soutenu aux manifestations sensorielles (présence de
2 C pures et la FS est extratensive pure). Néanmoins, Plusieurs facteurs
témoignent de l'utilisation synchronique de procédés
rigides. On constate une forte utilisation des détails (D%
élevé), et, face à l'angoisse provoquée par la
planche IV, Narjis se réfugie dans un Dd en premier lieu et insiste sur
l'absence de lien entre ce détail et le reste de la planche. Le discours
concernant la réponse anatomie planche III montre l'utilisation d'une
dénégation : << le rouge ça relie au sang, mais ce
n'est pas négatif, ça fait pas peur >>, et le discours
planche VII indique une formation réactionnelle : << tout est bien
représenté >>.
Toutefois, face à l'acuité de l'angoisse
que nous pouvons déceler à travers plusieurs manifestations
explicites (2 chocs, indicateur d'angoisse = 38,1% entre autres), les
mécanismes de défense de Narjis semblent peu efficaces. De
même, ils ne parviennent pas toujours à maintenir l'adaptation du
Moi à la réalité objective, comme l'exprime le F+% qui est
un peu faible (75%).
d) La représentation de soiLa
grille de représentation de soi de Narjis59 montre que cette
jeune femme est
globalement préoccupée par cette
problématique. Au niveau de l'image du corps, on remarque que les
réponses Hd et les réponses Ad sont supérieures aux
réponses A et H, ainsi que la présence de deux anatomies, ce qui
signe la gêne de Narjis à percevoir son entité corporelle.
Néanmoins, la perception de plusieurs engrammes humains entiers dont
l'identité sexuelle est clairement définie précise que la
nature du conflit se situe ailleurs que dans une perception morcelée du
schéma corporel qui relèverait d'un fonctionnement psychotique.
Plusieurs Hd et Ad témoignent d'ailleurs de la focalisation sur la
partie << tête >> aux planches dont le symbolisme sexuel est
patent (IV, VII), et servirait en ce sens là de défenses face aux
représentations sexuelles anxiogènes. A l'inverse, d'autres
engrammes humains, qu'ils soient perçus entièrement ou non,
insistent fortement sur les attributs sexuels. Cela se produit
particulièrement pour les représentations féminines
(planche III, VIII et X) et la persévération s'inscrit dans ce
contexte. Ainsi, ils notifient davantage le questionnement paroxystique de
Narjis quant à sa féminité qu'ils ne signifient la
stabilité de son identité sexuelle.
Par ailleurs, la présence d'une seule
kinesthésie au sein du protocole précise l'inhibition de Narjis
par rapport à l'investissement des relations d'objet. La K planche III
représente une action très neutre, et la tendance kp planche VII
marque la timidité de ce sujet à s'engager dans une relation. De
même, la description des personnages planche II qui sont << face
à face >> et ont les << mains collées >> nous
amène à penser que la perception du mouvement est proche de la
conscience, mais reste refoulée devant le danger que représente
l'expression des motions agressives suscitées. De plus, Narjis donne
deux réponses (planche IV et V) qui incluent soit un caractère
agressif sans action, soit une action agressive subie, et qui signalent donc la
sensation de menace qui peut émaner du monde environnant.
e) Interprétation dynamique
Si l'on se réfère aux valeurs du
psychogramme de Narjis, on relève que le niveau intellectuel est
correct. Le type d'appréhension est varié et
équilibré, ce qui pourrait indiquer une certaine harmonie
intellectuelle. Toutefois, on remarque que le système défensif
vient infiltrer ce constat. 3 G sont des banalités tandis que les 2
autres se rapportent distinctement à des représentations
écrans. Ce mode d'appréhension est donc plus représentatif
d'une approche superficielle du matériel que de capacités
synthétiques et imaginatives. L'unique K
59 Cf. Annexe p.
X.
témoigne également des carences de
créativité. De même, l'apparition des Dd indique une
désorganisation de la pensée, et non une finesse dans l'analyse
du matériel, puisque l'un apparaît en premier lieu lors du choc
à la planche IV et l'autre est associé à un F- et une
réponse sexe à la planche VI. Le F+% est relativement faible et,
si l'on observe les réponses F- de Narjis, on se rend compte qu'elles
portent le poids des préoccupations fantasmatiques de cette jeune femme,
qui débordent alors dans la sphère intellectuelle. Narjis semble
aussi avoir du mal à contrôler ses émotions ; en premier
lieu, nous pouvons nous référer à l'extratensivité
des deux formules du TRI (la FS est extratensive pure). Les émotions
envahissent facilement le Moi. C'est d'ailleurs un des principaux
mécanismes de défense du sujet qui sous-tend le refoulement des
représentations gênantes (contexte d'apparition des 2 C pures). Il
s'agit surement d'affects << superficiels » plutôt que de
débordement pulsionnel à proprement parler. Quant aux deux
réponses FC qui indiqueraient une certaine harmonie entre les facteurs
intellectuels et émotionnels, force est de constater qu'elles renvoient
à des contenus qui sont rattachés aux conflits inconscients. Tous
ces signes nous amènent donc à penser que les
problématiques inconscientes de Narjis occupent une place importante
dans son psychisme. Soit elles mobilisent une grande énergie psychique
pour s'en défendre, soit elles enrôlent l'ensemble de la
sphère cognitive et émotionnelle lorsqu'elles ne sont pas
suffisamment contenues.
Par ailleurs, il est difficile de ne pas remarquer la
tonalité érotique de l'ensemble du protocole. L'identité
sexuelle de cette jeune femme est au coeur de ses préoccupations. Nous
avons déjà évoqué le caractère excessif des
qualifications sexuelles des engrammes féminins ; ils sont presque
à chaque fois décrit à travers << la poitrine
», << les fesses », les parties intimes ». Le symbolisme
féminin de la planche VII est bien reconnu, mais il rend Narjis
anxieuse. Cela se remarque notamment par une forte manipulation des planches et
des temps relativement longs. De plus, on perçoit plusieurs
mécanismes de défense qui luttent efficacement contre
l'émergence d'une représentation sexuelle. Les deux
réponses s'inscrivent dans un contexte régressif, portent sur des
contenus << tête » et se localisent dans le haut de la
planche. Le terme << fillettes » figure bien le caractère non
pubère de l'engramme humain. Quant à la FE de texture, elle met
en évidence l'anxiété et la régression que Narjis
effectue afin de l'apaiser. Les planches VI et X dévoilent la
problématique du sujet dans ses rapports avec le sexe opposé. En
effet, la confrontation avec les détails phalliques de la planche VI
donne lieu à une FE de perspective et une mise à distance de
l'engramme perçu : << vraiment une image de très loin
». Selon Chabert, la FE de perspective représente le
décalage entre les aspirations profondes du sujet et sa position
effective qu'il déprécie. Les réactions de Narjis à
cette
planche figurent donc son fonctionnement en faux-self.
L'apparente facilité avec laquelle elle aborde le thème de la
sexualité ne ferait que masquer la faiblesse de l'estime de soi dans les
situations mettant en jeu un comportement sexuel. Les réponses de la
planche X précise l'angoisse latente qui découle de la
confrontation au sexe masculin. On y voit encore une représentation
féminine très sexualisée, doublée d'une
réponse anatomie (« ovaires »). Puis, face à ces
réponses, apparaît une représentation masculine anxieuse
qui entraine le recours à l'estompage. C'est probablement cette angoisse
latente qui bloque l'émotivité de notre patiente puisqu'elle ne
donne aucune réponse intégrant la couleur à une planche
qui provoque normalement l'extratensivité. En outre, à la planche
III, on remarque que le conflit d'identification sexuelle déstabilise le
Moi puisqu'il entraine la confusion des règnes : les femmes
perçues deviennent mi-femmes, mi-animaux. Ainsi, l'ensemble de la
sphère identitaire est fragilisé. Le choc planche XI est
accompagné d'un discours qui met l'accent sur le «
dégradé » de la planche. Nous pensons donc qu'il s'agit d'un
choc à la fadeur, ce qui d'après Collado, indique un manque de
structuration de l'identité. La réponse qui suit signale
l'intensité du refoulement face aux pulsions qui paraissent
difficilement maitrisables. En effet, la psychanalyse considère que
cette planche met le sujet en face de ses propres pulsions, et Narjis donne ici
une C pure qui représente sans façon le conflit entre les
désirs contradictoires du sujet.
Qui plus est, ce protocole montre une expression
franche de l'angoisse de castration. La problématique de Narjis se situe
donc clairement dans le registre oedipien. Dès la première
planche, notre patiente projette une image masculine dysphorique. Le discours
de l'enquête marque la fragilité des limites du Moi, conflit
probablement réanimé face au père oedipien venant troubler
la relation mère-enfant. Elle se défend de ce flou par une
réponse peau : « avec un long manteau
». Narjis est aussi très sensible à l'agressivité
suggérée par la planche II. La couleur rouge réactive
l'angoisse de castration et la culpabilité ; le sujet associe cette
couleur à « la douleur, la maladie, la pauvreté ». En
conséquence, le Surmoi oppressant inhibe globalement le psychisme :
Narjis, donne une seule réponse banale et peu détaillée
lors de la passation, le temps de latence et de la planche est très
court, et la kinesthésie est réprimée. Selon Collado, le
Choc-Clob planche IV est l'expression de l'angoisse face au Surmoi. Cette
angoisse est telle qu'elle donne à une perception en Dd en premier lieu,
associée à un contenu « tête d'insecte » qui
signale le déni de la puissance paternelle. Celle-ci fait retour dans la
réponse qui suit : « feuille qui a été bouffée
par les insectes ». Par ailleurs, Rausch de Traubenberg affirme que la
véritable représentation de soi commence à travers la
reconnaissance du stimulus et de sa signification. Or, si la signification est
reconnue en après-
coup par le sujet, elle donne lieu à une
réponse franchement dépressive. La FE de texture insiste ici sur
les carences affectives. Ceci nous amène à nous questionner sur
la qualité de la relation de Narjis à sa mère. Il semble
qu'elle n'est pas été assez sécurisante pour envisager une
séparation sereine. On comprend alors la menace que représente
l'imago paternelle dans sa fonction de tiers séparateur. Enfin,
l'angoisse libérée à cette planche est tellement forte
qu'elle persiste à la planche V. En effet, la thématique de
castration est encore représentée dans les réponses du
sujet à cette planche, alors que celle-ci ne suggère pas ce type
de problématique en temps normal. La banalité est bien vue, mais
l'enquête fait apparaître une réponse de type <<
défect >> : << on voit le papillon sans forcément
voir les ailes >>. De plus, la deuxième réponse prend un
caractère agressif et menaçant.
