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La vulnérabilité psychologique des jeunes femmes en situation de double contexte culturel

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par Camille PATRY
Université de Toulouse le Mirail - Master 1 psychologie 2009
  

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PARTIE THEORIQUE

I/ LA CULTURE ET L'INDIVIDU

1/ La culture : un essai de définition

Il n'existe pas d'homme sans culture. Il est donc nécessaire d'appréhender le concept de culture, qui reste cependant complexe. Dans l'avenir d'une illusion (1927), Freud considère la culture comme ce qui distingue l'homme de l'animal ; et déjà bien avant, en conclusion de Totem et Tabou (1913), il rapprochait l'histoire des différentes cultures de l'évolution de leurs réalisations artistiques, sociales, morales et religieuses. Effectivement, si l'on se réfère au dictionnaire, le sens commun donné est : << ensemble des structures sociales et des manifestations artistiques, religieuses, intellectuelles qui définissent un groupe, une société par rapport à une autre »2.

En se recentrant sur une conception plus psychologique, nous constatons que de nombreux auteurs ont cherché à déterminer les modalités d'inscription de la culture dans la structuration de la personnalité. Lacan (1966), dans Ecrits, envisage la culture comme s'inscrivant au plus profond du sujet, dans la structure même du discours. Il précise que pour l'enfant, un mot puise sa signification profonde dans ses rôles immédiats, l'un d'intégration au réel du quotidien et à la culture adoptée par les parents, et l'autre vécu d'une réalité intérieure se rattachant à une culture idéale qui passe dans l'imaginaire. Force est alors de constater que la culture s'inscrit à de multiples niveaux qui rendent compte du vécu individuel de celle-ci. Elle est un lien entre la réalité psychique et l'environnement de l'individu.

Winnicott (1975) a conceptualisé le lieu où se créer ce lien comme une troisième aire, celle de << l'expérience culturelle » : << Si cette aire doit être considérée comme une part de l'organisation du moi, c'est là une part du moi qui n'est pas un moi-corps, qui n'est pas fondée sur le modèle d'un fonctionnement du corps, mais sur les expériences du corps » 3. Il précise que l'expérience culturelle prend tout son sens sous le terme freudien de << sublimation ». Nous ne connaissons de meilleur exemple de sublimation que l'art. Freud

2 Le Petit Larousse Illustré (1992).

3 Winnicott, D.W. (1971). Jeu et réalité. Paris : Gallimard (1975). (p140).

note à ce sujet : << l'art accomplit par un moyen particulier une réconciliation des deux principes (principe de réalité et principe de plaisir) »4. Ainsi nous comprenons davantage que Ben Slama (1983) nomme << processus tertiaires » les fonctions psychiques à l'oeuvre dans la culture, qui dès lors réconcilieraient les processus primaires et les processus secondaires.

Or, une dimension du non-moi se joue également dans ces processus. La culture recouvre un univers de significations utilisées par les membres d'un groupe ; elles permettent notamment l'établissement d'un code commun de compréhensions et de réactions au monde que nous pouvons désigner comme le cadre culturel, formation relativement immuable dans un espace culturel donné.

Kaës (1998) précise que << la culture soutient le processus de la structuration en introduisant le sujet à l'ordre de la différence, spécialement dans les rapports décisifs des sexes et des générations, à l'ordre de la langue et à l'ordre de la nomination, c'est-à-dire au système de désignation du sujet dans sa place dans une généalogie, dans sa position sexuée, dans son affiliation sociale et culturelle »5.

2/ Culture et psychisme

De nos jours, les médias, à l'instar des enjeux de l'intégration des populations d'origines biculturelles à la société d'accueil, dévoilent fort bien l'affrontement des spécialistes de la psychologie interculturelle au sujet des particularités culturelles propres à chacun et des principes d'universalité du psychisme humain.

a) L'universalisme

Nombre de cliniciens s'en tiennent à l'universalité des processus psychiques. Freud (1913) affirme dans Totem et Tabou l'existence d'une structure psychique commune à tous les êtres humains quels que soient leur appartenance et leur cadre culturel. Il induit ainsi que l'inconscient est un invariant culturel. Cette thèse repose sur le constat que les conditions psychologiques de la naissance et du développement de tout individu sont analogues partout, et de ce fait, peu soumises aux facteurs culturels. Freud reconnaît le rôle primordial et universel de la sexualité infantile. C'est autour du modèle oedipien (que Freud entend

4 Freud, S. (1911). Formulation sur les deux principes du cours des événements psychiques. Psychanalyse à l'Université, 14, 1979. (p 194).

