B. LA PROBLEMATIQUE DES FORCES ARMEES EN AFRIQUE.
L'Etat africain a, nous l'avons vu, du mal à porter un
projet de société. Il ne cherche qu'à satisfaire des
intérêts particuliers et les forces armées sont souvent
l'instrument de cette quête.
Au sortir de la colonisation, 2 types d'armées existent
en Afrique, les armées classiques nés du transfert de
compétences entre la métropole et ses ex-colonies et les
armées populaires soit nées de la lutte politique et militaire
pour l'indépendance soit nées après un brusque changement
de régime comme un coup d'Etat. Si les armées classiques se sont
longtemps distinguées des armées populaires par leur
éloignement de la sphère politique, la donne a changé car
les forces armées sont devenues avec le temps un instrument de pouvoir.
Loin de leurs prérogatives qui consistent à garantir la
souveraineté nationale et l'intégrité territoriale, les
forces armées se sont retrouvées dans la sphère politique
et l'espace public.
L'Etat africain y voit un double avantage : les forces
armées permettent aux dirigeants arrivés au pouvoir
illégalement ou désireux d'y rester de le conserver tout aussi
illégalement. A cet effet l'armée est soit façonnée
à l'image du chef de l'Etat en recrutant exclusivement dans son clan
d'appartenance ou alors elle est concurrencée et affaiblie par des
milices personnelles. Dès lors les caractéristiques de
l'armée classique sont sacrifiées sur l'autel de la politique car
les militaires rentrent dans le jeu politique. De plus l'armée perd son
rôle d'institution totale car elle ne permet plus le brassage des
identités présentes à l'échelle de la nation.
Les forces armées en plus d'être un instrument de
pouvoir deviennent un instrument de déstabilisation politique car une
fois introduit dans le jeu politique les militaires
ont du mal à se défaire du pouvoir, en
témoigne la longue tradition de régimes militaires qui se
perpétuent malgré la démocratisation. Elles sont un
élément de déstabilisation sociale par la confiscation du
pouvoir qu'elles permettent, les violences physiques et psychologiques qu'elles
exercent sur les populations et par les systèmes tentaculaires de
pillage, d'affairisme qui s'organisent et vampirisent des pans entiers de
l'économie et de la société.
Les forces armées perdent alors leur raison
d'être, leur éthique et leur rigueur confisquées par un
pouvoir politique qui y voit un allié ; un allié encombrant qu'il
est difficile de maîtriser et qui bien des fois finit par franchir la
ligne et se substitue aux autorités car le pouvoir appelle le
pouvoir.
2) Pour une autre vision de la
sécurité.
La nature des conflits africains nous poussent à nous
interroger sur la notion de sécurité et ses implications en
Afrique. Qu'entend-on par sécurité ? S'agit-il seulement de la
sécurité des Etats. Non car les conflits africains sont bien
entendu des conflits interétatiques mais avant tout ce sont souvent des
conflits intraétatiques qui mettent aux prises des acteurs d'un
même Etat. Le double caractère de ces conflits a pour
conséquence l'intrication des différents dilemmes de
sécurité mais surtout l'importance de la sécurité
humaine qui est un enjeu d'une extrême importance.
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