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Lutte biologique contre l'adventice Imperata cylindrica (L.) Beauv., à  partir des champignons pathogènes indigènes au Bénin

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par Adolphe Sètondji AVOCANH
Université d'Abomey Calavi - DEA 2007
  

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CHAPITRE 4 : DISCUSSIONS

4.1 Discussion

4.1.1 Prospection pour la collecte des isolats, leur isolement et test de pathogénicité
Globalement, tous les pathogènes étaient présents dans les zones humides (ZH)
contrairement aux autres zones. Ceci suppose que les conditions météorologiques (en
particulier l'humidité, la température et la durée de la rosée peuvent influencer
sensiblement le développement et la présence d'agents de lutte biologique sur I.
cylindrica
. En effet, la ZH est plus humide et plus arrosée (1300 mm contre
respectivement 1200 mm et 1000 mm de pluie annuelle pour la ZSH et la ZSA). Aussi
l'humidité relative annuelle dans cette zone est plus élevée à savoir 75% contre
respectivement 60% et 50% pour la ZSH et la ZSA. Les travaux de Kudsk et al, 1988
avaient déjà démontré l'effet favorisant des fortes humidités et durée de la rosée sur la
production des feuilles et le nombre de stomates. En effet le principe actif d'un
mycoherbicide étant la propagule d'un champignon, plus le nombre de stomate est grand,
plus la pénétration des propagules dans le tissu végétal serait plus facile. Ceci a d'ailleurs
été démontré par Zhang et Watson (1997) qui ont signalé qu'une période de rosée
adéquate a contribué à augmenter la capacité de Exserohilum monoceras à réduire à
100% les jeunes plants de Echinochloa spp. Il faut cependant remarquer dans la ZSH un
effet contraire des saisons. Alors qu'en régions humide et semi-aride, la majeure partie
des pathogènes était collectée en saison pluvieuse, c'est en saison sèche qu'elle l'a été en
région semi humide. Ceci pourrait s'expliquer par son caractère de zone de transition qui
la classe à cheval sur les deux autres zones. Ceci pourrait aussi s'expliquer par les fortes
différences de températures entre le jour et la nuit dans cette zone. En effet il existe une
corrélation entre la température et la quantité de rosée. Les fortes différences de
température entre les jours et les nuits favorisent une forte condensation de rosée qui
pourrait favoriser les taux d'infection. De plus les températures trop fortes peuvent
détruire les propagules contenues dans l'inoculum alors que les températures trop basses
peuvent empêcher le début de l'infection et son évolution. De même il faut remarquer
que le nombre de pathogènes collectés dans la ZSA et la ZSH (respectivement 2 et 10)
sont relativement faibles pour qu'on puisse parler de majorité de pathogènes retrouvés
dans l'une ou l'autre saison dans ces zones.

Plus d'une douzaine d'espèces de champignons est documentée par Evans (1987) comme agents probables de lutte contre I. cylindrica. Aucune D'elles ne figure parmi les espèces identifiées comme agents potentiels de luttes contre I. cylindrica dans le cadre de cette étude. Mais, C. caudatum isolé sur I. cylindrica en Malésie en 1996, était cité par Caunter (1996) comme ayant un potentiel bioherbicide. Quant aux genres Glomerella il n'a jamais été signalé sur I. cylindrica. D'ailleurs Mike et Helen (1996) ont reconnu que ces pathogènes infectent rarement les feuilles ou que, quand ils sont présents sur feuille, les lésions sont très diffuses. Ceci est conforme avec les résultats de notre étude où malgré leur forte capacité de production de spores, les isolats de Glomerella n'ont pas pu significativement infecter le tissu foliaire.

Bipolaris, Exserohilum et Drechslera sont regroupés au sein du même groupe, celui des Helminthosporium, et causent des lésions similaires (Alcon, 1988). Ceci est confirmé par nos observations selon lesquelles, il n'était pas possible de reconnaître B. sacchari, D. gigantea, E. longirostratum ou E. rostratum en se basant uniquement sur l'observation des lésions. En se basant uniquement sur les observations visuelles au champ, les lésions dues à B. sacchari, D. gigantea, E. longirostratum ou E. rostratum sont les moins fréquents mais quand ils sont présents ils apparaissent comme les lésions les plus capables de contrôler l'herbe. D'ailleurs ces champignons ont été utilisés avec succès aux Etats-Unis. Yandoc et al., 1999 ont utilisé Drechslera gigantea et Bipolaris sacchari en formulation sur plusieurs adventices de la famille des Poacae dont I. cylindrica. Mais ces isolats sont localisés uniquement dans le ZH et ne sont pas fréquent.