5 Kaës, R. (1998). Différence culturelle, souffrance de la langue et travail de préconscient dans deux dispositifs de groupe. In : R, Kaës et al. (Ed), Différence culturelle et souffrances de l'identité (pp. 45-87). Paris : Dunod. (p. 46).

retrouver dans toutes les cultures) et aussi de l'angoisse de castration et du refoulement (qui découlent de cet oedipe universel), que l'on voit s'articuler la démarche freudienne. Ainsi chaque culture se voit soumise pour une certaine part, aux mêmes principes que ceux qui règlent l'évolution adaptative ou les aléas morbides d'une individualité, principes qui obéissent aux lois communes organisant l'imaginaire des collectivités.

Pour les auteurs s'inscrivant dans ce courant, ces principes prévalent sur les facteurs culturels dans l'organisation psychique humaine. Mais cette position universaliste va cependant être contestée à partir des années 1920-1930.

b) Le culturalisme

A l'inverse, certains auteurs optent pour la prévalence des particularités culturelles. Ce courant s'appuie notamment sur les travaux de M. Mead (1963) qui concluent que la culture et l'éducation d'une société structurent la personnalité d'une manière indélébile.

Kardinier (1969) développe alors le concept de « personnalité de base >>, comme « la configuration psychologique particulière propre aux membres d'une société donnée >>6. L'approche culturaliste a mis en évidence que l'on ne peut négliger l'importance des spécificités culturelles sur le développement des systèmes de pensée. En effet, des instances psychiques se trouvant plus en contact avec le social, subissent nécessairement des influences différentes selon la culture originaire du sujet, notamment le surmoi dans l'origine duquel Freud souligne l'empreinte des figures parentales et de la morale ambiante.

Néanmoins, force est de constater que l'on ne peut réduire la personnalité à un ensemble de traits attribués au sujet en tant que caractéristiques de sa culture, dans une vision descriptive et statique.

c) L'approche complémentariste

Devereux (1970), fondateur de cette approche, récuse l'isomorphisme simplificateur qui veut réduire le sujet à sa seule composante culturelle et inversement. « Historiquement, la culture et l'esprit humain sont des coémergents et se présupposent réciproquement >>7.Par conséquent, l'être humain se structure en interaction avec son système culturel d'appartenance. L'originalité de son oeuvre a sans doute été d'ouvrir la réflexion sur la part

6 Kardinier, P. (1969). L'individu dans la société. Paris : Gallimard. (p. 336).

7 Devereux, G. (1970). Essais d'ethnopsychiatrie générale. Paris : Gallimard. (p. 371).

inconsciente de la culture, qui recouvrerait à la fois un système standardisé de défenses, un code symbolique commun et le support des représentations et des identifications collectives. Il fait ainsi la différence entre deux types d'inconscients : l'inconscient individuel propre au sujet et à son historicité, et l'inconscient ethnique que chacun possède en commun avec les membres de sa culture. Il pose donc l'étroite interrelation entre individualité et culture.

Nombres d'auteurs le succédant s'inscrivent dans ce courant ethnopsychanalytique où les conflits inconscients, désirs de se réaliser, fantasmes archaïques se retrouvent chez tous, mais empruntent des formes singulières en fonction de la culture du sujet. En effet, pour Moro et Revah-Levy (1998), « les cultures, comme les langues, sont plurielles. Elles ne constituent pas des essences séparées mais des formes d'expression différentes d'un universel que l'on ne peut décrire, jusqu'à maintenant, que par approximations >>8.

Nous pouvons donc dire que ces auteurs penchent pour une conception dynamique entre culture et psychisme, où ces entités sont en interaction réciproque constante.

3/ Le double contexte culturel

La précédente explication des rapports entre l'individu et la culture nous permet de nous interroger quant aux processus mis en jeu pour les sujets évoluant dans un contexte biculturel.

a) « L'entre-deux » cultures :

Les jeunes d'origine Maghrébine qui ont grandi en France sont effectivement en situation de double référence culturelle. Ils se distinguent en cela par une position que Siboni (1991) dénomme l'entre-deux et qu'il définit « comme une forme de coupure-lien entre deux termes...Entre deux cultures c'est encore plus évident : de telles entités ne viennent pas se recoller ou s'opposer le long d'un trait, d'une frontière, d'un bord où deux traces viennent s'aligner pour accomplir le long du trait qui les sépare. Au contraire, il s'agit d'un vaste espace où recollement et intégration doivent être souples, mobiles, riches de jeux différentiels. C'est l'espace d'entre-deux qui s'impose comme lieu d'accueil des différences qui se rejouent>>. 9

8 Moro, M.R., Revah-Levy, A. (1998).Soi-même dans l'exil. In : R, Kaës et al. (Ed), Différence culturelle et souffrances de l'identité (pp. 107-129). Paris : Dunod. (p. 111).

