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Lutte biologique contre l'adventice Imperata cylindrica (L.) Beauv., à  partir des champignons pathogènes indigènes au Bénin

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par Adolphe Sètondji AVOCANH
Université d'Abomey Calavi - DEA 2007
  

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CHAPITRE 1 : REVUE DE LITTERATURE

1.1 Biologie, écologie et gestion de I. cylindrica

1.1.1 Systématique

I. cylindrica est un végétal de l'embranchement des Spermaphytes, du sous-

embranchement des Angiospermes, de la classe des Monocotylédones, de l'ordre des Cyperales, de la famille des Poaceae, de la sous famille des Panicoidae, de la tribu des Andropogoneae, de la sous tribu des Saccharinae, du genre Imperata et de l'espèce cylindrica. C'est est une graminée monocotylédone, ainsi son méristème apical reste proche de la surface du sol alors que les feuilles sont érigées. Hubbard et al. (1944), reconnaissent cinq variétés de I. cylindrica: Var. condensata (2n=10), Var. major (2n = 20), Var. lactifolia (2n=30), Var. africana (2n = 40), Var. europa (2n = 60).

1.1.2 Description morphologique

I. cylindrica est une herbe érigée à rhizome dont la pousse est un chaume cylindrique

formé de gaines de feuilles roulées les unes aux autres. Le rhizome est blanc segmenté, pointu et peut percer les tubercules sous terre, voire piquer les pieds et mains des personnes travaillant dans les champs infestés. Le système racinaire est fibreux et se développe au niveau des noeuds des rhizomes. La tige est pratiquement invisible et donne l'impression que les feuilles sortent directement de terre. Les feuilles de la plante adulte mesurent 1,25 cm à 2,5 cm de large et sont généralement de 30 cm à 75 cm de long. Elles sont rarement d'une couleur vert foncée mais tendent sur du vert pâle avec une bordure tranchante grâce à leur richesse en silice. Contrairement à la plupart des plantes, la nervure blanchâtre qui traverse la surface supérieure n'est pas médiane et permet de distinguer aisément l'espèce. L'inflorescence est une panicule cylindrique de couleur blanchâtre ou or. La panicule mesure en moyenne 10 à 20 cm de long sur 0,5 à 2,5 cm de large (MacDonald, 2004). Les pédicelles sont inégaux et les pollens allongés ou lancéolés sont entourés de poils soyeux. Chaque graine est munie d'une queue ou d'une plume.

1.1.3 Biologie

I. cylindrica se reproduit aussi bien de façon sexuée, par les graines, que de façon

asexuée, par les rhizomes (Bryson and Carter, 1993). En effet, c'est une plante qui
produit plus de 3000 graines par plante. L'inflorescence est induite par les conditions

rudes telles que le fauchage et le brûlis, et les graines peuvent être transportées sur des centaines de mètres.

Une plante obtenue à partir d'un semis peut donner des rhizomes en 4 semaines (Bryson et Carter, 1993). Les rhizomes représentent plus de 60% de la biomasse totale, et le faible rapport pousse/rhizome contribue à sa régénération rapide après un brûlis, un sarclage ou un labour (MacDonald, 2004). La capacité de régénération des rhizomes augmente avec leur âge et leur poids car les rhizomes matures sont plus riches en nutriments que les jeunes rhizomes (MacDonald, 2004). De même, les bourgeons des rhizomes matures qui sont proches de l'apex sont les premiers à régénérer lorsqu'ils sont séparés de la plante mère. En revanche, leur diamètre et leur nombre de noeuds n'influencent pas de façon significative leur croissance (Ayeni et Duke, 1985). Les rhizomes tolèrent bien la dessiccation et se reproduisent mieux sur les sols acide (Wilcut et al., 1988). Chaque segment de rhizome peut produire une nouvelle plante, ce qui peut arriver avec les pratiques culturales et les applications partielles d'herbicide. La régénération des bourgeons est favorisée par leur exposition à la lumière (MacDonald, 2004 ; Atchade, 2004) alors que l'enfouissement des fragments de rhizomes à plus de 8 cm de profondeur peut limiter la propagation de l'adventice (Wilcut et al., 1988).

1.1.4 Distribution Géographique

I. cylindrica pousse souvent dans les régions sub-tropicales et se développe bien dans les milieux où la pluviométrie annuelle se situe entre 750 mm et 5000 mm (Bryson and Carter, 1993). Elle envahit les régions qui sont soumises à de fortes pressions humaines et atteint sa croissance maximale sur les sols fertiles mais son développement normal n'est pas limité par la fertilité du sol.

I. cylindrica est enregistrée comme mauvaise herbe dans 73 pays de par le monde et est présente sur tous les 5 continents. Sa présence est remarquable en Afrique, en Australie, en Asie du sud et dans le Pacific tandis qu'elle est moins abondante ou constitue un problème mineur en Europe du sud, en Méditerranée et en Amérique du sud (Van Loan et al, 2002). Selon Hubbard et al (1944) et Santiago (1980), I. cylindrica var europa est rencontrée en Afrique du Nord et en Europe autour de la Méditerranée, et à l'Est de l'Afghanistan, I. cylindrica var. major est indigène à l'Afrique de l'Est, à l'Asie, à l'Australie, et aux Iles de l'Océan pacifique. I. cylindrica var africana est rencontrée en

Afrique de l'Ouest, I. cylindrica var. lactifolia se développe seulement au Nord de l'Inde, alors que I. cylindrica var condensata est retrouvée en Chili et en Amérique du Sud (MacDonald, 2004).

Selon une prospection couvrant le Bénin, le Cameroun, le Ghana et le Nigéria, la fréquence d'apparition de I. cylindrica diffère suivant les zones agroécologiques mais pas suivant la saison de collection (Chikoye et al, 2001). Ceci suppose que dans une région de forte infestation, l'herbe est aussi présente en saison pluvieuse qu'en saison sèche (Ayeni, 2004).

Selon Ayeni et al, 2004, au Bénin, les taux moyens d'infestation dans les champs cultivés, étaient respectivement de 67%, 45% et 6% (Figure 1) dans la zone humide au sud (2 saisons pluvieuses avec 1200 - 1300 mm de pluies annuelles), dans la zone subhumide au centre (1100 - 1200 mm), et dans la zone subaride au nord (900 - 1000 mm avec une saison de pluie).

Zone subhumide

Zone humide

Zone subaride

1.1.5 Importance agronomique et économique de Imperata cylindrica dans la problématique du développement

I. cylindrica a été désignée parmi 88 autres espèces comme la pire des mauvaises herbes, par la majorité des paysans interviewés dans différentes zones agro-écologiques des zones humides et subhumides au Bénin, au Nigéria et en Côte d'Ivoire (Chikoye et al., 2000; Ayeni et al, 2004 ; Vissoh et al., 2004). Elle est classée 7ème mauvaise herbe sur le plan mondial (Holm et al, 1977).

