Introduction
L'entreprise familiale est celle contrôlée par
une ou plusieurs familles qui s'impliquent au niveau gouvernance ou management
ou au minimum détient des intérêts capitalistiques dans
cette organisation. Cette entité, de part ses
spécificités, devrait exhiber un comportement particulier quant
à la création, au développement, au partage, à la
sauvegarde et la transmission. La PME familiale, de part ses
caractéristiques fondatrices, semble être une organisation
fermée, hermétique et rigide. De prime abord, l'interaction entre
le système familial et le système «entreprise »
est l'élément central qui empêche l'entreprise de s'adapter
rapidement aux conditions changeantes. Aussi, le conservatisme constitue-il un
premier facteur influençant l'apprentissage organisationnel au sein de
cette entité. Par ailleurs, le PME familiale s'attache fortement
à son indépendance sur les plans financier, humain et
organisationnel. Ce qui se répercute inévitablement sur la base
de connaissance qu'elle développe.
1. L'attitude conservatrice de l'entreprise familiale
Le conservatisme peut être défini comme
l'attachement aux choix du passé. La recherche de la
sécurité, le conformisme et la traduction sont
caractéristiques des organisations conservatrices.
Particulièrement à l'entreprise familiale, expliquent que la
posture conservatrice de cette entité se répercute
essentiellement sur les dimensions gouvernement, stratégie et
organisation (essentiellement la culture).
1.1 La première sphère
concernée par le conservatisme est le gouvernement de l'entreprise. Les
organisations et particulièrement les entreprises familiales sont
caractérisées par la persistance et le poids non
négligeable des anciennes générations,
« gardienne du temple » qui exercent une supervision forte
sur le dirigeant. Le conservatisme peut aussi être du fait du dirigeant
de l'entreprise familiale. Ce dernier joue un rôle important dans les
processus d'apprentissage et la posture stratégique que peut adopter son
entreprise. La configuration culturelle de la famille et le rôle qu'elle
accorde au fondateur expliquent son inclinaison globale au changement. En
effet, quand elle est de type patriarcal, c'est-à-dire dépendant
énormément de son fondateur, l'organisation serait moins encline
au changement et à la remise en cause des valeurs et des relations
familiales. Une famille patriarcale contrôlant une organisation
paternaliste est le cas de figure ultime : dépendante à un
degré élevé de son fondateur, l'organisation est inapte au
changement tant qu'il ne provienne pas de ce dernier. Or, le dirigeant a toutes
les chances de ne pas vouloir promouvoir le changement.
L'efficacité du conseil d'administration, pour les
entreprises qui en adoptent, est un indicateur de la lutte contre le
conservatisme et l'inertie stratégique. Cet organe constitue, selon les
descriptions théoriques, une source d'initiative stratégique et
d'information pertinente mais aussi une source d'expertise, de conseil et de
contrôle puisqu'il doit aussi corriger la trajectoire en cas de conduite
déviante. Néanmoins, son rôle au sein des PME familiales
est à nuancer. Le rôle du conseil d'administration, mesuré
par sa composition ainsi que par l'intensité de son activité de
contrôle, serait plus important au fur et à mesure que
l'implication des membres de la famille dans la direction diminue -
suggèrent à l'inverse que plus la famille est impliquée,
moins le rôle du conseil est déterminant. Aussi, l'entreprise
familiale « classique » est elle réputée
avoir un conseil d'administration dont les membres, choisis selon leur statut
et pouvoir dans la famille, et non selon leur connaissance de l'activité
ou de l'industrie, occupent leurs postes pour de longues périodes et
possèdent des compétences professionnelles insuffisantes ou
inadéquates. Ils s'érigent, selon cette déception, en
frein à toute tentative de changement qui pourrait menacer la
stabilité dont jouit l'entreprise. Pourtant, le rôle que peut
jouer le conseil d'administration peut être crucial puisqu'il devrait
accroître le volume de l'information à la disposition du
management opérationnel mettant en oeuvre des stratégies ou en
préparant de nouvelles.