9 Siboni, D. (1991). Entre-deux, l'origine en partage. Paris : Seuil.( pp.10-11).

Nous avons choisi d'adopter la position de cet auteur sur le lieu où va se jouer la double appartenance culturelle des enfants de migrants. Cependant, il paraît nécessaire de comprendre comment chaque modèle culturel intervient dans la structuration du sujet afin d'entrevoir la complexité des processus psychiques propre à cet entre-deux.

b) La filiation

Il est inconcevable de nier le rôle parental dans la transmission de la culture. L'enfant dans sa détresse originelle, reçoit à travers la relation primordiale avec la figure maternelle, tout un système de significations qui varie d'une culture à l'autre. En effet, au cours des premiers mois, la mère aménage le monde de l'enfant à sa manière ; elle l'ouvrira progressivement et << à petite dose », de par la fonction d'object-présentering définit par Winnicott (1957). << La mère partage avec son petit enfant un morceau à part du monde, le gardant suffisamment petit pour que l'enfant ne soit pas dans la confusion, l'agrandissant très progressivement afin de satisfaire la capacité grandissante de l'enfant à jouir du monde »10. Or, la mère appréhende le monde selon des catégories déterminées par un codage culturel. Par conséquent, les parents vont véhiculer de manière consciente ou non des significations culturelles. La libidinisation du corps, l'éducation sexuelle, tout comme les repères identificatoires sont marqués par les idéaux et les interdits culturels.

Les recherches portant sur la question de la bi-culturalité nous apprennent que les jeunes de la deuxième génération restent imprégnés par la culture d'origine. Ils portent des marqueurs identitaires appartenant à la culture de la mère, du père et de l'affectivité. Les liens émotionnels avec la culture d'origine sont tenaces, et l'appartenance culturelle de la famille constitue un pôle de structuration important et qui reste efficient malgré l'acculturation. Néanmoins, nous admettrons qu'elle ne résume pas l'identité du sujet.

c) L'affiliation

Les enfants d'immigrés se développent depuis leur petite enfance dans l'environnement Français. Nous savons que le rôle de socialisation des parents est très vite relayé, entre autres par différentes institutions. En effet, quelque soit le statut légal des parents, les enfants vont à l'école et sont donc élevés dans le cadre du système d'éducation Français. De Carmoy (1993) nous affirme que << le code scolaire est chargé symboliquement des significations culturelles qu'il faut pouvoir manier si l'on veut s'adapter à la société

10 Winnicott, D.W. (1957). Le monde à petite dose. In : L'enfant et sa famille. Paris : Payot (1979). (p.75).

d'accueil »11. Par la lecture et l'écriture notamment, ils vont donc s'inscrire dans les logiques du monde français.

C'est sans compter les réseaux relationnels que ces enfants vont se créer. Nous pouvons par conséquent stipuler que par les jeux d'échanges et d'identifications aux pairs, ils vont intégrer des modèles culturels français. De plus, Vinsonneau et Camilleri (1987) nous indiquent que ceux-ci « exercent un puissant attrait sur les jeunes car ils procèdent d'un groupe majoritaire en position de pouvoir donc assurés du prestige intrinsèque ; ils sont sanctionnés positivement de façon constante, dans la mesure où les comportements qui y obéissent sont adaptatifs et efficaces »12.

Dès lors, nous remarquons que les valeurs issues de la culture d'origine et celles de la culture française ne cessent de se rencontrer dans un enchevêtrement dynamique.

d) Les possibilités d'aménagement

Il nous semble tout d'abord intéressant de souligner qu'entre la culture Française et la culture Maghrébine, la différence des valeurs véhiculées est importante compte tenu de l'éloignement des modes de vies, des principes religieux etc. En continuant de nous appuyer sur la notion d'entre-deux, nous nous sommes donc interrogés sur le jeu de ces différences entre les deux modèles culturels en présence dans ce lieu.

- L'intégration des cultures

Différentes recherches sur la problématique identitaire des enfants de migrants montrent que les systèmes culturels vont s'interpénétrer pour structurer l'identité de l'individu. Clanet (1990) conçoit le système identitaire comme une entité plurielle qui intègre diverses identifications puisées dans le milieu familial et extra-familial. Il parle alors d'un « pluralisme cohérent » dans la mesure où le sujet peut mobiliser des mécanismes de défenses et d'adaptation pour dépasser les conflits intrapsychiques et interpersonnels. Pigott (1993) assure, quant à lui, qu'un enfant peut parfaitement intégrer plusieurs langues sans pour cela qu'il soit contraint au refoulement d'une partie de lui-même ou que l'on craigne un clivage. De plus, Fdhil (1999) affirme qu'il est infondé de parler d'incohérence culturelle dans la mesure où ces enfants de migrants ont la possibilité d'orienter les relations entre deux cultures

11 De Carmoy, R. (1993). Entre intégration et rupture : les adolescentes musulmanes à la recherche de leur identité. Neuropsychiatrie de l'Enfance, 41, pp. 637-643.