Sur le plan économique, I. cylindrica est considérée comme un sérieux problème en Afrique occidentale et centrale. Les pertes qu'elle inflige aux cultures à tubercules telles que le manioc et l'igname, ne sont pas seulement dues à la compétition directe, mais aussi aux infections qui surviennent lorsque les rhizomes de l'herbe percent les tubercules. De même, par exemple au Bénin, l'enlèvement manuel de I. cylindrica coûte, 40.000 à 50.000 FCFA par ha (Vissoh et al., 2004). Le coût de l'enlèvement de I. cylindrica par l'usage des herbicides est estimé à $400 par hectare (Van Loan et al., 2002). I. cylindrica est un fourrage de peu d'importance parce que le bord tranchant des feuilles (riches en silice), la rend indésirable par les animaux (Coile et Shilling, 1993). Selon Hubbard et al. (1944) I. cylindrica est utilisée pour l'emballage des biens en milieu rural en Afrique. En Irak, elle sert à fabriquer des brosses ; en Egypte elle sert dans la fabrication des cordes et des tapis, des nattes, des tapis-brosses et en Union Soviétique dans la fabrication des essuie-pieds. Au sud et au centre du Bénin, I. cylindrica est utilisée pour couvrir les cases (Ayeni et al, 2004). Certaines populations l'utilisent dans le domaine médicinal. En effet dans la région de Dangbo au Bénin, les rhizomes de I. cylindrica sont utilisés comme aphrodisiaque, ou pour renforcer la santé des enfants en période de dentition (Ayeni et al, 2004).

Sur le plan social, on assiste à l'abandon de terres cultivables envahies par I. cylindrica à cause du caractère compétitif de l'herbe, mais aussi à cause de sa capacité de repousse (Terry et al., 1997).

Sur le plan environnemental, même si l'herbe est une des rares espèces qui oeuvrent à la réduction de l'érosion du sol, elle a indirectement des effets nuisibles sur la nature. Entre autres effets, on peut signaler que la grande capacité d'extension de I. cylindrica entraînant l'abandon des terres infestées, favorise l'exploitation abusive d'autres surfaces

avec comme corollaire la destruction des espaces boisés. De même, cet abandon pousse les jeunes paysans à l'exode rural dans les grandes villes où ils s'adonnent à la vente de l'essence au bord des voies, puis à la conduite de taxi-moto, contribuant ainsi à augmenter les risques de pollution.

A la lumière de cette analyse, il est évident que I. cylindrica est une herbe qui présente d'avantages minimes par rapports aux dommages qu'elle cause à la société. Ainsi, en 2004 au Bénin, la perception des paysans dans toutes les trois zones ci-dessus décrites étaient que I. cylindrica évolue plus comme une herbe indésirable qu'une herbe utile (Ayeni, 2004). C'est pourquoi dans les régions de fortes infestations, 96% des paysans interviewés pensent que l'herbe est nuisible, tandis 89% d'entre eux souhaitent une éradication totale (Ayéni, 2004) et en attendant une meilleure solution, ils développent diverses stratégies pour ramener les taux d'infestation à des niveaux acceptables.

1.1.6 Méthodes classiques de lutte contre I. cylindrica 1.1.6.1 Lutte mécanique

Une lutte mécanique réussie nécessite la destruction de la capacité de repousse des rhizomes et des graines, habituellement par des perturbations physiques, enfouissement ou enlèvement complet de l'herbe pour empêcher sa croissance. Ainsi, elle a pour but de couper les rhizomes en morceaux et de les exposer au soleil ou les enfouir en profondeur afin de prévenir leur repousse (Brook, 1989).

Dans la pratique, un tel but est impossible à atteindre, cependant la lutte mécanique reste de loin, une des méthodes les plus largement répandues.

Les paysans à faibles revenus se limitent au fauchage, à l'enlèvement manuel ou au brûlis parce que ces techniques ne nécessitent que l'énergie humaine et l'usage d'instruments simples (Brook, 1989). Mais elles ne garantissent pas à elles seules une réduction de la biomasse des rhizomes et du feuillage (Willard et al., 1996).

Le brûlis utilise le même principe que le fauchage, c'est-à-dire l'enlèvement de la partie aérienne. Il est préféré en Afrique centrale et occidentale au fauchage mais il induit les repousses (Avocanh, 2005) et accentue l'inflorescence, et par conséquent la production de graines (CABI, 2005). De plus, il comporte les risques d'extension du feu à d'autres champs ou aux agglomérations mais aussi un risque de pollution environnementale (Menz et al., 1998) et de l'érosion des sols.

Au sud-Bénin, les paysans billonnent les terres, ce qui a un double avantage de recycler la fertilité et de réduire l'infestation du sol (Vissoh et al., 2004).

1.1.6.2 Lutte culturale

La fumure et l'utilisation des jachères constituent les principales méthodes culturales. L'utilisation de la fumure est basée sur le principe que la fumure, en particulier l'azote, peut favoriser la compétitivité des cultures désirées en défaveur de I. cylindrica (MacDonald, 2004). En effet, l'apport d'engrais influence très peu le développement de I. cylindrica (Atchade, 2004) et permet aux cultures d'être compétitives par leur couverture végétale dont l'ombrage peut réduire le développement de l'herbe.

L'observance des jachères, utilise également comme principe, le caractère héliophile de I. cylindrica (Brook, 1989 ; Atchade, 2004). Une période de jachère naturelle adéquate pour venir à bout de l'herbe peut durer plusieurs années. Or, la pression démographique et l'augmentation des besoins alimentaires ont conduit à la nécessité de réduire les périodes de jachères. Au sud Bénin, par exemple, les périodes traditionnelles de jachères ne sont plus respectées. C'est seulement dans quelques régions comme Pobè et Bonou que certains paysans continuent à observer entre 4 à 5 années de jachère (Vissoh et al., 2004). L'utilisation des plantes de couverture peut permettre de réduire le temps de jachère et par conséquent, limiter la contrainte liée aux jachères naturelles. En effet, selon Vissoh et al., (2004), les plantes de couverture permettent de réduire le temps de jachère jusqu'à 2- 5 ans. Selon Brook (1989), les espèces recommandées sont : Calopogonium mucunoides Desv., Centrosema pubescens BTH, Pueraria phaseoloides (Roxb.) BTH, Psophocarpus palustris Desv., Crotolaria spp., Styloxanthes spp., Moghania macrophylla (Willd.) et Gliciridia maculata HBK.

Déjà en 1992 le projet Sasakawa Global 2000 a entrepris au Bénin la vulgarisation de Mucuna spp pour lutter contre I. cylindrica. Après 3 années consécutives d'utilisation du Mucuna spp, 100% des exploitants avaient reconnu que cette plante de couverture contribuait à améliorer la fertilité des sols tandis que 84% d'entre eux ont confirmé son pouvoir d'éradication de I. cylindrica en deux années (Galiba et al, 1998). Paradoxalement de nos jours l'utilisation de Mucuna se raréfie de plus en plus à causes de plusieurs contraintes. Selon une enquête menée au Bénin, au Nigéria et en Côte d'Ivoire par Chikoye et al., 2000, seulement 12,7% des paysans interviewés utilisaient les

jachères améliorées (utilisation de Mucuna spp.). Ceci montre que des réticences persistent par rapport à l'adoption de cette technique pour venir à bout de I. cylindrica, car les plantes de couverture occupent des espaces réservés aux cultures. C'est comme si les investissements nécessaires pour leur établissement ne sont pas bénéfiques par rapport aux avantages qu'elles génèrent (Manyong et al., 1999). Selon Chikoye et al., (2002), il est invraisemblable que les plantes de couverture soient totalement adoptées dans une condition de manque cruel d'espaces cultivables. Ainsi, au Bénin, les plantes de couverture, comme Mucuna spp, et Aeschynomene histrix qui occupent le sol pour une courte durée sont peu adoptées (Vissoh et al., 2004) alors que les espèces pérennes comme Cajanus cajan, Acacia auriculiformis sont mieux adoptées parce qu'elles sont également exploitées pour leurs bois, leurs graines et feuilles comestibles (Vissoh et al., 2004). Comme les graines de Mucuna spp. n'ont aucune valeur alimentaire (Vissoh et al., 2004), Versteeg et al. (1998) avaient initié au Bénin un processus de désintoxication des graines de Mucuna spp., pour pouvoir l'utiliser dans les principaux plats. Or les études menées par Ayeni et al. (2004), confirment toujours la non-adoption de cette plante par les paysans. Cette réticence dans l'adoption des plantes de couvertures au sud Bénin peut être expliquée par l'augmentation de la pression démographique. En réalité, l'importance économique des plantes de couverture peut varier selon les cultures. Elles sont par exemple en général bénéfiques dans un champ de manioc tandis que l'effet contraire est observé pour le maïs (Chikoye et al., 2001). Face à ces faiblesses, d'autres auteurs ont tendance à privilégier la lutte chimique.

1.1.6.3 Lutte chimique

La lutte chimique permet d'obtenir un résultat rapide et en plus elle n'est pas fastidieuse dans sa mise en oeuvre. Comparativement aux méthodes de lutte mécanique, elle évite la perturbation du sol qui entraîne l'érosion (Brook, 1989). Plusieurs herbicides existent et ont été testés pour leur efficacité contre I. cylindrica (Brook, 1989; MacDonald, 2004). Les herbicides usuels sont Dalapon, Glufosinate, Imazapyr et Glyphosate qui est le plus fréquent sur le marché. Cette préférence au Glyphosate est due à sa faible toxicité pour les mammifères et son absence de résidus phytotoxiques sur le sol (Terry et al., 1997) et son coût relativement faible. Malheureusement, les herbicides sont seulement utilisés par les paysans à forts revenus; ils ne sont pas spécifiques et nécessitent la disponibilité de

grandes quantités d'eau. Mal utilisés, les herbicides peuvent entraîner des problèmes sur la santé et sur l'environnement. La limitation de l'utilisation des herbicides dans les pays au sud du Sahara est due à quatre facteurs majeurs : la non disponibilité d'herbicide de bonne qualité, la non disponibilité d'équipements adéquats, l'absence de formation adéquate et les coûts élevés. Sur 300 paysans interviewés au Bénin aucun n'utilisait d'herbicide contre I. cylindrica (Ayeni et al, 2004).

Si le problème constitué par I. cylindrica augmente d'année en année (Ayeni, 2004), ceci suppose qu'aucune des méthodes ci-dessus mentionnées n'est encore suffisante et par conséquent de nouvelles méthodes de lutte telle que la lutte biologique peuvent être envisagées.

1.2 Théorie et principes de la lutte biologique

Les végétaux, tout comme les animaux, possèdent des ennemis naturels (insectes ou pathogènes) qui coexistent normalement dans un certain équilibre, mais qui peuvent dans certaines conditions occasionner leur destruction partielle ou totale. La lutte biologique est l'étude et l'utilisation de ces ennemis naturels pour réguler la densité d'une population d'hôte donnée qui croit à cause du déséquilibre de l'environnement original (Harlet et Forno, 1992). La lutte biologique peut être classique (inoculative) ou inondative.

1.2.1 Lutte biologique classique

La plupart des pestes ne sont des contraintes que dans leur nouveau milieu d'introduction, où elles rencontrent des conditions favorables à leur développement pendant que leurs ennemis naturels sont absents. La lutte biologique classique consiste à : « introduire l'agent de lutte biologique dans une région qui n'est pas son origine afin de réduire de façon significative une population d'hôte qui est le plus souvent introduite ». Les cas de succès de cette technique sont légion. C'est par exemple l'utilisation d'un parasitoïde, Anagyrus (Epidinocarsis) lopezi De Santis originaire d'Argentine du Nord, qui a permis de lutter efficacement contre la cochenille farineuse du manioc Phenacoccus manihoti Matile-Ferrero (Homoptera, Pseudococcidae) au Nigéria et au Bénin (Neuenschwander, 2002). De même, Typhlodromalus aripo De Leon un prédateur originaire du Brésil, qui s'est établi rapidement en Afrique subsaharienne, a réduit considérablement la population de l'acarien vert du manioc, Mononychelus tanajoa (Bondar) (A cari Tetranychidae).

(Yaninek et Hanna, 2003). De 1995 à 1998 le succès des lâchers de Pareuchaetes pseudoinsulata Rego Barros (Lepidoptera, Arctiidae) au Ghana a permis de réduire l'infestation de Chromolaena odorata (L.) (Asteraceae) de 85% à 32% (James et al., 2002). Au Bénin, dans les localités de Tévèdji, Lihu, et Kafedji, sur le fleuve Ouémé la jacinthe d'eau, Eichhornia crassipes (Mart.) Solms-Laubach (Pontederiaceae) a été réduite de la surface du fleuve Ouémé, de 100% à 5%, en 8 années par les lâchers de Neochetina eichhorniae Warner (Coleoptera curculionidea) et de Neochetina bruchi Hustache (Coleoptera curculionidea) (Ajuona et al., 2003).

Dans le cas d'utilisation des champignons pathogènes, cette forme de lutte peut être assimilée au lâcher des champignons biotrophes contre une cible. L'un des succès en matière de ce genre de lutte est l'utilisation de la rouille (champignon biotrophe) Uromycladium tepperianum pour contrôler Acacia saligna en Afrique du sud (Charudattan, 2001). Ce champignon a été importé de l'Australie vers l'Afrique du Sud après des tests de spécificité effectués sur une large variété de culture d'importance économique (Morris, 1987). C'est aussi le cas de l'établissement de Neozygites tanajoae (Entomophtorales, Neozygitaceae) d'origine brésilienne, causant une infection moyenne de 25% des populations d'acarien vert au Bénin (Hountondji et al., 2002).

La lutte biologique classique contre les mauvaises herbes implique le plus souvent l'utilisation des champignons pathogènes. Pour être efficace, elle doit prendre en compte l'écologie de l'herbe, sa biologie et les informations climatiques et géographiques sur les régions où l'herbe constitue un problème. Si dans le cas d'utilisation des insectes comme agent de lutte contre les mauvaises herbes, de grands succès ont été obtenus avec des insectes exotiques, dans le cas de l'utilisation des microbes (le plus souvent des champignons), les problèmes d'homologation constituent une contrainte majeure. En effet, l'évaluation de l'effet des microorganismes lâchés dans l'environnement nécessite des connaissances et moyens spécifiques qui font défauts dans les pays africains. Ceci suscite une méfiance à l'égard des microorganismes d'origine exogène d'où des difficultés d'homologation.

Depuis les années 2000 certains champignons pathogènes sont déjà classés ou
commercialisés comme des agents de lutte biologique contre les mauvaises herbes dans

les pays développés comme les Etats-Unis, l'Italie, le Canada et l'Australie, mais aussi en Inde et en Chine (Tableau 1).

Tableau 1: Quelques champignons commercialisés ou utilisés comme agents de lutte biologique Champignons Noms commerciaux Herbes cibles

Acremonium diospyri - Diospyros virginiania

Alternaria zinniae - Xanthium occidentale

Alternaria eichhorniae - Eicchornia crassipes

Alternaria cassiae CASST Cassia obtusifolia

Cercospora rodmanii ABG 5003 Eicchornia crassipes

Colletotrichum coccodes VELGO Abutilon theophrasti

Colletotrichum gloesporiodes f. sp LUBOA 2 Cuscuta chinensis et, Cuscuta

cuscutae australis

Colletotrichum gloesporiodes f. sp malvae

BIOMAL Malva pusilla

 

Colletotrichum gloesporiodes f. sp COLLEGO Aeschynomene virginica

aeschynomene

Colletotrichum orbiculare - Xanthium spinosum

Condrosterium purpureum BIOCHON Prunus serotina

Phytophtora palmivora DEVINE Morrenia odorata

Source: Les champignons agents de lutte biologiques, Butt et al., 2001

En Afrique, des efforts sont aussi déployés dans la recherche d'agents microbiens de lutte contre les mauvaises herbes. C'est le cas de Sporisorium ophiuri (P. Henn) Vanky (Ustilaginales), un charbon bactérien utilisé dans la lutte contre Rottboellia cochinchinensis (Lour.) Clayton, appelée encore herbe queue de rat (Valverde, 2005). Il en est de même pour les isolats de Fusarium oxysporum f. sp. Striga qui réduisent significativement l'émergence de Striga hermonthica dans les champs de céréales (Kroschel et al., 1996; Ciotola et al., 1999, Elzein et Kroschel, 2004).

1.2.2 Lutte biologique inondative

Selon Harley et Forno (1992), contrairement à la lutte biologique classique où l'agent de lutte biologique reste permanent et se perpétue une fois établie, dans le cadre de la lutte biologique inondative, l'agent n'est pas un élément permanent du biotype. Même lorsqu'il y est présent, sa densité n'est pas à même d'assurer une maîtrise de l'hôte. Il s'agit donc de l'introduction dans l'environnement à plus d'une fois, une grande quantité d'inoculum pour induire une population d'agent de lutte biologique capable de contrôler efficacement l'hôte (approche inondative), ou pour compléter périodiquement l'effectif

d'une population d'agent de lutte biologique existante, afin de maîtriser l'hôte (approche augmentative).

Le type de formulation utilisé pour un biopesticide prend en compte les exigences écologiques, les techniques d'application disponibles, la biologie de l'hôte et celle du pathogène, mais aussi le mode d'action de ce dernier. C'est ainsi que dans le cadre de la lutte contre les sauteriaux, le projet LUBILOSA (IITA-Benin) a fait le développement de la formulation huileuse des spores du champignon Metarhizium anisopliae. Ce type de formulation favorise l'adhésion des spores à la cuticule des insectes mais garantit aussi l'infection dans les conditions d'humidité relative faible comme dans le désert (Bateman, 1997) en ce sens que l'émulsion huileuse protège les propagules contre la dessiccation et les rayons UV. Dans le cadre de la lutte biologique contre les adventices, le choix de l'approche inondative a pour finalité le développement d'un mycoherbicide. Le mot mycoherbicide se décompose en `'Myco» qui signifie : « champignon » et `'Herbicide» qui signifie : « qui tue les herbes ». Un mycoherbicide est un herbicide dont le principe actif est une propagule de champignon (mycélium, conidies, sclérotes, chlamydospores, etc.) mélangé à d'autres ingrédients (sources d'énergie et surfactants), le tout dans un support convenablement choisi pour faciliter le début de l'infection, le développement de l'infection, l'application du produit, sa conservation, et sa durée de vie (formulation). L'apport de tween 80 dans certaines formulations facilite par exemple, la dispersion uniforme des propagules et assure un début d'infection correct. Il faut aussi signaler l'usage d'abrasives comme le Gasil dans les formulations mycoherbicidiques qui permet de faciliter l'infection des herbes hôtes par le pathogène inoculé en causant préalablement des dommages dans le tissus foliaire.

1.3 Les options de la lutte biologique contre I. cylindrica

Imperata cylindrica importé aux Etats Unis pour lutter contre l'érosion de sols s'est propagé rapidement pour devenir une adventice. Alors des chercheurs de l'université des Florides ont entamé des prospections sur les ennemis naturels et ont abouti à la découverte de pathogènes, d'arthropodes et d'autres invertébrés capables d'attaquer I. cylidrica (Van Loan et al., 2002).

Parmi les insectes reportés de par le monde, seul Orseolia javanica Kieffer et van Leeuwen-Reijnvaan (Cecidomyidae), est spécifique à I. cylindrica (Van loan et al., 2002). Il se trouve en abondance dans les endroits où I. cylindrica est régulièrement coupé ou fauché. Ses femelles pondent des oeufs qui, après éclosion, donnent des larves qui pénètrent dans la plante pour y créer des galles. Mais les chances de considérer O. javanica comme un agent potentiel de lutte biologique efficace sont réduites par l'existence de Platygaster oryzae (Hym., Platygasteridae) qui est son prédateur (Van Loan et al., 2002).

Plusieurs pathogènes sont associés à I. cylindrica. On peut citer par exemple Myrellina imperatae Sankaran et Sutton qui causent en Malaisie des taches et des chloroses sur les feuilles (Sankran and Sutton 1992). De même on peut citer, Xanthomonas albilineans (Ashby) Dowson en Australie, qui est responsable d'une décoloration foliaire (Persley, 1973). Beaucoup d'autres pathogènes sont cités dans le monde incluant Puccina rufipes Diet., Claviceps imperatae Tanda et Kawatani, Monodisma fragilis Alcorn, Deightoniella africana Hughes, Mycosphaerella imperatae Sawada, Bipolaris maydis (Y. Nisik.) Shoemaker, Colletotrichum caudatum (Sacc.) Peck, C. graminicola (Ces.) G.W. Wilson, Aschochyta sp., Didymaria sp., Dinemasporium sp., Chaetomium fusiforme Chivers et Helminthosporium, Curvularia et Fusarium species (Chadrasrikul, 1962; Chase et al., 1996; Caunter, 1996).

Déjà en 1985, 12 champignons pathogènes de I. cylindrica avaient été listés en Albanie (Ravenell, 1985). En Afrique on peut citer Giberella imperatae C. Booth et Prior qui cause des dessèchements au niveau de I. cylindrica en Nouvelle Guinée (Booth et Prior 1984).

D'autres études effectuées aux Etats-Unis ont montré d'une part, l'efficacité d'un
mélange de pathogènes (Drechslera gigantea et Bipolaris sacchari) en formulation sur

plusieurs adventices de la famille des Poacae dont I. cylindrica (Yandoc et al., 1999), et d'autre part, l'efficacité de Drechslera gigantea (Heald et Wolf) (Pleosporaceae), Exserohilum rostratum (Drechsler) Leonard et Suggs (Pleosporaceae), Exserohilum longirostratum (Pleosporaceae) et Bipolaris sacchari (Pleosporaceae) sur I. cylindrica (Charudattan, 1996).

Des efforts de collection de pathogènes au niveau de rhizomes ont été faits en 2005 au Bénin et ont permis d'identifier Fusarium oxysporum Schlecht. Emend. Synd.et Hans. (Tuberculariaceae), Macrophomina phaseolina (Tassi) Goid et Chaetomium spp (Kunze) (Chaetomiaceae) (Ali-Bidjowe, 2006) mais aucun espoir de lutte n'est obtenu après leur application. L'utilisation des champignons foliaires reste donc à ce jour la seule possibilité.

CHAPITRE 2 : MATERIEL ET METHODES

2.1 Production de plants de I. cylindrica

De jeunes plants de 6 semaines d'âge ayant une hauteur comprise entre 8-10 cm et 4

feuilles, ont été utilisés pour le test de pathogénicité tandis que des plantes adultes à feuilles lignifiées ont servi pour le test de virulence.

b

Les jeunes plantes ont été produites à partir de semis de graines de I. cylindrica sur du coton humidifié (Figure 2a). Quatorze jours après germination, chaque plantule a été transplantée dans un pot en plastique (4 cm x 7 cm x 10 cm) rempli de sol stérilisé à l'autoclave (121 OC et 1,2 bar) (Figure 2b) pour être utilisée 4 semaines après. Pour les tests de pathogénicité.

a

Figure 2: Semis de I. cylindrica sur du coton (a) jeunes plantes de I. cylindrica transplantées après semis ( b)

Les plants adultes avec des feuilles lignifiées et riches en silice ont été transférés directement d'un champ naturellement infesté dans la station de l'IITA-Bénin, à raison d'un plant par pot, ceci afin d'être proche des conditions et aspects naturels des plants. Lorsque les plants transplantés ont un minimum de deux nouvelles feuilles, toutes les anciennes feuilles ont été enlevées. Lorsque tous les plants ont eu un minimum de cinq feuilles, les plus vieilles feuilles ont été enlevées pour laisser les trois plus jeunes feuilles. Ces trois feuilles ont été marquées de fines ficelles de couleur jaune, verte, bleue pour identifier respectivement la plus jeune, la moins jeune et la plus vieille feuille.

2.2 Prospection des champignons pathogènes 2.2.1 Collecte des feuilles avec symptômes

Pour la collecte des pathogènes foliaires de I. cylindrica, le Bénin a été subdivisé en trois zones agroécologiques selon la segmentation de Ker (1992). Il s'agit de :

- la zone humide (ZH) au sud, située au dessous de la 7ème parallèle Nord, qui regroupe les départements de l'Atlantique, de l'Ouémé, du Plateau, du Mono, du Couffo et du Zou. Elle a une pluviométrie bimodale, caractérisée par une moyenne annuelle de 1200 - 1300 mm de pluie s'étendant sur 190 - 230 jours de mars à juillet et de septembre à novembre. La température moyenne annuelle est de 26,5°C avec une humidité relative de 75% en moyenne par an. L'insolation moyenne annuelle est de 2290 heures ;

- la zone subhumide (ZSH), se situant entre la 7è et la 9è parallèle Nord, regroupe les départements des Collines, du Borgou et de la Donga. Elle est caractérisée par une transition allant d'une pluviométrie de type bimodal à monomodal avec une moyenne annuelle de 1100-1200 mm couvrant 140-190 jours d'avril à octobre. La température moyenne annuelle est de 27°C avec une humidité relative de 60% en moyenne par an. L'insolation moyenne annuelle est de 2305 heures.

- la zone subaride (ZSA) située au Nord de la 9è parallèle, est constituée de l'Atacora et de l'Alibori. Elle a un régime de pluie monomodal caractérisé par une moyenne annuelle de 900 - 1000 mm de pluie couvrant 90-140 jours de mai à septembre. La température moyenne annuelle est de 27,5°C, l'humidité relative est de 50% en moyenne par an et l'insolation est de 2862 heures.

Les prospections ont été conduites en 2003 et en 2004. En 2003, elles ont été conduites en avril à raison de 60 champs par zone correspondant à la saison pluvieuse pour la ZH et la ZSH, et à la saison sèche pour la ZSA. En 2004, les prospections ont eu lieu en Août, ce qui correspond à la saison pluvieuse pour la ZSA et à la saison sèche pour les deux autres zones. Ici aussi, 60 champs ont été visités par zone. Au total, 360 champs ont été visités au cours des deux années. Pour chaque prospection, les coordonnées géographiques (GPS) des champs ont été enregistrées par un enregistreur de type «MAGELAN SporTrak PRO».

Les dimensions des champs étant variables selon les sites, une portion de champ
d'environ 0,5 ha est délimitée au hasard dans chaque champ. L'échantillonnage des

feuilles ayant présenté des lésions s'est fait sur cette portion de champ délimitée, en suivant les deux diagonales en zigzagant sur une bande de 4 m de large. Sur chaque plant, les feuilles présentant des symptômes sont délicatement coupées, étalées et mises en presse afin de les garder dans leurs formes initiales. Chaque échantillon est étiqueté par rapport au nom du village, au GPS du champ, la date de collection et la description du symptôme observé. Le nombre d'échantillons collectés par champ a varié de 0 à 10 en fonction de la fréquence des symptômes sur feuille.

2.2.2 Isolement des champignons à partir des feuilles malades

Une fois au laboratoire, les échantillons de feuilles ont été dépouillés, triés et soumis selon le cas, à un isolement direct ou indirect.

L'isolement direct a été réalisé lorsque des propagules (spores ou mycélium) du champignon suspecté ont été perceptibles à l'oeil nu ou au binoculaire à travers le symptôme. Il a consisté à enlever avec une aiguille stérilisée au feu d'un bec bunsen, la structure visible et de la transférer sur une boîte de Pétri stérile en plastique (9 cm diamètre) contenant du milieu gélosé (Eau-Agar, Annexe 1). Ce milieu est utilisé parce qu'il ne contient pas de substances nutritives, ce qui limite l'émergence des saprophytes qui pourraient se développer au détriment du pathogène recherché.

Lorsque les propagules n'ont pas été perceptibles nous avions suscité leur apparition en utilisant des chambres humides. Les chambres humides ont été faites de boîtes de Pétri dont l'intérieur est tapissé de deux papiers filtres humidifiés à l'eau stérile. Sur ces papiers filtres nous avions déposé le morceau de feuille prélevé à l'intersection de la lésion et du tissu sain, car le champignon est plus actif à cet endroit (Baxter et Van der Linde, 1997), ce qui facilite son isolement en culture pure. Après 3 à 5 jours d'incubation, les structures émergées grâce à la forte humidité de la chambre humide ont été transférées sur le milieu Eau-Agar.

L'isolement indirect a été réalisé dans les cas où la méthode des chambres humides n'a abouti à l'émergence d'aucune structure. Nous avions d'abord procédé à une stérilisation de surface par trempages successifs de petits morceaux (4 mm2) de feuille (prélevés à l'intersection de la lésion et du tissu sain), dans une solution d'hypochlorite de sodium à 1% pendant 1-2 mn, puis dans de l'alcool éthylique à 70% pendant 1-2 mn, suivi d'un triple rinçage dans l'eau distillée stérile. Après cette stérilisation de surface, les morceaux

de feuilles ont été séchés sur du papier filtre stérile avant d'être transférés aseptiquement sur le milieu Eau-Agar pour permettre l'émergence du pathogène à partir du morceau de feuille.

Dans tous les cas, les boîtes ont été incubées à 25oC pendant 4-7 jours, puis les colonies développées ont été aseptiquement transférées sur du milieu gélosé de Potato Dextrose Agar (PDA, Annexe 2). Ce milieu contient d'élément nutritif et permet le développement rapide du champignon isolé en culture pure. Pour chaque isolat, la forme, la couleur, la pigmentation de la culture pure obtenue ont été notées et les types de conidies produites ont été décrits.

2.2.3 Détermination de la pathogénicité: vérification du postulat de Koch

Les colonies d'isolats cultivés sur PDA ont été utilisées pour inoculer les jeunes plants obtenus à partir des semis (cf 2.1). L'inoculation a été faite à l'aide de minces couches (4 mm2) de blocs d'Agar contenant le pathogène, maintenus à la surface des feuilles à l'aide d'une mince mèche de coton préalablement mouillée à l'eau stérile. Les plants inoculés ont été par la suite incubés (28-30 0C) sous des sachets de plastique pendant 48 heures. Par traitement, trois plants ont été inoculés par isolat et sur chaque plant, c'est la feuille la plus âgée (5-7mm de large) qui a reçu l'inoculât. Après cinq jours, les feuilles nécrosées sont prélevées et les symptômes sont comparés à ceux observés au champ, puis l'agent responsable a été isolé à l'aide du milieu Eau-Agar à nouveau, en utilisant l'une des méthodes précédemment décrites au paragraphe 2.2.2. Les colonies obtenues après ce nouvel isolement ont été comparées (formes et couleurs des mycelia, couleur de la pigmentation et conidies produites) aux colonies ayant servi à l'inoculation. Lorsque celles-ci étaient identiques, et que les symptômes aussi étaient identiques à ceux observés au champ, nous avions conclu à la vérification du postulat de Koch.

2.2.4 Identification et conservation des pathogènes

L'identification des isolats ayant satisfait au postulat de Koch a été faite en se basant sur les structures (mycelia et conidies), à l'aide de clés dichotomiques et d'ouvrages d'identification. Deux documents principaux ont été utilisés. Il s'agit de :

- Cours Internationnal sur l'Identification des Champignon Agricoles et Evironnementaux (CABI, 2001)

- Genres illustrés des champignons imparfaits (Barnett et Hunter).

Après identification, les pathogènes ont été conservés au laboratoire sur silicagel, ou par la méthode de la cryopréservation (Nakasone et al, 2004) pour une conservation à long terme (Annexe 3).

Pour les prospections, les isolements, et la pathogénicité, les proportions des pathogènes, et les proportions de chaque espèce de pathogène ont été calculées par zone et ont été représentés par des digrammes de pie. Les nombres des différentes espèces collectionnées par zone et par département ont été présentés sous forme de Tableaux. Les proportions des pathogènes isolés ont été présentées sous forme de diagramme de pie, en fonction des zones et des saisons et les coordonnées géographiques de leurs origines ont été utilisées pour construire une carte de distribution.

2.3 Etude des caractéristiques physiques des isolats 2.3.1 Choix des isolats pour l'étude

Afin de réduire le nombre d'isolats pour l'étude des caractéristiques et les tests de virulence, et pour répondre aux contraintes de matériel et de temps, une double sélection a été faite pour réduire les isolats retrouvés sur I. cylindrica de soixante quatre (64) à douze (12).

La première sélection qui a tenu compte des espèces, des périodes de collection (année et saison), et des coordonnées géographiques, a permis de choisir quarante et un (41) isolat. Pour la deuxième sélection, les quarante et un (41) isolats ont été soumis à un test préliminaire sur de jeunes plantes exactement comme au paragraphe 2.2.3. Ce test préliminaire a été considéré comme le test de pathogénicité. Les symptômes obtenus après deux semaines d'infection ont été évaluées par notation du pourcentage de symptômes sur chaque feuille inoculée. Les moyennes de pourcentage de symptôme produit par chaque isolat pour 3 répétitions ont été alors calculées et les 12 isolats qui ont présenté un pourcentage de lésion supérieur à 3% ont été choisis. Cette limite est choisie parce qu'à partir des observations au champ et les tests préliminaires, nous avons constaté qu'une lésion due à un isolat donné est nettement visible à partir de 3% de la surface foliaire attaquée. Pour une comparaison des caractères, quatre (4) autres isolats, de D. gigantea, B. sacchari, E. longirostatum et E. rostratum, préalablement utilisés avec succès en formulation mycoherbicidique à l'Université des Florides (isolats exogènes)

ont été ajoutés aux 12 isolats indigènes pour la suite de l'étude. Ces 4 isolats stockés en tubes sur du PDA, ont été importés des Florides sous signature de certificat d'importation délivré par le Service de Protection de Végétaux du Bénin, et de d'accord de transfert de matériel délivré par l'Université des Florides.