Le fait que C. caudatum est présent dans toutes zones agroécologiques et donc peut s'adapter à toutes les régions du Bénin, le classe comme le meilleur candidat pour contrôler I. cylindrica, lorsqu'il est convenablement formulé pour augmenter son potentiel d'infection au dessus du seuil d'infection naturelle. Ceci rime avec les opinions de Caunter, 1996 qui qualifie ce champignon de spécifique à I. cylindrica. Certes les isolats de G. cingulata et de Glomerella spp. sont présents dans deux zones agroécologiques et viennent en nombre en deuxième position par rapport aux isolats de C. caudatum. Mais ce paramètre seul ne saurait les classer comme bon potentiel de lutte biologique. En effet, l'observation au champ des lésions dues à ces deux types de

champignon montre que ces lésions sont bénignes (toujours présente sur des plants adultes et vigoureux retrouvés dans les jachères).

4.1.2 Caractéristiques physiques des isolats

Contrairement aux isolats de C. caudatum, E. longirostratum et de E. rostratum, qui ont présenté la même allure de croissance quelle que soit leur origine, pour B. sacchari et D. gigantea, les isolats qui sont exogènes ont eu une croissance lente par rapport à ceux qui sont indigènes. Les dimensions des conidies de C. caudatum isolés ((30-35) x (3.75-5) um) sont proches mais plus diversifiées que celles décrites par Caunter (1996) sur des plants de I. cylindrica soit ((20,5-38,5) x (2,8-4,2))um. Ceci laisse penser que C. caudatum présente des caractéristiques similaires quelle que soit son origine, contrairement à B. sacchari, D. gigantea, E. rostratum et E. longirostratum. En effet pour ces espèces, les isolats exogènes sont pour la plupart, différents du point de vue de leur caractéristiques, des isolats indigènes, qui sont tous identiques, surtout lorsqu'on considère les formes et dimensions des spores. Ceci laisse penser que les conditions environnementales peuvent donc être l'objet de caractères spécifiques chez les isolats et donc certains isolats peuvent mieux convenir à certaines régions.

4.1.3 Etude comparée de la virulence des isolats

L'analyse des résultats montre qu'il n'existe pas de corrélation entre la taille des lésions obtenues à partir du test in vitro et du test in vivo. Ceci suppose qu'on ne pourra pas se baser sur les résultats du test in vitro pour prédire la classification des isolats selon leur virulence. En effet, les tests in vitro ont été faits avec des pièces de tissus végétaux qui n'assurent plus leurs fonctions physiologiques. Ils sont faits en conditions de laboratoire où l'humidité et la température sont stables (70% et 25 0C) alors que le matériel végétal (pièce de feuille) contrairement à la plante, n'assure plus ses fonctions de photosynthèse donc pas de réaction de défense. Ainsi, les lésions se sont développées plus rapidement sur le tissu que sur la plante entière et les isolats n'ont pas montré les mêmes performances lorsqu'ils sont inoculés à des plantes entières. Le pathogène se développerait alors très rapidement pendant que `'l'hôte» est inerte. De plus les morceaux de feuilles portent déjà des blessures à leurs extrémités qui pourraient faciliter la pénétration des propagules et par conséquent favoriser l'infection. Ceci est conforme