1.2 La stratégie constitue la
deuxième dimension sur laquelle s'exerce le conservatisme de
l'entreprise. Généralement, l'entreprise familiale est
réputée s'attacher fortement à une stratégie qui
devient source de rigidité. Le système familial tente de
créer et de maintenir une certaine cohésion qui sous-tend le
« paradigme » familial. Il s'agit des hypothèses,
des croyances et des convictions centrales que se fait la famille quant
à son environnement. Il y ainsi résistance à toute
information non conforme à ce paradigme ce qui, en conséquence,
n'entraîne qu'un faible changement. Le conservatisme stratégie
entraîne stagnation et risque d'insularité. L'entreprise
réalise peu de changements quant à ses objectifs, à
l'étendu de son métier, à ses lignes de produit ou
à ses marchés. Elle maintient sa différentiation
grâce aux mêmes activités et politique. Elle
privilégie une position défensive avec protection de sa niche.
Aussi, risque-t-elle de voir ses parts de marché se
rétrécir et ses marchés s'épuiser. L'apprentissage
organisationnel demeure non significatif puisque l'équipe dirigeante se
focalise essentiellement sur la résolution de problèmes
plutôt que sur la recherche et la saisie d'opportunités nouvelles.
Ainsi, l'on s'occuperait exclusivement de questions d'ordre interne
relativement à l'efficience des opérations ou à la
qualité des produits. Les questions relatives à
l'évolution des exigences des marchés ou des besoins des
consommateurs seraient négligées.
1.3 La volonté de protection de la
culture et de l'identité constituent le dernier élément
exerçant une influence négative au sein de la PME familiale. Les
valeurs de l'entreprise familiale influencent les activités et les
routines de l'organisation lui permettant d'atteindre un avantage
compétitif. Les entreprises familiales se veulent indépendantes
de leur environnement et de la culture externe. En outre, elles accordent
beaucoup d'importance aux artefacts : noms, phrases, blagues internes,
image de l'entreprise et de la personne. Or, ces artefacts proviennent
généralement de l'environnement local de l'entreprise et sont le
fruit de l'influence de certains membres de la famille, en particulier celle du
fondateur de l'entreprise. En conséquence, le conservatisme culturel
inhibe toute volonté de changement et d'apprentissage.
2. L'orientation
« indépendance » de l'entreprise
familiale
La deuxième variable influençant les processus
de développement de la connaissance au sein de la PME familiale est
l'orientation indépendance. L'indépendance est le choix d'une
entreprise qui ne veut pas être sujette aux décisions prises par
les autres. Le dirigeant, en particulier d'une PME familiale, attacherait une
valeur intrinsèque à la différence entre
l'indépendance et la hiérarchie, c'est-à-dire appartenir
à un groupe ou voir ses décisions contraintes ou limitées.
Les propriétaires de petites entreprises consacrent une mentalité
de « l'entreprise forteresse ». Il s'agit d'une
extrême hésitation à s'engager dans des comportements qui
peuvent entraîner une dépendance vis-à-vis des autres ou
même le risque d'être perçu comme ayant besoin des autres.
Afin de rester maître de son destin, la PME familiale privilégie
une attitude d'indépendance à trois niveaux.
D'abord, sur le plan du financement, elle évite autant
que possible de se tourner vers des partenaires extérieurs.
Ensuite, sur le plan humain, elle privilégie l'emploi
des membres de la famille ou de personnes appartenant au cercle relationnel
restreint.
Enfin, afin de garder la prise de décision aux mains de
la famille, elle évite les relations inter organisationnelles, portant
sur des investissements coopératifs, et essaye de limiter le partage du
contrôle de ses investissements. L'apport des extérieurs
(financiers, Hommes ou partenaires) peut, toutefois, être précieux
pour l'entreprise. Et l'introversion, même aux effets escomptés
favorables à la continuité de l'entreprise, s'érige en un
obstacle majeur à cette pérennité puisqu'elle inhibe
l'apprentissage organisationnel et la croissance qui peut en
résulter.
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