Les conflits de Narjis sont si intenses qu'ils
paraissent envahir sa vie affective et relationnelle. Si l'on se
réfère aux planches chromatiques qui suscitent les sollicitations
au monde extérieur, on constate la prégnance de la
thématique sexuelle. L'émotivité est soit mise en avant de
manière factice (G impressionnistes déterminés par des C
pures planche VIII et IX), soit totalement refoulée (absence de
réponses couleurs planche X). Cela signifie probablement que cette jeune
femme se maintient à des relations quelque peu superficielles et ressent
des difficultés à s'investir dans des relations plus profondes.
Le H% très élevé révèle effectivement les
inquiétudes du sujet par rapport aux relations sociales en
général.
Pour conclure, nous pensons pouvoir dire que Narjis
présente les caractéristiques d'un fonctionnement
hystérique. Le questionnement de celle-ci sur son identité
féminine occupe la première place dans sa vie psychique. La
résurgence du conflit oedipien mobilise l'ensemble des fonctions du Moi.
Il envahit la sphère intellectuelle et force la mise en place de
défenses << coûteuses >> pour l'économie
psychique et insuffisantes à contenir l'angoisse. Les fragilités
identitaires qui en découlent entravent son adaptation sociale.
Plusieurs signes laissent penser que cette participante adopte un comportement
en faux-self dans son monde relationnel. Cette analyse aboutit donc à
la confirmation de l'hypothèse de départ : Narjis présente
un fonctionnement psychique vulnérable.
4/ Protocole d'Amel
a) Présentation de la
participante
Amel, âgée de 24 ans lors de la
passation du test, est née à Toulouse de parents
Algériens. Son père est arrivé en 1964 et sa mère
l'a rejoint en 1976. Elle effectue un Certificat d'Aptitudes Professionnelles
dans le domaine de la coiffure. Cette jeune femme est musulmane mais non
pratiquante. Par ailleurs, elle a été victime d'une agression
donnant lieu à un procès, durant lequel elle a été
soumise à la passation de quelques planches du Rorschach en 2006. Elle
est toujours suivie par un médecin psychiatre depuis ce
jour.
b) Représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est très bas et le discours associatif est
très pauvre.
· Dans les déterminants :
1 seule K.
2 C pures (1 associée au contenu sang). 1
Fclob
1 EF.
1 Choc majeur.
· Dans les contenus :
1 réponse sang.
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
Refus des planches II, VI et IX.
1 seule réponse à IV associée au
Fclob.
b) Les mécanismes de défense
:
· Planche I :
Manifestations hors réponse : la verbalisation
est d'emblée minime ; un commentaire sur le blocage
associatif.
Réponse : La seule réponse est une
banalité. L'ensemble de ces caractéristiques montre une
inhibition importante d'Amel.
· Planche II :
Manifestations hors réponse : Refus ; le discours
exprime clairement le recours au caractère objectif du matériel
(« une tache noire »).
Réponse : l'inhibition est quelque peu
levée à l'enquête pour permettre l'expression d'une
réponse qui reste toutefois très floue. (Pas de
kinesthésie et anonymat complet des engrammes humains).
· Planche III :
Manifestations hors réponse : toujours le recours
aux caractères objectifs de la planche, accompagné d'une
verbalisation portant sur le blocage associatif ; le discours est restreint.
Réponses : la première réponse est
caractérisé par le défaut de précisions quant
à l'action projetée et à l'identité des humains.
Elle signale également l'inhibition du sujet. En outre, celle-ci ne
réussit pas à contenir l'angoisse d'Amel qui transparait
clairement dans la deuxième réponse.
· Planche IV :
Manifestations hors réponses : recours aux
données objectives du matériel.
Réponse : hésitation entre deux termes
très proches pour la même représentation. La perception de
la représentation est peu caractérisée (« animal
»). Le caractère de puissance est contre-investit à
l'enquête par une projection beaucoup plus petit (« insecte »),
ce qui peut être interprété comme une défense
vis-à-vis de l'autorité paternelle source d'angoisse.
· Planche V :
Manifestations hors réponse : recours aux
données objectives du matériel et commentaire sur le blocage
associatif.
Réponse : la seule réponse se
caractérise par son contenu stéréotypé et banal.
L'inhibition persiste.
· Planche VI :
Manifestations hors réponses : refus de la
planche qui signe un fonctionnement sur le mode d'une inhibition
complète face à cette planche patente en symbolisme. La
tâche est complètement évitée.
· Planche VII :
Manifestations hors réponses : le discours est
toujours très restreint.
Réponses : la première réponse
annonce la tonalité anxiogène que prend la planche pour
le sujet. Elle peut aussi être comprise comme une
représentation écran qui sous-tend le refoulement mis en place
pour lutter contre une représentation gênante. La deuxième
réponse
est encore très peu détaillée ;
les engrammes humains sont anonymes (<< individus >>). Le sujet est
donc encore inhibé ; l'enquête laisse néanmoins
transparaitre les inquiétudes corporelles d'Amel, mais le discours qui
les concerne est très peu évocateur.
· Planche VIII :
Manifestations hors réponse : la verbalisation
est réduite aux quelques mots indiquant les projections.
Réponses : les deux réponses ont un
contenu très banal. Dans la deuxième réponse, la couleur
est incluse, ce qui signe une certaine capacité d'expression des
émotions. Mais, toute implication subjective reste
évitée.
· Planche IX :
Manifestation hors réponse : Refus qui annonce
l'inhibition massive du sujet.
· Planche X :
Manifestation hors réponse : le discours est
toujours très restreint.
Réponses : la première réponse
s'inscrit dans un recours au formel qui révèle des
difficultés d'implication (F+/-), alors que la deuxième
réponse notifie l'utilisation de l'affectivité dans un souci de
mise à distance du matériel (G vague en C pure). L'implication
subjective et profonde n'est pas révélée, les
comportements défensifs prédominent.
· Facteurs spécifiques :
Plusieurs facteurs attestent de l'utilisation de
procédés d'inhibition qui semblent dominants dans ce protocole :
les 3 refus, la forte utilisation du G primaire, les contenus souvent
banalisés à outrance. Les défaillances des
mécanismes d'inhibitions s'observent notamment à travers
l'émergence de bouffée d'angoisse à des planches
spécifiques. Amel utilise parfois quelques procédés
labiles : mise à distance du matériel (G Vagues), recours aux
manifestations sensorielles (TRI extratensif, C pure planche X).
Le protocole d'Amel présente donc un
caractère excessivement restrictif. Tout d'abord, trois planches sont
refusées. Qui plus est, les procédés d'élaboration
du discours marquent nettement une inhibition massive. Le discours est
extrêmement parcimonieux tout au long du protocole. De plus, la
récurrence des phrases, toujours identiques, << ce sont des
tâches >> et << ça ne m'inspire pas >> (planche
I, II, III, IV, V et IX) montrent le scepticisme de notre patiente à
s'impliquer dans l'épreuve projective. Ces manifestations s'accompagnent
de perceptions très factuelles, et qui restent peu définies :
<< bête ou animal >> planche IV, << animaux >>
planche VIII, << papillon >> planche I et V, sans plus de
précisions. Quant aux
contenus humains, ils ont définis par les
termes << individus >> ou << personnes >>, et ils sont
perçus << face à face >> à chaque fois,
indiquant probablement par là une répression
kinesthésique. On remarque aussi que l'enquête elle-même ne
donne lieu à aucune association et s'en tient à une description
sommaire de l'engramme. Par ailleurs, on note deux réponses <<
insectes >> (planche IV et X) et une réponse << sang
>> (planche III), évoquant le déplacement de l'angoisse sur
un contenu anxiogène par la mise en place de mécanismes de
défense de type phobique. On peut également constater les
manifestations directes du refoulement planche VII et X. En effet, la
perception << nuages >> dans une réponse EF de diffusion
(planche VII) joue le rôle de représentation écran
empêchant la représentation angoissante d'être
projetée. Il en va de même pour la réponse << nature
>> en G vague déterminé par une C pure.
Nous entrevoyons ainsi que l'angoisse latente domine
le fonctionnement psychique d'Amel, mais est exploitée au
bénéfice du refoulement et de l'inhibition massive de toute vie
interne. Le Moi est alors grandement restreint dans ses fonctions au profit
d'un système défensif très ferme.
c) La représentation de
soi60
S'il on inclut la représentation apparut en
après-coup lors de l'enquête (planche II), le protocole d'Amel
comprend trois représentations humaines entières, ainsi que cinq
représentations animales entières. On peut donc avancer que ce
sujet dispose d'une représentation de soi unitaire au niveau de l'image
corporelle. Nonobstant, l'une des réponses A, perçue en F+/-,
évoque plusieurs insectes perçus sur la totalité de la
planche (planche X) et une réponse << sang >> apparaît
associée au H (planche III). Cela présage éventuellement
d'une inquiétude quant à l'image du corps. On remarque aussi
qu'aucune des perceptions ne possède d'identité sexuée, le
vocable employé étant réduit à << individus
>> et << personnes >>. Amel évite ainsi toute
identification sexuelle de son corps. On peut d'ailleurs considérer le
refus de la planche VI comme équivalent à ce conflit, cette
planche étant d'après LoosliUstéri (citée par
Collado) la << planche sexuelle par excellence >>.
