CHAPITRE 4 : DISCUSSIONS
4.1 Discussion
4.1.1 Prospection pour la collecte des isolats, leur
isolement et test de pathogénicité Globalement, tous
les pathogènes étaient présents dans les zones humides
(ZH) contrairement aux autres zones. Ceci suppose que les conditions
météorologiques (en particulier l'humidité, la
température et la durée de la rosée peuvent
influencer sensiblement le développement et la présence
d'agents de lutte biologique sur I. cylindrica. En effet, la ZH est
plus humide et plus arrosée (1300 mm contre respectivement 1200 mm et
1000 mm de pluie annuelle pour la ZSH et la ZSA). Aussi l'humidité
relative annuelle dans cette zone est plus élevée à savoir
75% contre respectivement 60% et 50% pour la ZSH et la ZSA. Les travaux de
Kudsk et al, 1988 avaient déjà démontré
l'effet favorisant des fortes humidités et durée de la
rosée sur la production des feuilles et le nombre de stomates. En
effet le principe actif d'un mycoherbicide étant la propagule d'un
champignon, plus le nombre de stomate est grand, plus la
pénétration des propagules dans le tissu végétal
serait plus facile. Ceci a d'ailleurs été
démontré par Zhang et Watson (1997) qui ont signalé qu'une
période de rosée adéquate a contribué à
augmenter la capacité de Exserohilum monoceras à
réduire à 100% les jeunes plants de Echinochloa spp.
Il faut cependant remarquer dans la ZSH un effet contraire des saisons.
Alors qu'en régions humide et semi-aride, la majeure partie des
pathogènes était collectée en saison pluvieuse, c'est en
saison sèche qu'elle l'a été en région semi
humide. Ceci pourrait s'expliquer par son caractère de zone de
transition qui la classe à cheval sur les deux autres zones. Ceci
pourrait aussi s'expliquer par les fortes différences de
températures entre le jour et la nuit dans cette zone. En effet il
existe une corrélation entre la température et la
quantité de rosée. Les fortes différences
de température entre les jours et les nuits favorisent une forte
condensation de rosée qui pourrait favoriser les taux d'infection. De
plus les températures trop fortes peuvent détruire les
propagules contenues dans l'inoculum alors que les températures trop
basses peuvent empêcher le début de l'infection et son
évolution. De même il faut remarquer que le nombre de
pathogènes collectés dans la ZSA et la ZSH (respectivement 2 et
10) sont relativement faibles pour qu'on puisse parler de majorité de
pathogènes retrouvés dans l'une ou l'autre saison dans ces
zones.
Plus d'une douzaine d'espèces de champignons est
documentée par Evans (1987) comme agents probables de lutte contre
I. cylindrica. Aucune D'elles ne figure parmi les espèces
identifiées comme agents potentiels de luttes contre I.
cylindrica dans le cadre de cette étude. Mais, C. caudatum
isolé sur I. cylindrica en Malésie en 1996, était
cité par Caunter (1996) comme ayant un potentiel bioherbicide. Quant aux
genres Glomerella il n'a jamais été signalé sur
I. cylindrica. D'ailleurs Mike et Helen (1996) ont reconnu que ces
pathogènes infectent rarement les feuilles ou que, quand ils sont
présents sur feuille, les lésions sont très diffuses. Ceci
est conforme avec les résultats de notre étude où
malgré leur forte capacité de production de spores, les isolats
de Glomerella n'ont pas pu significativement infecter le tissu
foliaire.
Bipolaris, Exserohilum et Drechslera sont
regroupés au sein du même groupe, celui des
Helminthosporium, et causent des lésions similaires (Alcon,
1988). Ceci est confirmé par nos observations selon lesquelles, il
n'était pas possible de reconnaître B. sacchari, D.
gigantea, E. longirostratum ou E. rostratum en se basant
uniquement sur l'observation des lésions. En se basant uniquement sur
les observations visuelles au champ, les lésions dues à B.
sacchari, D. gigantea, E. longirostratum ou E.
rostratum sont les moins fréquents mais quand ils sont
présents ils apparaissent comme les lésions les plus capables de
contrôler l'herbe. D'ailleurs ces champignons ont été
utilisés avec succès aux Etats-Unis. Yandoc et al., 1999 ont
utilisé Drechslera gigantea et Bipolaris sacchari en
formulation sur plusieurs adventices de la famille des Poacae dont
I. cylindrica. Mais ces isolats sont localisés uniquement dans le
ZH et ne sont pas fréquent.
