La seconde phase du transport des bananes se déroulera
à l'intérieur du navire. Il faut dans un premier temps
préparer ces cales avant le chargement de la marchandise (§1), se
qui requiert des techniques spécifiques (§2) et une maîtrise
de la température ambiante (§3).
§1 Préparation des cales du navire
avant le chargement des bananes
Le transport est une "finalité" qui englobe une multitude
d'opérations, toutes aussi importantes les unes que les autres.
La préparation des cales se fait en plusieurs phases :
· Il faut d'abord nettoyer les cales et les caillebotis
pour ensuite pré-réfrigérer. Le nettoyage consiste en un
dépoussiérage efficace, car la poussière qui s'humidifie
durant le transport se transforme en moisissure, ce qui est un facteur de
contamination du chargement. Les cales sont ensuite lavées à
l'aide de puissants appareils d'eau sous pression.
· L'étape suivante est la désinfection et
l'élimination des odeurs dans les cales. En effet, les bananes absorbent
facilement les odeurs persistantes restant dans les cales. Le sol des navires
bananiers en général est recouvert d'un plancher en bois
parsemé de petits trous; cela pour mieux répartir la ventilation.
Ce système est appelé caillebotis (grating deck). Le
nettoyage est encore plus minutieux dans les navires avec des caillebotis en
aluminium.
Il faut pré-réfrigérer les cales
lorsqu'elles sont sèches. Cela pour s'assurer du bon fonctionnement des
installations frigorifiques et surtout pour accueillir les fruits à la
bonne température.
Généralement, les instructions données
par le chargeur prévoient la période pré
réfrigérée; au cas où elles ne prévoient
rien, certains armateurs conseillent de tester les installations avant tout
chargement au moins 24 heures à l'avance. Il faut vérifier que la
température dans la cale avant le chargement ne soit pas
inférieure à +8°c, sinon le fruit pourrait être
endommagé par le phénomène de "chilling", qui est le
givrage ou le gel de la pulpe du fruit, ce qui rend certainement les fruits
impropres à la commercialisation. Il faut aussi que la
température de pré-réfrigération soit
inférieure à celle qui sera de rigueur lors du transport, car
lors de l'ouverture des cales à Abidjan, la température
extérieure reste très élevée.
· La troisième phase consiste au chargement des
fruits dans les cales du navire.
Il est important de se pencher sur le problème du
conditionnement des bananes. Plusieurs techniques sont actuellement
utilisées avec chacune leurs avantages et leurs inconvénients. La
technique d'arrimage du chargement est déterminante du bon état
général de ce dernier à l'arrivée au port de
débarquement.
§2 Le chargement et l'arrimage des
bananes
De prime abord, il est nécessaire d'effectuer un
contrôle minutieux de la cargaison à quai, afin d'éliminer
tout régime de bananes ayant une maturation trop avancée, car
celui-ci pourrait contaminer toute la marchandise au cours du voyage.
Les bananes en général peuvent être
transportées de trois façons différentes :
En effet, elles peuvent être transportées soit
en vrac avec néanmoins leurs emballages cartons, elles peuvent
être palettisées (la palette est un accessoire destiné
à rationaliser la manutention' le stockage et le transport
des marchandises. Sa forme permet d'utiliser un chariot transpalette lors des
manipulations) ou conteneurisées (sachant que le conteneur ou
container en anglais est une caisse métallique en forme de
parallélépipède' conçue pour le
transport de marchandises).
En ce qui concerne la Côte d'Ivoire, depuis peu, les
bananes sont palettisées.
Les palettes ont les dimensions aux normes
européennes. Elles sont initialement construites en bois, mais
aujourd'hui on en trouve en matières plastiques ou avec des
matériaux de récupération (copeaux de bois
compressé...).
Le type de palette utilisé dans le transport de la
banane ivoirienne est la "palette Europe ou EUR PAL", c'est par ailleurs le
type de palette le plus utilisé dans les échanges commerciaux
avec l'Europe. Celles-ci peuvent contenir 48 cartons de bananes qui
pèsent environ 18.5 kg net.
La manutention est plus aisée avec ce type de
conditionnement, cela évite le maniement intempestif des cartons.
Lorsque les bananes étaient transportées en vrac, celles-ci
étaient directement exposées aux "coups", ce qui occasionnait
évidemment des pertes considérables.
Les palettes sont améliorées, et actuellement des
renforts latéraux facilitent l'empilement des cartons.
Doc 24 - Palettes de fruits en cales d'un navire polytherme
(1) et un exemple de palette (2)
Les opérations de chargement et d'arrimage à quai
incombent au transporteur qui doit les exécuter de façon
"appropriée et soignée"(art 38 Décret du 31décembre
1966). L'obligation est impérative et les opérations sont
effectuées sous sa responsabilité exclusive.
Le capitaine du navire doit veiller à l'état de
navigabilité de son bâtiment, au chargement, au bon arrimage et
à la préservation de la marchandise. Il élabore le plan de
chargement et s'assure de sa bonne réalisation.
Le chargement est l'opération qui consiste à
mettre la marchandise à bord du navire.