De même, toute projection de mouvements ou
expressions d'affects en lien avec les représentations humaines est
esquivée. La seule kinesthésie du protocole est la
banalité planche III, où l'action est très neutre et tend
à représenter une simple posture. Le terme << face à
face >> introduit quand même un minimum d'échange, mais qui
reste craintif ; la
60 Cf. Annexe p.
XI.
même formule langagière est
appliquée aux autres engrammes humains perçus sans mouvement,
montrant de la sorte la sensibilité anxieuse et le repli d'Amel face au
monde socio-affectif. De plus, il est à noté que la
kinesthésie du protocole est suivie de la réponse « sang
», ce qui marque la tonalité agressive et menaçante
rattachée aux relations humaines.
d) interprétation dynamique
:
Comme nous l'avons déjà
remarqué, Amel est très inhibée, ce qui influence
l'ensemble de son protocole. Effectivement, si l'on se réfère aux
données du psychogramme, on distingue que la pauvreté et le
déséquilibre de son type d'appréhension s'inscrit
directement dans ce mode de fonctionnement. L'emploi massif du G, la faiblesse
de l'usage du D et l'absence des autres modes d'appréhensions traduisent
de grosses difficultés à s'engager personnellement dans la
projection. Sur les huit G, deux sont de contours très flous et
apparaissent comme représentations écrans ; un autre est de forme
indéfinie (F+/-). Quant aux G associés à des
déterminants formels corrects, ils se maintiennent à des
perceptions factuels. Le type d'appréhension ne renvoie donc pas
à de réelles capacités imaginatives et arbore le manque
d'analyse du matériel. Par ailleurs, il semble que notre patiente ait
tendance à se laisser submerger par ses émotions lorsque celle-ci
ne sont pas réprimées. Ce constat transparait notamment à
travers la primauté de la couleur lorsque celle-ci apparaît dans
le déterminant ; en effet on note l'emploi de deux C pures pour une FC,
et d'une EF qui représente le seul estompage du protocole. On peut
ajouter à ce sujet le F% qui est quelque peu faible ainsi que
l'extratensivité des deux formules du TRI.
Dans ce contexte, il est difficile d'entrevoir la vie
fantasmatique d'Amel. Néanmoins, quelques indices peuvent nous
éclairer sur les conflits qui animent sa psyché. On remarque
justement que la faiblesse de l'estime de soi réduit l'implication du
sujet dans le champ socioaffectif. Le signe le plus significatif du malaise
d'Amel à ce propos constitue en son refus de la planche IX. Monod et
Anzieu (cités par Chabert) considérant que cette planche
évoque la position du sujet face au monde, on dénote alors une
paralysie d'Amel ; elle se bloque totalement lorsque les sollicitations
environnementales sont trop fortes ou demandent un engagement profond. Dans le
même registre, on constate que les réponses planche VIII se
maintiennent à une approche impersonnelle du matériel
malgré la prise en compte de la couleur (une FC) dont l'utilisation est
forcée. Les réactions à cette planche sont donc
très contrôlées, indiquant un manque de
spontanéité et une hyper adaptabilité face au monde
extérieur. De plus, comme nous l'avons exposé auparavant, la K
planche III révèle une réticence de notre sujet à
s'engager dans les relations humaines. Nous pourrions stipuler que
la récurrence de la position << face a
face » pour les engrammes humains renseigne sur poids du regard d'autrui,
qui semble déstabilisant pour Amel. On comprend que la situation de
jugement par les autres soit désagréable pour elle si l'on
rapproche de ce constat deux réponses signalant la fragilité de
sa personnalité. La EF de diffusion apparaît a la planche VII, que
certains auteurs considèrent comme la planche du
déséquilibre. Or, selon Chabert, les estompages de diffusion
traduisent une certaine fragilité de l'identité, notamment par
l'aspect flou, instable et éphémère de la perception.
Cette réponse souligne alors la faiblesse du Moi d'Amel, dont on peut
dégager la tonalité anxieuse envahissante, et qui se distingue
surtout face aux sources de déséquilibre. Pour la psychanalyse,
la planche X suggère le morcellement du Moi. Or, Amel donne deux
réponses G a cette planche qui se prête davantage au
découpage et a l'appréhension des détails. La
première réponse est déterminée par un F+/-, ce
qui, d'après Rausch De Traubenberg, peut signaler l'incertitude du sujet
et l'anxiété. Cette proposition est d'autant plus valable que le
contenu de la perception s'apparente a un contenu phobique. La réponse
qui suit met en évidence l'étendue des mécanismes de
défense en réaction a cet état anxieux a travers une
perception vague déterminée par une C pure. L'assemblage de ces
facteurs signe donc la fragilité du Moi de notre patiente, qui l'oblige
a recourir a de fortes défenses. Son équilibre psychique est vite
déstabilisé.
D'autre part, cette jeune femme se montre très
sensible a la thématique de l'agressivité dans les rapports
sociaux. Le refus qu'elle fait de la planche II exprime cette crainte puisque
l'enquête débloque la perception humaine évocatrice d'une
lutte (<< face a face »). Les réponses qui suivent a la
planche III ne se dégagent pas de ce thème, alors que ce stimulus
apporte habituellement un sentiment de détente ; l'engramme humain est
implicitement associé a la réponse << sang ». Collado
précise que la réponse << sang » est rattaché a
l'angoisse de castration. D'autres signes dévoilent la
sensibilité d'Amel a cette angoisse. Il s'agit principalement de ses
réactions a la planche IV, indiquant un refus de reconnaître le
caractère de puissance suggéré. Le sujet use d'une
projection caractérisée par sa petite taille dans la
réalité (<< insecte ») pour éviter l'impression
de domination. Mais, dans le même temps, celleci témoigne du
retour du refoulé son aspect anxiogène. De plus, Bohm
(cité par Collado) fait de cette planche celle du symbolisme sexuel,
notamment a travers son caractère phallique. Ainsi, si l'on relie
l'anxiété d'Amel a ce stimulus et son refus de la planche VI, on
peut conclure a son incapacité d'assumer sa féminité.
Cette jeune femme refuse tout contact faisant appel a la sexualité. De
même, on remarque que le symbolisme féminin de la planche VII
n'est pas du tout sollicité.
De cette interprétation, on peut conclure
qu'Amel se présente comme une personne fragile et facilement
déstabilisée. A cet égard, le monde extérieur est
perçu comme potentiellement menaçant, et de ce fait elle semble
réticente à l'approcher ou à s'engager personnellement
dans les relations sociales. Force est de constater que face à la
précarité de son équilibre psychique, elle met en place un
système défensif démesurément rigide.
Néanmoins, nous pensons qu'elle a subi un traumatisme important
auparavant, qui, s'il n'est pas à l'origine de sa fragilité
psychique, y a fortement contribué. En effet, elle nous a affirmé
avoir été victime d'une agression, à laquelle a suivi une
expertise psychiatrique dans le cadre du procès. Ceci coïncide avec
son refus de la planche II et VI où s'exprime la vivacité des
séquelles traumatiques. De plus, nous pensons que notre attitude, dans
cette situation, n'a pas forcément favorisé l'expression
subjective du testé. Nous avons-nous-mêmes été
quelque peu interloqués par l'inhibition de cette personne, ainsi que
par les conditions dans lesquels elle avait déjà passé le
test de Rorschach. Sous couvert de précautions face à ce sujet
qui paraissait traumatisée, il nous semble que nous n'avons
peut-être pas su l'encourager suffisamment et créer le climat
nécessaire à sa libre expression. Ceci aurait ainsi permis une
meilleure appréhension du fonctionnement psychique d'Amel. C'est donc
avec réserve que nous validons l'hypothèse initiale d'une
vulnérabilité du fonctionnement psychique d'Amel.
5/ Protocole de Mina
a) Présentation de la
participante
Mina est née au Maroc. Elle est arrivée
en France à l'âge de 2 ans 1/2 avec sa mère, rejoignant son
père ici depuis les années 60. Elle a donc effectué
l'ensemble de sa scolarité en France. Elle a vécu chez sa tante
à partir de l'âge de 5 ans, ses parents ayant
décédé dans un accident de voiture. Elle-même a
subit un traumatisme crânien lors de cet accident, qui a donné
lieu à un suivi médicale et psychologique. Dans ce contexte, elle
relate avoir passé plusieurs fois le test de Rorschach lors de cette
période. Agée de 31 ans lors de notre rencontre, elle est
aide-soignante. De confession musulmane, elle n'est pas
pratiquante.
b) Représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est très bas.
Troubles du balancement des facteurs
introversif-extratensif : Le TRI et la FS sont inversées ; le TRI est
extratensif alors que le RC% tend vers l'introversion.
· Dans les déterminants :
2 F- (toutes les 2 à la planche VII).
1 seule K.
3 CF.
1 Fclob accompagné d'une tendance
Choc.
· Dans les contenus :
Hd = H.
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
Peu de réponses à la planche IV et
IX.
c) Les mécanismes de
défense
· Planche I :
Manifestations hors réponse : Manipulation
labile du langage avec l'accent porté sur la dédramatisation
d'une situation pénible par l'humour. Le discours peut se comprendre
comme un moyen d'éviter la tâche.
Réponse : hésitation entre plusieurs
représentations proches pour une seule perception banale qui signale une
implication subjective minime. Les mécanismes de défense semblent
être présents davantage dans le discours que dans la projection
elle-même.
· Planche II :
Manifestations hors réponses : commentaire
centré sur la difficulté de projection au début, qui est
contredite ensuite. Le discours est labile.
Réponses : les réponses indiquent une
formation réactionnelle face à l'agressivité
suggérée par le stimulus. La première réponse signe
une utilisation de l'affectivité pour appuyer les défenses, et la
deuxième réponse démontre une érotisation des
relations à travers une mise en scène kinesthésique. Ces
processus permettent de maintenir le refoulement de la motion pulsionnelle
gênante (agressivité et culpabilité).
Manifestations hors réponse : le temps de
latence succinct témoigne d'une réactivité
quasiimmédiate au matériel.
Réponse : les engrammes humains non
sexués constituent l'unique représentation qui est par ailleurs
une banalité. L'échec des procédés d'inhibition
à l'oeuvre ici laisse émerger à l'enquête les
témoins de l'instabilité de l'identité sexuée de
Mina.
