Section 2 : Les compagnies transnationales et le
commerce de la bananes
Le marché est dominé par les grandes firmes
multinationales en majorité américaines, qui font des
investissements importants dans la production de bananes. Ces
sociétés sont implantées en Amérique du Sud et en
Afrique.
On analysera dans les deux volets qui suivront, la
modernisation de la culture de la banane, ensuite l'impact de ces grandes
entreprises sur la production et l'économie des pays producteurs.
§1 : L'influence des compagnies
multinationales sur la production de bananes
L'exportation de la banane, comme fruit frais est une
activité délicate compte tenu de la nature périssable du
produit. Comme on l'a déjà souligné l'exportation de la
banane à grande échelle n'est possible qu'au début du
XXème siècle, avec le développement des transports
maritimes, terrestres, aériens et notamment des techniques de
réfrigération. De façon historique, c'est le
développement du chemin de fer et du transport maritime qui ont
favorisé l'essor de l'exportation de la banane.
L'activité devenant rentable, il n'est donc pas
surprenant que depuis le début du XXème siècle le commerce
de la banane soit dominé par des compagnies verticalement
intégrées, qui contrôlent généralement la
production, l'emballage, l'expédition, l'importation et le
mûrissage; soit de la production à la vente de détail. Ces
grandes firmes se sont implantées dans les différentes zones de
production de bananes et y ont consacré d'importants investissements
afin d'augmenter et améliorer leur production ; cela dans le but de
faire le maximum de profit.
Ces entreprises développent une production intensive
(plusieurs grandes plantations modernes de plus de 1000 ha), l'utilisation
massive d'intrants agricoles afin de minimiser les risques de maladies (le
bananier est une plante particulièrement vulnérable et le climat
tropical favorise la prolifération des ravageurs). Toujours dans
l'optique de faire du profit et de minimiser les risques climatiques, naturels
ou d'instabilité politique, ces compagnies ont diversifié leurs
sources d'approvisionnement (dès les années 1880, la Boston Fruit
Company s'approvisionnait en bananes en Jamaïque et achetait des terres
à Cuba et dans la République Dominicaine).
Produire et commercialiser en grande quantité, permet
aux multinationales de générer des économies
d'échelles à tous les stades de la commercialisation. La
production intensive se fait sur de très grandes surfaces ce qui
entraîne l'utilisation d'une main-d'oeuvre importante (les coûts de
la main-d'oeuvre sont rationalisés). Une production de grande envergure
permet de charger des cargos entiers, et de réduire le coût
unitaire du transport.
Ces grands groupes ont acquis des navires
réfrigérés afin de maîtriser la disponibilité
du fret maritime, ils ont aussi investi dans plusieurs innovations
technologiques en ce qui
concerne les installations portuaires, les installations de
stockage, de mûrissage, et de distribution dans la plupart des pays
exportateurs.
L'importance des multinationales bananières, telles que
DOLE, DEL MONTE, FYFFES et CHIQUITA dans la production des bananes, varie d'un
pays à un autre.
Dans les régions Sud-américaines, leur
implication directe dans la production est très forte; elles sont le
plus souvent propriétaires des plantations. En Afrique et en Asie, elles
exercent un certain contrôle sur la production,
généralement par le biais de co-entreprises. DEL MONTE est
présent au Cameroun, et CASTEL & COOK (Standard Fruit Commerce)
connu sous le nom DOLE FOOD Company Inc. au Cameroun et en Côte d'Ivoire
(par le biais d'une participation de 40 % dans une entreprise française
"La Compagnie Fruitière").
Il est estimé que près de la moitié des
bananes commercialisées par DOLE et DEL MONTE proviennent de leurs
propres plantations.