Le fait que C. caudatum est présent dans
toutes zones agroécologiques et donc peut s'adapter à toutes les
régions du Bénin, le classe comme le meilleur candidat pour
contrôler I. cylindrica, lorsqu'il est convenablement
formulé pour augmenter son potentiel d'infection au dessus du seuil
d'infection naturelle. Ceci rime avec les opinions de Caunter, 1996 qui
qualifie ce champignon de spécifique à I. cylindrica.
Certes les isolats de G. cingulata et de Glomerella spp. sont
présents dans deux zones agroécologiques et viennent en nombre en
deuxième position par rapport aux isolats de C. caudatum. Mais
ce paramètre seul ne saurait les classer comme bon potentiel de lutte
biologique. En effet, l'observation au champ des lésions dues à
ces deux types de
champignon montre que ces lésions sont bénignes
(toujours présente sur des plants adultes et vigoureux retrouvés
dans les jachères).
4.1.2 Caractéristiques physiques des
isolats
Contrairement aux isolats de C. caudatum, E.
longirostratum et de E. rostratum, qui ont présenté
la même allure de croissance quelle que soit leur origine, pour B.
sacchari et D. gigantea, les isolats qui sont exogènes ont
eu une croissance lente par rapport à ceux qui sont indigènes.
Les dimensions des conidies de C. caudatum isolés ((30-35) x
(3.75-5) um) sont proches mais plus diversifiées que celles
décrites par Caunter (1996) sur des plants de I. cylindrica
soit ((20,5-38,5) x (2,8-4,2))um. Ceci laisse penser que C. caudatum
présente des caractéristiques similaires quelle que soit son
origine, contrairement à B. sacchari, D. gigantea, E. rostratum et
E. longirostratum. En effet pour ces espèces, les isolats
exogènes sont pour la plupart, différents du point de vue de leur
caractéristiques, des isolats indigènes, qui sont tous
identiques, surtout lorsqu'on considère les formes et dimensions des
spores. Ceci laisse penser que les conditions environnementales peuvent donc
être l'objet de caractères spécifiques chez les isolats et
donc certains isolats peuvent mieux convenir à certaines
régions.
4.1.3 Etude comparée de la virulence des isolats
L'analyse des résultats montre qu'il n'existe pas de
corrélation entre la taille des lésions obtenues à partir
du test in vitro et du test in vivo. Ceci suppose qu'on ne
pourra pas se baser sur les résultats du test in vitro pour
prédire la classification des isolats selon leur virulence. En effet,
les tests in vitro ont été faits avec des pièces
de tissus végétaux qui n'assurent plus leurs fonctions
physiologiques. Ils sont faits en conditions de laboratoire où
l'humidité et la température sont stables (70% et 25
0C) alors que le matériel végétal (pièce
de feuille) contrairement à la plante, n'assure plus ses fonctions de
photosynthèse donc pas de réaction de défense. Ainsi, les
lésions se sont développées plus rapidement sur le tissu
que sur la plante entière et les isolats n'ont pas montré les
mêmes performances lorsqu'ils sont inoculés à des plantes
entières. Le pathogène se développerait alors très
rapidement pendant que `'l'hôte» est inerte. De plus les morceaux de
feuilles portent déjà des blessures à leurs
extrémités qui pourraient faciliter la pénétration
des propagules et par conséquent favoriser l'infection. Ceci est
conforme
avec les remarques de Madar et Kimchi (1998) lorsqu'ils ont
inoculé les plants de Juniperus oxycedrus L., avec
Phomopsis occulta (Sacc.). En effet, lorsque ces auteurs faisaient des
entailles sur les tiges avant l'inoculation, ceux-ci développaient des
chancres alors qu'aucun symptôme ne se développait quand il n'y
avait pas d'entailles. Toutefois, la réalisation des tests in
vitro apparait comme un chemin raccourci à la sélection des
isolats pathogènes après les prospections et permettra donc la
gestion d'un nombre réduit de pathogènes pour les tests in
vivo. Contrairement à notre attente de départ, l'utilisation
de suspension de spore comme inoculum n'a pas toujours été plus
efficiente que celle des suspensions de mycélium. Pour la plupart des
isolats choisis, la suspension de mycélium a été plus
agressive. Ceci peut s'expliquer par le fait que le mycélium est la