· Planche IV :
Manifestations hors réponse : le temps de
latence est encore très court, la verbalisation est minime et les
affects manifestés (rires) paraissent opposés à ceux
réellement ressentis face au stimulus. L'inhibition à l'oeuvre
est donc étayée par le recours à
l'émotivité.
Réponse : L'unique perception dévoile
l'angoisse de Mina (? choc et Fclob) face à l'autorité
paternelle. Le symbolisme sexuel relié à l'angoisse de castration
est transparent (pinces). Face à cette angoisse, le sujet se
défend par la régression et le rejet du problème dans le
passé (« d'un autre temps »). Le refoulement ne suffit pas
à contenir l'angoisse de Mina face à un surmoi
oppressant.
· Planche V :
Manifestations hors réponse : le temps de latence
est toujours très court ; la verbalisation est succincte.
Réponse : L'attitude de Mina face à
cette planche nous révèle surtout l'intensité de
l'angoisse face à la planche précédente, qui perturbe le
fonctionnement du Moi. Les mécanismes de défense sont
dépassés par cette angoisse.
· Planche VI :
Réponses : la première réponse
signale le refoulement massif mis en place face à cette planche. C'est
le prototype d'une représentation écran face au symbolisme sexuel
suggéré, dont la tonalité dysphorique transparait
clairement à l'enquête. Celui-ci s'avère plutôt
efficace et permet une formation de compromis satisfaisante qui s'exprime dans
la deuxième réponse faisant preuve de bonnes capacités
imaginatives et d'une maitrise du matériel.
· Planche VII :
Manifestations hors réponses : le discours est
focalisé sur la méconnaissance la dénégation de la
sollicitation projective du matériel.
Réponses : les mécanismes de
défense sont défaillants car le Moi perds ses fonctions
adaptatives (2 F-). Mina essaie de contrôler le surgissement de
l'angoisse par l'utilisation des données formelles du matériel.
Néanmoins, ce contrôle échoue et le Moi est
désorganisé.
Manifestations hors réponse : les commentaires
sont immédiatement tournés sur la couleur et les affects positifs
associés. Le discours est plus abondant et semble intervenir en faveur
d'un évitement de la projection.
Réponse : A l'inverse du discours, la
réponse n'est aucunement déterminée par la couleur. Le
contenu est banal et l'implication du sujet est minime. Les mécanismes
de défense variés marquent une lutte contre l'implication
projective ressentie comme dangereuse, et inhibe le Moi dans ses
capacités intellectuelles.
· Planche IX :
Manifestations hors réponse : le discours est
succinct.
Réponse : Une seule réponse dont la
tonalité est dysphorique ; la couleur prime dans la détermination
de la perception, et le D blanc est ressenti comme un vide. Les mouvements
pulsionnels submergent le Moi et le système défensif est
inefficace.
· Planche X :
Manifestations hors réponses : Le temps de
latence très court et les commentaires centrés sur
l'émotivité induite par la couleur montrent une réaction
immédiate au matériel.
Réponses : La première réponse
donnée en G impressionniste révèle l'utilisation des
affects comme défenses face à la gêne occasionnée
par le matériel. La deuxième réponse indique une formation
de compromis réussie, sous-tendue par une perception de bonne
qualité formel et résultant d'une fine analyse du
matériel. Le contenu dévoile la tonalité quelque peu
anxieuse de l'affirmation de soi face au regard d'autrui, mais ceci ne
compromet pas les fonctions adaptatives du Moi.
· Facteurs spécifiques :
De nombreux facteurs attestent de l'usage de
procédés labiles. Les temps de latence souvent très courts
et les commentaires réguliers donnent l'impression d'une
réactivité immédiate au matériel, le recours aux
manifestations sensorielles (TRI extratensif), notamment planche II et X,
l'utilisation de G impressionniste montre le souci de maintien à
distance du matériel, la sensibilité au symbolisme
suggéré par les planche semble importante et le symbolisme des
contenus est parfois transparents, le F% bas signale la prévalence de la
réactivité subjective, Les mécanismes de refoulement
paraissent prédominant et sont sous-tendus par quelques
difficultés à retrouver les représentations lors de
l'enquête. Ils provoquent, en outre, une perte de contrôle sur la
réalité objective (planche VII) qui abaissent significativement
le F+%.
Par ailleurs, les procédés
d'inhibitions oeuvrent de temps en temps ; on voit apparaître des G
primaires et des procédés d'évitement de la confrontation
au matériel, ainsi qu'une utilisation défensive de contenus
banalisés aux planches où la production est restreinte et
où Mina s'appuie sur les données perceptives du matériel
(notamment planche VIII).
Le système défensif de Mina s'appuie
ainsi sur un panel de mécanismes variés. Néanmoins, les
caractéristiques générales du protocole indiquent la
prédominance des procédés labiles. Le discours est parfois
lui-même manipulé comme défense face à l'implication
projective, notamment planche I et VIII. Les temps de latence sont souvent
prompt, témoignant dès lors d'une réactivité
immédiate au matériel. L'extratensivité du TRI,
composé uniquement de déterminants où la couleur
prédomine (3 CF) marque le recours aux manifestations sensorielles. Le
discours planches VIII et X fait apparaître la suggestibilité de
Mina à la couleur. Le F% relativement bas indique également une
mise en avant de l'affectivité. De plus, on entrevoit la tonalité
érotique accordée aux relations dans la kinesthésie
animale planche II. Cette réponse montre d'ailleurs le renforcement du
système défensif face à ce stimulus puisqu'elle constitue
aussi un déplacement des motions pulsionnelles sur le contenu animal, et
qu'elle s'apparente à une formation réactionnelle face aux
pulsions agressives que le matériel suscite. D'autre part, on distingue
clairement les manifestations du refoulement à travers l'utilisation de
l'estompage planche VI et le G impressionniste planche X qui signent la mise en
place de représentations écrans. De plus, le sujet a parfois du
mal à retrouver ses réponses lors de l'enquête (planches II
et VII). La réponse planche IV s'inscrit quant à elle dans un
recours à la régression et une mise à distance de
l'engramme perçu (« sorti d'un autre temps »). Nonobstant,
Mina parait inhibée face aux planches III et V, auxquelles le discours
se restreint et les réponses se maintiennent à des
banalités. A la planche VII, les commentaires se focalisent sur le
blocage associatif et les réponses s'inscrivent dans recours au formel
qui échoue. Quant à la planche VIII, elle montre également
un recours à un contenu factuel déterminé uniquement par
la forme malgré les remarques positives provoquées par
l'apparition de la couleur.
Somme toute, les mécanismes de défense
desservent le Moi en affaiblissant ses fonctions d'adaptation. Effectivement,
ils provoquent occasionnellement une perte de contrôle sur la
réalité objective planche VII qui abaisse significativement le
F+%. Constatant que le R est très bas, les fonctions intellectuelles
paraissent également restreintes. De plus, ils ne suffisent pas toujours
à contenir les préoccupations fantasmatiques de Mina, ce que l'on
remarque entre
autres par l'émergence de contenus crus à
valence sexuelle lors de l'enquête planche III et de l'angoisse planche
IV et IX.
d) La représentation de
soi61
D'après la récapitulation des
réponses de Mina, on remarque huit réponses comprenant des
représentations animales ou humaines entières et une seule
représentation humaine partielle. Ce sujet dispose donc d'une image
corporelle de soi unitaire. Néanmoins, l'apparition d'une seule
réponse H parmi ces engrammes entiers précise que les
identifications sont incommodantes et doivent la plupart être
déplacées sur des contenus animaux pour être
représentables ; ce constat vaut notamment pour les réponses A
planche II, IV et VII. De plus, trois perceptions animales sont
qualifiées de << bizarres », parmi lesquelles deux ne sont
<< pas finies ». L'image inconsciente du corps est
subséquemment vécue comme non aboutie ; elle n'est pas vraiment
assumée. On peut rattacher ces difficultés d'affirmation de
l'image corporelle aux troubles de l'identification sexuelle de Mina, qui
transparait à travers plusieurs facteurs. En effet, la réponse H
comprend des attributs sexuels mixtes. Mina qualifie ses représentations
d' << hermaphrodites ». Cette réaction signifie que cette
jeune femme est dans une recherche active de son identité sexuelle, qui
demeure de ce fait instable. De même, l'épreuve du choix des
planches détermine la tonalité dysphorique accordée aux
planches suggérant fortement l'identification aux imagos parentales.
Pour les planches les moins agréables, elle choisit la planche IV dont
le symbolisme paternel est patent et la planche VII qui réactive
l'identification féminine et/ou maternelle. Or, on connaît
l'importance des relations aux imagos parentales dans la mise en place des
repères fondamentaux concernant l'image du corps. De plus,
l'appréhension de la planche VI, dont le symbolisme sexuel est
également transparent, provoque une réponse << nuage
», ce qui d'après Rausch De Traubenberg, constitue une
régression à une représentation de soi embryonnaire. Cette
régression permet ainsi à Mina d'éviter de se
représenter comme être sexué. La confrontation avec des
symboles sexuels parait donc fortement anxiogène pour Mina, ranimant
sans doute ces incertitudes quant à son identité
sexuelle.
Par ailleurs, le protocole de cette participante
présente peu de kinesthésies, mais celles-ci marquent bien son
ambivalence quant aux investissements objectaux. La kan de la planche II et la
K de la planche III s'inscrivent dans un contexte positif qui témoigne
de la capacité de Mina à nouer des liens sociaux
agréables. La kan est d'ailleurs très érotisée, et
manifeste par
61 Cf. Annexe p.
XII.
là le désir libidinal de cette jeune
femme de s'investir dans une relation intime. Cependant, il semble qu'il ne
soit pas vraiment assumé puisqu'il ne peut être projeté sur
des engrammes humains. La kan planche V révèle quant à
elle les craintes de Mina face au monde extérieur. Le fait que le
papillon ait « du mal à s'envoler » montre en effet une
représentation de soi peu épanouie dans les relations sociales.
De même, le thème de destruction qui se dégage de
l'appréhension de la planche IX souligne ses réticences à
s'investir dans des relations profondes qui paraissent menaçantes et
potentiellement déstructurantes. L'ensemble de ces facteurs nous
permettent donc de penser que Mina est capable de relations d'objet sur un mode
génital mais manque de confiance en elle. Elle souhaite s'investir dans
des relations socio-affectives, et parallèlement redoute que celles-ci
ne lui soient défavorables.
e) Interprétation dynamique
Les valeurs du psychogramme de Mina dévoilent
un certain manque d'implication dans l'épreuve qui correspond à
un comportement défensif. En conséquence, les fonctions
intellectuelles du Moi paraissent peu investies. Mina n'use que de deux modes
d'appréhension différents et dans des proportions mal
réparties. Le G% élevé se compose principalement de
perceptions factuelles ou révèle une appréhension peu
élaborée du matériel. Le D% modique s'inscrit dans le
même mode de fonctionnement en signalant le défaut d'analyse du
matériel. Ce type d'appréhension atteste donc d'une conduite
défensive par le recours à une réalité globale et
adaptative contre l'émergence de représentations plus
engageantes. En effet, la présence d'un G organisé de bonne
qualité formelle (planche VI) précise que le sujet dispose de
bonnes capacités d'élaboration mentale. De même, certains D
associé à des F+ montre la finesse analytique de Mina lorsque les
motions pulsionnelles sont correctement maitrisées (planches II et X).
Cependant, majorité des D (planches VI, VII et IX) montrent
l'échec des tentatives de contrôle, auquel suit
inévitablement une désorganisation du Moi. Le F% et le F+%
relativement faible soutiennent l'axiome de la faiblesse du Moi de notre sujet
à contenir ses émotions qui, lorsqu'elles émergent,
envahissent les fonctions intellectuelles. Par ailleurs, quand la couleur ou
l'estompage sont intégrés dans les réponses, ils
prédominent systématiquement dans le déterminant, quelque
soit la tonalité affective associée. La structure
émotionnelle de Mina apparaît de ce fait instable ; cette jeune
femme se montre très impulsive. Le TRI extratensif renforce le constat
d'un tel comportement, tandis que la FS introversif indique qu'elle dispose
vraisemblablement d'aptitudes à contenir ces affects qui pourraient
être développées. Néanmoins, comme l'affirme Canivet
(cité par Collado), l'inversion de ces deux formules signifie que les
émotions sont probablement mises en avant
de façon défensive alors que la
personnalité profonde est inhibée. Ce qui précède
nous permet d'inférer que les conflits inconscients de Mina indisposent
son fonctionnement psychique. Soit les mécanismes de défense
affaiblissent les fonctions intellectuelles du Moi et répriment
l'expression de sa subjectivité, soit ils sont inefficaces à
contenir les préoccupations fantasmatiques.
Or, nous entrevoyons plusieurs fois dans le protocole
de Mina que le registre conflictuel se situe principalement au niveau oedipien.
En effet, les réactions de notre patiente à la planche IV
témoignent de la prégnance de l'angoisse de castration par
rapport à laquelle la mobilisation de plusieurs mécanismes de
défense ne suffit pas à la contenir ; c'est face à cette
planche qu'apparaît le Fclob et la tendance au choc. Elle prend donc un
aspect dysphorique, qui ressort aussi dans la réponse << monstre
>>. On peut affirmer que la représentation est castratrice de par
sa description à l'enquête où Mina lui attribue <<
des pinces >>. Or, selon la théorie psychanalytique, les
réponses dysphoriques à cette planche indique que l'oedipe n'est
pas bien dépassé. D'autre part, il semble que l'angoisse de
castration est été si intense face à ce stimulus qu'elle
se répercute sur la réponse suivante à la planche V.
Celle-ci insiste sur la malformation des membres de l'engramme perçu, ce
qui d'après Collado témoigne également de la
sensibilité à cette angoisse. On remarque aussi que la
confrontation avec le symbolisme sexuel de la planche VI provoque
immédiatement la mise en place d'une EF de diffusion qui, outre sa
fonction défensive, rend compte de la fragilité des assises
narcissiques. En effet, le caractère flou de cette perception
dévoile l'inconsistance de l'enveloppe corporelle face à ce
stimulus et, dans le même temps, marque l'émergence de l'angoisse
de perte d'objet par l'aspect sombre attribué à ce << gros
nuage noir >>. Il semble que l'image paternelle soit ici
interprétée dans sa fonction de fauteur de trouble dans la
relation à la mère, et que cette relation n'ait pas
été assez sécure pour autoriser l'accession à une
position sexuée assumée. Toutefois, après cet accès
d'angoisse, le système défensif de Mina reprend le dessus et lui
permet d'explorer de façon satisfaisante le matériel en tenant
compte du symbolisme phallique de la planche. Il reste que reconnaissance des
détails phalliques demeure craintive puisqu'elle consiste dans
l'attribution de << cornes >> situées dans des Dd. Mina
évite d'interpréter les D phalliques, qui réactivent sans
doute trop l'angoisse. Par ailleurs, la formation réactionnelle planche
II et la qualité de la K planche III signent la possibilité de
formations de compromis réussies face à la problématique
oedipienne lorsque les références à l'image paternelle ou
au symbolisme phallique ne sont pas trop suggérées. Malgré
tout, la kinesthésie humaine révèle comme nous l'avons
déjà dit les troubles de l'identification sexuelle de Mina. A ce
niveau, nous nous permettons de revenir sur la réponse << cornes
>>
planche VI. La théorie psychanalytique stipule
que le bas de cette planche évoque la féminité. Or, c'est
dans cette partie que Mina projette les caractéristiques phalliques de
la planche. Ce constat peut correspondre a un déni qui signale ainsi la
difficulté de cette jeune femme a reconnaître sa
féminité. Cette problématique persiste également a
la planche VII où la suggestion du symbolisme féminin et/ou
maternel perturbe le Moi dans ses fonctions adaptatives. Effectivement,
après la levée du blocage associatif, les deux réponses
qui apparaissent sont des F-. De plus, l'investissement du détail
inférieur comme lien contraste avec la perception des animaux qui
<< se tournent le dos ». Ce sont d'ailleurs des animaux des
fonds-sous marins, environnement qui renvoie généralement a
l'image maternelle archaïque. La succession de ces deux réponses
rappelle donc le climat d'insécurité qui se dégage des
relations précoces. La planche IX, très saturée en
symbolisme maternel-féminin selon Chabert, déclenche aussi des
réactions d'angoisse chez notre sujet. La lacune centrale est
interprétée comme un << gros trou », une blessure.
L'appel a la régression suscité par ce stimulus met donc en
évidence des affects dépressifs qui prédominent dans la
détermination de la projection (CF) ; ils sont sous-tendus par
l'expression << avec rien autour », laquelle confirme l'impression
de solitude et le manque d'étayage.
Cette planche révélant en même
temps le vécu des relations a l'environnement, nous en déduisons
que les carences affectives précoces n'ont pas permis a Mina de
construire une image de soi suffisamment forte pour appréhender
sereinement les relations socio-affectives profondes. Ses associations montrent
ici un environnement hostile envers elle, qui parait même menaçant
: << c'est tout les arbres qu'on a coupé ». On retrouve
d'ailleurs cette problématique a travers la planche V où l'image
de soi est vécue sur un mode dépressif (<< il a les ailes
qui tombent »), et où la kinesthésie témoigne des
difficultés d'affirmation de soi et d'action face au monde
extérieur (<< il a du mal a s'envoler »). Il est a noter que
les réactions du sujet a la planche I marquent également
l'embarras du sujet a s'affirmer face a au jugement d'autrui et a la
nouveauté de la situation. En effet, cette jeune femme hésite
plusieurs fois entre des perceptions voisines, pour finir par ressentir le
besoin de justifier sa réponse : << je sais qu'elle est bizarre ma
chauve-souris ». En outre, son comportement face a la planche VIII, il
illustre la stupeur de notre patiente dans les situations socio-affectives
impromptues. Après une première réaction enjouée
face a la couleur, elle a du mal a définir sa perception qui,
finalement, n'est aucunement déterminée par la couleur. Cet
enchainement découvre donc un comportement superficiel et
défensif face aux sollicitations sociales, doublé d'une
inhibition des affects authentiques. Pourtant, la K planche III démontre
les capacités de Mina a s'investir dans des relations sociales
agréablement vécues. De même que ses réponses a
la
planche X expriment ses pulsions libidinales et son
désir de s'inscrire dans une vie sociale épanouie (<< c'est
la fête, il y a tout le monde »). Cette dernière planche nous
permettrait ainsi d'établir un pronostic positif quant aux
possibilités du sujet de dépasser ses angoisses pour participer
activement à la vie en société. Par ailleurs, nous
interprétons sa dernière réponse << masque avec des
décorations » comme révélatrice du transfert positif
que Mina a établit sur le testeur et sur l'épreuve.
En conclusion, le protocole de Mina fait
apparaître une certaine fragilité des assises narcissiques qui ont
probablement entravé la résolution du complexe d'oedipe. Les
perturbations de la relation mère-enfant ont maintenu une angoisse face
à l'image paternelle vécue comme tiers séparateur. En
outre, l'histoire de cette jeune femme, nous ayant expliqué que ses deux
parents sont décédés au cours d'un accident durant son
enfance, concorde avec ce constat et pourrait être à l'origine de
ses perturbations. Somme toute, celles-ci ont entrainé des troubles de
la représentation de soi. L'identité sexuelle de cette jeune
femme est instable et ses conflits inconscients enrayent son ouverture vers le
monde extérieur. Face à ceux-ci, Mina met en place un
système défensif qui étouffe globalement le Moi, et
s'avère parfois insuffisant à contenir ses préoccupations
fantasmatiques. L'ensemble de ces éléments aboutissent
à la confirmation de l'hypothèse de départ : Mina
présente un fonctionnement psychique vulnérable. Toutefois,
il nous semble important de souligner qu'un travail psychothérapeutique
permettrait vraisemblablement de restaurer une image de soi suffisamment forte
pour exploiter pleinement ses ressources internes.