avec les remarques de Madar et Kimchi (1998) lorsqu'ils ont inoculé les plants de Juniperus oxycedrus L., avec Phomopsis occulta (Sacc.). En effet, lorsque ces auteurs faisaient des entailles sur les tiges avant l'inoculation, ceux-ci développaient des chancres alors qu'aucun symptôme ne se développait quand il n'y avait pas d'entailles. Toutefois, la réalisation des tests in vitro apparait comme un chemin raccourci à la sélection des isolats pathogènes après les prospections et permettra donc la gestion d'un nombre réduit de pathogènes pour les tests in vivo. Contrairement à notre attente de départ, l'utilisation de suspension de spore comme inoculum n'a pas toujours été plus efficiente que celle des suspensions de mycélium. Pour la plupart des isolats choisis, la suspension de mycélium a été plus agressive. Ceci peut s'expliquer par le fait que le mycélium est la propagule qui pousse le plus vite possible. En effet, cette propagule exige moins d'humidité pour coloniser le tissu végétal mais elle ne tolère pas les conditions de sécheresse. Or nos expérimentations ayant été faites en cage où la température journalière moyenne ne dépassait jamais 28oC, ceci favoriserait une meilleure infection à partir du mycélium, contrairement aux spores qui sont des structures de résistance et qui ont besoin davantage d'humidité pour le début de l'infection, d'où une germination plus lente. Par contre, dans des conditions semblables, Madar et Kimchi (1998) ont montré que l'inoculation des plants de J. oxycedrus avec les spores de P. occulta ont développé plus de symptômes que l'inoculation avec le mycélium. En milieu réel, dans les conditions correspondantes à celles des pays tropicaux où I. cylindrica est un problème, une meilleure option est d'utiliser les spores à cause de leur résistance mais en contournant leur faiblesse par le développement des formulations qui pourront augmenter leur vitesse d'infection en créant une humidité artificielle et circonstancielle par l'apport d'adjuvants et d'émulsifiants comme la gélatine, l'huile, le sucre, le tween etc.

La croissance de la plante est le plus souvent plus importante que le développement des pathogènes et il en découle une incidence faible. Ceci peut s'expliquer d'une part par la forte capacité de repousse de I. cylindrica qui est en mesure de produire en moyenne une feuille par semaine (Atchade, 2004). D'autre part, aucune contamination croisée n'était possible à cause des conditions expérimentales. En effet, l'essai était installé dans des cages et l'arrosage se faisant directement dans les pots et non sur les plantes. Cette pratique n'a pas permis de bénéficier des agents extérieurs que sont les insectes, le vent et

la pluie qui pourraient faciliter le transport des propagules (spores ou fragments de mycélium) vers les nouvelles feuilles et les repousses. Remarquons aussi que la plus forte étendue de lésion est au dessous de la classe 4 correspondant à 12%-25% de feuille brûlée (Annexe 4), qui est de loin inférieur à la classe 10 qui correspond à la destruction totale de la plante. Ceci est conforme aux résultats de Caunter (1996) avec C. caudatum qui a démontré que les lésions n'ont jamais pu tuer la plante entière.

Nous n'avons pas pu faire des études de spécificité des isolats les plus virulents malgré la grande importance de cette étape dans le processus de la lutte biologique (Pearson et Callaway, 2003). Mais une brève bibliographie a permis de déduire qu'une attention particulière doit être accordée aux deux isolats de C. caudatum COCBEN8 et COCBEN46. En effet plusieurs espèces du groupe des Helminthosporium dont B. sacchari, D. gigantea, E. longirostatum et E. rostratum, n'attaquent pas I. cylindrica seul en ce sens que Chandramohan et al, 2001 ont utilisé un mélange de ces 3 espèces de champignons contre 7 différentes espèces d'herbes (ce qui est idéal pour les champs abandonnées). De plus, certaines espèces de ce groupe peuvent produire des mycotoxines qui peuvent affecter le foie (Leonard et Suggo, 1974), ou peuvent causer l'allergie. Par contre, C. caudatum dont l'isolat COCBEN46 est relativement virulent par la suspension mycélienne que par la suspension de spore est spécifique à I. cylindrica (Caunter et Wong, 1988) et pourra faire l'objet d'attention particulière dans le futur. La tendance générale étant de penser que la mise au point des mycohebicide couterait trop cher pour les pays africains, il est impérieux de faire des études sur la production en masse des spores de C. caudatum à partir des sous produits agricoles et de chercher des formulations et des méthodes d'applications simples pour augmenter le taux d'infection. Nous proposons par exemple la récupération des spores dans du kaolin ou dans de la pâte sèches (pour faciliter leur conservation et servir de véhicule) et leur formulation avec un faible pourcentage de gomme arabique (10% p/v) ou de gélatine (pour augmenter l'humidité et capter les gouttelettes de la rosée).

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille