PARTIE METHODOLOGIQUE
I/ PROTOCOLE EXPERIMENTAL
1/ Caractéristiques des
participants
Six jeunes femmes d'origine maghrébine ont
participé à l'étude. Effectivement, en regard des
différences culturelles propres au statut de la femme, nous avons choisi
ouvertement d'effectuer notre recherche sur des sujets de sexe féminin.
En outre, afin d'uniformiser les facteurs culturels, nous nous sommes
centrés sur l'origine exclusivement Maghrébine des participantes.
Le Maghreb parait en effet véhiculer des valeurs culturelles
relativement homogènes, puisque basées sur les principes de
l'Islam. D'après le recueil d'informations qui a succédé
la passation du test de Rorschach (Cf. annexe 1), quatre jeunes femmes sont
d'origine Marocaine et deux sont d'origine Algérienne. Au moment de la
passation du test, elles étaient âgées de 23 à 32
ans (âge moyen = 27 ans). Toutes exercent une activité
salariée et vivent hors du foyer parental ; aucune d'entres elles n'a
d'enfant. Quatre d'entre elles sont nées en France ; deux jeunes femmes
sont nées au Maroc, mais sont arrivées enfants en France (2 ans
1/2 et 8 ans). Toutes les participantes ont donc été
éduquées et scolarisées en France. Par contre, tous leurs
parents sont nés au Maghreb pour rejoindre la France entre 1960 et 1984.
A l'exception de l'une d'entres elles, les participantes sont de religion
Musulmane, pratiquante ou non.
2/ Matériel utilisé : le test de
Rorschach
En 1920, Hermann Rorschach, médecin psychiatre,
créa un test composé de taches d'encre qui permet
d'établir un diagnostic psychologique de la personnalité. Ce test
présente un matériel peu défini, que le sujet structure en
fonction de sa personnalité ; la projection est donc le mécanisme
clé de cette tâche. Ainsi, les réponses données par
le sujet correspondent à des « perceptions sensorielles
complétées subjectivement »49. C'est sur cette
base que Rorschach, en se référant à la théorie
psychanalytique, repère des significations manifestes
49 Rausch De Traubenberg, N.
(1970). La pratique du rorschach. Paris : P.U.F
(2006).p. 7.
issues des perceptions du sujet, mais également
des significations latentes auxquelles renvoient ces perceptions. Depuis,
nombre d'auteurs ont poursuivi l'exploration de ce test en fonction des
courants théoriques auxquels ils appartiennent.
On ne peut que souligner la richesse des
renseignements recueillis par ce test. Loosli-Usteri (1969) estime qu'il met en
jeu « toute la personnalité, avec ses qualités et ses
faiblesses, ses complexes et ses compensations, ses aspirations et ses
échecs, ses motifs secrets et ses réalisations
>>50. Chabert (1983) propose une investigation psychanalytique
du test de Rorschach, en se basant sur le modèle de l'appareil psychique
élaboré par Freud. Elle nous ouvre dès lors sur une
interprétation qui admet « la résonance fantasmatique et la
réactivation de contenus latents se réclamant de registre
conflictuels divers [...] relevant du développement libidinal
>>51. Chaque facteur est ainsi étudié dans une
perspective dynamique, révélant sa pluralité de
sens.
Cependant, la richesse du test de Rorschach oblige
à une interprétation fine et complexe du matériel offert
par le sujet. Le clinicien faisant appel à cette méthode se livre
à son « sens clinique >> par un travail associatif dans
lequel la subjectivité intervient nécessairement, mais doit aussi
s'appuyer sur les données quantitatives du psychogramme. Cette
démarche doit constituer la première étape d'analyse, et
« l'interprétation du psychogramme procède
généralement par quatre phases successives : l'intelligence,
l'affectivité, les points vulnérables, la synthèse de la
personnalité >>52. Les données du psychogramme
sont étudiées en référence à des normes
statistiques révisées régulièrement. L'analyse du
psychogramme, outre les renseignements qu'elle nous donne, constitue la
meilleure garantie contre les projections propres au clinicien. En effet,
Collado (2007-2008) affirme que c'est la rigueur de cette étape qui
fournit une certaine objectivité dans les conclusions du test,
élevant ainsi le Rorschach au-dessus des autres épreuves de cette
nature. C'est à l'issue de cette étape seulement qu'il convient
de compléter celle-ci par une analyse dynamique et symbolique du
protocole.
Anzieu (1961) stipule que le test de Rorschach
provoque une régression profonde chez le sujet, et mobilise les
mécanismes de défense destinés à lutter contre
l'angoisse la plus primitive. C'est en ce sens que l'analyse dynamique du
protocole permet d'évaluer l'intensité de l'angoisse du sujet, sa
nature selon le registre conflictuel auquel elle se rattache, ainsi que les
moyens défensifs mis en oeuvre pour lutter contre cette
angoisse.
50 Loosli-Usteri, M. (1969).
Manuel pratique du test de Rorschach. Paris : Hermann
(1976). p. 141.
51 Chabert, C. (1983). Le
Rorschach en clinique adulte. Interprétation psychanalytique. Paris :
Dunod (1997). p. 3.
52 Anzieu, D. (1961).
Les méthodes projectives. Paris : P.U.F
(1976).p. 103.
Rausch De Traubenberg et Sanglade, quant à eux,
se sont centrés sur l'étude de la représentation de soi au
Rorschach, et nous indiquent que << les réponses concentrent sur
elles tout autant l'investissement narcissique que l'investissement d'autrui et
en sont les révélateurs »53. Ils ajoutent qu'une
analyse profonde permet de situer le stade atteint par le sujet dans la
recherche de lui-même.
C'est donc par cet aspect pluridimensionnel que le test
de Rorschach se présente comme un instrument adéquat pour notre
recherche.
3/ Procédure
a) Le recrutement des sujets
Notre démarche pour trouver les participants
à notre recherche fut tout d'abord guidée par le principe de non
connaissance des sujets. Il nous a semblé que cela était
essentiel pour limiter les biais d'interprétation des résultats
en nous restreignant aux données récoltées lors de la
rencontre dans le cadre de notre étude. En effet, nous avons ainsi pu
nous appuyer sur les seuls critères que nous avons choisi pour l'analyse
des protocoles de Rorschach, évitant par là même d'y
entremêler des manifestations trop subjectives qui auraient
été induites par une relation préexistante ente le testeur
et les testés.
Nous avons donc commencé par poser des annonces
indiquant les caractéristiques principales des sujets recherchés
dans le cadre de notre recherche de master 1 en psychologie (Cf. annexe 2).
Néanmoins, il s'est avéré que ce moyen n'a pas
porté ces fruits puisqu'une seule de nos participantes a
été recrutée de cette manière. Outre le fait que
les termes << recherche en psychologie » puissent avoir un
caractère << inquiétant » pour une grande partie de la
population, nous avons envisagé après-coup que les personnes
répondant à cette annonce fussent en réalité
susceptibles d'avoir une demande particulière d'aide sous-jacente
à leur volontariat, demande à laquelle nous ne pouvions
répondre. Ainsi le sujet n° 4, rencontré dans le cadre de
cette démarche, a subit un traumatisme (qui a donné lieu à
un suivi psychiatrique encore d'actualité lors de notre rencontre), et
qui a semblé motiver, au moins en partie, sa participation. Par la
suite, nous avons donc été mis en contact avec les participants
par connaissances ou des amis.
Le premier contact fut établit par
téléphone. Les sujets étaient alors informés de la
nature de la tâche (passation d'un test projectif) et de la
durée approximative de la rencontre. L'objet
53 Rausch De Traubenberg, N.
Sanglade, A. (1984). Représentation de soi et relation d'objet au
Rorschach. Grille de représentation de soi. Revue de
Psychologie Appliquée, vol. 34, 1, pp. 41-57.
précis de l'étude ne fut cependant pas
dévoilé afin de ne pas influencer l'attitude des participants
lors de la rencontre. Nous prîmes soin d'évoquer les règles
déontologiques auxquelles s'est soumise la recherche, notamment du
respect de l'anonymat, du caractère éclairé de leur
consentement, et de la possibilité de se retirer du protocole de
recherche à tout moment. Il leur fut également
précisé que leur participation était non lucrative et
qu'il n'y aurait pas de restitution complète des résultats.
Enfin, après accord des participants, il fut convenu d'un rendez-vous
pour cette rencontre.
b) Le déroulement des
rencontres
Les rencontres ont eu lieu dans un cadre neutre afin
d'éviter la présence de stimuli externes pouvant interagir dans
l'appréhension de la tâche. Elles se déroulèrent
l'après-midi, au sein de l'Université Toulouse le Mirail, dans
les salles se situant au niveau du parc du château. L'ambiance y
était relativement calme et la luminosité assez satisfaisante
pour ne pas utiliser de lumière artificielle.
Un temps d'accueil était réservé
afin de mettre à l'aise le sujet, d'expliquer la situation et de
réduire l'inquiétude due à la rencontre. Le participant
installé, il lui fut rappelé les principes évoqués
lors de l'entretien téléphonique, puis nous lui demandâmes
de compléter et de signer l'accord écrit de participation
à la recherche (Cf. annexe 3). Nous nous assurâmes
également de l'absence de problème de vue.
Une fois la situation établie, nous
débutions la passation du test de Rorschach. Prenant note des conseils
de Rausch De Traubenberg (1970), le testeur se plaça sur la gauche du
sujet afin d'éviter une possible anxiété provoquée
par la position de face à face, celle-ci pouvant être
perçue comme une véritable « situation d'examen et sous une
surveillance impérieuse »54. La consigne utilisée
fut la même pour tous les participants et formulée de
manière impersonnelle et peu précise, laissant ainsi libre cours
à l'interprétation personnelle du sujet de la tâche. La
consigne donnée fut donc : « Je vais vous montrer des
planches qui ne représentent rien et vous pourrez me dire tout ce
à quoi cela pourrait vous faire penser ».
La passation du test s'est ensuite
déroulée en deux temps, comme le préconise l'usage en
France, le premier destiné à la passation proprement dite, et le
second réservé pour l'enquête. Après la passation,
un temps de parole était proposé dans un cadre moins formel,
où le sujet était invité à formuler ses questions
et à parler de son ressenti quant à cette expérience ;
nous espérions ainsi réduire les hypothétiques
bouleversements provoqués par la situation. A la fin
54 Rausch De Traubenberg, N.
(1970). La pratique du rorschach. Paris : P.U.F
(2006).p. 12.
de ce temps, nous avons recueilli quelques informations
qui nous ont permis de mieux cibler les caractéristiques propres
à chaque sujet.
Enfin, nous avons veillé à remercier le
participant pour sa contribution, et à lui préciser que nous
restions à sa disposition pour d'éventuelles questions
tardives.
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