6/ Protocole de Fatiha
a) Présentation de la
participante
Fatiha est née au Maroc et est arrivée
en France à l'âge de 8 ans avec sa mère. Son père
est arrivé dans les années 1970. Agée de 32 ans lors de
notre rencontre, elle travaille dans un snack-bar. Dans le même temps,
elle passe des concours pour travailler dans le milieu hospitalier,
auprès des enfants. Fatiha est musulmane, mais ne pratique pas
régulièrement.
b) Représentants de
l'angoisse
· Dans les caractéristiques
générales du protocole :
Le R est relativement bas.
Le TRI est coartatif.
· Dans le mode d'appréhension :
2 Dbl (planche II) et 2 G/Dbl (planche I et
VII).
· Dans les déterminants :
3 F- (2 associé au contenu anatomie et 1
associé à une tendance choc).
Aucune K.
1 Fclob et une tendance Fclob.
1 Choc au noir et une tendance choc au vide.
· Dans les contenus :
2 anatomies (associées à F-).
H = Hd.
· Facteurs spécifiques de l'angoisse
pathologique:
L'indicateur d'angoisse est supérieur à
15% (17,6%). Néanmoins, nous nous y réfèrerons avec
précaution car il ne contient que deux des quatre indicateurs (Hd et
anat).
Une seule réponse aux planches IV, VI, VII et
IX.
Une seule réponse incluant la couleur.
c) Les mécanismes de
défense
· Planche I :
Manifestations hors réponse : Fuite en avant dans
l'interprétation avec 3 réponses données dans un temps
court ; la verbalisation est minime.
Réponse : les trois réponses traduisent
un recours aux données formelles du matériel qui laisse
malgré tout transparaitre l'angoisse latente de Fatiha. Le
système défensif opère cependant un contrôle de
celle-ci et le Moi n'est pas désorganisé.
· Planche II :
Réponses : les deux réponses signent
clairement le débordement de l'angoisse et des mouvements pulsionnels.
Elles sont toutes les deux déterminées par le blanc probablement
dans le souci d'éviter la confrontation aux stimuli trop excitant. La
première réponse en kob (associé au D rouge) marque la
profusion de la pulsion agressive, qui est toutefois exprimée dans un
contenu relativement socialisé qui indique un minimum de maitrise. La
deuxième
réponse émerge en processus primaire
signifiant la fragilité de la structuration interne ; le contrôle
formel échoue et la représentation est difficilement
récupérée à l'enquête. Le système
défensif est mis en échec et le Moi est
débordé.
· Planche III :
Manifestations hors réponse :
dénégation des sollicitations induites par la
planche.
Réponse : la première réponse
témoigne d'un fonctionnement encore désorganisé, peut
être suite à l'intensité de l'angoisse suscitée
planche II. Le recours au formel échoue et le contenu renforce
l'hypothèse d'une fragilité de la structuration interne. La
deuxième réponse manifeste le recours au formel et aux
données perceptives qui permet le retour à un fonctionnement plus
adaptatif. Nonobstant, le système défensif est alors trop rigide
pour recevoir les sollicitations externes normalement perçues comme le
montre l'absence de la K banale et indispensable. L'invitation du testeur
à l'enquête aux limites réussit à lever quelque peu
les défenses et autorise la projection d'un « corps de femme
», mais la perception kinesthésique n'est pas
donnée.
· Planche IV :
Manifestations hors réponse : la verbalisation
est minime.
Réponse : Fatiha donne une seule
réponse dans une tonalité plutôt dysphorique, dont le
contenu mythique indique la mise à distance de la représentation
gênante. Le Moi parait inhibé.
· Planche V :
Manifestations hors réponse : le discours est
restreint au strict minimum.
Réponse : Fatiha fait ici un choc important
qui signale les défaillances du système défensif face
à l'émergence de l'angoisse; la facilité de la planche
permet toutefois la perception de la banalité mais dans une absence
d'implication subjective.
· Planche VI :
Manifestations hors réponse : la
dénégation de la projection, le commentaire critique sur le
matériel et le temps de latence long indique l'inhibition.
Réponse : la réponse est une
persévération en kob, cette fois-ci inscrite dans une
sensibilité anxieuse (?EF). Le contenu démontre la
sensibilité de Fatiha au symbolisme de la planche. Une réponse
sexuelle crue apparaît d'ailleurs à l'enquête. Le
système défensif semble bloquer les capacités du Moi tout
en contrôlant peu l'anxiété associée à
l'expression directe de la décharge pulsionnelle.
· Planche VII :
Manifestations hors réponse : le temps de latence
est très court.
Réponse : Fatiha hésite entre deux
perceptions très proches (une masculine et une féminine) pour la
réponse qui intègre le blanc. Le contrôle formel
raté et la tendance choc marquent la désorganisation du Moi par
l'angoisse suscité. Le système défensif entrave les
capacités intellectuelles du Moi et ne permet pas le maintien de
l'adaptation.
· Planche VIII :
Manifestations hors réponses : Commentaire
marquant la réactivité immédiate à la couleur et
fuite en avant dans les interprétations (3 réponses en 20
secondes). Forte manipulation de la planche.
Réponses : la première réponse
constituée par la banalité vue en mouvement dévoile les
possibilités imaginatives de Fatiha. La troisième réponse
est la seule du protocole qui intègre les couleurs ; elle est
difficilement retrouvée à l'enquête. Ainsi, malgré
l'affect positif associé à l'arrivée de la couleur,
celle-ci semble gênante. Il s'agit probablement d'une utilisation
défensive des affects, qui se montre par ailleurs efficace puisque les
trois réponses sont de bonne qualité et signent le bon
fonctionnement du Moi.
· Planche IX :
Manifestations hors réponse : commentaire
indiquant les affects positifs associés à la couleur.
Réponse : l'accent est porté sur le
débordement pulsionnel qui envahit Fatiha (kob explosive). Aucune autre
représentation n'est possible ; le moi est donc débordé
par la pulsion malgré la formation réactionnelle présente
dans le commentaire.
· Planche X :
Manifestations hors réponses : le commentaire
montre une réactivité immédiate à la couleur dans
une tonalité positive qui recouvre une formation
réactionnelle.
Réponses : la première réponse
en G vague notifie une mise à distance du matériel, mais à
travers de laquelle transparait la thématique dépressive. La
deuxième réponse précise l'anxiété
dégagée par l'appréhension de la planche ; toutefois, la
qualité formelle correcte et le contrôle opérant de cette
réponse démontre que le système défensif est
efficace.
· Facteurs spécifiques :
Le système défensif de Fatiha
s'avère prendre appui principalement sur des procédés
rigides.
La formalisation est quelque peu excessive
malgré le F% dans la norme, celui-ci étant parasité par
les débordements pulsionnelles cotés kob. Le TRI coartatif montre
le peu d'expression affective.
L'apparition de la couleur donne lieu à des
formations réactionnelles exprimées dans les commentaires
(affects positifs associés à une kob explosive planche IX,
à deux réponses dont la tonalité est dépressive
pour l'une et anxieuse pour l'autre à la planche X), plutôt
qu'à un recours aux émotions face à des
représentations gênantes. Les procédés d'inhibition
se présentent quelques peu à travers la restriction de la
production et l'utilisation de G primaires indiquant les difficultés
d'implications. Ces deux procédés sont parfois
dépassés par les émergences en processus primaires, qui
montrent un ancrage un peu faible dans la réalité objective (F+%
bas), qui est quelque peu relativisé par la qualité formelle des
kinesthésies mineures (F+% élargi = 75%).
Fatiha utilise souvent les données perceptives
du matériel afin d'éviter le surgissement
d'éléments en rapport avec sa vie psychique. Cependant, ce type
de défenses ne suffit pas toujours à lutter contre des mouvements
pulsionnels vigoureux. La forme détermine la plupart de ses perceptions
; le F% est dans la norme mais il tend vers le haut, et il serait probablement
très élevé si les forces pulsionnelles,
représentées par les kinesthésies d'objet, étaient
suffisamment contenues. Le TRI coartatif signale l'expression à minima
des affects. En outre, les commentaires positifs sur la couleur sont le
résultat d'un comportement plaqué puisqu'ils contrastent avec les
réactions face aux planches chromatiques ; les réponses ne sont
quasiment pas déterminées par la couleur (une seule FC), ou bien
même la représentation associée s'inscrit dans une
tonalité dysphorique (planche IX). De plus, le RC% ne marque pas de
réactivité particulière à la couleur.
L'épreuve du choix des planches démontre parfaitement le
caractère factice des réactions du sujet au stimulus couleur, si
bien qu'elles ne peuvent, à proprement parler, suggérer
l'utilisation de procédés labiles. La présence de deux
dénégations corrobore l'emploi de procédés rigides.
La première dénégation apparait à la planche II,
où la deuxième réponse est annulée en
après-coup et refoulée partiellement à l'enquête.
Puis, l'expression « je ne vois rien ici » planche III
témoigne d'une autre dénégation puisqu'elle apparaît
en réaction immédiate à la présentation de la
planche et, est directement suivi d'une réponse dysphorique. D'autre
part, Fatiha a parfois recours à des procédés
d'inhibition. On remarque alors une restriction de la production et
l'utilisation de G primaires (planches IV, V et VII). A l'inverse, les planches
I et VIII provoque une fuite en avant dans l'interprétation, chacune
donnant lieu à trois réponses dans un laps de temps très
court. On observe aussi la
mise en place du refoulement à la planche III,
empêchant la représentation humaine d'accéder à la
conscience alors que celle-ci est très fortement sollicitée par
le matériel. Le refoulement est cependant partiellement levé
à l'enquête aux limites pour autoriser la projection d'une seule
figure humaine. La EF de diffusion qui apparaît à la planche VI
signale également l'usage de ce mécanisme de
défense.