La mauvaise conception du chargement constitue alors une faute
commerciale de l'armateur ou de son représentant qui est le
capitaine.
L'arrimage est l'opération de répartition des
marchandises à bord du navire en fonction de leurs poids, de leurs
destinations; cet acte fait partie des obligations du transporteur.
Le transporteur doit porter une attention particulière
aux marchandises, doit apporter des soins ordinaires conformément
à la convention des parties. Pour le transport conteneurisé des
bananes, le transporteur doit s'assurer que la température, le
renouvellement d'air dans le conteneur sont conformes aux instructions
données par le chargeur.
D'autre par, si le transporteur ne s'estime pas à
même de remplir ses obligations, il doit refuser le transport. Par
exemple, il commet une faute s'il s'abstient de mettre en bon état de
marche les cales frigorifiques de son navire (Cour Appel d'Aix-en-Provence, 31
oct. 1978, Fabre/Cie des Bananes).
Il appartient au transporteur et non à
l'expéditeur, de fournir des câbles électriques afin
d'assurer le branchement sur le circuit électrique, des conteneurs
frigorifiques montés à bord du navire.
En transport maritime et comme dans tous les autres modes de
transport, l'emballage et le conditionnement incombent à
l'expéditeur (chargeur).
La défectuosité de l'emballage et du
conditionnement constitue au regard de la loi française et de la
Convention de Bruxelles une faute du chargeur susceptible d'exonérer le
transporteur de sa responsabilité. Le problème est qu'il n'existe
pas, sauf pour le transport de marchandises dangereuses, de
réglementation particulière précisant les
caractéristiques des emballages maritimes et du conditionnement
intérieur.
Pour le transport des bananes, les cartons et palettes
doivent être suffisamment robustes afin de supporter l'effet
d'écrasement lors des manutentions portuaires et des mouvements du
navire, etc...
"Les usages commerciaux constituent un critère
essentiel pour l'appréciation de l'adéquation de l'emballage. Par
conséquent, le transporteur ne peut invoquer une insuffisance
d'emballage lorsqu'il est établi que celui-ci est conforme aux usages du
commerce", selon le Lamy Transport (édit. 2006), c'est dire que
le transporteur peut invoquer l'insuffisance d'emballage, mais doit prouver que
les avaries par exemple sont liées au défaut d'emballage, par
conséquent il y a une relation de cause à effet.
1- La présentation et la prise en charge de
la marchandise
Les marchandises doivent être correctement
emballées, marquées, arrimées, avant d'être remises
par le chargeur, en temps et lieux fixés par les parties. (ex: à
quai, le long du navire X, un jour avant le début des opérations
de chargement).
En cas de non-respect de cette obligation, le chargeur devra
payer une indemnité correspondant au montant du fret convenu. Cependant,
il faut veiller à ne pas confondre contrat de transport et prise en
charge de la marchandise. (Rodière R. Affrètement et
transport, tome II, n°504). Le contrat de transport, de nature
consensuelle, se forme dès que les parties sont d'accord sur les
modalités de l'opération. Mais le transporteur n'est pas
responsable des marchandises puisqu'elles ne sont pas encore en sa possession.
La prise en charge est l'acte par lequel le transporteur devient responsable de
la marchandise, aussi bien sur le plan physique que juridique.
En pratique, le transporteur retarde au maximum le moment de
la prise en charge des marchandises. C'est là qu'interviennent les
"liner terms" qui définissent le moment de la prise en charge.
Le plus fréquemment utilisé est le "sous palan", qui a comme
conséquence que toute la phase "ante palan" est exclue du contrat de
transport, à savoir, les dommages subis par la marchandise pendant leur
séjour à terre.
La prise en charge des marchandises est attestée par un
document qui est écrit, c'est le "mate's receipt" ou le
"board receipt" qui fait office de reçu de celles-ci.
2- Les opérations de chargement de la
marchandise
Après avoir choisi le mode de conditionnement le plus
approprié au navire utilisé, il faut charger la cargaison de
façon à ce que la réfrigération soit optimale ;
c'est à dire qu'il faut favoriser la circulation de l'air
insufflé dans les cales. Il faut alors éviter les espaces
superflus entre les palettes afin que l'air se propage de façon
équitable dans toute la cale et ventile tous les cartons.
L'utilisation de sacs gonflables appelés "air-bag" permet
de combler ces passages et en même temps évite à la
marchandise d'être endommagée durant le transport en la maintenant
en place.
Aux termes de l'article 38 du décret de 1966, les
différentes opérations de chargement et de d'arrimage à
bord du navire incombent au transporteur, qui doit les exécuter de
façon "appropriée et soignée". L'obligation est
impérative et les opérations de manutention sont
effectuées sous sa responsabilité exclusive.
Les bananes sont de plus en plus stockées dans des
conteneurs réfrigérés pour le voyage vers l'Europe. Le
conteneur présente l'avantage de protéger efficacement la
marchandise.