On peut souligner que l'implication des multinationales dans
la production bananière s'est modifiée au fil du temps. Elle
s'est renforcée à la fin des années 80, lorsqu'elles se
préparaient à l'ouverture de marché des bananes de la
Communauté européenne, mais celle-ci s'est affaiblie en 1993
(situation découlant de plusieurs problèmes au stade de la
production et de l'accès au marché devenant difficile). A ce
propos, FYFFES propriétaire de plantations en Jamaïque et au Belize
s'est à présent retiré. Aujourd'hui cette entreprise ne
possède plus de plantations mais achète des bananes à des
producteurs sous contrat. United Brands (United Fruit Commerce) connu sous le
nom CHIQUITA et DOLE ont réduit le nombre de leurs plantations en
Amérique du Sud.
Il faut retenir que le désengagement de ces firmes de
la production des bananes montre en partie qu'un changement de rapport de force
dans la filière s'est opéré; cela veut dire qu'il est
devenu plus important de maîtriser l'extrémité de la
filière en aval, que la production.
Cela se démontre bien avec le succès de
FYFFES.9
Doc 7 -- Logos de certaines multinationales
bananières installées en CI.
Abordons maintenant la question même de l'influence que ces
entreprises ont sur les exportations et les importations mondiales.
§ 2 : L'impact des multinationales sur les
importations et les exportations mondiales
Concernant les exportations, on peut remarquer que 43 % de la
production mondiale appartient à la variété Cavendish
(variété plus résistante, donc plus adéquate pour
le voyage de longue distance); 26 % de la totalité de Cavendish sont
exportés, ce qui signifie que seul 11% de la récolte mondiale de
bananes entrent dans les échanges internationaux. Selon les
spécialistes trois compagnies principales ont réalisé 56 %
des exportations mondiales de bananes.
On comprend alors que les multinationales contrôlent une
plus large part de la production à l'exportation du pays que leur part
de production pourrait le suggérer.
Elles établissent avec les planteurs indépendants
des contrats à long terme en plus de leurs propres productions.
Au Nicaragua par exemple, elles ne possèdent aucune
plantation, mais CHIQUITA commercialise près de l'ensemble de la
production du pays avec le concours de la société "Bananic". En
moyenne, les multinationales réalisent 80 % de la totalité des
exportations sud- américaines.
Les multinationales bananières bien que présente en
Afrique, en Côte d'Ivoire et au Cameroun notamment, représentent
moins d' 1/3 des exportations de ces pays, car des
9 Cette compagnie irlandaise a gagné des
parts de marchés dans la Communauté Européenne en
développant son réseau de commercialisation et distribution,
à la suite de la vigueur de la réglementation des importations
communautaires de bananes de 1993
entreprises de l'UE y sont déjà établies, il
en est de même pour les exportations des îles
caraïbéennes où elles ont une faible part à cause de
la position dominante de FYFFES.
On retiendra que la contribution des trois principales
multinationales bananières aux exportations mondiales a baissé
dans les années 90. Ces entreprises représentaient plus de 65%
des exportations en 1980, mais de nos jours, elles oscillent entre 56 et
59%.
Les importations mondiales de bananes de ces firmes sont
supérieures à leurs exportations. En effet, cela vient du fait
qu'en plus de leurs propres exportations, elles achètent des fruits
à d'autres exportateurs indépendants. Ces firmes dominent
l'Amérique du Nord (environ 90 % du marché), mais leurs parts de
marché en Asie et en Europe sont moindres. (DOLE est n°1 du
marché aux USA et au Japon, alors que CHIQUITA occupe la 1ère
place dans l'UE, DEL MONTE la 3ème aux USA, la 4ème dans
l'UE).
En somme, on dira que seules les trois premières
compagnies bananières ont importé des bananes entre 1970 et 1984,
et que ces importations ont augmenté avec régularité (47%
en 1972 à 65 % en 1980). Mais à partir de 1985, deux autres
compagnies bananières arrivent (NABOA et FYFFES) à la fin des
années 90. Néanmoins, en les combinant, leurs parts du
marché mondial s'élèvent environ à 85 %.
Multinationales (sièges)
|
Production/exportations
|
|
|
Chiquita Brand International (USA)
|
Costa Rica, Honduras, Guatemala, Panama,
Colombie, Indonésie, Côte-d'Ivoire, Cameroun, Equateur,
Martinique, Belize, Surinam, Jamaïque, Philippines, Rep.