Etant donné l'émergence de mouvements
pulsionnels peu contrôlés et la prégnance de l'angoisse au
sein du protocole, il semble que le système défensif de Fatiha
soit régulièrement dépassé.
d) La représentation de
soi62
Plusieurs facteurs attestent d'une
représentation de soi d'un niveau intermédiaire. Nous remarquons
à travers la grille de représentation de soi de Fatiha que la
seule représentation humaine entière qui apparaît
présente un caractère irréel. Ceci étant dit, la
reconnaissance du caractère de puissance dégagée par ce
stimulus planche IV, ainsi que les réactions du sujet à la
planche VIII nous permettent d'écarter l'hypothèse d'une
représentation de Soi complètement morcelée. En effet,
Rausch De Traubenberg affirme la planche VIII se révèle
déstructurante dans tous les déficits d'identité plus ou
moins masqués. Or, force est de constater que Fatiha l'appréhende
correctement, perçoit le D banal et ne montre aucun signe particulier
témoignant d'une fragilité à ce niveau. La symbolique
phallique de la planche VI est également perçue, constituant par
là un signe positif. Néanmoins, elle provoque l'émergence
d'un mouvement pulsionnel intense et une régression à une
représentation de soi peu évoluée dévoilée
par la réponse « fumée ». L'identification sexuelle
parait possible, même si elle est trop angoissante pour être
assumée à ce jour. D'autres facteurs indiquent une image
corporelle quelque peu archaïque. Nous pouvons citer dans ce contexte la
projection de deux anatomies osseuses et la réponse « iles »
à la planche X, témoignant selon Rausch De Traubenberg d'une
fausse identité. De plus, il nous a fallu mener une enquête aux
limites avancée pour que la K banale planche III soit perçue.
L'engramme est alors appréhendé en configuration
unilatérale dont la description est donnée en termes rationnels
(« un corps de femme ») et ainsi isolée de toute implication
affective. Cette réponse montre donc tout autant les troubles de l'image
corporelle de cette jeune femme que ses difficultés à s'inscrire
dans une relation d'objet génitale.
62 Cf. Annexe p.
XIII.
A ce niveau, la seule kinesthésie
présente au sein du protocole, mises à part les
kinesthésies d'objet, est projetée dans la réponse A
banale à la planche VIII. Elle représente d'ailleurs une action
bilatérale neutre, minimisant ainsi toute implication dans une relation
duelle en même temps qu'elle signe une moindre réactivité
aux sollicitations relationnelles. Toutefois, le peu représentations
humaines et de représentations paires nous permettent de notifier que la
représentation de soi est perturbée chez ce sujet.
e) Interprétation dynamique
Nous remarquons par le montage du psychogramme de
Fatiha un type d'appréhension déséquilibré. Le G
très élevé se compose de plusieurs perceptions de bonnes
qualité formelle et d'un G secondaire (planche VI), pouvant ainsi
témoigner de capacités synthétiques. Néanmoins,
nous constatons que ce mode d'appréhension prend souvent une fonction
défensive permettant d'éviter la confrontation avec un
matériel anxiogène ; il sert parfois à éviter
l'appréhension en configuration bilatérale pour les planches
suscitant ce mode d'appréhension (planche III, VII), ou il s'inscrit
dans un mouvement d'évitement des détails (planche VI). Quant au
D% faible, ils peuvent représenter dans ce contexte un faible
intérêt pour le réel étant donné que le
protocole de cette jeune femme montre l'émergence directe de sa vie
fantasmatique et pulsionnelle plusieurs fois. La présence d'une seule
réponse incluant la couleur, connotée d'ailleurs d'une grande
conventionalité, précise le détachement de Fatiha quant au
monde extérieur. Le type coartatif du TRI marque l'abrasion de toute
expression socialisé de la vie psychique émotionnelle ou
imaginative. Nous pouvons ajouter ici le H% faible qui se compose d'un (H) et
d'un Hd, provoquant tous deux des manifestations anxieuses (Fclob et FE), et
témoignant du peu d'investissement des relations humaines. Toutefois,
les trois D de bonne qualité formelle qui apparaissent à la
planche VIII indiquent quand bien même le rapport au réel est
globalement maintenu. La présence de quatre banalités soutient ce
constat. Par ailleurs, le nombre de Dbl est très élevé et
apparaît systématiquement en première réponse. Il
est corroboré par la présence de deux Gbl, également
données en premier lieu. Outre la signification symbolique que nous
leurs accordons et que nous évoquerons plus tard, nous stipulons qu'ils
témoignent d'un comportement d'opposition du sujet vis-à-vis de
la consigne donnée. Le F% est d'une valeur correcte et précise
les tentatives de maitrise des émotions sollicitées. Nonobstant,
il est associé à un F+% médiocre qui signale
l'échec de ce contrôle. Si nous ajoutons à l'ensemble de
ces facteurs la présence de trois kob, il nous semble pouvoir postuler
que le Moi de Fatiha est régulièrement submergé par sa
dynamique interne, et que ses fonctions d'adaptations sont alors
obstruées. Effectivement, il
semble que les fantasmes de ce sujet envahissent
l'ensemble de l'appareil psychique dès la moindre excitation
externe.
Par ailleurs, le registre conflictuel se montre
polymorphique. Le début du protocole marque la prégnance du
registre de la castration primaire. Dès la première
réponse, Fatiha insiste sur les lacunes intermaculaires et les
interprète comme << les yeux>>, ceci dans une
tonalité anxieuse manifeste (?Fclob, précipitation dans les
réponses). Or, Chabert affirme que ces Dbl à la planche I
réactivent effectivement une culpabilité primaire ou un
vécu d'ordre persécutif lorsqu'ils sont associés au
regard. Nous pouvons ajouter ici la thématique de dévoration
présente dans l'interprétation des autres Dbl comme <<
bouche >>. Fatiha réussit néanmoins à donné
par la suite deux autres réponses qui nous précisent que ces
angoisses sont relativement contenues ; elles sont de bonnes qualité
formelle et ne présentent pas de débordement fantasmatique. Par
contre, la planche II, autrement plus difficile à appréhender,
mobilise une image au dynamisme pulsionnel dominant, projetée
également dans la lacune centrale, mais qui peut être
appréhendée dans le contexte de la castration secondaire. La
perception d'un << avion de chasse >>, décrit par sa
<< pointe >>, désigne la sensibilité du sujet aux
aspects phalliques de la planche. Chabert nous dit qu'une telle réponse
renvoie généralement à la blessure imposée par la
reconnaissance de la différence des sexes et par le sentiment
d'impuissance dans la situation oedipienne, en même temps qu'elle rend
compte de la lutte pour éviter la confrontation anxiogène.
L'insistance de la puissance suggérée par la
représentation phallique et le remplissage du Dbl par cette même
représentation, évoquant quant à lui la sexualité
féminine, nous permettre d'inférer que celle-ci s'inscrit dans un
déni des aspects féminins du matériel. La confrontation
à la situation oedipienne apparaît désorganisante chez
Fatiha. Elle provoque, après la première appréhension que
nous venons d'analysé, l'apparition de fantasmes de destruction.
Effectivement, la seconde réponse, toujours perçues dans un Dbl,
est une anatomie osseuse de qualité formelle médiocre, et annonce
la remise en cause de l'intégrité corporelle. Il semble donc que
cette jeune femme ne puisse supporter la blessure imposée par l'oedipe,
celle-ci induisant une régression à un registre conflictuel
prégénital. Par ailleurs, cette problématique
s'étend également à la planche III, tout d'abord
appréhendée comme << squelette d'un crabe >> de
mauvaise qualité formelle également. Fatiha essaie ensuite de se
réfugier dans la perception d'une banalité (<< noeud
papillon >>). Cette réponse insinuant une caractéristique
vestimentaire, elle nous fait penser que l'appel à la
représentation humaine est reconnu. Néanmoins, l'absence de la
<< K H ban >> étaye le constat déjà
émis antérieurement stipulant l'incapacité de se
confronter à la situation oedipienne et la désorganisation
patente de la pensée qui en résulte. Les réactions de
Fatiha à
la planche IV témoignent d'un retour à
un fonctionnement plus adaptatif. La réponse « géant »
reprend l'aspect structurant d'un corps humain tout en reconnaissant le
caractère de puissance suggéré par le matériel.
Nous y voyons certes quelques manifestations d'angoisse (Une seule
réponse en Fclob), mais celle-ci reste contrôlée et
s'inscrit davantage dans le contexte de castration secondaire. En effet,
l'image paternelle est reconnue ; elle peut être abordée de
manière plus élaborée grâce à la mise en
place de mécanismes de défense plus efficaces. Ceci dit, le choc
de la planche V révèle toute l'intensité de l'angoisse qui
est restée contenue à la planche IV. Il semble donc que l'image
paternelle oedipienne ait malgré tout été
traumatique.
D'autre part, le protocole de Fatiha se
caractérise aussi par l'absence quasi-totale d'identifications
féminines. Nous avons évoqué le déni des
caractéristiques féminines de la planche II. Cette jeune femme
répète ce comportement face à la planche VII dont
l'implication symbolique est nettement féminine/maternelle. Tout
d'abord, nous remarquons que la confrontation à ce stimulus provoque
massivement de l'angoisse. Fatiha fait ici une tendance au choc et donne une
seule réponse de mauvaise qualité formelle qui comprend la lacune
centrale. La réponse montre une négation de la sollicitation
symbolique de cette planche. Notre patiente hésite entre deux
perceptions très proches, l'une tenant plutôt d'une
représentation féminine, et l'autre d'une représentation
masculine : « une grenouille ou un crapaud ». De plus, Collado
soutient que des ressemblances entre la planche I, II, VII et IX
suggèrent des problèmes d'identification à l'image
maternelle. Or, nous observons que c'est aux planches I, II et VII que les
réponses du sujet comprennent les détails blancs. Celles-ci
peuvent ainsi être interprétées comme représentant
les carences de la relation à la mère et appelant ma mise en
place de mécanismes de déni pour combler ce manque. Nous nous
appuyons également sur les dires de Rausch De Traubenberg (citée
par Chabert) qui observe ce mode d'appréhension chez des sujets
insécures. Quant à la planche IX, nous pouvons la rapprocher de
la planche II de par l'émergence des mouvements pulsionnels agressifs
qu'elles induisent toutes les deux. On y retrouve l'expression de fantasmes de
destruction. L'appréhension de la planche VI déclenche elle aussi
la projection d'un mouvement pulsionnel qui s'inscrit dans une
persévération. De même qu'à la planche II, on
retrouve une représentation phallique associé à cette
force pulsionnelle ; une représentation sexuelle crue apparaît
à l'enquête dans la même localisation (« phallus ou
pénis »). Cette réponse est accompagnée d'un
refoulement de la partie féminine du stimulus. L'accent est donc
fortement porté sur la position active associée aux
identifications masculines. Fatiha se montre d'ailleurs anxieuse face à
cette planche ; le temps de latence est relativement long et elle ne
donne
qu'une seule réponse comprenant un estompage.