12 Vinsonneau, G. et Camilleri, C. (1987). Pour une approche en psychologie culturelle : contribution à l'étude de la dynamique identitaire du jeune immigré en France. Neuropsychiatrie de l'Enfance, 35, pp. 475-483.

vers l'interaction : << la contradiction entre les cultures n'exclue pas, selon nous, la survie communicative, même si les rapports de force sont inégaux >>13. Son étude démontre que la situation << d'entre-deux >> cultures peut représenter un facteur de richesse pour la construction identitaire du sujet, et que l'identification à un double modèle culturel permet la construction d'une image de soi valorisée. L'arrangement de cet espace entre culture d'origine et culture d'accueil aboutirait dès lors à ce qu'il nomme le << modèle culturel intégrateur >>.

- Le rôle de l'environnement

Plusieurs auteurs s'accordent donc pour affirmer que la double appartenance culturelle peut faire émerger un processus dynamique enrichissant et source de créativité. Cependant, nombre d'entre eux évoquent le rôle de l'environnement, notamment de l'environnement familial, dans ce brassage dynamique des cultures. En s'appuyant sur des travaux psychanalytiques, Bergeret (1993) précise cette idée : << Au registre manifeste, l'accès à une universalité de bon aloi serait perçu comme succédant aux refoulements des données archaïques originales. Mais au registre latent, pour parvenir à une élaboration transculturelle positive du retour du refoulé, il apparaît nécessaire, ne serait-ce que pour être en mesure d'en refouler les représentations les plus gênantes, de posséder préalablement une idée solidement ancrée de la valeur de notre culture particulière d'origine >>14. Il s'agit bien pour ces personnes de s'inscrire dans le monde d'ici en s'appuyant sur le monde d'origine des parents. Alors, il est forcément question de l'intrication entre filiation et affiliation, et il faut concilier leurs transmissions conscientes et inconscientes. Ceci en sachant que la qualité de la transmission externe dépend de la qualité de la transmission interne (parents-enfant). Moro (2004), quant à elle, a effectué une étude auprès de la population d'enfants de migrants qui réussissent bien à l'école. Elle met ainsi en évidence trois facteurs positifs dont bénéficie cette population. << L'enfant bénéficie d'un milieu suffisamment sécure et riche en stimulations de toutes sortes ; l'enfant trouve dans l'environnement des adultes qui lui servent d'initiateurs dans le nouveau monde ; l'enfant est doué de capacité personnelles singulières et d'une estime de soi importante >>15.

13 Fdhil, A. (1999). Biculturalisme, scolarité et image de soi. Bulletin de psychologie, 443, pp. 577-580.

14 Bergeret, J. (1993). Psychanalyse et universalité culturelle. Revue Française de Psychanalyse, LVII, 3, pp. 809-839.

15 Moro, M.R. (2004). Psychothérapie transculturelle de l'enfant et de l'adolescent. Paris : Dunod (p.93).

Nous pouvons donc affirmer que cet « entre-deux >> cultures peut se révéler comme un lieu propice à la vie créative, qui rend compte de la potentialité du sujet d'inventer de nouvelles formes de vie à partir de ces expériences culturelles.

Cependant, l'intrication constante des différents « matériaux >> qui s'y déposent est complexe. Et, comme nous Moro (2004) l'a précisé, plusieurs conditions doivent être réunies afin que les sujets issus de l'immigration puissent bénéficier de cette richesse identitaire. Schnapper (1991), Dans un travail sociologique sur l'intégration, a étudié la question de la destinée des enfants de migrants. Elle discerne alors le phénomène de « sursélection >> auquel ils sont soumis, et conclut à ce propos : « ceux qui le surmonte en tirent un bénéfice supplémentaire dans la logique de l'affirmation de soi et de la recherche de la distinction, mais le risque d'échec est statistiquement élevé pour ceux qui n'ont pas les mêmes atouts individuels et sociaux >>16. Qui plus est, l'actualité nous permet de constater la souffrance de nombreux jeunes adultes qui se sentent exclus en raison de leurs origines. Cela nous conduit donc à explorer le pourquoi des failles si souvent présentes dans cet espace « interculturel >>.

16 Schnapper, D. (1991). La France de l'intégration. Sociologie de la nation en 1990. Paris : PUF. (p.198).

II/ L'INTEGRATION CONFLICTUELLE DES MODELES CULTURELS

1/ Les transmissions défectueuses de l'environnement

a) Les figures de l'étrangetéMoro (2002), dans son ouvrage, fait part de l'expérience des consultations

transculturelles d'Avicenne qui nous montrent l'importance des actes racistes au quotidien, et leurs répercussions sur la clinique des enfants de migrants.

Pour définir le racisme, il est intéressant de se référer au sentiment d'inquiétante étrangeté théorisé par Freud (1919). On comprend alors que l'individu qui projette sur autrui ses propres fantasmes archaïques et qui s'en effraie en retour, est prototypique du phénomène de racisme. << Il se trouve que cet étrangement inquiétant est l'entrée de l'antique terre natale du petit d'homme, du lieu dans lequel il a séjourné une fois et d'abord >>17. Ainsi, l'un peut devenir un ensemble de projections de ce que l'autre refoule ou dénie de lui-même. On peut en déduire que le racisme apparaît comme une construction défensive contre ce moi étranger considérer négativement. Effectivement, la rencontre avec l'étranger menace le narcissisme identitaire : reconnaître que l'autre est fait de la même humanité que soi, partiellement inconnaissable. Le racisme reviendrait donc au refus narcissique de cette expérience. Apparaît alors ce que Kaës (1998) nomme les << représentations des cultures poubelles >>.