2.3.2 Aspects et croissance radiale des colonies des isolats choisis sur Potato Dextrose Agar (PDA)

Des boîtes de PDA ont été ensemencées en pré-culture avec les isolats sélectionnés. Après une semaine d'incubation à 25oC à l'obscurité permanente, ces cultures ont servi à ensemencer les boîtes destinées à l'étude des aspects physiques et de croissance radiale. L'inoculation a été faite en utilisant une emporte stérilisée à l'alcool (96o) et au feu d'un bec bunsen, pour prélever sous une hotte à flux laminaire, un morceau de culture (5 mm de diamètre). Le morceau a été déposé au centre du milieu de culture avec la face mycélienne contre la surface de ce dernier. Ces morceaux ont été prélevés en bordure de culture où le mycélium est plus actif, et à un endroit équidistant du centre de la colonie mère. Quatre (4) boîtes (répétitions) ont été faites par isolat. Pendant sept (7) jours d'incubation à 25oC les variables suivantes ont été mesurées ou observées chaque jour pour déterminer les différences morphologiques entre isolats de même espèce et entre espèces.

· La croissance radiale ou diamètre (mm) des colonies est mesurée à l'aide d'une règle graduée;

· L'aspect physique des mycélia a été décrit après observation macroscopique: la

couleur de la colonie et la pigmentation en arrière de la boîte ont été déterminées

par simple observation, de même il a été vérifié si la colonie est adhésive ou

aérienne par rapport au milieu de culture. Lorsque la colonie a présenté des

mycélia aériens, il a été vérifié si ces mycélia sont abondants, cotonneux

(semblable à du coton), ou floconneux (en petites boules comme des flocons).

La croissance moyenne par isolat a été déterminée pour les quatre répétitions de même que les écarts types. Ceci a permis de faire des courbes d'évolution de la croissance radiale. Quant à l'aspect physique des colonies il a été décrit et présenté sous forme de photo.

2.3.3 Production en masse des spores

Le PDA n'a pas permis une production suffisante (106 spores/ml) de spores pour tous les

isolats. Alors pour étudier les formes et dimensions des spores, nous avons testé quatre (4) milieux et substrats.

2.3.3.1 Les milieux et substrats utilisés

- Le V8AGAR a été préparé en prenant 20% v/v de jus deV8 manufacturé auquel ont été

ajouté 2% p/v de la gélose (Agar) et 3g de carbonate de calcium (CaCO3) pour un litre de milieu de culture (Harigan, 1998). Ce milieu a été distribué dans des boîtes de 15 cm de diamètre après stérilisation pendant 15 mn à 121 0C à une pression de 1,2 bar.

- Le Bouillon de pomme terre enrichi aux sels minéraux (spécifique pour la production des spores de C. caudatum) a été choisi comme milieu liquide. Il a été préparé en râpant 200g de pomme de terre dans 1 litre d'eau distillée et en les laissant en solution pendant 1 heure de temps avant de les faire bouillir (5mn). Après filtration, il a été ajusté à 1 litre, puis il a été ajouté 20g de sucrose, 10g de Nitrate de potassium (KNO3), 5g dihydrogénophosphate de potassium (KH2PO4), 2,5g de sulfate de magnésium (MgSO4), 0,02g de chlorure de fer (FeCl2) avant que le pH n'ait été ajusté à 6. La solution ainsi obtenue a été distribuée dans des erlenmeyer de 250 ml à raison de 100 ml par flacon avant d'être stérilisé.

- Le substrat à base de rhizome de I. cylindrica (les tests préliminaires ont montré qu'il produit facilement les spores de Exserohilum) a été préparé en immergeant 100g de morceaux (1 cm) dans l'eau toute une nuit, puis en les stérilisant (121 0C à une pression de 1,2 bar) dans un erlenmeyer de 500 ml après avoir versé le liquide d'immersion.

- Le substrat à base de riz (utilisé par le projet LUBILOSA pour la production en masse des spores de M. anisopliae) a été préparé de la même façon que précédemment tout en utilisant des graines de riz enveloppées de la variété Nerica en place des morceaux de rhizomes.

2.3.3.2 Inoculation des milieux et substrats

Le V8Agar et le milieu liquide ont été ensemencés d'un explant (5 mm2) de culture de

champignon (5 jours d'âge). Pour le V8AGAR, l'explant a été déposé au centre du milieu
de culture et les boîtes ont été incubées à 25 0C pendant 15 jours. Les spores sont raclées
à l'aide de l'eau distillée et le mélange obtenu a été filtré à l'aide d'un morceau de

mousseline. Pour le milieu liquide, l'explant a été introduit dans les flacons contenant le milieu, puis ces flacons ont été soumis à une agitation de 200 tours/mn à la température ambiante (25 - 28 0C) pendant 15 jours.

Pour inoculer les substrats, nous avions récupéré les surfaces des cultures sur PDA dans 4 ml d'eau distillée stérile qui ont permis par la suite d'inoculer les 100g de substrat. Les flacons sont laissés incubés à la température ambiante (25 - 28 0C) sur les paillasses au laboratoire pendant 15 jours mais ils ont été agités fréquemment pour favoriser une bonne colonisation des substrats. Les substrats colonisés ont été par la suite suspendus dans 100 ml d'eau pour en extraire les spores produites après filtration.

La concentration des spores en filtrats (nombre de spores/ml) a été déterminée à l'aide d'un hématimètre (de type Neubauer (Hawhsley) avec un microscope à axes gradués de type Leitz qui permet de mesurer les dimensions des spores. L'hématimètre de NEUBAUER est une lame épaisse quadrillée. L'intersection du quadrillage donne une configuration de 25 carrés subdivisés en 16 autres petits carrés. Chaque petit carré à une surface de 1/400mm2 et une profondeur de 0,1 mm. Avant d'introduire la suspension à évaluer, on a placé la lamelle sur l'hématimètre. Pour respecter la profondeur de 0,1mm prescrite par le fabriquant il est important que la lamelle soit correctement adhérée à l'hématimètre (présence d'empreintes digitales). Une fois la lamelle placée, on a introduit à l'aide d'une micropipette une goutte de la suspension entre lame et lamelle. Cette dernière a migré par capillarité pour occuper l'intersection entre lame et lamelle donc le quadrillage qui a permis de compter aisément les spores.

Les formes et couleurs des spores (pigmentées ou non) sont décrites et leur dimensions sont prises sur un échantillon de 50 spores à l'aide de la graduation des axes du microscope à un grossissement X 100. Les dimensions sont données en micromètres en considérant les intervalles entre les minima et maxima. Pour les conidies ayant de flagelles, les dimensions de ces dernières sont prises en compte.