Enfin, la seule identification féminine apparaît dans un contexte
particulier. Il s'agit de la réponse que nous donne le sujet lorsque
nous avons menée l'enquête aux limites planche III. Nonobstant, Il
nous semble difficile de parler d'une réelle identification étant
donné son aspect purement physique. L'utilisation des termes <<
corps de femme >>, soutenus par une description << technique
>> évoque une identification corporelle de base et un rejet de
l'empreinte psychique de la féminité. L'ensemble de ces facteurs
indiquent donc que la différence des sexes est acquise, mais qu'elle
constitue la problématique centrale de Fatiha face à laquelle
elle doit recourir à des défenses archaïques.
Force est de constater que les failles fondamentales
du développement psychosexuel de cette jeune femme perturbent ses
relations sociales. Seule la planche VIII est appréhendée en
configuration bilatérale. Cette réponse a probablement
été encouragée par l'apparition de la couleur et la
banalité, témoignant quand bien même du minimum de
réceptivité aux sollicitations externes. A l'inverse des planches
où nous avons pu observer le débordement de la vie fantasmatique,
les perceptions ont ici un caractère très factuel. La couleur est
peu prise en compte, et la réponse incluant ce déterminant est
partiellement refoulée à l'enquête. Ces réactions
semblent attester d'une adaptation de façade à la
réalité socio-affective. L'ambivalence relationnelle de Fatiha se
dévoile aussi dans le transfert qu'elle fait sur le testeur et
l'épreuve. Nous remarquons en effet que la première
réponse du protocole associe un contenu masque à une sensation
dysphorique. Elle marque donc clairement l'anxiété du sujet qui
résulte de la situation nouvelle et de la confrontation à
nous-mêmes. Nous avons d'ailleurs déjà évoqué
que cette réponse révélait un vécu d'ordre
persécutif. Par contre, nous pouvons saisir la tonalité
dépressive qui transparait à travers la réponse <<
iles >> à la planche X, montrant d'après Schafer
(citée par Collado) comment le sujet sort du transfert.
A l'issue de cette analyse, nous discernons que le
registre conflictuel de Fatiha se situe à un niveau globalement
prégénital. Sa vie fantasmatique désorganise
régulièrement le Moi, qui met en place à plusieurs
reprises des mécanismes de défense archaïques. Par ailleurs,
lorsque les sollicitations sont moins intenses, elle dispose de
mécanismes de défense plus adaptatifs. En conséquence,
l'alternance entre les débordements pulsionnels et fantasmatiques et le
maintien d'une certaine adaptation à la réalité, la
représentation de soi d'un niveau globalement intermédiaire,
ainsi que le caractère polymorphe des défenses et des
problématiques, rendent compte d'un fonctionnement limite. De plus, il
nous parait intéressant de citer Rausch De Traubenberg qui affirme que
le TRI coartatif correspond à un mode de fonctionnement psychique
vulnérable, chez des sujets peu tolérants dans les
situations de stress en raison de la rigidité de
leurs mécanismes de défense. L'ensemble de ces signes nous
amènent donc à valider l'hypothèse de la
vulnérabilité psychologique de Fatiha.
7/ Analyse normative
Après une l'analyse singulière de
chaque protocole de notre recherche, il nous parait intéressant
d'observer si l'on retrouve des variations communes à l'ensemble des
psychogrammes de nos participantes.
a) Résultats
Tableau 1 : Comparaison des valeurs moyennes des sujets
aux normes du test de Rorschach
|
Facteur
|
Valeur moyenne
|
Ecart-type
|
Norme
|
Ecart à la norme
|
Modes d'appréhension
|
G%
|
48,9
|
16,52
|
20-30%
|
très supérieur
|
|
D%
|
44
|
13,68
|
60%
|
très inférieur
|
|
Dd%
|
2,9
|
4,48
|
6-10%
|
inférieur
|
|
Dbl%
|
4,2
|
4,99
|
3%
|
limite supérieur
|
Déterminants
|
F%
|
48,8
|
8,05
|
50-60%
|
limite inférieur
|
|
F+%
|
79,3
|
11,86
|
80-90%
|
limite inférieur
|
|
K
|
0,84
|
0,63
|
5-7
|
très inférieur
|
|
RC%
|
35,2
|
3,83
|
30-40%
|
-
|
Contenus
|
A%
|
40,1
|
11,14
|
35-50%
|
-
|
|
H%
|
20,1
|
8,50
|
15-20%
|
limite supérieur
|
Nombre de réponses
|
R
|
15,7
|
3,67
|
25-30
|
inférieur
|
facteurs additionnels
|
ban%
|
28,8
|
7,05
|
16%
|
supérieur
|
|
ang%
|
15,1
|
11,89
|
< 12%
|
supérieur
|
|
On peut d'or et déjà remarqué que
la population de cette recherche s'écarte souvent des normes
françaises puisque sur treize facteurs essentiels du psychogramme, il
n'y a que le RC% et le A% qui s'incluent précisément dans la
norme. D'autre part, le Dbl%, le F%, le
F+% et le H% sont très proches de la norme.
Néanmoins, les résultats de cette analyse devront être
appréhendés avec prudence, étant donné que
l'analyse statistique inférentielle ne révèle qu'une seule
valeur significative : le K (cf. annexe 6).
Tableau 2 : Distribution des 6 sujets par rapport aux
normes au test de Rorschach
Facteur
|
< norme
|
norme
|
> norme
|
G%
|
0
|
1
|
5
|
D%
|
5
|
1
|
0
|
Dd%
|
4
|
2
|
0
|
Dbl%
|
3
|
0
|
3
|
F%
|
3
|
3
|
0
|
F+%
|
3
|
3
|
0
|
K
|
6
|
0
|
0
|
RC%
|
1
|
5
|
0
|
A%
|
2
|
3
|
1
|
H%
|
2
|
2
|
2
|
R
|
6
|
0
|
0
|
Ban%
|
0
|
0
|
6
|
Ang%
|
-
|
4
|
2
|
|
Nonobstant, le tableau 2 met donc en évidence
dix facteurs pour lesquels plus de la moitié des sujets
s'écartent de la norme, dans un sens ou dans l'autre. On remarque
particulièrement que tous les sujets ont un ban % supérieur
à la norme, et un K et un nombre de réponses total
inférieur à la norme. Par la suite, cinq sujets sur six ont un D%
inférieur à la norme, puis un G% supérieur à la
norme ; quatre sujets sur six ont un Dd% inférieur à la
norme.
b) Hypothèses
d'interprétation
· Le facteur K, d'après Chabert (1983)
est le plus signifiant dans l'approche de la représentation de soi. Ils
reposent la question de la construction de la personne en relation avec son
environnement objectal. En outre, ils représentent les capacités
identificatoires, intellectuelles, imaginatives et de conscience de la vie
intérieure. Le nombre de K très bas nous permet de supposer que
l'ensemble de nos sujets présentent un défaut dans
l'intégration de la représentation de soi, ainsi qu'un
désinvestissement de la vie intérieure et
imaginative.
· Le nombre de réponses total,
inférieur à la norme pour toutes les participantes
également, peut indiquer une attitude d'inhibition ou un refus
d'engagement.
· Le ban% parait élevé
seulement en rapport au nombre de réponses total faible. D'après
Collado, il marque la conformité au groupe social. Nous pensons qu'il
est préférable de ne pas émettre d'hypothèse sur ce
facteur puisque si nous le considérons dans sa valeur numérique,
il se situe dans les normes.
· Le G% élevé associé au D%
faible pour 5 de nos testées peut être compris davantage comme
l'indice d'une approche superficielle de la tâche plutôt que comme
capacités imaginative étant donné le peu de K auxquels il
se rapporte. Il s'agirait alors d'une défense face à une
implication personnelle ressentie comme dangereuse.
· Le Dd% faible pour 4 sujets soutien
l'hypothèse émise ci-dessus pour les modes d'appréhension
selon laquelle l'approche du matériel reste superficielle.
· Selon Collado, le F% est un indice
d'adaptation et de contrôle de l'affectivité. Or, la moitié
de ces jeunes femmes ont un F% bas, ce qui montrait une propension assez
importante de notre population à se laisser déborder par les
affects.
· Toujours selon Collado, Le F+% bas, qui
concerne également la moitié des sujets, serait un indice de
difficultés importantes d'adaptation à l'environnement. Il peut
également être compris comme un signe de faiblesse du Moi ou
d'inhibition.
Nous avons tenté de cerner les principales
caractéristiques communes de la population de notre étude.
Effectivement, il semble que le contexte biculturel propre à notre
population induise des variations communes à l'ensemble de nos sujets
par rapport aux normes admises pour plusieurs facteurs. A l'inverse, d'autres
facteurs ne paraissent pas influencés par la variable
indépendante puisqu'ils présentent des écarts disparates
aux normes du test de Rorschach. Ainsi, nous observons des
caractéristiques communes doublées des signes de la
singularité de chacune de ces jeunes femmes. C'est pourquoi il est
indispensable de mettre en relations ces résultats avec l'analyse des
protocoles de chacune de nos participantes.
|