Le panafricanisme d'intégration comme réponse aux problèmes sécuritaires africains.( Télécharger le fichier original )par Cheikh GUEYE Université Jean Moulin Lyon 3 - Master Relations Internationales Sécurité Internationale et Défense. 2009 |
A. L'INTRICATION DES DILEMMES DE SECURITELes conflits africains se distinguent par leur dimension intraétatique. Ce sont des conflits identitaires qui mettent aux prises des groupes défendant des identités et qui se sentent menacés réciproquement. En Afrique ce sont souvent les ethnies qui portent le dilemme de sécurité, à l'image du génocide du conflit au Libéria où Kran, Mandingues, Mano et Gio s'opposèrent ou encore à l'image de la guerre en République Démocratique du Congo (RDC) où Hutu et Tutsis s'opposent. La dimension identitaire des conflits apporte une clé de lecture supplémentaire pour comprendre la dynamique des conflits. On constate qu'en Afrique les conflits interétatiques découlent souvent de l'extension de conflits d'abord intra-étatiques. Cette extension du conflit à une échelle régionale est possible d'une part parce que les Etats décident de s'affronter mais aussi parce que les espaces identitaires traversant les frontières permet l'extension du conflit aux pays qui sont traversés par ces espaces identitaires. L'exemple du conflit des Grands Lacs qui réunit la RDC, le Rwanda, le Burundi, l'Angola, l'Ouganda entre autres trouve son origine dans le génocide rwandais de 1994 ; la fuite des Hutus génocidaires en RDC voisine a permis la transposition du conflit Hutu-Tutsi sur le territoire congolais. Le facteur identitaire est omniprésent dans les conflits parce qu'omniprésent dans les Etats. Les Etats en place ne cherchent pas seulement à garantir l'intégrité de leur territoire, ils cherchent avant tout à maintenir leur pouvoir en place et ce quitte à mettre en danger l'intégrité de leur territoire ou à négliger leurs missions tels que la protection des civils. L'intrication des dilemmes de sécurité estompent les différences entre temps de paix et temps de guerre pour les civils ; des civils qui deviennent des acteurs des conflits en plus d' en être les victimes. B. LA SECURITE HUMAINE AU COEUR DE LA PROBLEMATIQUE SECURITAIRE.Outre l'imbrication des dilemmes de sécurité, l'autre aspect particulier des conflits africains repose sur la notion de sécurité humaine. En effet si les conflits ne reposent plus seulement sur les Etats, il est important de prendre en compte les identités et les individus qui les défendent ou en subissent les conséquences. La sécurité humaine a été construit pour protéger les individus et ce même contre l'Etat lorsque celui-ci sous prétexte de sa souveraineté, ne lui fournit pas la protection nécessaire. C'est un concept qui doit servir de base à l'ingérence humanitaire car l'objectif reste bel et bien la protection des civils qui sont confrontés à plusieurs menaces, une menace directe des combats qui met en danger sa sécurité personnelle, et des menaces indirectes nés des conséquences du combat comme l'insécurité sanitaire dont l'insécurité alimentaire est un volet charnière. A ce propos l'insécurité alimentaire est une grande caractéristique des conflits africains où l'approvisionnement en denrées alimentaires devient rapidement un enjeu conflictuel instrumentalisé par les Etats et les groupes belligérants. Si la sécurité humaine met peu l'accent sur les Etats c'est aussi parce qu'en Afrique , les Etats-nations n'ont d'Etats-nations que le nom , et donc pour appréhender les enjeux de la sécurité il est important d'identifier tous les acteurs qui gravitent autour de l'Etat. Dès lors l'Etat devenant un enjeu de lutte, il n'est plus le seul référentiel à prendre en compte la sécurité nationale devient un enjeu moins présent dans les conflits. Ce n'est qu'en prenant compte de ces changements que l'Afrique peut être capable d'établir une communauté de sécurité où tous les aspects de la sécuritaires sont pris en compte, de la spécificité des conflits africains et même de chaque conflit car aucun conflit ne se ressemble, on peut dégager des éléments semblables mais les dynamiques restent propres à chaque conflit. III. LA CEDEAO COMME EXEMPLE DE LA MISE EN PLACE D'UNE COMMUNAUTE DE SECURITE EN AFRIQUE DE L'OUEST. Comme cela a été dit dans la partie précédente, la réussite d'une communauté de sécurité repose sur les membres qui les composent, à savoir les Etats. Or l'Etat est en proie à 2 défis :comment gérer la nation ? Comment gérer ses relations avec les autres nations ? En Afrique, ces défis s'entremêlent souvent du fait de l'artificialité des Etats-nations qui composent le continent. Dès lors la réussite de la communauté de sécurité nécessite que ces actions ne soient dissociés l'une de l'autre et soient même conjuguées. La Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est un exemple de la mise en place d'une communauté de sécurité en Afrique, certes dans l'espace réduit qu'est l'Afrique de l'Ouest. Alors bien sûr la CEDEAO n'est pas la seule organisation régionale existante en Afrique mais elle fut la première. Cependant au-delà de son ancienneté, ce sont les circonstances de sa naissance, la région dans laquelle elle est née et son évolution qui sont les motivations de notre choix. Ainsi notre étude de cas se fera selon 3 axes : le passé à savoir la naissance de l'organisation, son présent puisque contrairement à ce que son nom l'indique la CEDEAO n'est pas demeurée une communauté simplement économique, elle a évolué pour répondre aux défis de la sous-région et l'une de ces réponses fut l'ECOMOG en matière de sécurité ; enfin son futur parce que l'évolution continue pourquoi pas vers l'extension de l'ECOMOG à l'échelle du continent et la naissance de forces armées communes africaines. 1) Pourquoi l'Afrique de l'Ouest ? En 1963, la création de l'OUA a consacré la victoire d'un panafricanisme minimaliste où l'intégration laissa place à la coopération. Parallèlement, en Afrique de l'Ouest et conformément à la diplomatie des cercles concentriques prônée par Léopold Sédar Senghor, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest voit le jour le 28 mai 1975. La « petite soeur » de l'OUA qui fut créée dans un but économique verra ses prérogatives s'étendre jusqu' à se démarquer par la remise en question de la non-ingérence, sacralisée par ces mêmes Etats à Addis-Abeba. L'ECOMOG est l'instrument de cette communauté économique qui a compris qu'elle ne devait dissocier communauté économique et communauté de sécurité. |
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