2.4 Etude de la virulence des isolats

La virulence des isolats a été étudiée aussi bien in vitro qu'in vivo. Les tests in vitro sont plus faciles (conditions d'expérimentation stables) et ont permis d'avoir rapidement d'information sur les isolats en peu de temps (6 jours). Cependant pour vérifier si dans le futur nous pourrions nous baser uniquement sur les tests in vitro pour conclure de la

performance des isolats, il a été nécessaire de compléter les résultats du test in vitro par un test in vivo qui prend en compte la plante entière avec toute sa physiologie.

2.4.1 Préparations des inocula utilisés

2.4.1.1 Les Suspensions de mycélia

Le mycélium de chaque isolat a été produit dans des flacons de 250 ml contenant 100ml

du milieu liquide Potato Dextrose Broth (PDB, 24 g/L). La production a été faite à l'aide d'un agitateur électrique de type GFL de fabrication allemande à raison de 120 tours/mn pendant 15 jours. Les mycélia produits ont été filtrés et séchés pendant 4 heures, sous la ventilation d'une hotte à flux laminaire de type ESCO, Classe II (Singapoure). Ils ont été ensuite mélangés dans une proportion de 5 g de mycélium pour 5 g de poudre de kaolin auquel a été ajouté le filtrat de culture jusqu'à avoir 100 ml de suspension. Ce mélange a été ensuite enrichi de la gélatine à 1% (pour assurer l'adhésion des morceaux de mycelium au tissu végétal) et de Tween 80 à 0,02 % (pour disperser les morceaux de mycelium) avant d'avoir été broyé à l'aide d'un moulinex pendant 30 secondes.

2.4.1.2 Les Suspensions de spores

Les spores ont été produites en utilisant les substrats ou milieux de cultures convenables à

chaque type d'isolat, après les résultats de l'étude sur la production en masse des spores (paragraphe 2.3.3). Les suspensions de spores obtenues ont été recueillies dans une solution de PDB enrichie de la gélatine à 1% et du tween 80 à 0,02%, puis ajusté à 106 spores/ml. à l'aide de l'hématocimètre.

2.4.2 Virulence in vitro

Nous avons utilisé des boîtes de pétri stérile, en plastique de 15 cm de diamètre

manufacturées par Fisher Brand, dont l'intérieur est tapissé de 2 papiers filtre de 15 cm de diamètre. Avant d'être déposés au fond des boîtes, ces papiers ont été imbibés de 4 ml d'une solution de glycérol à 20 % (pour éviter le dessèchement) et garder pendant longtemps l'humidité dans les boîtes. Au dessus des papiers filtres ont été déposées des pièces foliaires (13 cm de long) prélevées à la partie médiane (largeur homogène) des feuilles adultes (lignifiées) de I. cylindrica. Ces pièces ont été déposées (3 par boîte) de façon que leur surface adaxiale soit visible.

La suspension mycélienne de chaque isolat a constitué un traitement et chaque traitement a été répété trois fois (3 boîtes par traitement). La pulvérisation a été faite à l'aide d'un pulvérisateur en plastique de 22 ml à raison de 250 litres/ha (Bateman, 2002) soit 0,4ml (4 pulvérisations) d'inoculum (4 pulvérisations) par boîte de Pétri. Les témoins ont été pulvérisés uniquement d'une solution de PDB enrichie de 1 % de gélatine et de 0,02 % de tween seulement. Les boîtes ont été ensuite incubées sur les paillasses au laboratoire à une température de 25 - 280C.

Les symptômes ont été évalués chaque jour pendant 6 jours à l'aide de l'échelle suivante: 0= 0%, 1= 0-3%, 2 = 3-6%, 3 = 6-12%, 4 = 12-25%, 5 = 25-50%, 6 = 50-75%, 7 = 75- 88%, 8 = 88-94%, 9 =94-97%, 10 = 97-100%. Cette échelle a été inspirée des images de Clives, 1971 (Pourcentage de symptôme sur feuille de céréale après une infection causée par Drechslera gigantea).

2.4.3 Virulence in vivo

Le test de virulence in vivo est fait dans des pots installés dans des cages grillagés (pour éviter la confusion qui pourrait provenir d'éventuelles attaques d'insectes) où la température variait entre 24,4oC et 30oC et une humidité relative variant entre 60 et 96% (Figure 3). Les 16 isolats ont été inoculés séparément sous forme de suspension de mycélium et de suspension de spores pour comparer les deux méthodes d'inoculation (pour déterminer la meilleur façon de formuler chaque isolat). Les traitements ont été appliqués dans un dispositif de bloc complètement randomisé à quatre répétitions.

 

28

 

Figure 3: Cage d'expérimentation

L'inoculation a été faite comme précédemment sur les faces adaxiales des feuilles des plants placés dans un cadrant de 0,25 m2 à raison de 250 L/ha de suspension de spore (106 spores/ml) ou de mycélium (5%), soit 6,25 ml, soit 24 pulvérisations par cadrant à l'aide d'un pulvérisateur manuel de type Harry Brand Sprayer préalablement calibré (Figure 4b). Les plants témoins ont été pulvérisés uniquement d'une solution de PDB enrichie de 1% de gélatine et de 0,02% de tween seulement.

Après l'inoculation, les plants ont été disposés en dehors des cages sous une enceinte recouverte de sachet de plastique pendant 48 heures afin de favoriser l'humidité nécessaire au début de l'infection (Figure 4a).

a

b

Figure 4: Système d'incubation (a), pulvérisation simultanée des 4 plantes du même traitement (b)

Les variables suivantes ont été mesurées:

· Les classes des symptômes sur feuilles (anciennes, nouvelles et repousses) ;

· le nombre de fleurs ;

· le nombre de rejets ;

· le nombre de nouvelles feuilles ;

A la fin de l'essai, les poids secs des parties aériennes ont été mesurés :

Les moyennes des classes d'étendues des symptômes ont été calculées pour chaque jour quand il s'agissait du test in vitro et pour chaque semaine lorsqu'il s'agissait des tests in vivo. Ces moyennes ont été utilisées pour construire des courbes d'évolutions des symptômes.

2.5 Analyse des données

Toutes les données ont été saisies à l'aide du programme Excel. Le calcul des moyennes et des écarts types qui ont servi à tracer les différentes Figures, a été fait à l'aide du logiciel SAS 9.1 tandis que ces Figures ont été faites à l'aide du programme Excel. Pour le choix des isolats les plus virulents, les résultats des dernières évaluations (6 JAI pour le test in vitro et 6 SAI pour les tests in vivo) ont été soumis à une analyse de variance (ANOVA) en utilisant le logiciel SAS 9.1, suivie d'une séparation par le test de StudentNewman-Keuls (SNK) au seuil de 5%.

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