Moyen terme aristotélicien et médiation dans les organisations( Télécharger le fichier original )par Guillaume RIVET UFR Poitiers sciences Humaines et Arts - Master2 professionnel médiation dans les organisations 2008 |
b- la médiation est plus que l'expertise et l'arbitrageDe même que le syllogisme offre plus que la division pour atteindre le vrai, la médiation peut être plus bénéfique que d'autres formes d'arrangements. C'est pourquoi il faut distinguer la médiation de notions et d'approches différentes. Il est en effet commun que la médiation soit confondue avec d'autres manières de gérer les conflits. Or, il convient de rappeler ce que n'est pas la médiation pour mieux comprendre ce qu'elle a de spécifique. L'expertise consiste en des mesures d'instruction et
d'investigations pour l'établissement de la preuve technique
nécessaire pour assurer le règlement des dommages
consécutifs à un désordre, un sinistre ou un litige.
L'expert est un technicien qui donne un avis, une appréciation, pour
dégager une solution qui sera approuvée par les parties. Il peut
encore montrer à une partie que la fragilité technique de la
position choisie par cette dernière affaiblira son argumentation devant
le juge. Quoi qu'il en soi, l'expert ne fait pas oeuvre de médiation.
C'est un technicien qui possède la maîtrise de sa
spécialité pour assurer ses missions d'expertises dans son
domaine de compétence. Les intervenants en expertises peuvent aussi
être Magistrat à la Cour de Cassation, Président de chambre
à la Cour d'Appel de Paris, Conseiller à la Cour d'Appel de
Paris, Universitaires chargés de cours à Paris I, Sorbonne et
Paris II Assas, Experts internationaux pour les T.P, Docteurs en
sciences Il n'y a pas médiation si le tiers qui s'entremet a reçu des parties la mission de trancher leur différend. Si le tiers impose sa solution, il s'agit d'un arbitrage, alors que dans la médiation, le tiers ne fait que proposer une solution. L'arbitrage peut être mise en oeuvre par des personnes de droit privé ou de droit public. Il « est une procédure exceptionnelle par laquelle des parties en litige conviennent de confier le jugement de leur litige précisément non à des Tribunaux ordinaires donc à ces magistrats de la magistrature étatique, mais à des particuliers qu'ils ont choisis22(*) ». Il est alors commun à l'arbitrage et à la médiation de se voir confier des parties en conflit ; par contre, la posture de l'arbitre diffère de celle du médiateur : « Quand on est arbitre, on est juge. On est juge à part entière quand on est choisi par une partie ou pas, par l'une ou l'autre peu importe23(*) ». L'arbitrage est donc la voie des moyens structurés, restant sous le contrôle du juge. Il se déroule dans un cadre contradictoire qui permet à chacune des parties de faire valoir ses droits et qui apporte une solution définitive au différend au moyen d'une sentence qui peut faire l'objet d'une exécution forcée : « Il s'agit en effet, plus encore que la médiation ou la conciliation, qui n'ont aucun caractère obligatoire, d'un moyen particulièrement efficace de prévenir et de résoudre les litiges24(*) ». Il est possible d'arbitrer dans toutes sortes de domaines, tel le domaine technique qui recouvre les litiges industriels, informatiques, chimiques, textiles, etc. ; le domaine comptable et financier pour les litiges à caractères financiers ; le domaine de la franchise, du commerce et de l'industrie agro-alimentaire, le domaine juridique ou encore le domaine des arbitres internationaux. Cependant, « il est des litiges qui échappent et qui échapperont toujours, en tout cas en vertu de nos principes juridiques, à la connaissance des arbitres, c'est une question des personnes, d'état des personnes, on voit mal un divorce se prononcer par un Tribunal arbitral par exemple25(*) ». Or, un divorce peut être pris en charge par une médiation familiale. Cet exemple suffit à montrer les limites de l'arbitrage et la capacité de la médiation à pouvoir aborder ce genre de conflits. Nous pouvons distinguer la médiation de la négociation. D. Weiss définit la négociation comme « une situation dans laquelle les parties en présence doivent atteindre des buts contradictoire, voire incompatible, mais pas mutuellement exclusive, en coopérant l'une avec l'autre en vue d'un accord dont l'issue leur soit réciproquement avantageuse26(*) ». Les caractéristiques principales de la négociation sont l'interaction entre les deux parties et que ce soit un processus dynamique qui se déroule dans le temps. Les parties peuvent être des personnes, mais aussi des entités telles que des États. Par exemple, le 25 août 2008, le gouvernement du Canada a conclu ses négociations un accord de libre-échange (ALE) avec la Jordanie, ainsi que des accords auxiliaires sur la coopération en matière de main-d'oeuvre et sur l'environnement. Le Canada a aussi conclu des ALE avec la Colombie et le Pérou27(*). Sachant que l'hors d'une négociation aucune des parties ne peut imposer sa solution, mais que chaque partie à au début une position arrêtée, il faut argumenter et faire des concessions pour arriver à un compromis. Cependant, l'accord est rarement profitable aux deux, car il se peut qu'il existe un gagnant, donc un aussi un perdant, et parfois deux insatisfaits. En cela la négociation diffère de la médiation dans le sens où la médiation doit déboucher sur un accord mutuellement choisi qui puisse apaiser la relation entre les parties. Il est dès lors visible que la médiation se différencie de l'expertise, de l'arbitrage et de la négociation par le fait qu'elle vise autre chose qu'une division entre les êtres afin de trancher un désaccord. Le règlement à l'amiable consiste à se mettre d'accord sans intervention judiciaire, mais des concessions de part et d'autre s'imposent. Le règlement à l'amiable doit en matière administrative être obligatoirement précédé d'une demande d'indemnisation à l'administration responsable. En matière civile, une offre de transaction préalable est facultative. Dans les deux cas, des négociations peuvent avoir lieu lors de la procédure judiciaire. En général, un règlement amiable se concrétise par un protocole d'accord signé par les parties qui fait l'objet d'une discussion sur le montant des dommages et des intérêts. L'intérêt du règlement à l'amiable est sa rapidité par rapport à la lenteur de la justice et la certitude d'avoir la somme promise. Cependant, les montants des indemnisations à l'amiable sont en général inférieurs à celles accordées en justice. Nous pouvons rapprocher le règlement à l'amiable de la transaction. Celle-ci résulte d'une volonté de transiger des parties. Elle suppose au départ un litige, auquel les parties souhaitent mettre un terme de façon amiable sans passer devant une juridiction d'État. Les parties doivent de plus faire des concessions réciproques à la transaction, l'écrire et la signer. Bien que le règlement à l'amiable et la transaction ressemblent à la conclusion de la médiation, ils s'en différencient par l'absence du tiers neutre et impartial. Plus concrètement, nous voyons depuis quelques années déjà des métiers estampillés « médiateurs » qui relèvent pourtant d'autres domaines, de la prévention contre la violence et de la sécurité par exemple, tels les « médiateurs » scolaires, les « médiateurs » de la RATP, « médiateur » du cinéma au « médiateur » du CNRS en passant par le « médiateur » de la SNCF. La polyphonie autour du sens que l'on donne à la médiation jette un doute sur elle, la faisant ressembler à un gadget social. Enfin, il faut la distinguer d'une forme d'assistanat des individus. Le but n'est pas de conserver les médiés dans leur position de personnes en demande d'aide, mais simplement de suggérer une échappatoire à leur conflictualité. La médiation a donc une fin, elle ne soutient pas l'individu indéfiniment, elle a pour vocation d'amener les parties à une conclusion dans laquelle le médiateur n'est plus nécessaire. Concluons cette première partie en affirmant que ce qui différencie le syllogisme de la division et la médiation de l'arbitrage est la présence d'un moyen terme ou d'un tiers. La présence de ce troisième intercesseur change de façon déterminante la nature de la relation entre les parties reliées. Le tiers est le pivot qui permet d'accéder à une démarche rationnelle ; il opère une symbiose pertinente entre ce qui semblait détaché. Par là le syllogisme et la médiation se distinguent d'autres formes de procédures et de méthodes qui offrent moins de possibilités. Puisque la médiation à une fin, nous pouvons qualifier sa rationalité de rationalité en finalité, laquelle suppose d'adapter un ensemble de moyens en vue d'atteindre un but déterminé. Elle a aussi une vocation, c'est-à-dire un devoir moral à agir pour le bien des médiés et de la société, ce qui implique plutôt une rationalité en valeur. Les deux types de rationalité peuvent coexister dans les stratégies concrètes des agents sociaux. Il est en effet possible d'envisager une démarche rationnelle en valeur quant au but défini et une rationalité en finalité quant aux moyens d'y parvenir28(*), comme il semble que ce soit le cas pour le médiateur. * 21 Institut de l'Expertise, 42 Avenue Montaigne 75008 Paris. http://www.formation-expertise.com/index-2.asp.htm Consulté le 12 février 2009. * 22 POTDEVIN Jacques, Compte-rendu du colloque CAP-ACAREF (Chambre Arbitrale de Paris. Association de Conciliation, médiation et Arbitrage Régionale des Experts-comptables Franciliens) du 21 avril 1999, p.6. http://www.arbitrage.org/fr/publications/cr_colloque_cap-acaref_19990421.pdf Consulté le 24/02/2009. * 23 Ibid., p.7. * 24 CHIRAC Jacques, 94ème Congrès des Notaires de France, Les Annonces de la Seine n° 37, 25 mai 1998 http://www.arbitrage.org/fr/publications/cr_discours_19990421.pdf Consulté le 24/02/2009. * 25 Ibid., p. 8. * 26 WEISS Dimitri, Les ressources humaines, Paris, Édition Organisation, 1999, p. 129. * 27 Affaires étrangères et Commerce international Canada international.gc.ca, Le Canada conclut ses négociations d'accord de libre-échange avec la Jordanie, 26 août 2008, N° 183, http://w01.international.gc.ca/MinPub/Publication.aspx?isRedirect=True&Language=F&publication_id=386466&docnumber=183 Consulté le 15/02/2009. * 28 WEBER Max, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, Paris, Flammarion, 2008. |
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