Vinsonneau et Camilleri (1987) proposent eux le terme d'<< identité prison >> pour définir << l'enfermement de l'autre dans une identité transformée en substance que constituent les stéréotypes négatifs >>18. Ils mettent en évidence que la catégorisation des individus selon leurs nationalités désignent une place occupée dans un rapport asymétrique de pouvoir, et agit à la fois dans la réalité objective et dans les subjectivités, au niveau des représentations.

C'est par ce cheminement que le racisme conduit à l'assujettissement idéologique de l'autre, et dans des cas extrêmes, à la négation de son existence. Dans les actes racistes, c'est l'estime de soi qui est attaquée, et le lien à l'autre dénié, ce qui mène à la perte de sécurité de soi. La peur de la différence culturelle qui est manifestée dans la société d'accueil induit des représentations dévalorisantes courantes, dont la culture d'origine des enfants de migrants est

17 Freud, S. (1919). L'inquiétante étrangeté et autres essais. Paris : Gallimard. (p. 252).

18 Vinsonneau, G. et Camilleri, C. (1987). Pour une approche en psychologie culturelle : contribution à l'étude de la dynamique identitaire du jeune immigré en France. Neuropsychiatrie de l'Enfance, 35, pp. 475-483.

l'objet. Mais, la nécessité pour eux de reconnaître ces deux cultures comme les leurs peut les conduire dans une impasse : dans la mesure où ils adoptent certains aspects de la culture du pays d'accueil, ne sont-ils pas entrain de contribuer à leur propre dévalorisation ?

b) Les fragilités de la parentalité- La remise en cause du statut parental

La dévalorisation de la culture va de paire avec la dévalorisation parentale. Il est vrai que les images de la culture familiale étant stigmatisées, il se produit notamment une détérioration objective du statut du père au sein de la famille. En effet, le père est bien souvent un homme identifié d'abord comme immigré ; il est donc disqualifié par son statut social, ceci marquant la difficulté d'élaboration d'une image paternelle rassurante. Nombres d'auteurs ont remarqué que les migrants qui arrivent en France peuvent se sentir insécurisés par les coutumes et les moeurs françaises qui constituent une menace pour leur identité. Par conséquent, les parents se replient parfois sur les valeurs traditionnelles de leur culture d'origine dans des attitudes défensives excessives qui figent leurs capacités évolutives.

Dès lors, plusieurs cas de figures se présentent, qui nous permettent d'entrevoir les conséquences de ces processus sur la relation parents-enfants. Les parents, par une sorte de fidélité symbolique à la culture d'origine, peuvent rigidifier les règles d'éducation de celle-ci, et par là accroitre la différence d'avec les modèles éducatifs français. A l'inverse, les parents se sentant parfois impuissants eux-mêmes dans la société, traduisent ce sentiment d'impuissance devant leurs enfants. Comme le souligne Marteaux (2002), ils peuvent interpréter le discours éducatif français comme une interdiction pour eux d'éduquer leurs enfants, ce qui mène à une possible démission de leurs rôles d'éducateurs.

- L'ambiguïté des roles

Il se surajoute à la dévalorisation du statut parental ce que Moro et Nathan (1989) qualifient d'« inversion du portage ». La structure familiale est souvent remaniée autour d'une modification des rôles, voire de leur inversion quand l'enfant devient le guide de ses parents, qu'il les porte dans ce nouveau monde. Effectivement, l'enfant de migrants devient parfois le médiateur des parents par rapport à la société d'accueil. On peut observer ce type de relation chez l'enfant-interprète qui assume le rôle de liaison entre ses parents et les milieux institutionnels, les parents pratiquant peu ou mal la langue française écrite ou parlée. On imagine dès lors la blessure narcissique de ceux-ci, dépendants de leurs enfants.

Bettschart (1987) en déduit que << le processus d'identification aux parents est totalement mis en cause par la dévalorisation et l'incapacité de ceux-ci >>19. Certains de ces enfants peuvent heureusement prendre de la distance en valorisant certaines capacités de leurs parents.

Mais, dans ce cas de figure, l'enfant doit assumer des responsabilités quant au fonctionnement familial, voire parfois prendre le rôle et la fonction de parent. Un processus de parentification s'établit ainsi, dans lequel la séparation des générations est abolie dans certains domaines. Ce processus induit donc une filiation paradoxale dans laquelle l'enfant est non seulement au dessus de la loi paternelle, mais où il prend le rôle de parent et ancêtre de ses propres parents.