propagule qui pousse le plus vite possible. En effet, cette propagule exige
moins d'humidité pour coloniser le tissu végétal mais elle
ne tolère pas les conditions de sécheresse. Or nos
expérimentations ayant été faites en cage où la
température journalière moyenne ne dépassait jamais
28oC, ceci favoriserait une meilleure infection à partir du
mycélium, contrairement aux spores qui sont des structures de
résistance et qui ont besoin davantage d'humidité pour le
début de l'infection, d'où une germination plus lente. Par
contre, dans des conditions semblables, Madar et Kimchi (1998) ont
montré que l'inoculation des plants de J. oxycedrus avec les
spores de P. occulta ont développé plus de
symptômes que l'inoculation avec le mycélium. En milieu
réel, dans les conditions correspondantes à celles des pays
tropicaux où I. cylindrica est un problème, une
meilleure option est d'utiliser les spores à cause de leur
résistance mais en contournant leur faiblesse par le
développement des formulations qui pourront augmenter leur vitesse
d'infection en créant une humidité artificielle et
circonstancielle par l'apport d'adjuvants et d'émulsifiants comme la
gélatine, l'huile, le sucre, le tween etc.
La croissance de la plante est le plus souvent plus importante
que le développement des pathogènes et il en découle une
incidence faible. Ceci peut s'expliquer d'une part par la forte capacité
de repousse de I. cylindrica qui est en mesure de produire en moyenne
une feuille par semaine (Atchade, 2004). D'autre part, aucune contamination
croisée n'était possible à cause des conditions
expérimentales. En effet, l'essai était installé dans des
cages et l'arrosage se faisant directement dans les pots et non sur les
plantes. Cette pratique n'a pas permis de bénéficier des agents
extérieurs que sont les insectes, le vent et
la pluie qui pourraient faciliter le transport des propagules
(spores ou fragments de mycélium) vers les nouvelles feuilles et les
repousses. Remarquons aussi que la plus forte étendue de lésion
est au dessous de la classe 4 correspondant à 12%-25% de feuille
brûlée (Annexe 4), qui est de loin inférieur à la
classe 10 qui correspond à la destruction totale de la plante. Ceci est
conforme aux résultats de Caunter (1996) avec C. caudatum qui a
démontré que les lésions n'ont jamais pu tuer la plante
entière.
Nous n'avons pas pu faire des études de
spécificité des isolats les plus virulents malgré la
grande importance de cette étape dans le processus de la lutte
biologique (Pearson et Callaway, 2003). Mais une brève bibliographie a
permis de déduire qu'une attention particulière doit être
accordée aux deux isolats de C. caudatum COCBEN8 et COCBEN46.
En effet plusieurs espèces du groupe des Helminthosporium dont
B. sacchari, D. gigantea, E. longirostatum et E.
rostratum, n'attaquent pas I. cylindrica seul en ce sens que
Chandramohan et al, 2001 ont utilisé un mélange de ces 3
espèces de champignons contre 7 différentes espèces
d'herbes (ce qui est idéal pour les champs abandonnées). De plus,
certaines espèces de ce groupe peuvent produire des mycotoxines qui
peuvent affecter le foie (Leonard et Suggo, 1974), ou peuvent
causer l'allergie. Par contre, C. caudatum dont
l'isolat COCBEN46 est relativement virulent par la suspension mycélienne
que par la suspension de spore est spécifique à I.
cylindrica (Caunter et Wong, 1988) et pourra faire l'objet d'attention
particulière dans le futur. La tendance générale
étant de penser que la mise au point des mycohebicide couterait trop
cher pour les pays africains, il est impérieux de faire des
études sur la production en masse des spores de C. caudatum
à partir des sous produits agricoles et de chercher des formulations et
des méthodes d'applications simples pour augmenter le taux d'infection.
Nous proposons par exemple la récupération des spores dans du
kaolin ou dans de la pâte sèches (pour faciliter leur conservation
et servir de véhicule) et leur formulation avec un faible pourcentage de
gomme arabique (10% p/v) ou de gélatine (pour augmenter
l'humidité et capter les gouttelettes de la rosée).
|