Cependant, lors de l'empotage, les marchandises doivent
être correctement arrimées et le conteneur bien
équilibré, afin d'éviter tout mouvement de la marchandise
pendant les différents efforts subis par le conteneur, lors de la
manutention ou même du transport
principal. Les soins apportés lors de l'empotage du
conteneur tant au niveau du calage que de la disposition interne des
marchandises sont d'une grande importance. Le défaut d'arrimage
constitue une faute du chargeur, dans le cas où cette opération
lui incombe. Le transporteur peut être responsable des dommages à
la marchandise, s'ils sont liés à la défectuosité
du conteneur, lui-même fourni par ses soins.
En outre, il faut noter que le transporteur maritime doit
apporter lors du déchargement des marchandises au port d'arrivée,
les mêmes soins dispensés pendant son chargement.
Il répond également des dommages
occasionnés pendant le déchargement.
Une fois l'arrimage terminé, le navire est fin prêt
pour le départ. Cependant, il faut que la température ambiante au
niveau des cales soit maîtrisée pendant le voyage.
Doc 25 -- Chargement de navires au port d'Abidjan
§3 Maîtrise de la
température
Le plus difficile durant le trajet, est de ne pas laisser
mûrir le fruit avant son arrivée au port de destination. Une fois
déchargées, les bananes sont transportées dans des
mûrisseries spécialisées (ex: la mûrisserie Cavaillon
pour les bananes déchargées à Port Vendres).
Des instructions sont données par le chargeur ou par
le producteur au transporteur comme on l'a déjà expliqué.
Chaque chargeur donne les instructions qui lui sont propres au transporteur,
par conséquent, les techniques de ventilation peuvent varier selon les
expériences de chacun. Néanmoins toutes les instructions des
différents chargeurs en Côte d'Ivoire sont pratiquement
identiques, car la plupart des plantations produisent la même
variété de bananes.
Ces diverses instructions sont appelées "instruction
of carriage" en anglais.
Les instructions de la SCB22 et de la CDBCI en
Côte d'Ivoire, prévoient un refroidissement préalable des
cales à environ +8°c, et une température de transport de
+13.3°c. Elles précisent qu'après le chargement de chaque
cale la ventilation doit être poussée à son maximum pour
atteindre la température de transport souhaitée le plus
rapidement possible (24 à 36 heures).
Il faut que les ouvertures d'air frais restent fermées
pendant les 24 premières heures après le chargement, ensuite que
celles-ci soient grandement ouvertes tout en prenant garde que cela n'affecte
pas la température établie dans les cales. Cette manipulation est
effectuée pour faire baisser la température élevée
des fruits, du fait de la chaleur du milieu tropical qui oscille en
général, entre 28 et 32°c. Cette température est
appelée le "fieldheat".
Au cas où un mûrissement précoce est
remarqué dans le carton ou à un endroit précis du
chargement, il faut immédiatement retirer les fruits en question de la
cale si cela est possible, car à ce niveau les bananes ne sont pas
toujours accessibles.
Les fruits mûrissant produisent de
l'éthylène*qui va contaminer le reste de la marchandise, l'on
risque alors la perte totale de la cargaison à l'arrivée.
Techniquement, il ne faut pas que la concentration d'éthylène
dépasse 0.8 parts par million (concentration normale : 0.5 ppm).
La mesure de ce gaz pose en pratique de nombreuses
difficultés car aucun moyen de contrôle efficace n'est disponible
aujourd'hui.
Le dioxyde de carbone CO2 est aussi un gaz présent lors
du transport des bananes. Il est dû à la "transpiration des
fruits". Il produit les mêmes effets sur les fruits que
l'éthylène. Pour contrôler sa concentration, on augmente la
quantité d'air frais dans les cales en élevant la vitesse de
ventilation.
22 Société de Culture Bananière
(filiale de la Cie Fruitière, dont la multinationale DOLE possède
des parts).
Lorsque la température est mal maîtrisée
et baisse de façon excessive, il peut y avoir le phénomène
de givrage. Il faut donc une attention particulière parce que dès
les +12.8°c, ce processus peut intervenir. On remarque que lorsque la
banane est gelée, sa peau se teinte d'un voile gris qui ne
disparaît plus malgré un réajustement de la
température (under peel decoloration). Aussi cette avarie peut
provenir de l'arrosage trop abondant lors de la culture de la banane. Il y a de
ce fait des preuves qui peuvent être établies lorsque la
responsabilité du transporteur est engagée, sauf en cas de pluies
abondantes pendant la période de mûrissement du fruit sur le
bananier. Dans le cas d'espèce, une enquête doit être
diligentée.
Les prises de températures sont à effectuer
régulièrement pendant le transport (environ toutes les 4 heures).
Il faut vérifier la température de l'air à la source
(air delivery) et à la sortie (return air). Pour se
faire des thermomètres sondeurs sont installés dans les cales
à plusieurs endroits stratégiques. Ceux-ci sont fixés sur
les fruits pour prendre la température de la pulpe, ce qui facilite et
précise les contrôles. Malheureusement tous les navires ne
disposent pas d'une telle technologie.
Doc 26 -- Machine principale d'un système de
réfrigération d'un navire "bananier"