Moro (2002) rajoute que l'enfant, qui connaît mieux les logiques de la société d'accueil que ses parents, n'a pas de guide au sein de la famille pour lui faire découvrir ce monde et l'investir. Effectivement, la migration entraine une rupture dans le codage culturel du monde. La figure maternelle se trouve défaillante dans sa fonction de << présentation de l'objet et du monde >>20, ne connaissant généralement que peu les significations culturelles du pays d'accueil. C'est alors l'enfant qui devient le guide de ses parents pour investir les logiques du monde environnant. De ce fait, l'enfant issu d'une famille immigrée <<a un statut de premier, ce qui ne vas pas sans une dose d'angoisse et d'incertitude >>21.

- Le deuil parental indépasséIl est évident que l'exil impose au migrant une série de réaménagements psychiques

qui vont modifier son rapport à la culture d'origine. Devereux (1972) postule que l'acculturation aboutit à des transformations qui affectent les modèles culturels originaux. Il infère alors l'existence d'un phénomène de résistance à l'acculturation, qu'il explique par le désir de singularité ethnique et d'autonomie culturelle.

Pigott (1993), quant à lui, définit la culture comme objet et présente certains cas de figure où le milieu d'accueil demeure étranger et étrange pour le migrant. Celui-ci reste alors à distance de ce mauvais objet, en même temps que le pays d'origine conserve un statut d'objet perdu au deuil interminable. Or, cette attitude ne restera pas sans effet sur la relation parents-enfant. Les parents se tournent vers le passé, leurs attaches et leur pays, empêtrés dans un système d'idéalisation et, non seulement la transmission de la culture d'origine risque d'être défectueuse car déconnectée du réel, mais le fossé entre eux et l'enfant tourné vers l'avenir s'agrandit. Dans certains cas, l'intégration même de l'enfant est perçue par les parents comme

19 Bettschart, W. (1987). Quelques aspects de psychologie et de psychopathologie des enfants des familles migrantes. Neuropsychiatrie de l'Enfance, 35, pp. 490-497.

20 Winnicott (1957), Cf. notion d'object-présentering qui a précédemment été abordée p. 7.

21 Moro, M.R. (2002). Enfants d'ici venus d'ailleurs. Paris : La Découverte. (p. 106).

un obstacle au retour possible dans le pays. Les paroles teintées de nostalgie d'une mère d'origine Algérienne, qui raconte son exil, nous permettent d'en prendre clairement conscience : « quand je suis arrivée en France, j'ai eu ma première grossesse, donc je ne pouvais plus rentrer au pays >>22. En conséquence, on peut s'interroger, dans cette situation, sur le poids inconscient que ces pensées vont faire porter à l'enfant.

En outre, dans un mouvement paradoxal, il arrive que les parents privent l'enfant de la connaissance du pays d'origine, gardant cette culture comme un secret de parents. Ainsi, ils parlent peu du pays aux enfants, et ceux-ci auront d'autant plus de mal à se situer dans la généalogie.

2/ La contradiction des valeurs culturelles

Il est nécessaire d'ajouter aux points précédemment décrits l'éloignement des deux cultures que le sujet de deuxième génération doit introjecter. Comme nous l'avons déjà relevé, les valeurs culturelles Françaises et Maghrébines sont parfois très différentes ; nous constatons mêmes que certaines d'entre-elles induises des injonctions contradictoires. Ne pouvant faire un recueil exhaustif de toutes les valeurs culturelles présentes dans ces modèles culturels, nous avons choisi d'étayer notre pensée sur les schémas structurants du féminin et du masculin, qui nous semblent occuper une place importante dans la vie quotidienne de chacun.

Plusieurs auteurs notent à ce propos qu'au sein de la culture Maghrébine, la distance entre le monde des hommes et le monde des femmes est maintenue strictement. La question est étudiée dans les textes coraniques qui établissent une certaine séparation dans le couple. Ainsi, dans la sourate de la génisse, il est dit que « les hommes sont supérieurs aux femmes et ont autorité sur elles du fait de la prééminence que Dieu leur a accordé... >>23. La tradition vient étayer la religion dans la séparation claire de l'univers féminin et de l'univers masculin. Yahyaoui (1994) précise qu'« elle institue une séparation dans le réel, mais suspend l'imaginaire collectif dans des espèces d'univers peuplés de contraintes, de peurs, et de suspicions réciproques >>24. On visualise bien comment la différenciation des sexes est très

22 Benguigui, Y. (1997). Mémoires d'immigrés, l'héritage maghrébin. Canal + et Bandits. Interview de Khira Allam.

23 Le Coran. La génisse. Sourates n° II, versets 183-187.

24 Yahyaoui, A. (1994). La captivante étrangeté du féminin. In : A, Yahyaoui (Ed), Destins de femmes, réalités de l'exil, (75-87). Grenoble : La pensée Sauvage. (p. 77).

forte, marquée, sans passage d'un univers à l'autre ; les contes, proverbes et comportements sociaux abondent en ce sens.