Dominicaine, Iles Canaries
|
Dole Food Company Inc. (USA)
|
Costa Rica, Honduras, Cameroun, Côte-d'Ivoire,
Philippines, Indonésie, Colombie, Equateur, Nicaragua,
Venezuela, Jamaïque, Somalie, Iles Canaries
|
Del Monte Fresh Product (UAE, Mexique)
|
Costa Rica, Guatemala, Brésil, Mexique, Cameroun,
Philippines, Indonésie
|
Fyffes (Irlande)
|
Belize, Rep. Dominicaine, Iles du Vent, Costa Rica, Honduras,
Guatemala, Equateur, Colombie, Jamaïque, Surinam, Iles Canaries
|
Pomona (France)
|
Côte-d'Ivoire, Martinique, Guadeloupe, Equateur,
Colombie, Costa Rica
|
Geest (Royaume-Uni)
|
Iles du Vent, Costa Rica
|
Doc 8 -- Principales compagnies internationales actives sur
le marché de la banane dans l'UE. (Sources FAO)
Doc 9 - Répartition des parts de
marchés
CHAPITRE II : ORGANISATION DE LA FILIERE BANANE EN
COTE D'IVOIRE
Il faut souligner que le PIB de la Côte d'Ivoire
était estimé en 1992 à 8.73 milliards de dollars US. En
1994, le montant de ses exportations s'élevait à 2 804 millions
USD. L'UE absorbe 52 % de son commerce extérieur. Au sein de l'UE, la
France se confirme être son premier client avec 19 % de ses exportations
totales en 2003.
Les Pays-Bas suivent, essentiellement en raison de leurs achats
de cacao. Les USA arrivent en 3ème position, avec une part près
de trois fois inférieure à la France.
L'agriculture reste le secteur clé de
l'économie, occupant 60 % de la population ; elle représente 34 %
du PIB et 2/3 des ressources d'exportation. Les produits traditionnels
d'exportation sont le café et le cacao, qui occupent toujours la
première place des cultures de rente.
La Côte d'Ivoire est placée au 1 er rang mondial
pour la production du cacao, au 4ème rang pour le café. En dehors
de ces principaux produits, les cultures du binôme ananas et bananes
occupent une place non négligeable dans l'agriculture ivoirienne et
ceux-ci sont dans leur grande majorité destinés à
l'exportation. Le secteur seul de la banane représente environ 5 % du
PIB.
Concernant notre étude, on va se limiter à la
filière banane, notamment à l'organisation du transport du
produit. On note que jusqu'à la fin des années 1980, le transport
des bananes en Côte d'Ivoire, faisait l'objet du monopole de l'Etat
ivoirien sur les relations économiques extérieures. Cependant, la
politique ivoirienne sur le plan du commerce extérieur a connu une
réorientation. C'est ainsi que dans les années 90 elle fut
axée vers une ouverture du marché du transport, des bananes aux
sociétés étrangères.
On examinera ce chapitre en deux étapes ; d'abord la
production, avec l'association entre les nationaux et les firmes
multinationales, ensuite l'organisation même du transport des bananes.
Superficie 322 463
km2
Population (2000) 16 millions
d'hbts
Croissance démographique
(1994-2000) 2.8 par an
PIB (2000) 10 milliards C
PIB/ hbt 625 C
Taux de change (2002) 1 C= 655.96 F
CFA
Contribution au PIB (2000)
|
|
|
agriculture
|
29.2
|
%
|
industrie et mines
|
22.4
|
%
|
services
|
48.4
|
%
|
|
1999
|
2000
|
2001
|
Croissance du PIB
|
+ 1.6
|
%
|
-- 2.3
|
%
|
-- 0.9
|
%
|
Taux d'inflation
|
-- 0.7
|
%
|
-- 0.1
|
%
|
+ 4.8
|
%
|
Commerce Extérieur
(2000)
exportations FOB 4.0 milliards
C
importations CAF 3.3 milliards
C
Doc 10 - Chi22res clés de l'économie de CI
(sources BIRD)
|