Néanmoins, un fonctionnement social définit découle de la séparation ainsi posée. Effectivement, il y a, dans les familles Maghrébines, une continuité et une cohérence entre le dedans (familial) assumé par la mère, et le dehors (social, culturel) assumé par le père. Dans ce fonctionnement, la femme est en quelque sorte dispensée de s'accommoder du monde socioculturel périphérique. Vinsonneau et Camilleri (1987) appuient cette position, et ajoutent que, dans un contexte traditionnel, les femmes acceptent les privilèges attribués aux hommes en échange de la soumission de ceux-ci à leurs obligations propres, et souvent complémentaires à celles des femmes. Or, au sein de la société Française, la séparation des rôles sexués n'est pas, ou n'est plus aussi nette ; la logique s'en trouve par conséquent détruite et la cohérence du système s'effondre.

Par conséquent, Du fait de la distance qui sépare les cultures Maghrébine et Française, les individus issus de l'immigration sont soumis à des logiques contradictoires, qui dévoilent la complexité de l'être en relation avec un environnement pluriel. Il alors est intéressant de se demander comment vont s'aménager ces injonctions contradictoires chez des sujets pour qui l'environnement familial se base sur les valeurs culturelles Maghrébines, mais qui évoluent cependant dans le contexte socioculturel Français.

Pour conclure sur les points précédemment abordés, nous pouvons assurer que l'intégration de chacun des modèles culturels en présence va, sinon être conflictuelle, tout du moins être une épreuve difficile pour les enfants de migrants.

3/ Le risque transculturel

a) La coupure des liens

Un certain nombre de travaux considèrent que la situation biculturelle entraine un conflit culturel qui se situe au niveau du choix des valeurs, en raison de l'incohérence des modèles culturels en présence. On conçoit dès lors que le maintien des liens dans cet espace d'entre-deux cultures puisse être problématique. Et lorsque les liens ne se tissent pas, il n'est d'autre issue que la séparation de ces modèles de nature différente. Moro (2002) soutient que la solution défensive à ce conflit est de cliver ces deux mondes culturels. « Pour grandir, en effet, l'enfant de migrant doit construire patiemment un nécessaire clivage entre le monde lié

à la culture familiale -le monde de l'affectivité -et la monde du dehors, de l'école par exemple -monde de la rationalité et du pragmatisme »25.

- Le déni de l'affiliation à la société d'accueil

L'une des possibilités d'aménagement de ce clivage s'apparente au rejet du modèle culturel français et l'idéalisation de la culture d'origine. Le sujet se replie dans l'identité unique du pays des parents, parfois jusqu'à la caricaturer à travers les habits, l'importance des interdits etc. Il impose de cette façon une différence, dans un mécanisme d'identification mortifère à celui qui semble être en position de force. A ce sujet, Bergeret (1993) parle d'un tribalisme régressif, où l'individu qui ne peut se constituer un imaginaire identificatoire de départ assez solide, instituera ses différences comme défenses contre ce manque. Vinsonneau et Camilleri (1987) assimilent ce procédé à un mécanisme dissociatif. Le sujet revendique son appartenance au groupe d'origine dont il évacue les contenus culturels, et dénie l'appartenance à la société d'accueil qui, pourtant, l'alimente de ses contenus et de ses modèles. Cependant, ce système s'accompagnerait résolument d'une souffrance. En effet, les significations culturelles de la société d'accueil doivent être acquises et acceptées si l'on veut s'adapter au monde environnant. Mais, dans le même temps, elles deviennent objets d'une ambivalence puisqu'elles créent une faille au sein de laquelle se loge un sentiment de trahison envers la communauté d'origine et ses valeurs.

- Le déni de la filiation

A l'inverse, Moro et Nathan (1989) postulent que l'objet du processus de déni ne peut être que la filiation, le sujet se retrouvant par conséquent en quête de ses origines. Ils ajoutent que ce déni est partagé par la famille. En effet, l'enfant de migrant peut apparaître comme étranger aux yeux de ses propres parents puisqu'il maitrise des significations culturelles qui leurs sont inconnues. Alors, en miroir de ses parents, l'enfant fantasmera s'être réaliser seul, et tentera par divers moyen de réécrire son histoire, quitte à nier l'appartenance à la culture familiale originelle.

25 Moro, M.R. (2002). Enfants d'ici venus d'ailleurs. Paris : La Découverte. (p.60).

b) la vulnérabilité spécifique des enfants de migrants

Couchard (1999) assure que les adultes issus de l'immigration sont rendus plus vulnérables par les discordances et les ruptures qui existent entre les normes sociales et culturelles prescrites pendant l'enfance et celles imposées par le pays d'accueil. Nous nous sommes alors interrogés sur le concept de vulnérabilité mis en lumière dans cette situation.

- Définition de la vulnérabilitéLa vulnérabilité psychologique a été l'objet de nombreuses recherches. Tomkiewicz et

Manciaux (1987) définissent la vulnérabilité comme un état de moindre résistance aux nuisances et aux agressions. De nombreux facteurs environnementaux et internes interviennent dans la genèse de la vulnérabilité. A. Freud (1978) a montré qu'« on ne peut expliquer la vulnérabilité par les caractéristiques individuelles de l'enfant, mais il faut la comprendre en termes plus généraux et impersonnels. Je considère maintenant que le progrès de l'enfant le long des lignes de développement vers la maturité dépend de l'interaction de nombre d'influences extérieures favorables avec des dons innés favorables et une évolution favorables des structures internes >>26. On comprend dès lors que la vulnérabilité est une notion dynamique puisqu'elle affecte un processus en développement, et joue un rôle psychique secondaire. Par conséquent, le sujet vulnérable a un fonctionnement psychique plus fragile, de façon qu'un événement interne ou externe, bien qu'il puisse être considéré comme minime, entrainera un dysfonctionnement important.

- La situation transculturelle source de vulnérabilitéMoro (1988) propose le concept d'enfant exposé27 comme une représentation

efficiente de la vulnérabilité spécifique aux enfants de migrants. C'est à partir du déni de la filiation qu'elle le développe : «ce concept qui prend la forme d'un fantasme partagé par l'enfant et sa famille cristallise l'étrangeté radicale de ces enfants par rapport à ceux qui leurs ont donnée la vie >>28. L'affaiblissement de la mère dans sa fonction d'object-présentering est à prendre en compte dans la genèse de cette vulnérabilité. Si l'on se réfère au postulat déjà

26 Freud, A. (1978). Avant-propos. In : E.J. Anthony, C. Chiland, C. Koupernik (Eds.), L'enfant dans sa famille. L'enfant vulnérable. Paris : P.U.F. (pp. 13-14).

27 Cet appellation s'appuie sur la mythologie, dans laquelle exposer un enfant signifie l'abandonner dans un milieu hostile et dangereux, ainsi Persée qui fut enfermé dans un coffre en bois et jeté aux flots.

28Moro, M.R. (1988). D'où viennent ces enfants si étranges ? Logiques de l'exposition dans la psychopathologie des enfants de migrants. Nouvelle Revue d'Ethnopsychiatrie, 12, 69-84.

émis que la mère a une perception confuse du monde environnant29, on admet que ce monde qui l'entoure et qu'elle ne maitrise pas soit source pour elle d'incertitudes. Et ne pouvant initier elle-même l'enfant au monde extérieur, elle aura par conséquent la conviction d'exposer son enfant aux dangers de cet environnement qui peut apparaître comme hostile. Elle transmettra potentiellement à l'enfant cette perception labile du cadre externe, génératrice d'angoisse et d'insécurité. Ainsi, la vulnérabilité spécifique à l'enfant de migrants apparaît de telle sorte que « si des événements internes ou externes viennent déstabiliser son mode d'être, alors l'angoisse le submerge, avec toutes ses traductions. Car, dans ces moments, ni ses parents, ni le groupe culturel ne peuvent l'aider à anticiper et à colmater l'angoisse »30.

Mais le clivage de la structuration culturelle propre à cette population (qu'il soit accompagné du déni de la filiation ou de l'intégration du modèle culturel de la société d'accueil) suffit à expliquer leur vulnérabilité. En effet, si l'on établit l'homologie entre la structuration psychique et la structuration culturelle, ces deux structuration étant liées l'une à l'autre, alors l'une étant fragile car non homogène, et l'autre sera forcément plus précaire. Ces mécanismes de clivage sont donc déterminants de cette vulnérabilité spécifique. Grandir en situation transculturelle est un facteur potentiel de risque pour la structuration psychique.

A ce stade de notre exposé, nous savons que la rencontre des deux modèles culturels qu'intègrent les enfants de migrants donne lieu à un processus dynamique. Nous avons tout d'abord observé que ce processus pouvait se révéler facteur d'une richesse identitaire pour ces personnes. Toutefois, comme Moro (2004) le souligne, il est nécessaire que le sujet ait bénéficié, entre autres conditions, d'un environnement suffisamment sécure. Or, nous venons de remarquer que le développement de la personnalité dans un double contexte culturel est jalonné de tribulations. Dès lors, ce processus dynamique est susceptible de s'inverser et se révèle source de vulnérabilité psychologique. On peut donc avancer que la situation d'entredeux cultures expose le sujet à un risque conflictuel accru, que l'on peut expliquer par les failles des transmissions familiales et extra-familiales. On peut notamment déduire que cette population va être soumise à des désirs contradictoires émanant de ces failles, qui vont favoriser l'émergence d'une fragilité psychique.

29 Cf. p. 11

30 Moro, M.R. (2002). Enfants d'ici venus d'ailleurs. Paris : La Découverte. (p.103).

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